FORMATION SUR LE FILM Les rêves dansants, sur les pas de Pina Bausch d'Anne Linseil et Rainer Hoffmann Le mercredi 15 janvier 2014, l’association Collège au Cinéma 37 recevait Erwan Cadoret, enseignant en cinéma, pour parler du film documentaire Les rêves dansants, sur les pas de Pina Bausch d'Anne Linsel et de Rainer Hoffmann programmé pour les élèves de 4ème/3ème. INTRODUCTION Ce film raconte les répétitions et la première d'une pièce créée en 1978 par Pina Bausch, Kontakthof. Cette pièce est importante dans la vie de Pina Bausch, grande figure de la danse contemporaine des 30-40 dernières années. Deux films peuvent permettre d'introduire Les rêves dansants, sur les pas de Pina Bausch : Billy Elliot peut permettre ainsi de se débarrasser d'un certain nombre de clichés (danse pour les filles, homosexualité). Pina Bausch, premier documentaire d'Anne Linsel, peut introduire les thématiques présentes dans Les Rêves dansants et se marie assez bien avec les préoccupations adolescentes exprimées dans le documentaire. Versions Kontakthof : 1978 : danseurs de 30 à 40 ans 2000 : danseurs de plus de 65 ans 2008 : danseurs de 14 ans Affiche de Kontakthof (version 2000) : Ce film est une co-réalisation d'Anne Linsel, réalisatrice et de Rainer Hoffmann, cameraman. Anne Linsel est une documentariste sur l'art, spécialisée dans la télévision (Pablo Picasso). Sa grande obsession est Pina Bausch à qui elle va consacrer deux documentaires. Son premier documentaire, réalisé en 2000 était sur la ville de Wuppertal où est installé le théâtre de Pina Bausch, le Tanztheater de Wuppertal. 2006 : Pina Bausch 2010 : Les rêves dansants, sur les pas de Pina Bausch Anne Linsel Extrait de Pina Bausch, documentaire d'Anne Linsel réalisé trois ans avant Les rêves dansants, sur les pas de Pina Bausch* Tout comme dans Les rêves dansants, la réalisatrice se met à distance de Pina Bausch, lui donnant ainsi une aura un peu mystérieuse. Dans Les rêves dansants, l' implication de la chorégraphe est moindre, elle a un rôle de supervision contrairement à son portrait dans le premier documentaire. Rainer Hoffman Il est chef opérateur et réalisateur de documentaires allemand, actif depuis la fin des années 1980. Après Les rêves dansants, il a réalisé deux autres documentaires. * Les extraits sont disponibles à l'association Collège au Cinéma 37 1 Lieu de l'action Wuppertal n'est pas reconnu parce que c'est une grande ville mais par son théâtre de danse qui a un rayonnement mondial du fait du travail de Pina Bausch. Il y a deux spécialités dans Wuppertal, présentes dans le documentaire : le théâtre de danse et le train suspendu. le documentaire Les rêves dansants nous présente des adolescents qui vivent dans cette ville, mais sans connaître Pina Bausch et n'ayant jamais pratiqué la danse. Pour Erwan Cadoret, à l'origine ce documentaire était destiné au public allemand et s'il est sorti en France, cela est certainement dû au décès brutal de Pina Bausch en juin 2009. Wuppertal En 2010-2011, trois films sont sortis au cinéma en hommage à Pina Bausch : Octobre 2010 : Les rêves dansants, sur les pas de Pina Bausch d'Anne Linsel et de Rainer Hoffmann Février 2011 : Black Swan de Darran Aronofsky Avril 2011 : Pina de Wim Wenders I – LES RÊVES DANSANTS, UN FILM DANS LA LIGNÉE DU « FILM DE DANSE » Malgré sa qualité documentaire, Les rêves dansants, sur les pas de Pina Bausch se rattache à la catégorie "film de danse". Ce terme est assez vague et ne correspond pas à un genre au cinéma comme peuvent l'être le western, la comédie musicale ou le mélodrame. Ces genres ont eu leur heure de gloire à Hollywood où ils avaient leur propre département dans les studios. Le film de danse est un genre qui émerge à la faveur du déclin de la comédie musicale et qui peut être considéré comme un sous-genre. Il reprend finalement une architecture dramatique d'ensemble similaire à celle de certaines comédies musicales. On