UNIVERSITE PARIS VAL-DE-MARNE FACULTE DE MEDECINE DE CRETEIL ****************** ANNEE 2004-2005 N° THESE POUR LE DIPLOME D’ETAT DE DOCTEUR EN MEDECINE Discipline : Médecine Générale ----------- Présentée et soutenue publiquement le A CRETEIL (PARIS XII) ----------- Par Mlle FERREIRA Sandra Née le 29 Octobre 1976 à Sistelo (Portugal) ----------- TITRE : Le syndrome de Willi-Prader : ses caractéristiques, sa prise en charge et son suivi. DIRECTEUR DE THESE : Mr Le Docteur GUILLOT François LE CONVERSATEUR DE LA BIBLIOTHEQUE UNIVERSITAIRE REMERCIEMENTS A Monsieur le Docteur François GUILLOT Pour son enseignement de la médecine Pédiatrique, Pour avoir accepté de diriger cette thèse, Pour sa patience, son soutien et sa gentillesse tout au long de la rédaction de ce travail. A Madame le Docteur Florence BLANC, A Madame le Docteur Marie-José BOIVIN, A Madame le Docteur Anne CHACE, A Madame le Docteur Danièle DUBREZ, A Madame le Docteur Rosita WISNEWSKY, A Monsieur le Docteur Halim BECKRI, A Monsieur le Docteur Romain GIRE, A Monsieur le Docteur Philippe TREVISE, Pour leur présence, Pour leurs conseils avisés et leur apprentissage pendant mon stage. A tous les membres du service de Pédiatrie de l’hôpital Intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges, Pour leur disponibilité et leur écoute, Pour m’avoir soutenue pendant mes six mois de stage. A Anne et à Françoise Pour leur aide précieuse à nos recherches d’archives, Pour leur accueil et leur sourire. A mes parents et à mon frère Paulo, Pour leur écoute attentive, Pour leur soutien et leur patience tout au long de mes études, Pour m’avoir toujours encouragé. A Arthur, Pour son amour, sa gentillesse, Pour sa collaboration à ce travail, Pour sa présence tout simplement. Aux membres de ma famille qui m’ont soutenu, à tous mes ami(e)s, A André. TABLE DES MATIERES INTRODUCTION……………………………………………………………....... 11 PREMIERE PARTIE : GENETIQUE ET SYNDROME DE WILLI-PRADER……. 12 A. NOTIONS DE GENETIQUE………………………………………… 13 I. LA CELLULE EUCARYOTE………………………………………………. 14 II. LE MATERIEL GENETIQUE…………………………………………….. 16 II.1. Les chromosomes…………………………………………………… 16 II.1.a. Définition et structure……………………………………….. 16 II.1.b. Technique d’analyse des chromosomes……………………… 16 II.1.c. Le caryotype………………………………………………….. 17 II.2. L’ADN (Acide désoxyribonucléique)………………………………. 19 II.2.a. Définition et structure de l’ADN…………………………….. 19 II.2.b. Un dogme : ADN ARN protéine………………………… 19 III. LA DIVISION CELLULAIRE : TRANSMISSION DU MATERIEL GENETIQUE………………………………………………………………….. 20 III.1. La mitose…………………………………………………………… 20 III.1.a. Les quatre stades de la mitose……………………………… 20 III.1.b. Le rôle de la mitose chez l’humain………………………….. 21 III.2. La méiose………………………………………………………….. 23 III.2.a. La division réductionnelle………………………………….. 23 III.2.b. La division équationnelle…………………………………… 24 III.2.c. Le rôle de la méiose chez l’humain…………………………. 24 IV. LES « ACCIDENTS GENETIQUES » RESPONSABLES DU SWP ……………………………………………………………………….. 26 IV.1. Les délétions……………………………………………………….. 26 IV.1.a. Généralités………………………………………………….. 26 IV.1.b. Délétions et SWP……………………………………………. 27 IV.2. La disomie uniparentale (DUP)……………………………………29 IV.2.a. Généralités.............................................................................. 29 IV.2.b. Disomie uniparentale et SWP………………………………. 30 IV.3. La mutation du centre d’empreinte………………………………. 32 IV.3.a. Empreinte génomique parentale…………………………… 32 IV.3.b. Le centre d’empreinte……………………………………… 34 V. LES METHODES D’EXPLORATION…………………………………. 36 V.1. L’étude du profil de méthylation…………………………………... 36 V.2. Le caryotype à haute résolution et méthode de FISH…………….. 40 V.3. L’analyse par microsatellites………………………………………. 42 VI. LE CONSEIL GENETIQUE……………………………………………... 45 VI.1. Le risque de récurrence en fonction du mécanisme…………………. 45 VI.2. Les voies de la recherche…………………………………………….... 46 DEUXIEME PARTIE : DESCRIPTION CLINIQUE ET PRISE EN CHARGE DU SWP ……………. 48 B.DESCRIPTION DU SWP………………………………………………. 49 I. L’HYPOTONIE NEONATALE…………………………………………….. 49 I.1. Développement psychomoteur et tonus normal chez le nouveau-né et le nourrisson……………………………………………………………. 49 I.2. Diagnostic d’une hypotonie néonatale……………………………… 54 I.3. Enquête paraclinique face à une hypotonie………………………… 59 I.4. Caractéristiques de l’hypotonie dans le SWP………………………. 61 I.5. Les diagnostics différentiels………………………………………… 62 I.5.a. L’atteinte centrale……………………………………………. 64 I.5.b. L’atteinte périphérique………………………………………... 66 I.5.c. Conclusion…………………………………………………….. 70 II. LES TROUBLES DU COMPORTEMENT ALIMENTAIRE………. 72 II.1. L’obésité infantile…………………………………………………... 73 II.1.a. Définition et prévalence…………………………………….. 73 II.1.b. Facteurs de risque et étiologies de l’obésité………………… 78 II.1.c. Conséquences de l’obésité infantile…………………………. 92 II.1.d. Approche thérapeutique de l’obésité infantile………………. 94 II.2. L’obésité infantile dans le SWP……………………………………. 100 II.2.a. Pathogénie de l’obésité et caractéristiques…………………. 100 II.2.b. Prise en charge et thérapeutique de l’obésité infantile dans le SWP………………………………………………….. 102 III. LES TROUBLES DU COMPORTEMENT DANS LE SWP………. 105 III.1. Identification des différents symptômes…………………………… 106 III.1.a. Par ordre de fréquence……………………………………… 106 III.1.b. En fonction de l’âge…………………………………………. 107 III.1.c. En fonction de l’anomalie génétique…………………………109 III.2. Description des troubles du comportement……………………….. 112 III.2.a. Les troubles des fonctions cognitives……………………….. 112 III.2.b. Les troubles obsessionnels et compulsifs…………………… 113 III.2.c. L’hyperphagie………………………………………………. 116 III .2.d. Les autres symptômes……………………………………….. 118 III.2.e. La crise………………………………………………………. 118 III.3. Quelques pistes sur les mécanismes physiopathologiques des troubles comportementaux………………………………………………….. 120 III.4. Prise en charge et traitement des troubles du comportement……… 124 IV. DESCRIPTION CLINIQUE DU SWP………………………………….. 130 V. DE L’ANNONCE DU DIAGNOSTIC A LA PRISE EN CHARGE.. 135 V.1. L’annonce de la maladie…………………………………………… 135 V.1.a. L’annonce vue par les parents……………………………… 135 V.1.b. L’annonce vue par le médecin……………………………… 135 V.2. La prise en charge et le suivi du patient atteint du SWP………….. 136 TROISIEME PARTIE : ANALYSE ET REFLEXION SUR LES DOSSIERS MEDICAUX................................................................................................... 153 A. HISTOIRES VRAIES…………………………………………………… 154 I. L’histoire de Tony................................................................................... 155 II. L’histoire de Christophe……………………………………………… 167 III. L’histoire de Perrine…………………………………………………. 177 IV. L’histoire de Juliette………………………………………………….. 187 V. L’histoire de Chelcy…………………………………………………… 196 VI. L’histoire de Christine……………………………………………….. 206 B. DISCUSSION ET REFLEXION A PARTIR DES DOSSIERS DES ENFANTS……………………………………………………………. 215 I. AVANT LE DIAGNOSTIC DE SWP ……………………………………... 215 I.1. Sur le plan clinique………………………………………………….. 215 I.2. La prise en charge et le suivi………………………………………... 218 I.3. Sur le plan paraclinique…………………………………………….. 220 II. APRES LE DIAGNOSTIC DE SWP........................................................... 224 II.1.La prise en charge…………………………………………………… 224 II.2. Le médecin généraliste dans le SWP………………………………. 230 CONCLUSION……………………………………………………………………. 232 BIBLIOGRAPHIE……………………………………………………………….. 234 ANNEXE 1………………………………………………………………………… 242 ANNEXE 2………………………………………………………………………… 242 DEFINITIONS………………………………………………………….. 243 SERMENT D’HIPPOCRATE………………………………………………… 246 SOMMAIRE DES ILLUSTRATIONS ET TABLEAUX Figure I : Schéma de l’archétype d’une cellule eucaryote. ……………………….. 15 Figure II : Caryotype humain. ……………………………………………………… 18 Figure III : Les différentes étapes de la mitose. ……………………………………. 22 Figure IV : Les différentes étapes de la méiose. …………………………………… 25 Figure V : Région chromosomique impliquée dans la survenue du SWP. ………. 28 Figure VI : Les différents mécanismes conduisant à une disomie uniparentale. ... 31 Figure VII : Exemple de la mutation du centre d’empreinte dans le SWP. ……… 35 Figure VIII : La méthode de Southern-Blot. ……………………………………….. 37 Figure IX : Résultat d’une autoradiographie obtenue par Southern-Blot avec la sonde SNRPN. ………………………………………………………….. 38 Figure X : Analyse de méthylation par PCR-méthylspécifique. …………………. 39 Figure XI : Hybridation in situ par fluorescence. ………………………………… 42 Figure XII : L’analyse par microsatellites sur le chromosome 15. ………………. 43 Figure XIII : L’arbre décisionnel de la stratégie diagnostique du SWP. ………… 44 Tableau 1 : Fréquence et risque de récurrence, selon les mécanismes génétique mis en jeu dans le SWP. ……………………………………………………….. 46 Tableau 2 : Principales étapes du développement de l’enfant. ……………………50 Tableau 3 : Caractéristiques principales des hypotonies centrales et périphériques. …………………………………………………………………………………………58 Tableau 4 : Les différentes étiologies des hypotonies (centrales et périphériques). …………………………………………………………………………………………63 Tableau 5 : Nouvelles bornes internationales de l’indice de masse corporelle (IMC) pour définir le surpoids et l’obésité chez l’enfant entre 2 et 18 ans. ... 77 Tableau 6 : Besoins énergétiques moyens des enfants normaux de 1 à 18 ans. ….. 97 Tableau 7 : Les principaux troubles du comportement et leur pourcentage dans une population de 100 patients âgés de 4 à 46 ans atteints du SWP. ……. 