Vivre avec une maladie chronique « L’éducation thérapeutique des patients » A. LACROIX, JPH ASSAI En France 15 millions de personnes soit 20 % de la population souffre de maladies chroniques. Maladie chronique = maladie grave de longue durée, évolutive, souvent associée à une invalidité et à la menace de complications graves. On parle de maladie chronique à partir de 3 mois d’évolution de la maladie. Exemples : - Des maladies comme l’insuffisance rénale chronique, maladies cardio-vasculaires, diabète, asthme, cancer, polyarthrite rhumatoïde… - Des maladies rares comme la mucoviscidose, les myopathies… - Des maladies transmissibles comme le sida ou l’hépatite C… - Des troubles mentaux de longue durée comme la schizophrénie, la dépression… I. Retentissement sur la vie quotidienne - limitation fonctionnelle des activités, de participation à la vie sociale et professionnelle - dépendance vis-à-vis d’un traitement, d’un régime, d’une technologie médicale, d’un appareillage, d’une assistance personnelle - besoin de soins médicaux ou paramédicaux, d’aide psychologique, d’éducation ou adaptation Une maladie n’importe laquelle à n’importe quel âge détériore la qualité de vie. Elle peut entrainer : - des difficultés à suivre une scolarité ou une formation - un risque de perte d’emploi - un refus d’assurance ou d’emprunt - une limitation de la pratique de sport et autres activités nécessaires à l’équilibre personnel - des ruptures dans la vie familiale et la vie de couple. II. Apprendre à accepter l’insupportable L’entrée en maladie représente toujours un bouleversement de l’existence. 3 réactions : - Deuil de ce qui est coutumier, familier -> sentiment de perte -> réaction émotionnelle 1 - On peut avoir des réticences, résistances au changement -On peut avoir un déséquilibre existentiel avec une rupture dans notre vie, une incertitude -> L’annonce de la maladie est quelque chose de très important. Maintenant il existe des consultations d’annonce (médecin + infirmière + psychologue présents) 1. Réactions émotionnelles Décrites communément par Freud (perte d’un être cher) et par Elisabeth Kubler- Ross (Etapes du deuil) : - choc - déni - révolte - marchandage - tristesse - acceptation (mais parfois on ne jamais l’accepter) Trajectoires possibles : Selon Anne LACROIX Annonce du diagnostic Incrédulité passagère Angoisse Révolte Dénis / refus Capacité dépressive (permet un repli de soi pour rebondir vers l’acceptatation Acceptation Résignation (dépression) La psychologie est souvent négligée dans la prise en charge des patients atteints d’une malade chronique : question de temps, de moyens humains, d’attention portée à la dimension émotionnelle. C’est pourtant en se fondant sur cette discipline que le soignant va pouvoir accompagner au mieux le patient en prenant en compte son ressenti Pour Anne LACROIX, psychologue clinicienne, le soignant a en outre beaucoup à apprendre du patient, y compris ceux dont l’angoisse accroit les résistances. 2 2. Obstacles liés aux patients face à l’acceptation - Aspect émotionnel - aspect cognitif et ses implications affectives et culturelles - modèles de croyances de santé III. Les étapes 1. Le choc C’est la première réaction à une nouvelle particulièrement importante. Il peut aller de la surprise à l’angoisse sévère. « je ne réalise pas très bien ce qu’il m’arrive, ce n’est pas vrai, ce n’est pas possible » A ne pas faire Fuite • Minimiser, banaliser le problème • Eviter le sujet • « il faut que j’aille voir le patient suivant je n’ai pas le temps A faire Ecoute • Attention à l’état émotionnel du patient • Reformulation • Soutien • Dédramatisation si l’idée qu’il se fait de la maladie est éloignée de sa réalité à lui 2. La dénégation ou le déni « Ce n’est pas possible, il y a surement une erreur de laboratoire » Il s’agit d’un mécanisme inconscient de défense qui permet de faire face à l’angoisse. La personne aura tendance à se comporter de manière détachée et à banaliser ce qui lui arrive. • • A ne pas faire Soit il ne le détecte pas et se sent rassuré par l’attitude non dédramatisante du patient Soit notre inquiétude va nous pousser à expliquer sa maladie ses complications A faire • Amener à s’exprimer sur cette attitude de détachement • Amener à parler de sa perception de la maladie, de ses expériences antérieures • Echanges avec d’autres patients Importance 3. Révolte Cette phase représente une évolution nécessaire car le patient manifeste par là que la maladie est devenue pour lui une réalité. Il peut être agressif, revendicateur. 