pourrait dire que le film de danse est en quelque sorte "l'enfant illégitime" de la comédie musicale. A partir des années 1960, le film de danse s'autonomise pour proposer un certain nombre de thèmes, de problématiques et de solutions formelles qui permettent de définir un genre. Le côté contemporain de la danse est souvent associé avec le music-hall ou avec le cabaret. Pour Les rêves dansants, le documentaire place la danse contemporaine dans des lieux traditionnellement dévoués au cinéma et à la danse classique : la salle de répétition et la salle de théâtre. Quelques rappels sur la comédie musicale : 1927 : débuts de la comédie musicale aux États-Unis avec l'apparition du film sonore. Elle va se transporter dans la plupart des pays européens et extra européens car ces pays ont des traditions scéniques, théâtres et musicales antérieures au cinéma, qui va donc adapter les traditions de chaque pays à la comédie musicale (exemple : Bollywood, dernière industrie qui maintient le genre). La comédie musicale à Hollywood est extrêmement importante et draine un large public. L'âge d'or du genre se situe entre le début des années 1930 et la fin des années 1950 Ce genre conçoit la danse davantage du côté du music-hall que du classique, c'est-à-dire que les artistes de la comédie musicale sont à la fois danseur, chanteur et musicien (par exemple : Fred Astaire ou Gene Kelly). Dans ce cadre-là, la danse est aussi importante que le chant et la musique. Il n'y a pas de film de danse totalement "autonome". * Les extraits sont disponibles à l'association Collège au Cinéma 37 2 La comédie musicale a une dimension poétique très forte faisant basculer le réel, en grande partie, par la danse, en particulier grâce à la danse, qui permet de transformer le réel et de le faire "basculer" dans la poésie. Les rêves dansants, sur les pas de Pina Bausch n'est pas présenté comme une comédie musicale mais chez Pina Bausch et dans ce documentaire, les gestes du quotidien peuvent être utilisés au sein d'une chorégraphie en acquérant ainsi une valeur poétique. Les chorégraphies de Pina Bausch posent des questions sur le corps, sur le rapport entre le collectif et l'individu. A travers la danse, comment exprimer les problèmes contemporains de notre rapport, nous individus, au collectif ? Comment appartenir au collectif ? Comment se détacher du collectif ? Comment refuser le collectif ? Comment lui échapper ou ne pas lui échapper ? Toutes ces questions sont posées par Pina Bausch dans ses chorégraphies et dans le documentaire, d'autant plus pertinentes qu'elles s'appliquent à des adolescents tout à fait concernés par ces questions, sans disposer nécessairement des armes intellectuelles et critiques pour se défaire de cette confrontation, parfois violente. C'est à ce moment-là que la danse de Pina Bausch intervient. En sublimant des situations qui, dans le quotidien, ne sont pas forcément faciles, Pina Bausch va permettre aux lycéens de se détacher et d'exprimer ce rapport individu/collectif à travers la danse. La danse apparaît alors comme un premier pas dans la révélation de ces questions. Et en jouant ces rapports sur scène, dans le cadre d'une représentation d'un spectacle, on peut les circonscrire, les rendre moins dangereux et ainsi les domestiquer. L'un des intérêts de la version "junior" de Kontakthof est cette domestication de la violence sociale (de l'individu, du collectif), qui n'apparaissait pas de la même façon dans les deux précédentes versions, puisque Pina Bausch travaille autour de la violence sociale et de la violence affective, rapports parfois violents entre hommes et femmes. La comédie musicale apporte la structure narrative de base au documentaire Les rêves dansants, en particulier le découpage en trois "actes" que nous retrouvons aussi dans les films de danse : audition, répétitions et première du spectacle. Extrait du film Un américain à Paris* Ce