106 Tableau 8 : Les critères de diagnostic du syndrome de Prader-Willi. ……………134 Tableau 9 : Récapitulatif des critères MAJEURS et MINEURS de diagnostic du SWP chez les 6 enfants. ……………………………………………………… 214 L’idée de ce travail est venue de l’observation d’un nouveau-né hospitalisé pour hypotonie immédiate et difficultés d’alimentation dans l’unité de Néonatologie du service de Pédiatrie Générale de l’hôpital Intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges (94). L’inquiétude suscitée par l’état clinique de cette petite fille, âgée de quelques jours, a attiré mon attention.Ce tableau d’hypotonie néonatale provoquait une anxiété sous-jacente perceptible au sein de l’équipe médicale.Quelle était donc l’origine de cette hypotonie ? Parmi les multiples causes, il existe le syndrome deWilli-Prader (ou Prader-Willi). Décrit en 1956, le syndrome de Willi-Prader (SWP) est une maladie génétique affectant le chromosome 15, caractérisée par une évolution biphasique : une période d’hypotonie sévère néonatale avec difficultés d’alimentation suivie d’une phase d’obésité avec hyperphagie après l’âge de 2 ans. La prise en charge et le suivi de ces enfants restent, en Médecine Générale, peu développés. La volonté des équipes médicales est de les améliorer par une meilleure coopération entre les médecins généralistes, les pédiatres, les psychologues et les diététiciennes car le contrôle de l’obésité reste très difficile et requiert des mesures diététiques et comportementales, associées à un soutien psychologique. Depuis 1999, six cas ont été diagnostiqués dans le service dont quatre de diagnostic récent et un suivi actuellement au Centre d’Action Médico-Social Précoce (CAMSP) de Choisy-le–Roi (94). Des nouvelles récentes d’une jeune femme, née en 1980, ont permis de savoir qu’elle était atteinte du syndrome de Willi-Prader. Finalement, une meilleure connaissance de ce syndrome permet une prise en charge précoce et spécifique tant sur le plan diététique, comportemental et psychologique. Outre un soutien moral, des structures médico-sociales telles que les CAMSP et les SESSAD (Service d’Education Spéciale et de Soins à Domicile) participent au développement psychomoteur et orthophonique de ces enfants. Elles contribuent également à la socialisation, l’intégration, et l’orientation de ces petits patients, aidant les parents dans un parcours quelquefois long et compliqué. PREMIERE PARTIE : GENETIQUE ET SYNDROME DE WILLI-PRADER A. NOTIONS DE GENETIQUE Science de l’hérédité, la Génétique s’intéresse à la transmission et à la variation des caractères observés dans tous les organismes vivants (72). Les observations effectuées au 19ème siècle (1865) par le moine Autrichien, Gregor Mendel, en ce qui concerne la transmission héréditaire de caractères simples, tels que la couleur des pois, ont donné naissance aux lois fondamentales de l’hérédité, en découvrant l’existence de traits héréditaires transmis de façon préalable par chacun des parents sur le mode récessif ou dominant (8). Cependant, un examen minutieux de certaines maladies rares et l’analyse des mutations au niveau moléculaire ont montré qu’il existe des exceptions à l’hérédité Mendélienne. Ces exceptions comprennent : l’hérédité mitochondriale, le mosaïcisme, l’empreinte génomique et la disomie uniparentale, ces deux dernières étant impliquées dans la survenue du SWP (73). Après quelques rappels sur la cellule eucaryote et le cycle cellulaire (mitose et méiose), nous développerons les « accidents » génétiques à l’origine du SWP. Les mécanismes responsables de l’affection : délétion d’origine paternelle, disomie uniparentale d’origine maternelle et plus rarement, mutation du centre d’empreinte sont maintenant bien connus. Des techniques récentes de génétique moléculaire permettent de nos jours, l’identification des divers mécanismes et seront abordées en fin de première partie. Leur intérêt réside dans la possibilité d’un conseil génétique et de l’évaluation du risque de récurrence dans la descendance ou lors d’une grossesse ultérieure. I. LA CELLULE EUCARYOTE (8) (51) (53) La cellule, unité fondamentale du monde vivant, représente la forme de vie la plus simple, capable de croître de façon autonome. Parmi les cellules, on distingue les cellules eucaryotes (présence d’un noyau cellulaire) et les cellules procaryotes (absence de noyau). La cellule eucaryote est formée d'un cytoplasme et d’un noyau. Elle est entourée d’une membrane plasmique (figure I). - la membrane cytoplasmique est formée d’une double couche lipidique, contenant des canaux protéiques, permettant le transport de substances vers l’intérieur ou l’extérieur de la cellule. - le matériel intracellulaire ou cytoplasme contient de nombreux organites facilement identifiables et responsables de fonctions cellulaires bien précises : o les mitochondries produisent l’énergie requise pour des réactions chimiques, la locomotion et la croissance cellulaire. o le réticulum endoplasmique et l’appareil de Golgi assurent le transport de molécules d’un site cellulaire en un autre et leur sécrétion dans l’espace extracellulaire. o le cytosquelette, constitué de différentes protéines fibrillaires, confèrent sa stabilité à la cellule. o les centrioles sont de petites particules microtubulaires cylindriques jouant un rôle important dans la division cellulaire. o les ribosomes sont le siège de la synthèse protéique. - le noyau de la cellule eucaryote (nucleus) contient l’information génétique. Les membranes interne et externe du noyau renferment des pores permettant le transport de substances entre le noyau et le cytoplasme : o le noyau contient un nucléole et les chromosomes, non individualisables et à l’état diffus (chromatine). Les gènes se trouvent sur les chromosomes. Figure I : Schéma de l’archétype d’une cellule eucaryote. Extrait de : Petit Jean-Michel, Maftah Abderrahman, Julien Raymond. Cellules de procaryotes et d’eucaryotes dans. Petit Jean-Michel, Maftah Abderrahman, Julien Raymond. Biologie Cellulaire, Paris : Dunod, 2002 : 9-26. II. LE MATERIEL GENETIQUE II.1. Les chromosomes II.1. a. Définition et structure (70) (75) Les chromosomes sont les supports cellulaires de l’information génétique. Au nombre de 46, ils constituent le génome humain. Il existe donc 23 paires de chromosomes. De ces 23 paires, 22 sont identiques chez l’homme et la femme et sont appelées autosomes. La paire restante comprend les chromosomes sexuels : XX chez la femme et XY chez l’homme. Les membres d’une paire, qualifiés de chromosomes homologues, portent une information génétique homologue, c'est-à-dire que la position des « loci » est identique sur les deux chromosomes. Cependant, à chaque locus, il peut y avoir des formes, soit identiques, soit légèrement différentes d’un même gène, appelées allèles. Chaque chromosome humain est formé de deux chromatides reliées entre elles au niveau du centromère.Chaque chromatide contient une double hélice d’ADN associée à des protéines qui leur sont solidement liées : les histones et les protéines non histoniques. II.1.b. Techniques d’analyse des chromosomes (70) Les chromosomes ne sont individualisables que pendant la métaphase de la mitose (mécanisme de la division cellulaire des cellules somatiques). A ce stade, les chromosomes apparaissent au microscope sous la forme d’une préparation microscopique étalée. Celle-ci est réalisée à partir d’une culture de lymphocytes et colorée au Giemsa (coloration standard). Le centromère, point de fusion des deux chromatides, est un point de repère cytologique classique, permettant de diviser les chromosomes en deux bras, désignés par « p » pour le bras court et « q » pour le bras long. En fonction de la position du centromère, on distingue: - les chromosomes métacentriques (le centromère est placé en position centrale et les bras chromosomiques sont donc à peu près de longueur égale) - les chromosomes submétacentriques (le bras « q » est d’une longueur supérieure à celle du bras « p » du fait de la position non centrale du centromère) - les chromosomes acrocentriques (le centromère est situé à l’extrémité du chromosome et le bras court « p » est quasi-inexistant) Grâce à l’analyse microscopique et à la position du centromère, les chromosomes sont identifiables et l’on peut réaliser la carte chromosomique d’un individu donné (caryotype). II.1.c. Le caryotype (70) Le caryotype est la description du nombre et de la morphologie des chromosomes, caractéristique d’un sujet (figure II). Par définition, un caryotype comporte 22 paires d’autosomes numérotées de 1 à 22 et une paire de chromosomes sexuels (XX ou XY). Les colorations usuelles et la position du centromère permettent d’établir le caryotype. La technique des bandes G est la méthode de routine la plus fréquemment utilisée pour l’identification et l’analyse de la structure des chromosomes : après dénaturation des chromosomes par la trypsine et coloration au Giemsa, chaque paire chromosomique possède une distribution caractéristique de bandes claires et sombres (bandes G) assurant leur reconnaissance. Des techniques spéciales de coloration (technique de bandes C, en haute résolution) sont parfois utilisées lors de la recherche d’anomalies structurelles spécifiques. Figure II : Caryotype humain. Extrait de : Passage Eberhard. Chromosomes dans. Passage Eberhard. Atlas de poche de Génétique. Paris : Flammarion Médecine-Sciences, 1995 : 172-173. II.2. L’ADN (acide désoxyribonucléique) (75) II.2.a. Définition et structure de l’ADN La double hélice est la structure caractéristique de l’ADN. Découverte par James Watson et Francis Crick en 1953, la structure ressemble à un escalier en colimaçon dans lequel les deux chaînes polynucléotidiques sont orientées dans des directions opposées et sont maintenues par des liaisons hydrogènes entre les paires de bases : ainsi, A (adénosine) d’une chaîne s’apparie avec T (thymine) de l’autre et G (guanine) avec C (cytosine). Par conséquent, selon le principe de complémentarité des bases, la connaissance de la séquence des bases nucléotidiques sur un brin permet de déterminer automatiquement la séquence des bases sur l’autre brin. II.2.b. Un dogme : ADNARN protéine L’information génétique est contenue dans l’ADN des chromosomes à l’intérieur du noyau cellulaire mais la synthèse protéique, au cours de laquelle l’information contenue dans l’ADN est utilisée, prend place dans le cytoplasme. Le lien moléculaire entre ces deux types d’informations (l’ADN des gènes et les acides aminés des protéines) est l’ARN (acide ribonucléique). La structure chimique de l’ARN est semblable à celle de l’ADN excepté que chaque nucléotide dans l’ARN possède un sucre ribose au lieu d’un désoxyribose : l’uracile (U) remplace la thymine (T). De plus, dans la plupart des organismes, l’ARN existe sous forme d’une molécule simple brin, tandis que l’ADN existe sous la forme d’une double hélice. En ce qui concerne l’information, la relation entre l’ADN, l’ARN et la protéine est la suivante : l’ARN est synthétisé à partir de l’ADN au moyen d’un processus appelé la transcription. L’ARN qui contient l’information codée dans l’ADN est appelé ARN messager. Défini par une succession de nucléotides groupés par trois en codon, l’ARN messager est transporté du noyau jusque dans le cytoplasme où la séquence d’ARN est décodée ou traduite (il s’agit du processus de traduction) aboutissant à la synthèse d’une protéine donnée. III. LA DIVISION CELLULAIRE : TRANSMISSION DU MATERIEL GENETIQUE (70) On distingue les cellules somatiques (elles correspondent aux cellules des eucaryotes) et les cellules germinales (ou cellules sexuelles) principalement de par leur mode de division cellulaire. Les cellules somatiques des eucaryotes se divisent selon le mécanisme de la mitose afin de donner naissance à deux cellules-filles identiques entre elles et à la cellule mère, portant les mêmes informations génétiques. En revanche, les cellules germinales se divisent selon le mécanisme de la méiose, qui aboutit à quatre cellules-filles portant chacune la moitié du matériel génétique de la cellule-mère. Chaque être humain commence son existence sous la forme d’un œuf fertilisé (zygote) c’est à dire une cellule diploïde à partir de laquelle toutes les cellules du corps (estimées à 1014 ) vont dériver par une série de plusieurs douzaines ou même centaines de mitoses. Les cellules diploïdes de la lignée germinale (spermatocytes primaires ou ovocytes primaires) dérivent du zygote après une longue série de mitoses. III.1. La mitose (53) (70) III.1.a. Les quatre stades de la mitose Lorsqu’une cellule entre en mitose, chacun de ces chromosomes