3 • • • • • A ne pas faire Etre directif Répondre à l’agressivité par l’agressivité Vous ferez comme on vous dit Je ne peux rien faire pour vous si vous vous comportez pour vous Vous ne voulez rien comprendre • • • • A faire Prendre conscience que l’agressivité ne s’adresse pas à nous mais elle est contre la maladie Avoir une attitude positive par rapport à cette révolte Laisser le patient s’exprimer Retracer avec le patient les événements qui l’amènent à être agressif 4. Marchandage Il se manifeste surtout par des tentatives d’échapper aux exigences du traitement. Cette propension à négocier traduit un désir de s’en tirer à meilleur compte. A ne pas faire A faire Cohérence de l’équipe soignante importante dans un projet de soin Accepter une implication du patient à certaines prises de décision 5. Capacité dépressive Bien souvent le patient passe par cet état avant l’acceptation. Le patient reste replié sur lui-même mais il ne s’agit pas d’une vraie dépression clinique. • • A ne pas faire Secouer ou minimiser le problème Les soignants peuvent ne pas repérer que le patient est dans cette phase A faire 6. Acceptation A ce stade le patient est tranquille et collaborant La maladie a trouvé la place dans sa vie Le patient a conscience de ce que les soignants peuvent leur apporter L’acceptation n’est pas un état immuable « Je vis avec et non pas malgré mon diabète » A faire : Renforcer l’éducation, approfondir des notions importantes 4 Résignation Il arrive que pour certains patients le processus n’aboutisse pas à l’acceptation. Ces patients peuvent passer directement de la dénégation à la résignation. Ils subissent dès lors leur maladie Ils ne s’avouent pas malade et le dissimulent à leur entourage socio-professionnel. Ils subissent dès lors leur maladie comme un destin et paraissent collaborants alors qu’ils ne sont que passifs et soumis. Ils disent assumer complètement mais cette position de force n’est qu’apparente et cache en fait une réelle fragilité. La résignation est différente du déni(le refus est volontaire) Le rôle du soignant face à un patient résigné est très difficile L’attitude soumise du patient qui se sent victime alimente la motivation salvatrice du soignant Fixer des objectifs très modestes avec le patient Jouer sur certains projets de vie du patient Mettre l’accent sur les attitudes et comportements positifs du patient. Attitude du patient : Le rôle du soignant serait de poser des objectifs mesurables avec des rendez-vous réguliers Instaurer un climat de confiance avec le patient qui l’autorise à craquer si besoin Possibilité de se faire aider par un psychologue IV. Plan 2007 / 2011 Pour l’amélioration de la qualité de vie des personnes atteintes de maladies chroniques 4 axes stratégiques avec 15 mesures 1. Axe 1 : Mieux connaitre la maladie pour mieux la gérer Diffuser auprès des patients des cartes individuelles d’infos er de conseils - Créer un portail internet sur les maladies chroniques - Impliquer les patients et les associations dans l’élaboration des recommandations aux soignants 2. Axe 2 : Elargir la médecine de soins à la prévention - Intégrer à la formation médicale l’éducation thérapeutique du patient - Rémunérer l’activité d’éducation du patient à l’’hopital en ville - Mettre des outils d’éducation thérapeutique a disposition des médecins traitants - Reconnaitre les nouveaux acteurs de prévention 5 3. Axe 3 : Faciliter la quotidienne des malades - Développer un accompagnement personnalisé des patients - Permettre aux aidants de pratiquer certains gestes techniques indispensables à la vie quotidienne des malades - Etendre aux malades chroniques les missions du correspondant handicap dans l’entreprise - Augmenter les possibilités de prise en charge à domicile et en appartement thérapeutique - Aider les parents handicapés ou atteint de maladies chroniques à s’occuper de leurs enfants - Faire accéder les personnes atteintes de maladies chroniques aux prestations liées aux handicaps 4. Axe 4 : Mieux connaitre les besoins - Analyser et consolider les données épidémiologiques - Développer les connaissances sur les conséquences des maladies chroniques sur la qualité de vie. Conclusion « Seule la parole authentiquement échangée rend possible l’action curatrice. Tout le reste n’est que bavardage sans risque, dérobade stérile, illusion mortifère » 6