film montre que le quotidien est sublimé par la danse et la musique qui favorisent ce glissement du réel vers quelque chose d'onirique et de poétique. Pina Bausch a grandi avec ces films et nous pouvons penser que la modernité de Gene Kelly l'a inspiré. Le quotidien est une source d'inspiration pour la danse de Gene Kelly tout comme pour celle de Pina Bausch. Dans l'extrait, le personnage rejoue sa vie quotidienne parisienne sous forme onirique, rêvée et sous forme dansée. Si nous reprenons la scène de Chantons sous la pluie où Gene Kelly chante Singin in the rain, la ballade sous la pluie a su être transformée en danse et en chant. Pour Erwan Cadoret, Gene Kelly pourrait être une référence pour Pina Bausch, avec cette idée d'introduire les gestes du quotidien dans la danse contemporaine. Pina Bausch a su sortir la danse du cadre scénique du théâtre et la déplacer dans des décors urbains. Comédie musicale "de coulisses" L'histoire des Rêves dansants s'en inspire, avec les mêmes codes (audition, répétition et première) mais avec un traitement inégal. La comédie musicale de coulisse se passe dans un espace clos fonctionnant en quasi autonomie par rapport au réel extérieur, comme dans un microcosme. La concentration de ce projet collectif passe par l'enfermement de ces adolescents. Il y a sûrement des fenêtres dans cette salle de danse mais aucune source de lumière naturelle n'est visible à l'écran. Découpage Le choix des documentaristes dans Les rêves dansants est de donner la plus grande place aux répétitions en raison de la problématique qu'ils veulent aborder ; les répétitions vont leur apporter des éléments de réponses où la timidité, la peur et l'hésitation sont encore permises. Auditions : 1 h 04* > l'ami de Rosario évoque l'audition en disant qu'il regrette de ne pas être dans le même groupe que son ami. Cependant, nous ne voyons pas les adolescents passés devant Jo Ann Endicott et Pina Bausch. Ainsi le choix de la répartition des danseurs dans les deux groupes n'est pas traité comme un élément de suspense.. * Les extraits sont disponibles à l'association Collège au Cinéma 37 3 Répétitions : la majorité du film se passe soit dans une salle de danse soit sur scène ce qui permet aux réalisateurs de nous montrer les deux espaces. Représentation : généralement, dans les films de fiction, la représentation est le moment le plus long et le plus spectaculaire. Ici ce moment est évoqué, mais sans être privilégié. Les réalisateurs reprennent en général les aspects de la comédie musicale sans le côté spectaculaire. Les rêves dansants, sur les pas de Pina Bausch s'inspire de la comédie musicale pour créer une architecture permettant de composer le film avec des moments qui parlent aux spectateurs. Si le film joue parfois sur une certaine confusion entre ces différents moments, il veille à rester sur un terrain bien balisé par les réalisateurs et par les spectateurs. Il ne faut pas sous-estimer notre habitude des codes cinématographiques de fictions. En effet, nous sommes habitués à ce que les histoires de danse soient racontées de cette manière et les spectateurs sortiraient frustrés du film s'il ne montrait pas la représentation finale, même partielle, comme c'est le cas ici. Les spectateurs retrouvent dans les scènes finales des situations, des associations de plan typiques de la comédie musicale : interactions entre la scène et les coulisses pour que les spectateurs aient le sentiment qu'ils sont proches d'eux des acteurs (extrait n°15*). Cet extrait montre les personnages importants du film. Pour que l'inspiration de la comédie musicale ne soit pas trop évidente, les documentaristes mettent en place les grandes étapes de la comédie musicale et font par la suite des aller-retours incessant entre le présent, le passé et le futur. Le spectateur ne sait jamais trop à quel moment des répétitions ils se trouvent et les changements de lieux permettent de le