est formé d’une paire de chromatides sœurs, réunies au niveau du centromère. La duplication de l’ADN a eu lieu entre deux mitoses, au cours de la période nommée interphase du cycle cellulaire. Le matériel génétique est dupliqué et donc chaque chromosome possède deux chromatides identiques. Au cours de la mitose, chacune des deux cellules-filles reçoit une seule chromatide de chaque chromosome, le résultat étant l’obtention de deux cellules-filles génétiquement identiques entre elles et à la cellule-mère.Le mécanisme de duplication préalable est donc indispensable au bon déroulement de la mitose. On distingue quatre grandes étapes (figure III) : - LA PROPHASE : A l’intérieur du noyau cellulaire, les chromosomes se contractent et deviennent plus courts et plus épais. Une hypercondensation de la chromatine apparaît au niveau du centromère. De part et d’autre de chaque centromère, se forment deux masses discoïdales : ce sont les kinétochores. Ils assurent l’adhésion des chromosomes aux microtubules du fuseau mitotique. Au stade tardif de la prophase, l’enveloppe nucléaire disparaît et il n’y a plus de séparation entre le cytoplasme et le noyau. - LA METAPHASE : Tous les chromosomes ont leurs deux kinétochores liés aux microtubules du fuseau et se trouvent alignés au niveau équatorial de la cellule (formation de la plaque métaphasique). A ce stade, les chromosomes atteignent leur condensation maximale. - L’ANAPHASE : Les chromosomes se séparent au niveau du centromère, permettant aux deux chromatides de chaque chromosome de migrer aux pôles opposés de la cellule. - LA TELOPHASE : Les chromosomes se décondensent. Le cytoplasme se divise (cytodiérèse) donnant naissance à deux cellules-filles identiques. La membrane nucléaire se reforme autour des deux nouveaux noyaux. Finalement, à la fin de la télophase, les deux cellules-filles ont reçu chacune la même quantité de chromosomes et reçoivent ainsi la même information génétique. III.1.b. Le rôle de la mitose chez l’humain Dès la fécondation de l’ovule par le spermatozoïde, l’œuf ainsi formé débute sa division. Toutes les cellules de l’organisme y compris les cellules germinales dérivent d’une longue série de mitoses, préambule indispensable à la formation de l’individu. Figure III : Les différentes étapes de la mitose. Extrait de : Thompson W Margaret, Mc Innes R Roderick, Willard F Huntington. Base chromosomique de l’hérédité dans. Thompson W Margaret, Mc Innes R Roderick, Willard F Huntington. Génétique Médicale. Paris : Flammarion Médecine- Sciences, 1995 : 13-30. III.2. La méiose (49) (70) La méiose est une division cellulaire grâce à laquelle les cellules diploïdes de la lignée germinale donnent naissance aux gamètes haploïdes. La méiose se divise en deux étapes (figure IV) : - la méiose I ou division réductionnelle (c’est au cours de cette division que le nombre diploïde des chromosomes est réduit à un nombre haploïde). - la méiose II ou division équationnelle (cette deuxième division méiotique ressemble à une mitose classique et suit la première sans réplication de l’ADN). III.2.a. La division réductionnelle Comme dans la mitose, on distingue quatre stades : - LA PROPHASE I : Les chromosomes se condensent de façon continue et deviennent plus petits et plus épais. Les chromosomes homologues s’apparient entre eux et l’enveloppe nucléaire disparaît. - LA METAPHASE I : Les chromosomes homologues de chaque paire se disposent de part et d’autre du plan équatorial. L’appariement « intime » au cours de la prophase, est le point de départ d’un possible échange génétique entre les chromatides d’une paire de chromosomes homologues. On parle de crossing-over. Le résultat du crossing-over, en fin de métaphase, est un échange de matériel génétique entre deux chromatides de chromosomes homologues (recombinaison génétique). C’est pourquoi, contrairement à la mitose, les cellules-filles ne sont pas identiques génétiquement aux cellules parentales. - L’ANAPHASE I : Les chromosomes homologues de chaque paire se séparent et migrent vers un pôle opposé de la cellule. - LA TELOPHASE I : L’enveloppe nucléaire se reconstitue autour de chaque nouveau lot de chromosomes. Chaque nouvelle cellule-fille contient un lot de chromosomes haploïdes soit 23 chromosomes à 2 chromatides. III.2.b. La division équationnelle La seconde division méiotique ressemble beaucoup à une mitose classique, mais le nombre de chromosomes des deux cellules-filles entrant en deuxième division méiotique est haploïde. La méiose II comprend la séparation longitudinale des chromatides de chaque chromosome, avec au total, la naissance de quatre cellules haploïdes, chacune contenant 23 chromosomes à une chromatide. III.2.c. Le rôle de la méiose chez l’humain Chez l’homme, les deux divisions méiotiques sont successives, sans intervalle. Les spermatogonies issues de cellules germinales au terme de mitoses répétées, évoluent en spermatocytes primaires qui initient la méiose dès le début de la puberté. Les cellules résultant de la méiose sont les spermatides contenant 23 chromosomes, qui sans division aucune, vont se différencier en spermatozoïdes. Chez la femme, l’ovogenèse est un phénomène discontinu. Dérivées également des cellules germinales, les ovogonies se différencient, au cours de la vie intra-utérine, en ovocytes primaires bloqués en prophase I de la méiose. Ceux-ci restent quiescents à ce stade jusqu’à l’ovulation. La méiose se poursuit au moment de l’ovulation avec formation d’un ovule et d’un globule polaire et ne s’achève que s’il y a fécondation. Figure IV : Les différentes étapes de la méiose. Extrait de : Thompson W Margaret, Mc Innes R Roderick, Willard F Huntington. Base chromosomique de l’hérédité dans. Thompson W Margaret, Mc Innes R Roderick, Willard F Huntington. Génétique Médicale. Paris : Flammarion Médecine-Sciences, 1995 : 13-30. IV. LES « ACCIDENTS GENETIQUES »RESPONSABLES DU SWP (31) Des anomalies dans la méiose aboutissent soit à des anomalies du nombre de chromosomes, soit à des anomalies de la qualité des chromosomes, voire à des anomalies qui sont variables selon l’origine parentale de certains chromosomes (notion d’empreinte parentale). Sur le plan génétique, le syndrome de Willi-Prader est la conséquence de la perte de fonction ou de l’absence de la région 15q11-13 d’origine paternelle. Trois types d’anomalies conduisent à l’absence d’expression du ou des gènes du SPW : • Microdélétion cytogénétique de la région q11-13 du chromosome 15 d’origine paternelle. 70% des patients atteints présentent cette anomalie. • Disomie uniparentale d’origine maternelle. 25 à 30% des patients sont concernés. Le patient hérite de deux chromosomes 15 provenant de sa mère (absence du chromosome 15 paternel). • Mutation du centre d’empreinte. Situé à proximité de la région q11-13 du chromosome 15, la mutation du centre d’empreinte entraîne une anomalie du profil de méthylation et par conséquent de l’expression génique du locus impliqué dans la survenue du SWP. Rare, elle concerne 1% des patients. IV.1. Les délétions IV.1.a. Généralités La délétion est une perte d’un segment chromosomique conduisant à un déséquilibre chromosomique. Un individu porteur d’une délétion (avec un chromosome homologue normal et un homologue délété) est hémizygote pour le segment correspondant au chromosome homologue normal. Les conséquences cliniques dépendent de la taille du segment délété, du nombre et de la fonction des gènes qu’il contient (71). La cassure d’un ou plusieurs fragments d’un même chromosome est le mécanisme principal de la délétion.Celle-ci peut être terminale ou interstitielle. Lorsque la délétion se situe en position terminale, on parle de déficience. Dans ce cas, il n’y a qu’une seule cassure chromosomique et le segment ne comportant pas de centromère est perdu. S’il y a deux cassures chromosomiques, on parle de délétion segmentaire ou interstitielle. Il y a alors perte du fragment situé entre les deux cassures. Les deux fragments chromosomiques restants se rejoignent en excluant le segment intermédiaire (32). Le centromère étant indispensable à la fonction chromosomique, les seuls chromosomes présentant une délétion interstitielle viable sont ceux pour lesquels la délétion est restreinte à l’un des bras chromosomiques (centromère conservé). Les fragments délétés ne présentant pas de centromère (ou acentriques) sont ensuite perdus lors de la division cellulaire suivante. Au total, le chromosome, amputé de son segment, poursuit son cycle sauf si la délétion emporte le centromère et le chromosome n’est alors plus viable (65). Un crossing-over inégal entre des chromosomes homologues mal alignés ou des chromatides sœurs peut produire une délétion dans certains cas. Enfin, les délétions peuvent également être produites par une ségrégation anormale d’une translocation équilibrée ou d’une inversion (71). IV.1.b. Délétions et SWP De nombreuses délétions ont été identifiées au cours des investigations portant sur des patients dysmorphiques et au cours du diagnostic prénatal. Le SWP en est un exemple (71). Les techniques actuelles de génétique moléculaire ont permis d’identifier la région chromosomique délétée dans le SWP. Etendue sur 4000 à 5000 kilobases, la région délétée la plus commune est l’intervalle entre les sondes D15S11 et GABRD3 qui contient, entre autre, les, deux loci suivants (figure V) : - le locus D15S63 - le locus du gène SNRPN (small ribonuclear protein) Ce dernier représente le gène candidat pour le SWP. Il code pour une protéine impliquée dans l’épissage des transcrits. Son expression est préférentielle au niveau du cerveau, mais aussi au niveau du cœur et du foie. Seul le transcrit d’origine paternelle est fonctionnel et son « absence » se traduit par l’apparition de la maladie (50). Figure V : Région chromosomique impliquée dans la survenue du SWP. Extrait de : Passage Eberhard. Exemples d’empreinte parentale dans. Passage Eberhard. Atlas de poche de Génétique. Paris : Flammarion Médecine-Sciences, 1995 : 340-341. Or la même région chromosomique est à l’origine d’un autre syndrome génétique dysmorphique particulier nommé syndrome d’Angelman. Décrit en 1965, le syndrome d’Angelman (ou syndrome de la poupée joyeuse) est caractérisé par un trouble important du développement psychomoteur avec retard mental et surtout du langage, troubles de l’humeur (faciès hilare et rire paradoxal) associés à une épilepsie dans 90% des cas. Si les phénotypes cliniques diffèrent, la même région chromosomique est à l’origine des deux maladies. Comme pour le SWP, il existe, dans le syndrome d’Angelman, un gène candidat, situé sur le locus D15S10. Seul le transcrit maternel est fonctionnel. En son absence, survient un syndrome d’Angelman. Ainsi, deux loci très proches, situés sur le même chromosome, sont à l’origine de deux pathologies différentes. Cette différence d’expression phénotypique fait référence au concept d’empreinte génomique parentale que nous étudierons ultérieurement. L’absence de contribution du génome paternel à une portion du chromosome 15 entraîne l’apparition d’un SWP, l’absence de contribution du génome maternel est à l’origine d’un syndrome d’Angelman. Dans tous les cas, les délétions sont la cause la plus fréquente de ces deux syndromes (50). IV.2. La disomie uniparentale (DUP) La DUP est impliqué dans la survenue du SWP dans 1/3 des cas environ. IV.2.a. Généralités (70) La DUP est définie par la présence de deux chromosomes (ou de segments chromosomiques) homologues d’un même parent et l’absence du chromosome correspondant de l’autre parent.Si le même chromosome est présent en double exemplaire, on parle d’isodisomie. Si les deux homologues d’un même parent sont présents, on parle d’hétérodisomie. Jusqu’à la fin des années 80, la DUP était inconnue. Les avancées de la génétique moléculaire permettent aujourd’hui d’identifier l’origine parentale des chromosomes et une DUP a pu être démontrée dans plusieurs syndromes cliniques. IV.2.b. Disomie uniparentale et SWP (31) (65) Trois mécanismes sont à l’origine de la DUP présente dans le SWP (figure VI) : 1. La complémentation gamétique La fécondation d’un gamète femelle disomique comportant deux chromosomes 15 homologues (issus d’une erreur méiotique par non-disjonction) par un gamète mâle nullosomique pour le même chromosome entraîne la formation d’un œuf hétérodisomique atteint du SWP. 2. La correction d’une trisomie La fusion d’un gamète femelle disomique (deux chromosomes 15) et un mâle unisomique (un chromosome 15) conduit à la formation d’un zygote trisomique. La correction, au hasard, de cette trisomie (perte de l’un des chromosomes) restaure le nombre normal de chromosomes. Si le risque de perte de l’une des trois copies est le même, dans 2/3 des cas, la perte du chromosome supplémentaire entraîne une constitution chromosomique normale et dans le 1/3 restant, les deux homologues gardés proviennent du même parent, donc la mère dans le cas du SWP. 3. La duplication chromosomique Elle résulte d’une pression de sélection sur un embryon monosomique (nullosomie d’origine paternelle) pour devenir euploïde par duplication sélective du chromosome monosomique. Le nombre total de 46 chromosomes est respecté. L’hétérodisomie uniparentale est la conséquence des deux premiers mécanismes. Dans le SWP, sa fréquence est largement supérieure à celle de l’isodisomie qui fait suite au phénomène de duplication sélective. Figure VI : Les différents mécanismes conduisant à une disomie uniparentale. IV.3. La mutation du centre d’empreinte IV.3.a. Empreinte génomique parentale Le préambule nécessaire à la compréhension du fonctionnement du centre d’empreinte passe par la définition de l’empreinte parentale. Qu’est-ce que l’empreinte parentale ? Quels sont son mécanisme, son rôle et ses conséquences sur la diversité des individus? C’est un concept qui fait exception au dogme de l’hérédité Mendélienne. Au sens général, il s’agit d’un gène, d’une région chromosomique, d’un trait ou d’une maladie dont le mode d’expression dépend de l’origine parentale du fragment d’ADN. En effet, selon l’origine maternelle ou paternelle d’une mutation, le phénotype sera différent. Cela traduit une différence fonctionnelle entre loci homologues selon l’origine parentale (1). Ce phénomène non équivalent d’un gène selon son origine est nommé empreinte parentale. Un des allèles du gène soumis à empreinte parentale est fonctionnellement silencieux et a donc une expression monoallélique. On parle d’hémizygotie fonctionnelle (maternelle ou paternelle) (31). Le mécanisme d’empreinte parentale s’expliquerait par des modifications épigénétiques (c’est-à-dire des modifications entraînant des variations phénotypiques sans perturbations de la séquence primaire d’ADN) permettant à la cellule de différencier le génome paternel du génome maternel. Ainsi, une méthylation de l’ADN au niveau des cytosines des dinucléotides CG situés dans les régions promotrices en amont des gènes soumis à empreinte régulent leur expression, ces promoteurs étant euxmêmes contrôlés par le centre d’empreinte (64). La fonction biologique de l’empreinte est d’assurer la constitution normale du zygote. Ainsi, si deux lots haploïdes paternels fusionnent au cours de la fécondation, les annexes fœtales se développent de manière anarchique, sans embryon visible. On parle de môle hydatiforme.La situation réciproque est le tératome ovarien, c’est-à-dire la fusion des deux noyaux d’origine maternelle. L’embryon se développe sans annexes et ne se survit pas.La complémentarité fonctionnelle des génomes parentaux est donc indispensable à la formation de l’individu. Un génome d’origine paternelle favorise la croissance des annexes tandis qu’un génome d’origine maternelle favorise la croissance du fœtus. Les génomes maternels et paternels ne sont donc pas équivalents et ce, du fait du phénomène d’empreinte parentale. Celle- ci ne se transmet pas d’une génération à l’autre selon les lois de Mendel, tels un trait dominant, récessif ou lié à l’X. Cette marque génétique, représentée par l’empreinte parentale, est effacée pendant la gamétogenèse. Qu’il s’agisse ensuite d’une spermatogenèse ou d’une ovogenèse, l’empreinte parentale est apposée avant la fertilisation pour qu’on puisse reconnaître l’origine parentale des chromosomes. Ainsi, un gène soumis à empreinte maternelle transmis par une mère à son fils, ne sera pas transcrit puisqu’il provient de sa mère. En revanche, à la génération suivante, l’effacement de la marque maternelle et l’apposition sur le zygote en formation d’une nouvelle marque d’origine paternelle (le gène, hérité de sa mère est transmis par le fils à sa descendance) entraîne l’expression du gène. En conséquence, le même gène, d’une génération à l’autre, peut être ou non transcrit (figure VII). La contribution au développement harmonieux de l’individu et son mode de transmission particulier caractérisent donc l’empreinte parentale. En pratique, seuls une quinzaine de gènes seraient concernés dont le gène SNRPN dans le SWP. La connaissance du phénomène d’empreinte parentale est un substrat indispensable à la compréhension d’un certain nombre de maladies génétiques échappant à l’hérédité Mendélienne. A l’état normal, chez l’humain, sur le chromosome 15 paternel, l’empreinte génétique porte sur le locus du gène responsable du syndrome d’Angelman qui n’est donc pas transcrit. Le gène SNRPN, situé dans la même région chromosomique, est exprimé et participe au développement normal des fonctions cérébrales, cardiaques et hépatiques de l’individu. Sa non-expression, en cas de délétions ou DUP d’origine maternelle (par absence de la région 15q11-13 d’origine paternelle) est à l’origine de la survenue du SWP. La mutation du centre d’empreinte a les mêmes conséquences (1). IV.3.b. Le centre d’empreinte Il s’agit d’une séquence active, analogue à la région de contrôle du locus du gène de la globine qui gouverne la méthylation parentale spécifique et donc l’expression génique d’une région soumise à empreinte (64). Ainsi, le centre d’empreinte, situé en amont du gène SNRPN, régule la méthylation des régions promotrices de nombreux gènes de la région 15q11-13 (dont le gène SNRPN), méthylation différente en fonction de l’origine parentale du chromosome 15. Les gènes dont les promoteurs sont ainsi différemment méthylés en fonction de l’origine parentale, sont dits « soumis à empreinte génomique » (11) (20). Un gène hypométhylé est actif et un gène hyperméthylé est inactif (34). En clair, une mutation du centre d’empreinte (des cas de microdélétions ont été rapportées) entraîne une anomalie de méthylation des régions promotrices régulant l’expression des gènes soumis à empreinte sur le chromosome 15, avec pour conséquence des perturbations de l’empreinte génomique, donc du profil d’expression des gènes en fonction de leur origine parentale. En pratique, cette anomalie se caractérise par une fixation de la marque génétique transmise par l’un des deux parents à la descendance, quelque soit le résultat de la fertilisation (spermatogenèse ou ovogenèse). Par exemple, en l’absence de modification de la marque génétique au moment de la gamétogenèse (par anomalie du profil de méthylation), un père transmet à sa descendance une copie parfaite du chromosome homologue hérité de sa mère. Ses enfants reçoivent donc deux copies du même chromosome (un chromosome normal d’origine maternelle et un chromosome paternel anormal par mutation du centre d’empreinte). Cette situation est similaire à celle observée dans une DUP et explique donc la survenue du SWP dans un faible nombre de cas (1) (figure VII). Extrait de : Anselem S. Empreinte parentale différentielle ou empreinte génomique dans. Anselem S. Ronéo de Génétique tome 1. Créteil : A.L.U, 1996 : 27-40. V.LES METHODES D’EXPLORATION Les outils au diagnostic du SWP sont nombreux. Leur utilisation coordonnée et « hiérarchique » permet de porter un diagnostic de certitude et de dresser un arbre décisionnel dans la stratégie diagnostique du syndrome (figure XIII). V.1. L’étude du profil de méthylation L’étude moléculaire débute par l’étude du profil de méthylation au locus SNRPN chez l’enfant. En effet, le profil de méthylation étant perturbé quelque soit le mécanisme génétique en cause, cette analyse permet d’affirmer le diagnostic de SWP. Plusieurs techniques peuvent être utilisées : - Southern Blot (22) (66) (74): Développée au milieu des années 70, la méthode Southern Blot est la méthode classique d’analyse de l’ADN clivé par des enzymes de restriction (il s’agit d’enzymes bactériennes qui reconnaissent des séquences spécifiques dans l’ADN double brin et clivent l’ADN à un endroit précis). Son principe est le suivant (figure VIII): - L’ADN cible double brin (donc contenant le ou les gènes responsables de la maladie) est d’abord isolé, puis digéré par une ou plusieurs enzymes de restriction, dont l’une est sensible à la méthylation. - Les multiples fragments d’ADN génomique obtenus sont séparés selon la taille des fragments par une électrophorèse en gel d’agarose. - Après électrophorèse, l’ADN ainsi digéré est marqué avec un colorant fluorescent (habituellement, le bromure d’éthidium) ; les fragments d’ADN apparaissent alors sous la forme d’un long ruban de matériel fluorescent. - Les fragments sont ensuite dénaturés à l’aide de concentrations alcalines afin de séparer les deux brins d’ADN - Le gel d’agarose étant fragile, on transfère les échantillons d’ADN dénaturés sur un papier filtre de nitrocellulose ou une membrane de nylon. La position des fragments d’ADN ainsi immobilisés reflète parfaitement la taille obtenue après électrophorèse. - Les séquences d’ADN simples brins ainsi immobilisés sont ensuite mises en présence d’une sonde d’ADN simple brin radioactive spécifique du locus SNRPN (PW 71). - Après lavage de l’excès de sonde d’ADN (non hybridé), le support (papier filtre ou membrane de nylon) est exposé à un film sensible aux rayons X afin de révéler la position des fragments auxquels la sonde s’est hybridée. - Après exposition, le