savoir. Un documentaire linéaire aurait pu être réalisé avec les différentes étapes mais Pina Bausch, elle-même, travaille souvent sur l'éclatement : ses pièces racontent rarement une histoire du début à la fin et il n'y a pas forcément de lien de cause à effet ou de lien dramatique narratif entre les scènes. Les pièces de Pina Bausch sont souvent davantage réunies par un discours, des gestes que par des cohérences dramatiques ce que l'on retrouve dans le film (extrait n°16* : la jeune fille raconte son suicide). Cette scène de suicide peut être compliquée à évoquer avec les élèves et ce sera en fonction du ressenti de chacun. Il faut insister sur l'idée que l'un des intérêts de Kontakthof est qu'en fonction des acteurs qui interprètent la scène, le message est différent. En effet, l'adolescent ne véhicule pas le même message qu'une personne de plus de 65 ans et il serait intéressant de comparer les deux séquences. Le corps est un facteur d'interprétation conscient ou inconscient selon la personne qui joue le rôle. Le documentaire reste une manipulation de l'image et de la parole, comme dans un film de fiction. Au début, la caméra gêne le déroulement des répétitions et plus le film avance, moins la présence de la caméra est ressentie. Extrait des "déhanchements" du film Les rêves dansants (Extrait n°55*) : Cet extrait est mis en parallèle avec la scène des Temps modernes (Extrait n°56)* qui utilise la même musique. Toute la musique de Kontakthof est enregistrée entre 1930 et 1935 et est utilisée pour des raisons propres à Pina Bausch. Elle est née en 1940, ses parents tenaient un café et ces musiques l'ont "nourrie". Cette musique est liée à l'entre-deux-guerres, au théâtre (Brecht). Les deux séquences peuvent être comparées pour se rendre compte de l'influence de Charlie Chaplin dans la séquence du spectacle de Pina Bausch : les déhanchements, le fait de tourner ses fesses vers le public, les aller-retours. Autres films de danse fondateur de ce genre : Les chaussons rouges d'Emeric Pressburger et Michael Powell (Extrait n°18)* : Synopsis : Vicky, danseuse, et Julian, compositeur, sont engagés dans une troupe de ballet. Tyrannique, le directeur pousse Vicky à s'identifier à l'héroïne du ballet "Les Chaussons rouges". Elle y sacrifie tout, même son amour pour Julien. Ce film n'est pas une comédie musicale mais un film sur la danse où il y a très peu de danse. Les morceaux habituellement chantés sont remplacés par des morceaux dansés. Ce film marque la première étape de la transition entre la comédie musicale et le film de danse. Ce dernier se détache de la comédie musicale au fur et à mesure que celle-ci déclinera à Hollywood. * Les extraits sont disponibles à l'association Collège au Cinéma 37 4 Suspiria de Dario Argento (Extrait n°20)* : Synopsis : Suzy, une jeune Américaine, débarque à Fribourg pour suivre des cours dans une académie de danse prestigieuse. A peine arrivée, l'atmosphère du lieu, étrange et inquiétante, surprend la jeune fille. Et c'est là qu'une jeune élève est spectaculairement assassinée. Sous le choc, Suzy est bientôt prise de malaises. Et le cauchemar ne fait qu'empirer : le pianiste aveugle de l'école meurt à son tour, égorgé par son propre chien.... Suzy apprend alors que l'académie était autrefois la demeure d'une terrible sorcière surnommée la Mère des Soupirs. Et si l'école était encore sous son emprise ? Ce film, très influencé par Les chaussons rouges, donne l'idée que la qualité de liberté de corps est souvent liée à l'adolescence. Comme dans Les rêves dansants, la sensation d'enfermement est suggérée par la mise en scène. La salle de répétition est un lieu clos, tout le monde est concentré sur la danse et l'extérieur ne doit pas interférer. Black Swan de Darran Aronofsky (Extrait n°22)* : Synopsis : Rivalités dans la troupe du New York City Ballet. Nina est prête à tout pour obtenir le rôle principal du Lac des