film autoradiographique révèle l’existence de deux bandes de taille différente chez un individu normal, l’une correspondant à l’allèle d’origine paternelle et l’autre, à l’allèle maternel. Chez un sujet atteint de SWP, seule la bande correspondant à l’allèle maternel est présente (figure IX). Figure VIII : La méthode de Southern-Blot. Extrait de : Strachan Tom, Read P Andrew. Techniques d’hybridation de l’ADN dans. Strachan Tom, Read P Andrew. Génétique Moléculaire Humaine. Paris : Flammarion Médecine- Sciences, 1998 : 107-128. Figure IX : Résultat d’une autoradiographie obtenue par Southern-Blot avec la sonde SNRPN. Extrait de : Dupont J, Cuisset L. Bases génétiques des syndromes de Prader-Willi et d’Angelman : implications pour la conduite du diagnostic biologique. Arch Ped. 1998 ; 5 : 418-424. - Méthylation-Specific PCR (MS-PCR) (78) : Un traitement de l’ADN par le bisulfite de sodium convertit toutes les cytosines non méthylées en uracile, puis est réalisé au locus SNRPN : - une amplification au moyen d’amorces spécifiques du brin méthylé et spécifique de l’allèle maternel, générant un produit de 174 pb, - une amplification au moyen d’amorces spécifiques du brin non méthylé et spécifique de l’allèle paternel, générant un produit de 100 pb. Après migration sur gel d’agarose, la visualisation de deux bandes à 100 et 174 pb permet d’exclure le diagnostic de SWP. En revanche, l’existence d’une bande unique à 174 pb conduit à affirmer le diagnostic de SWP (figure X). Figure X : Analyse de méthylation par PCR-méthylspécifique. Extrait de : Verdeil Laetitia. Syndrome de Prader-Willi : étude de six cas et proposition de prise en charge des enfants et adolescents. 82 f. Th.: Méd : Rouen : 2001 : 92. L’étude du profil de méthylation permet de poser le diagnostic de SWP, quelque soit le mécanisme génétique en cause. Cependant, parce que le risque de récurrence de l’affection est très différent en fonction du mécanisme génétique, il est essentiel de poursuivre les investigations et de déterminer le mécanisme impliqué. V.2. Le caryotype à haute résolution et méthode de FISH Par rapport à un caryotype classique, qui reste utile pour rechercher de rares remaniements chromosomiques tels qu’une translocation ou une inversion (22), le caryotype à haute résolution se distingue par la présence de 23 chromosomes métaphasiques avec plus de 1000 bandes visibles versus 350 à 500 bandes observées au maximum sur un caryotype standard. On rappelle que chaque chromosome possède une distribution caractéristique de bandes claires et de bandes sombres assurant leur reconnaissance. L’amplification du nombre de bandes visibles augmente la résolution du caryotype et permet donc l’étude d’un certain nombre de pathologies. Les délétions, et en particulier, les microdélétions peuvent ainsi être identifiées (74). Ainsi, si une délétion (telle que dans le SWP) est suspectée, le caryotype à haute résolution localise la région impliquée dans la survenue de la maladie de manière plus fine que le caryotype standard. Le caryotype à haute résolution est obtenu à partir d’une culture de cellules récoltées à un moment où un très grand nombre de cellules sont en prophase tardive ou en métaphase précoce, c’est-à-dire avant que la condensation maximale des chromosomes ne soit atteinte. Cet état de condensation relative accroît la visibilité des chromosomes et leurs éventuelles anomalies également (2). La méthode de FISH (Fluorescence In Situ Hybridization) (22) est une étape supplémentaire dans l’analyse d’un fragment délété. Ainsi, dans le SWP, un clone d’ADN spécifique de la portion délétée du chromosome 15 sert de sonde d’hybridation. Marquée par un fluorochrome, elle est mise en contact avec une préparation de chromosomes métaphasiques en haute résolution.Une deuxième sonde, située en dehors de cette zone, marquée par un deuxième fluorochrome, permet de repérer les deux chromosomes 15. A l’état normal, une sonde hybridée à partir d’une région chromosomique précise, produit un signal fort sur les deux homologues dans chaque chromosome. En cas de délétion, comme dans le SWP, la sonde marquée, spécifique de la zone délétionnelle, ne s’hybride qu’avec un seul des deux chromosomes 15 identifiables grâce à la deuxième sonde. La région chromosomique porteuse de la délétion n’est pas hybridée ; un seul spot de la sonde spécifique est visible et fait le diagnostic de SWP (figure XI). Technique fiable et rapide, le caryotype à haute résolution permet, entre autre, d’identifier une éventuelle région chromosomique délétée. Si la délétion est connue pour être à l’origine d’un syndrome génétique particulier, la méthode de FISH confirme le lien de causalité. Ainsi, en cas de délétion paternelle sur le chromosome 15, la méthode de FISH suffit à elle seule pour poser le diagnostic de SWP. Si les résultats sont normaux, d’autres examens à la recherche d’une DUP ou d’une mutation du centre d’empreinte sont nécessaires. Figure XI : Hybridation in situ par fluorescence. Extrait de : Verdeil Laetitia. Syndrome de Prader-Willi : étude de six cas et proposition de prise en charge des enfants et adolescents. 82 f. Th.: Méd : Rouen : 2001 : 92. V.3. L’analyse par microsatellites Les microsatellites sont constitués de séquences répétées d’ADN de 2 à 10 paires de bases. Ils représentent la forme la plus abondante d’ADN répétitif et sont très polymorphes. Le nombre de répétitions variant et générant des polymorphismes multialléliques très informatifs, les microsatellites sont d’importants marqueurs génotypiques. Ainsi, les microsatellites les plus fréquemment explorés dans le SWP sont localisés aux loci D15S11 et GABRD3 (figure V) situés dans la région chromosomique à l’origine du SWP (51). L’analyse des microsatellites (22) est réalisée chez l’enfant et ses parents. Grâce au polymorphisme des marqueurs génétiques, il est possible de suivre la ségrégation des chromosomes et de déduire de quel chromosome 15 l’enfant a hérité, celui de son père ou de sa mère. L’absence de contribution paternelle confirme le SWP sans en identifier le mécanisme. En effet, celle-ci peut résulter à la fois d’une microdélétion ou d’une DUP. C’est pour cela qu’il est essentiel de pratiquer en premier lieu une analyse par FISH afin d’exclure le mécanisme délétionnel et affirmer ainsi la DUP dans le SWP. Enfin, la présence d’une mutation du centre d’empreinte est évoqué devant un profil de méthylation anormal, une absence de microdélétion par FISH et une contribution biparentale objectivée par l’étude des microsatellites. Finalement, ces études sont réalisées, non seulement pour confirmer le diagnostic, mais surtout pour délivrer un conseil génétique. Figure XII : L’analyse par microsatellites sur le chromosome 15. Extrait de : Verdeil Laetitia. Syndrome de Prader-Willi : étude de six cas et proposition de prise en charge des enfants et adolescents. 82 f. Th.: Rouen : 2001 : 92. Cas index Caryotype et Analyse de méthylation (Southern Blot ou MS-PCR) FISH Si FISH normale, recherche DUP ou mutation du centre d’empreinte absence de contribution paternelle Diagnostic SWP confirmé (délétion) Diagnostic SWP exclu Diagnostic SWP confirmé Analyse parents-enfant de microsatellites du 15 pour déterminer le mécanisme en cause et estimer le risque de récurrence Figure XIII : L’arbre décisionnel de la stratégie diagnostique du SWP. VI. LE CONSEIL GENETIQUE VI.1. Le risque de récurrence en fonction du mécanisme (12) La connaissance du mécanisme responsable de la maladie chez le cas index est importante pour évaluer le risque de récidive. En effet, le risque de récurrence est différent selon qu’il s’agisse d’une délétion, d’une DUP ou d’une mutation de l’empreinte. Le diagnostic anténatal (DAN) est justifié dans certaines situations. - Dans les cas de microdélétions, il est impératif d’étudier le père pour distinguer le caractère hérité ou de novo de l’anomalie. Quand la maladie est secondaire à une microdélétion de novo, le risque de récidive est très faible, estimé à moins de 1% (tableau 1). Il est d’usage cependant, en cas d’antécédent d’anomalie chromosomique, d’accéder à la demande de DAN des parents (caryotype avec FISH et microsatellites) afin de rassurer les parents (22). Si la délétion est héritée du père, le risque de récurrence est majeur, de l’ordre de 50%. Le DAN est réalisé le plus précocement possible, sur biopsie de trophoblaste. - En cas de DUP survenues de novo, le risque de récurrence est faible (<1%) mais on propose habituellement aux parents un DAN sur amniocentèse s’ils souhaitent, afin de les rassurer (caryotype, analyse de méthylation et étude des microsatellites). Les DUP associées à un remaniement chromosomique chez le père du cas index présentent un risque de récurrence variable, en fonction de la nature et de la taille du remaniement (tableau 1). Il conviendra donc de réaliser un DAN, après amniocentèse, comprenant un caryotype standard, une analyse de méthylation et une étude de microsatellites. - Lorsqu’une mutation du centre d’empreinte est responsable de la maladie, le risque de récidive est de 50% pour le couple (tableau 1). Deux stratégies de DAN peuvent être alors discutées : - un diagnostic d’exclusion sur biopsie de trophoblaste par analyse des microsatellites.Si le fœtus n’a pas reçu le même allèle paternel que le cas index, il peut être déclaré sain. S’il partage le même allèle paternel que le cas index, il convient alors de réaliser une étude de méthylation sur liquide amniotique. - un DAN sur liquide amniotique, avec d’emblée l’étude de la méthylation et des microsatellites permettant le diagnostic. chiffres FREQUENCE RISQUE DE RECURRENCE Mécanisme DELETION 70 % DISOMIE UNIPARENTALE 25 – 30 % MUTATION D’EMPREINTE 1% De novo <1 % Héritée 50 % Sans anomalie parentale <1 % Avec anomalie parentale risque variable 50 % Tableau 1: Fréquence et risque de récurrence, selon les différents mécanismes génétiques mis en jeu dans le SWP. VI.2. Les voies de la recherche (12) Des découvertes importantes ont été réalisées ces dernières années. De nombreux gènes soumis à empreinte dans la région chromosomique impliquée dans la survenue du SWP, hormis le gène candidat SNRPN, ont été identifiés : ZNF 127, IPW, PAR-1 et PAR-5, P, NDN (necdin) etc. Leur rôle respectif n’est pas toujours clair et reste à établir. Cependant, pour certains d’entre eux, leur fonction et leur implication dans le SWP sont maintenant connues. Par exemple, la délétion du gène P entraîne une hypopigmentation présente chez 1/3 des patients atteints du syndrome. On peut donc espérer qu’une progression des connaissances sur ces gènes (et d’autres, encore inconnus) et leurs fonctions aboutissent à une meilleure compréhension de la maladie, tant sur le plan génétique que clinique, ouvrant la voie à des perspectives thérapeutiques. ANNEXES ANNEXE 1 : SCORE D’APGAR FREQUENCE CARDIAQUE Absence <100/min >100/min MOUVEMENTS RESPIRATOIRES TONUS MUSCULAIRE REACTIVITE COLORATION COTATION absents flasque pas de réponse cyanose pâleur 0 irréguliers léger tonus en flexion léger mouvement corps rose (extrémités cyanosées) 1 réguliers bon tonus en flexion cri complètement rose 2 Le score normal est de 10 points. Un score d’Apgar < 7 signe une souffrance fœtale aigue lorsqu’il est associé à une anomalie du rythme cardiaque fœtal et à un liquide amniotique teinté. ANNEXE 2 : COORDONNEES UTILES - ASSOCIATION PRADER-WILLI FRANCE Mme Nicolette PONSART : 29, Avenue Miltrat 06100 NICE-France 04 93 84 88 54 E-mail : [email protected] http://perso.wanadoo.fr/pwillifr - APAC-ASSOCIATION DE PORTEURS D’ANOMALIES CHROMOSOMIQUES Mme le Dr Isabelle MARCHETTI-WATERNAUX Eragny-France DEFINITIONS Allèle : une ou plusieurs versions alternatives d’un même gène, situées au niveau d’un même locus. Arthrogrypose : contracture avec ankylose permanente d’une articulation en flexion. Bradymétacarpie : brièveté anormale des métacarpiens. Cellule diploïde : cellule possédant deux jeux de chromosomes homologues, l’un d’origine paternelle et l’autre d’origine maternelle. Codon : triplet de trois bases dans une molécule d’ADN ou d’ARN spécifiant un seul acide aminé. Crossing-over : échange réciproque entre les chromatides des chromosomes homologues au cours de la prophase de la première division méiotique. Diplégie faciale : paralysie bilatérale et symétrique de la face. Dolichocéphalie : crâne dont le diamètre occipito-frontal (longueur) est supérieur au diamètre bipariétal (largeur). Epicanthus : repli semi-lunaire que forme la peau au devant de l’angle interne de l’œil. Epissage : maturation des transcrits primaires (ARN pré-messager) par incision des introns et raboutage (épissage) des exons situés de part et d’autre de chaque intron excisé. Exon : segment d’ADN codant. Génome : ensemble du matériel génétique d’une cellule ou d’un individu. Génotype : constitution génétique d’une cellule ou d’un individu. Genu varum : Jambe en forme de O ; déformation du membre inférieur consistant en une incurvation de la cuisse et de la jambe, à concavité interne, avec saillie du genou en dehors. Globule polaire : cellule formée pendant l’ovogenèse qui ne se transforme pas en ovule mais dégénère. Intron : séquence d’ADN non codante située dans un gène. Inversion : anomalie de la structure chromosomique résultant de deux cassures se produisant dans des régions chromosomiques différentes d’un même chromosome, avec changement d’orientation du segment intercalaire puis recollement de ce segment. Kinétochore : structure du centromère à laquelle les fibres du fuseau sont attachées. Locus : position d’un gène sur un chromosome. Macroglossie : hypertrophie congénitale ou acquise de la langue. Myotonie : contracture lente, suivie d’une décontracture lente, lors de mouvements volontaires, dues à une excitabilité et à une contractilité musculaires anormales. Néphroblastome : adénosarcome du rein à cellules de type embryonnaire. Tumeur hautement maligne observée presque exclusivement chez le jeune enfant. Nucléotide : élément constitutif des acides nucléiques. Il s’agit d’un ester phosphorique constitué d’une base purique ou pyrimidique, d’un pentose (ribose ou désoxyribose) et d’un radical phosphate. Ophtalmoplégie : paralysie des muscles de l’œil. Pénétrance : fréquence avec laquelle un gène ou une combinaison de gènes se manifestent dans le phénotype des porteurs. Phénotype : caractéristique biochimique, physiologique ou morphologique d’un individu, déterminée par son génotype et l’environnement dans lequel il est exprimé. Polydactylie : anomalie congénitale caractérisée par la présence de doigts ou d’orteils surnuméraires. Quotient intellectuel global (QIG): évaluation du fonctionnement intellectuel global par des tests psychométriques standardisés. Le QIG est composé du quotient intellectuel verbal (QIV) et du quotient intellectuel de performance (QIP) (QIG = QIV+QIP). 100 est la moyenne statistique du QIG. Quotient intellectuel verbal (QIV) : évaluation spécifique du fonctionnement et des capacités verbales d’un individu par de subtests standardisés. Quotient intellectuel de performance (QIP) : évaluation spécifique du fonctionnement et des capacités adaptatives (exemples : capacités de mémorisation, praxiques…) d’un individu par des subtests standardisés. Tibia vara : Incurvation du tibia à convexité externe. Translocation : transfert d’un segment de chromosome à un autre chromosome. SERMENT D’HIPPOCRATE En présence des maîtres de cette faculté, De mes chers condisciples Et devant l’effigie d’Hippocrate, Je promets et je jure d’être fidèle aux lois de l’honneur Et de la probité dans l’exercice de la médecine. Je donnerai mes soins gratuits à l’indigent, Et n’exigerai jamais un salaire au dessus de mon travail. Je ne participerai à aucun partage clandestin d’honoraires. Admis à l’intérieur des maisons, mes yeux ne verront pas ce qui s’y passe, Ma langue taira les secrets qui me seront confiés Et mon état ne servira pas à corrompre les mœurs ni à favoriser le crime. Je ne permettrai pas que des considérations De religion, de nation, de race, de parti ou de classe sociale Viennent s’interposer entre mon devoir et mon patient. Je garderai le respect absolu de la vie humaine. Même sous la menace, je n’admettrai pas de faire usage De mes connaissances médicales contre les lois de l’humanité. Respectueuse et reconnaissante envers mes maîtres, Je rendrai à leurs enfants l’instruction que j’ai reçue de leurs pères. Que les hommes m’accordent leur estime si je suis fidèle à mes promesses. Que je sois couverte d’opprobre et méprisée de mes confrères si j’y manque. ANNEE : 2004-2005 NOM ET PRENOM DE L’AUTEUR : FERREIRA Sandra DIRECTEUR DE THESE : Docteur GUILLOT François TITRE DE LA THESE : Le syndrome de Willi-Prader : ses caractéristiques, sa prise en charge et son suivi. Le syndrome de Willi-Prader est une maladie génétique rare due à une anomalie du chromosome 15 et qui atteint environ 1 nouveau-né sur 15000. Le diagnostic est souvent fait devant un tableau néonatal évocateur : hypotonie et troubles de la succion-déglutition. Ce syndrome dysmorphique associe ensuite une polyphagie avec obésité et des troubles comportementaux d’intensité variable. Six observations ont été rapportées dans cette thèse : cinq enfants ont bénéficié d’un diagnostic précoce entraînant une prise en charge globale et un suivi au long cours modifiant favorablement l’évolution de la maladie. Les conséquences d’un diagnostic tardif (à l’âge adulte) pour l’un d’entre eux, reflètent la nécessité d’un repérage précoce du syndrome et d’une prise en charge adaptée. Il faut donc insister sur l’importance d’un diagnostic précoce, afin d’orienter les familles et mettre en place une prise en charge dynamique, multidisciplinaire, accompagnée par les parents, en collaboration avec le médecin traitant. Mots-clés: - SYNDROME DE WILLI-PRADER - PRISE EN CHARGE ADRESSE DE L’UFR : 8, Rue du Général SARRAIL 94010 CRETEIL CEDEX DEUXIEME PARTIE : DESCRIPTION CLINIQUE ET PRISE EN CHARGE DU SWP B. DESCRIPTION DU SWP Caractérisé par une hypotonie néonatale, le SWP évolue secondairement vers une obésité infantile dont le contrôle est rendu difficile par des difficultés comportementales de degrés variables selon les enfants. Cette triade clinique (hypotonie- obésité- troubles comportementaux) est toujours présente dans le SWP. L’analyse de chacun de ces items permet, non seulement, une meilleure connaissance de l’affection mais également des autres syndromes qu’il faut savoir évoquer face à des tels symptômes (diagnostics différentiels). La prise en charge d’une hypotonie néonatale, d’une obésité infantile ou encore de troubles du comportement chez l’enfant nécessite une bonne connaissance des étapes du développement psychomoteur et du tonus normal chez le nouveau-né et le nourrisson, ainsi que des besoins nutritionnels et des comportements pathologiques chez le jeune enfant. Un examen clinique régulier et rigoureux permet au médecin spécialiste comme au médecin généraliste le dépistage d’une anomalie chez le nourrisson et la prise en charge précoce d’une éventuelle affection. I. L’HYPOTONIE NEONATALE I.1. Développement psychomoteur et tonus normal chez le nouveau-né et le nourrisson Afin d’identifier une anomalie du développement d’un enfant, il est nécessaire de rappeler l’évolution classique des acquisitions psychomotrices en fonction de l’âge. Ces paramètres sont présentés sous forme d’un tableau pour permettre une recherche visuelle rapide d’un élément particulier de l’examen clinique, qui interpelle (tableau 2). AGE DEVELOPPEMENT PREHENSION MOTEUR GRAPHISME LANGAGE OCULOMOTRICITE COMPORTEMENT RELATIONNEL Naissance 1 mois Hypertonie périphérique avec membres en flexion. Hypotonie axiale avec tête instable. Gesticulation spontanée symétrique. Réflexes archaïques présents Sur le ventre, soulève la tête. Serre le doigt ; introduit la main Pas de langage. Bruits de gorge ; se calme au son de la voix. Orientation vers la lumière douce. Rythme veille-sommeil 20h sur 24h. Fixe son regard sur l’examinateur et suit des yeux transitoirement. 2 mois 3-4 mois 6-7 mois 8-9 mois 12 mois Maintien de la tête net et bref. Maintien de la tête. Sur le ventre, s’appuie sur les avant-bras. Position assise stabilisée avec appui des membres supérieurs. Se retourne du dos sur le ventre. Station debout quelques instants avec appui, les fesses en arrière. Station debout définitive ; marche seul ou tenu par la main. 2 ans Court sans tomber ; monte les escaliers. Coups de pieds. 