cygnes que dirige l’ambigu Thomas. Mais elle se trouve bientôt confrontée à la belle et sensuelle nouvelle recrue, Lily... Ce film relie la danse et le cinéma muet, également présents dans le documentaire Pina Bausch. Sans avoir vu le film, le spectateur sait déjà que ce film parlera de la solitude, de l'épuisement du corps. Le cinéma n'est jamais très loin dans la danse de Pina Bausch. D'une part, le cinéma peut être présent pour les danseurs et dans le documentaire, cela est montré par la réflexion de l'ami de Rosario sur le film de Stephen Daldry, Billy Elliot (le cinéma aide l'ami de Rosario à accepter l'idée de danser, de se mettre en scène physiquement). D'autre part, dans certains numéros de Kontakthof, les références à certains films sont très claires et permettent de mieux comprendre la chorégraphie. II – RELATION ENTRE LES DANSEURS ET LA CHOREGRAPHE Habituellement, la relation entre le chorégraphe et les danseurs marque le sujet central du film mais dans Les rêves dansants, la relation est établie essentiellement entre les danseurs et Jo Ann Endicott. Jo Ann Endicott, bras droit de Pina Bausch, est une de ses anciennes danseuses et c'est elle qui la représente dans ce documentaire. Les relations entre Pina Bausch et Jo sont très peu évoquées. En 1978, c'est Jo qui jouait le rôle de la fille en rose, reprise par Kim dans la version 2008. Un effet miroir est donc présent pour Jo qui dirige quelqu'un ayant joué le même rôle ; elle a rencontré les mêmes difficultés que Kim et est donc bien placée pour lui transmettre la chorégraphie. Cette relation particulière avec la chorégraphe est aussi liée avec les conditions de réalisation de ce spectacle : Pina Bausch est retenue par la préparation d'un autre spectacle. Pina Bausch n'a pas le temps de répéter bien qu'elle apparaît au début du film au centre des adolescents (Extrait n°35*) ce qui peut faire penser aux spectateurs qu'elle sera un personnage central alors que finalement, c'est Jo qui mènera les répétitions. Pina Bausch réapparaît dans le film au bout d'une demi heure et quand elle revient, chacun vaque à ses occupations sans se soucier de son arrivée. Après le filage, elle n'a pas le temps et regrette de ne pas pouvoir s'occuper des adolescents (Extrait n°37*) mais cette séquence sera rééquilibrée quand Pina Bausch distribuera une rose à chaque adolescent sur scène à la fin de la représentation (1 h 25 minutes 24 secondes). Sachant que Pina Bausch n'aime pas s'exprimer et qu'elle a construit sa personnalité sur sa réserve, Anne Linsel a su présenter l'aura de Pina Bausch d'une façon intéressante. Pina Bausch a un côté très "grande dame de la danse" qui impressionne les adolescents. Alors que les adolescents sont dans la discussion avec Jo, ils sont dans l'écoute avec Pina Bausch et elle reste à distance d'eux pour ne pas leur donner des illusions et pour que son autorité puisse véritablement fonctionner. Jo "met de l'huile dans les rouages" avec son acolyte, Bénédicte Billiet. Si nous étions dans le conte de fées, nous pourrions dire que Pina Bausch jouerait le rôle de la marâtre et que Jo et Bénédicte seraient les bonnes fées qui se pencheraient sur le berceau des adolescents. * Les extraits sont disponibles à l'association Collège au Cinéma 37 5 Dialogue Pina Bausch /Jo (Extrait n°39*) (1 h 02 minutes 17 secondes) : Dans cet extrait, lorsque Pina Bausch critique le fait que les adolescents comptent encore beaucoup sur Jo, cette dernière intervient en rappelant qu'il y a encore des répétitions et se place ainsi totalement du côté des danseurs. Erwan Cadoret croit que Jo est toujours du côté des danseurs même si ce ne sont pas des adolescents et que Pina Bausch est du côté des chorégraphes ; la balance entre les deux va créer une synergie. La question même sous-jacente de l'autorité se pose d'ailleurs pendant tout le film. Le documentaire reste une part de fiction surtout pour un documentaire