3 ans Descend les escaliers ; fait du tricycle. Mains ouvertes, début des mouvements volontaires pour saisir les objets. Passe un objet d’une main à l’autre. Porte ses pieds à la bouche. Préhension fine pouce-index. Rire aux éclats. Vocalises Sourires à l’examinateur ; tourne la tête quand on l’appelle et tend les bras. Vocalise plusieurs syllabes. Répète « mama ». Acquisition du « non ». Reconnaît les visages familiers et s’inquiète devant l’étranger. Lance et empile les objets. Donne un objet sur ordre. Dit 3 mots dont 1 différent de « papamaman ». Imite « au revoir ». Tourne les pages Comprend d’un livre. parfaitement. Gribouillis et traits. Phrases de 2 à Perception de 3 mots. l’objet et de sa Montre les parties du permanence corps sur une poupée Acquisition du Raconte une « je » et phrases petite histoire complètes Aide à l’habillage. Répète ce qui fait rire. Autonomie alimentaire ; aide à ranger ses affaires. Joue en compagnie des autres enfants. Prête ses jouets et joue avec ceux des autres Tableau 2 : Principales étapes du développement de l’enfant. Extrait de Capute AJ, Biehl RF. Principales étapes du développement psychomoteur de l’enfant. Pediatr Clin North Am. 1973 ; 20(1): 8-16. En ce qui concerne le nouveau-né et le nourrisson, l’évaluation des performances est à moduler en fonction de l’âge gestationnel. En cas de prématurité, il faut considérer l’âge corrigé (il y a un décalage entre l’âge réel c'est-à-dire le jour de naissance du prématuré et l’âge corrigé, âge théorique par rapport à la date prévue de l’accouchement). On étudie ainsi (7) : • la gesticulation spontanée Elle est asymétrique, anarchique, caractérisée par une alternance de mouvements de flexion et d’extension, d’ouverture et de fermeture des mains. • les réflexes archaïques Au niveau de la tête : - le réflexe de succion et déglutition - la stimulation du pourtour de la région péribuccale occasionne un mouvement de l’orbiculaire des lèvres vers le doigt de l’examinateur (on parle de points cardinaux) Au niveau des membres supérieurs : - le réflexe de Moro l’extension du cou entraîne une extension abduction des deux membres supérieurs, puis une ouverture des mains, dans un mouvement d’embrassement avec un cri. - le grasping il s’agit de la flexion des doigts à la stimulation palmaire. Au niveau des membres inférieurs : - la marche automatique elle correspond au réflexe d’enjambement au contact de la plante du pied sur un plan dur ou d’un obstacle. - l’allongement croisé la stimulation de la plante du pied entraîne une flexion-extension et adduction du membre inférieur controlatéral. - le grasping il s’agit de la flexion des orteils à la stimulation plantaire. Ces réflexes archaïques existent de la naissance à l’âge de 3-5 mois ; leur absence est un signe d’immaturité cérébrale. En revanche, leur persistance au-delà de 5 mois doit être considéré comme pathologique, le dernier à disparaître étant le grasping des pieds. • le tonus Identifier une hypotonie et chiffrer son importance nécessite de connaître la définition et les variations physiologiques du tonus. Le tonus correspond aux contractions musculaires permanentes qui existent à l’état de repos, avant toute stimulation et notamment avant toute mobilisation passive (46). Le principal facteur de variation est la maturation du système nerveux qui s’achève à l’égard de cette fonction, entre 18-24 mois. Cependant, on prendra également en compte, surtout chez le tout-petit, d’autres facteurs de variation tels les états de vigilance, de satiété et d’agitation : on prendra le soin d’examiner le jeune nourrisson, si cela est possible, lorsqu’il est bien réveillé, calme, ni trop près ni trop loin d’un repas, sans hésiter à recommencer l’examen plus tard si les conditions d’examen cliniques ne sont pas optimales (40). On distingue le tonus axial et le tonus périphérique (40) : * le tonus axial normal Il s’apprécie à travers la qualité de tenue de la tête et du tronc, laquelle se traduira par les acquisitions posturales. - les acquisitions posturales Un tonus normal de l’axe permet : la tenue de la tête dans l’axe en position verticale, quelques instants à terme, de façon durable entre 4 et 8 semaines. la tenue assise avec appui à 6 mois, sans appui à 8 mois, seule à 9 mois. la station debout avec appui à 10 mois, sans appui à 12 mois. la marche autonome avant 18 mois (en moyenne 12 mois), parfaitement stable dans les semaines qui suivent. Les dates de ces différentes acquisitions psychomotrices sont variables en fonction de chaque enfant et correspondent à des données anamnestiques recherchées par l’interrogatoire des parents, d’où l’intérêt majeur de les avoir systématiquement consignées dans le carnet de santé, notamment au cours des examens obligatoires du 8ème jour, des 4ème, 9ème et 24ème mois. - l’examen clinique Il apprécie le tonus de la musculature axiale, d’une part au niveau du plan antérieur, d’autre part au niveau du plan postérieur. Cette appréciation est importante car certaines circonstances pathologiques affectent ces deux secteurs différemment. Le tonus de la nuque est étudié par la manœuvre du tirer-assis : - une tonicité correcte du plan antérieur permet à la tête de venir vers l’avant lorsqu’on tire l’enfant à soi, et freine sa chute en arrière lorsqu’on repose l’enfant sur le plan du lit. - une tonicité correcte du plan postérieur permet à la tête de venir aisément lorsqu’on tire l’enfant à soi et lui permet de redresser la tête lorsqu’on le penche en avant. * le tonus périphérique normal (tonus des membres) Le tonus des membres assure le maintien des attitudes et permet la gesticulation. On l’étudie au repos (tonus passif) et au cours de l’activité musculaire (tonus actif). - le tonus passif au repos Il est à l’origine, chez le nouveau-né à terme, de l’attitude en quadriflexion ; puis, le tonus va progressivement se répartir sur les systèmes fléchisseur et extenseur, et atteindre une harmonie parfaite vers 18 mois. Cette évolution aboutit à la notion d’angle d’ouverture des articulations lors de la manipulation, passive et douce, des segments de membres chez le nourrisson en décubitus dorsal. - Ainsi, au niveau de la cuisse, l’angle poplité d’une valeur de 90° à la naissance, s’ouvre ensuite progressivement pour atteindre 180° vers 18 mois. - Au niveau de la hanche, l’angle d’abduction est de 30° à la naissance et de 70 à 80° en fin de maturation. - Au niveau du coude, l’angle est inférieur à 90° à la naissance pour atteindre 180° dans le second semestre. - Enfin, au niveau de l’épaule, l’angle d’adduction du bras sur le thorax est de quelques degrés à la naissance puis s’élargit, le coude dépassant la ligne mamelonnaire controlatérale vers 18 mois. On peut également tester les angles de fermeture aux membres supérieurs (flexion du poignet sur l’avant-bras) et aux membres inférieurs (manœuvre talon-fesse). Là encore, il est essentiel de suivre l’évolution naturelle de cette extensibilité et d’en noter les données dans le carnet de santé. - le tonus actif au cours de l’activité musculaire La gesticulation d’un nourrisson est riche, vive, puissante et affecte harmonieusement les quatre membres lorsqu’il est bien réveillé et sollicité par le maternage. I.2. Diagnostic d’une hypotonie néonatale La mise en évidence d’une hypotonie néonatale constitue un élément majeur de la sémiologie neurologique pédiatrique. Ses causes sont très diverses et son pronostic très variable. On distingue les hypotonies axiales et périphériques. En cas d’hypotonie axiale (40): Outre le retard des acquisitions posturales, une hypotonie axiale va se traduire à l’examen par : - au niveau de la nuque, une mauvaise tenue de la tête qui dodeline en position verticale, ne passe pas vers l’avant lorsqu’on assied l’enfant ou du moins passe mal. En décubitus ventral, l’enfant redresse mal la tête. En décubitus dorsal, il se tient le tête tournée de côté et ne la passe que difficilement d’un côté à l’autre. - au niveau du tronc, en appui plantaire, le très jeune nourrisson se redresse mal sur ses pieds, ne tend pas les genoux et ne verticalise pas le tronc (ou seulement sa partie lombaire), ne redresse pas la tête. Chez le nourrisson plus âgé, la station maintenue assise se fait au prix d’une importante gibbosité dorsale avec bascule du bassin en avant. En cas d’hypotonie périphérique (40): - au repos : à l’inspection, l’attitude peut déjà être évocatrice chez le nouveau-né et le nourrisson en décubitus dorsal si l’hypotonie est suffisamment marquée. Les membres reposent sur le plan du lit, les bras en extension, les cuisses semi-fléchies en abduction et rotation externe, les jambes semi-fléchies et les pieds en équin. à l’examen, l’augmentation de la passivité se traduit par une augmentation du ballant des pieds et des mains. L’augmentation de l’extensibilité se traduit par l’exagération des angles d’ouverture pour les fléchisseurs et des angles de fermeture pour les extenseurs. La consistance des muscles est habituellement diminuée à la palpation (ceci n’est pas toujours facile à apprécier en raison de l’abondance du tissu adipeux à cet âge). - lors de l’activité musculaire : la gesticulation est pauvre, lente, difficile à solliciter, malgré les efforts répétés de l’entourage. A ce stade de l’examen, l’hypotonie est affirmée, son intensité et surtout sa topographie précisées : elle peut prédominer au niveau de l’axe ou à l’inverse, au niveau des membres. Lorsqu’elle est globale et massive (intéressant l’axe et les membres), la manipulation de l’enfant évoque celle d’une poupée de chiffon. Au terme de cette enquête, en fonction des signes cliniques de l’hypotonie, on distingue les hypotonies d’origine centrale (neurologique) ou périphérique (il s’agit d’une atteinte neuromusculaire). La recherche de signes associés neurologiques et extraneurologiques est indispensable afin d’étayer le diagnostic étiologique. Les hypotonies d’origine centrale (3) Ce sont les plus courantes. La mère attire l’attention de son médecin sur ce symptôme qui la frappe. Son discours est toujours le même : « il ne tient pas sa tête…il est mou…il l’a toujours été…il ne sourit pas ou peu…il n’attrape pas les objets…il est trop sage…ou pleure sans raison…il ne gazouille pas » et ajoute t-elle « je ne suis pas certaine qu’il voit bien ou qu’il me suit du regard ». Assis, l’enfant est tassé sur lui-même, sa mère s’arrangeant pour lui soutenir la tête. L’enfant est peu ou pas éveillé (sourire-réponse faible, poursuite oculaire absente voire très labile). L’examen met en évidence une hypotonie qui prédomine sur le tronc, la nuque et moins souvent les membres inférieurs, associée à une hyperextensibilité. Contrastant avec cette hypotonie axiale majeure, les membres sont certes comparativement moins atteints mais peuvent l’être. Il n’y a pas toujours des paralysies évidentes et les muscles ne sont pas atrophiés. Les réflexes rotuliens sont habituellement vifs. Il peut exister, déjà, un syndrome pyramidal qui deviendra net entre 7 et 12 mois. Les signes associés tels que : - retard mental - cécité corticale - syndrome dysmorphique - nanisme - surdité centrale, etc. sont à rechercher afin d’identifier une étiologie particulière. Une fois le diagnostic d’hypotonie centrale posé, il est très important de préciser s’il s’agit d’une hypotonie fixée, qui a toujours existé, ou d’apparition progressive après un intervalle libre normal de 3, 6 ou 12 mois. Dans le premier cas, l’enquête étiologique s’oriente vers la recherche des encéphalopathies prénatales (exemples : malformation cérébrale, aberration chromosomique, embryofoetopathie…) alors que dans le second cas, il faut plutôt rechercher une encéphalopathie progressive de caractère génétique. L’association d’une hypotonie fixée à un syndrome dysmorphique est très évocatrice du SWP. Les hypotonies d’origine périphérique (3) Les hypotonies du premier âge peuvent être d’origine périphérique, c'est-à-dire liées soit à une atteinte du neurone moteur périphérique, soit à une atteinte musculaire. Elles sont diffuses, atteignant le tronc, les membres et la nuque. Elles entraînent des paralysies flasques évidentes (diminution nette de la force musculaire) avec atrophies musculaires très prononcées. Les réflexes rotuliens sont diminués, voire abolis. Là encore, en fonction des signes associés, on s’oriente soit vers une pathologie neuromusculaire (exemple : amyotrophie spinale infantile) ou musculaire pure (telle que le syndrome de Duchenne) (tableau 3). Type d’hypotonie HYPOTONIE HYPOTONIE CENTRALE PERIPHERIQUE