sur l'art, où le métier des personnes filmées est d'être en représentation. Les spectateurs peuvent douter de la sincérité ou de la spontanéité des réactions des chorégraphes et des adolescents. Erwan Cadoret pense qu'il y a une part de spontanéité et une part de contrôle conscient ou inconscient liée à l'habitude des médias, du spectacle... L'interprétation du documentaire peut être difficile car nous ne savons jamais à quel moment les gens arrêtent d' "être" pour commencer à "jouer" contrairement à un film de fiction où l'acteur n'arrête pas de jouer. La relation entre le chorégraphe et le danseur est un peu particulière dans Les rêves dansants à cause des conditions mais aussi à cause de la nature de cette relation avec Jo qui n'est pas du tout la chorégraphe cassante, figure très courante dans les films de fiction mais au contraire, quelqu'un de maternelle qui va faire des choses qui vont au-delà de son domaine professionnel (choix des costumes, extrait n°40*). Mise en scène Tout le monde n'est pas conscient de la même façon de la présence de la caméra, n'a pas la même expérience de la représentation, alors que les adultes, au contraire, sont des spécialistes de la représentation et savent se mettre en scène (Extrait n°43*). La mise en scène n'est pas seulement sur la scène de théâtre mais aussi dans le quotidien tout comme dans les chorégraphies de Pina Bausch ; c'est l'idée que le quotidien recèle des éléments pouvant être mis en scène. Clichés La semaine difficile qui se profile avant la première est seulement évoquée dans une interview de Jo et Bénédicte (Extrait n°86*) et l'intérêt de ce film est de s'inspirer de la comédie musicale, du film de danse tout en prenant à contre pied un certain nombre de clichés parfois présents dans des documentaires moins aboutis. Le film joue sur les clichés, la réalisatrice arrive à les retourner sans les faire disparaître complètement c'est-àdire l'on nous montre ce que le travail de Pina Bausch peut avoir de singulier et comment le travail artistique va être singulier et, en même temps, on ne fait pas disparaître tout le fantasme qu'il y a autour de l'art et de la danse. En général, une structure narrative est conservée, répondant à l'inconscient du spectateur, et les adolescents parlent de la danse comme un moyen de libération par rapport au corps, à l'adolescence et non comme un symbole artificiel. Comment la danse peut permettre de s'extraire de ce moment difficile qu'est l'adolescence et aider à devenir adulte ? Ce spectacle leur permet de faire l' apprentissage de la vie en société. La danse n'est pas seulement un symbole de la jeunesse, de la volonté de libération, de la distance prise visà-vis de son propre corps mais c'est un moyen de le faire et elle le montre dans l'action. Le film ne nous assène pas d'un discours sur la danse, ni sur Pina Bausch et c'est pour cela que le documentaire est fragmenté - le spectateur n'a pas accès à toute l’œuvre de Pina Bausch- et nous laisse libre de voir ses spectacles ou de lire des livres à son propos. Anne Linsel est intéressée avant tout par la relation du entre le travail de Pina Bausch et l'évolution d'un groupe d'adolescents de Wuppertal. Extraits Kontakthof de 1978 et de 2000 (n°57 et 58*) Parle avec elle de Pedro Almodovar (n°54*) où Pina Bausch apparaît La Complainte de l'impératrice de Pina Bausch (n°62*) Pina de Wim Wenders (n°64*) Plus Hors champ de Laure Alder : émissions du 30 décembre 2013 au 3 janvier 2014 intitulées « Pour Pina : 40 ans déjà ! » : http://www.franceculture.fr/emission-hors-champs-pour-pina-40-ans-deja-15-2013-12-30 émission du lundi 30 décembre Interview de Jo Ann Endicott : http://www.youtube.com/watch?v=7cxQaFJ_Bjo L’association Collège au Cinéma 37 remercie Erwan Cadoret de sa venue pour parler du film Les rêves dansants, sur les pas de Pina Bausch. * Les extraits sont disponibles à l'association Collège au Cinéma 37 6