Caractéristiques Clinique - Hypotonie prédominante - Hypotonie diffuse atteignant le au niveau du tronc et de la nuque ; tronc, les membres et la nuque. atteinte variable des membres - Hyperextensibilité marquée au inférieurs. niveau des membres inférieurs avec -Hyperextensibilité (surtout au exagération des angles d’ouverture niveau de la tête et du cou). pour les fléchisseurs et des angles de fermeture pour les extenseurs). Atteinte musculaire - Pas de paralysies musculaires - Paralysies flasques évidentes évidentes. (diminution de la force musculaire) - Pas d’atrophie musculaire ni de - Atrophies musculaires prononcées douleur à la palpation. avec douleurs, d’intensité variable à la palpation. Réflexes - Présents, ils sont habituellement - Les réflexes rotuliens sont diminués, rotuliens vifs (présence d’un syndrome voire abolis. pyramidal net entre 7 et 12 mois). Signes Parmi les signes les plus fréquents, Les signes d’orientation sont associés on retrouve (en fonction de variables en fonction de la l’étiologie) : topographie lésionnelle - un retard mental (neuromusculaire ou musculaire pure) - une cécité corticale - difficultés respiratoires majeures - un syndrome dysmorphique - troubles de la marche - un nanisme - anomalies oculaires, etc. - une surdité centrale, etc. Tableau 3 : Caractéristiques principales des hypotonies centrales et périphériques. I.3. Enquête paraclinique face à une hypotonie (40) Au terme de l’interrogatoire et de l’examen clinique, le diagnostic étiologique est le plus souvent déjà largement orienté et va permettre de sélectionner les examens complémentaires visant à le confirmer. * Si l’enfant présente des éléments d’atteinte périphérique (neuromusculaire ou musculaire) : Le diagnostic est ici à l’exploration électrophysiologique, comprenant l’EMG (électromyogramme), la mesure des vitesses de conduction nerveuse sensitive et motrice, l’étude des PES (potentiels évoqués somesthésiques), complété ensuite, selon les cas, par le dosage des enzymes musculaires, voire la biopsie neuromusculaire. - Les explorations électrophysiologiques Elles confirment l’atteinte périphérique et précisent sa topographie. a. L’électromyogramme (EMG) : il s’agit de l’enregistrement, à l’aide d’aiguilles électrodes implantées dans différents muscles, de l’activité électrique musculaire. Il différencie le processus myogène (atteinte musculaire pure) du processus neurogène (trouble de l’innervation du muscle). La mise en évidence d’un EMG myogène oriente vers une myopathie et doit être complété, outre par le dosage des enzymes musculaires, par l’étude de la biopsie musculaire qui seule confirmera le diagnostic et permettra la classification de la myopathie. Un tracé neurogène signe l’existence d’une atteinte du neurone moteur (soit au niveau de la corne antérieure de la moelle, soit au niveau axonal). b. La mesure des vitesses de conduction nerveuse sensitive et motrice : elles consistent à stimuler un nerf au niveau de la face palmaire des doigts, pour la mesure de la vitesse de conduction nerveuse sensitive ou au niveau d’un membre, comme le SPE (il s’agit du nerf sciatique poplité externe), pour la mesure de la vitesse de conduction motrice, et à recueillir la réponse du muscle distal innervé par ce tronc nerveux. Ces mesures dépendent directement de l’épaisseur et de la qualité de la gaine de myéline autour des axones : leur ralentissement signe l’existence d’une neuropathie myélinique. c. L’études des PES (potentiels évoqués somesthésiques) : la stimulation d’un nerf au niveau du poignet ou de la cheville permet le recueil, en aval, au niveau du système nerveux périphérique, des réponses évoquées dont on mesure l’amplitude et la latence. L’amplitude dépend essentiellement de l’activité axonale : sa diminution signe l’existence d’une neuropathie sensitive axonale. - le dosage des enzymes sériques Il s’agit non pas tant des transaminases et de la lacticodéshydrogénase (LDH) que de l’aldolase et la créatine phosphokinase (CPK) plus spécifiques de l’activité musculaire. Le prélèvement doit être effectué sans garrot, à distance d’un effort musculaire et en particulier, de l’exploration électromyographique. Seule une élévation importante est significative d’une lésion musculaire. Il n’y a pas de parallélisme entre l’importance de l’élévation des enzymes et la gravité de la myopathie. D’autre part, un taux normal n’élimine pas le diagnostic, surtout si l’enfant est très jeune. - la biopsie musculaire Elle seule permet la confirmation de l’atteinte musculaire après confrontation avec les données cliniques, biologiques et génétiques. L’examen histologique permet d’apprécier les modifications morphologiques : • une atteinte neurogène se traduit par l’existence de fibres atrophiques et d’images de « recaptation » (les fibres musculaires dénervées vont être récupérées par des filets axonaux voisins encore sains). • une atteinte myogène se traduit par des lésions non systématisées des fibres musculaires (inégalité de calibre des fibres sans regroupement fasciculaire, lésions de nécrose, etc). Là encore, surtout en cas d’atteinte myogène, une biopsie musculaire normale n’élimine pas une myopathie, surtout d’expression clinique récente. On peut alors, réitérer l’examen quelques mois ou quelques années plus tard, de façon à détecter l’apparition de l’atteinte dégénérative ou de signes permettant une classification spécifique. - la biopsie d’un nerf sensitif périphérique Elle est indiquée lorsque les données électrophysiologiques orientent vers une neuropathie périphérique sensitive ou sensitivo-motrice et que la clinique ne permet pas à elle seule de classer. * Si l’enfant ne présente pas d’éléments orientant vers une atteinte périphérique musculaire : L’atteinte est ici centrale. En fonction des données de l’anamnèse et de la clinique, de l’évaluation du quotient intellectuel, une batterie d’examens complémentaires est à réaliser afin d’étayer le diagnostic étiologique : fond d’œil, scanner cérébral, IRM, échographie transfontanellaire…. Divers dosages biologiques en découleront alors dans un second temps : caryotype, sérologies, ponction lombaire et étude du LCR…. La distinction entre hypotonie centrale et périphérique est essentielle, afin de guider la réalisation des examens complémentaires et effectuer un diagnostic le plus précoce possible. I.4. Caractéristiques de l’hypotonie dans le SWP (31) Chez un enfant atteint du SWP, l’hypotonie néonatale est d’origine centrale. Les premiers signes de développement du syndrome se retrouvent en moyenne dès la naissance (on signale même, une diminution des mouvements fœtaux pendant la grossesse dans 75% des cas). Il existe, chez le nouveau-né et le nourrisson, une absence de mouvements spontanés et de réponse à la stimulation, une inexpressivité du visage et un cri faible. L’hypotonie sévère entrave la succion et la déglutition au point d’imposer fréquemment l’alimentation par gavage pour nourrir ces enfants au cours des premières semaines de vie. Une amélioration globale, lente, s’effectue dans les trois premiers mois tant sur le plan moteur et alimentaire. Un bilan paraclinique minimal normal (échographie transfontanellaire, scanner cérébral, enzymes musculaires, EMG) associé à un tableau d’hypotonie centrale et à des troubles de l’alimentation et de la succion dès la période néonatale, doivent faire évoquer le diagnostic de SWP d’autant plus s’il existe des anomalies des organes génitaux externes et/ou un syndrome dysmorphique particulier (cf chapitre V). Finalement, l’hypotonie est un « signe d’alerte » pour tout médecin, généraliste ou spécialiste, et mérite notre attention afin de poser un diagnostic et proposer, si possible, une prise en charge précoce et adaptée. I.5. Les diagnostics différentiels Si le SWP est l’une des causes d’hypotonie (centrale) chez le nouveau-né et le nourrisson, elle est loin d’être la seule. Les différentes étiologies, sources d’hypotonie, varient en fonction de la topographie lésionnelle (périphérique ou centrale). La présence d’un ou plusieurs symptômes « dominants » et/ou de signes associés orientent le diagnostic. Ces étiologies sont résumées sous forme d’un tableau (tableau 4). HYPOTONIES HYPOTONIES CENTRALES PERIPHERIQUES Atteintes du système nerveux central Atteintes du neurone moteur périphérique * causes toxiques * au niveau de la corne antérieure - chez la mère : prise de sédatifs, injection -maladie de Werdnig-Hoffmann (amyotrophie d’anesthésiques, analgésiques durant la spinale infantile type I, II, III) grossesse ou l’accouchement ; alcool ; autres - autres pathologies : poliomyélite, etc. intoxications (brome, mercure ; très rares) * au niveau des nerfs périphériques - chez le nouveau-né : anticonvulsivants - maladie de Dejerine-Sottas, etc. - dysautonomie familiale, etc. * causes « traumatiques » - hémorragie intracrânienne Atteintes de la jonction neuromusculaire - syndrome ischémie-hypoxie - myasthénie et syndrome myasthénique (suite à un traumatisme obstétrical) -botulisme, hypermagnasémie, antibiotiques (causes exceptionnelles) * causes constitutionnelles - avec anomalie chromosomique : trisomie 21, Atteintes musculaires etc. - myopathies congénitales (myopathies à - avec syndrome dysmorphique : SWP, etc. inclusions, etc) - avec anomalie métabolique : - dystrophie myotonique néonatale aminoacidopathies, hypothyroïdie, etc. -dystrophies musculaires congénitales (myopathie de Duchenne, etc) Atteintes du tissu conjonctif * syndrome de Marfan - myopathies métaboliques (glycogénoses, lipidoses, myopathies mitochondriales) * syndrome d’Ehlers-Danlos * autres atteintes génétiques du collagène Tableau 4 : Les différentes étiologies des hypotonies (centrales et périphériques). Extrait de Perelman R, Amiel-Tison CL, Desbois JC. Période néonatale. Maladies du système nerveux et des muscles dans. Perelman R, Amiel-Tison CL, Desbois JC. Paris : Editions Maloine, 1985 : 1513-1683. I.5.a. L’atteinte centrale (40) L’atteinte centrale constitue la cause la plus fréquente des hypotonies chroniques du nouveau-né et du nourrisson. Elle peut ne toucher que le secteur moteur (retard pur des acquisitions posturales) ou concerne également le développement intellectuel. Parmi les atteintes du système nerveux central * les atteintes toxiques L’interrogatoire de la mère à la recherche de prises médicamenteuses devra être soigneux, ainsi que l’examen précis de la composition des médicaments. Si les analgésiques et/ou les anesthésiques sont volontairement administrés à la patiente par l’équipe médicale en pré ou per-partum, l’hypotonie de l’enfant est alors habituellement transitoire et régresse en quelques heures. En cas d’intoxication alcoolique maternelle, l’hypotonie s’associe volontiers à des éléments dysmorphiques (petites fentes palpébrales et hypoplasie de la moitié moyenne de la face) et à des malformations du système nerveux, cardiaque et squelettique (69). Quelque soit le type d’intoxication, après l’hypotonie, il apparaît un syndrome d’hyperexcitabilité chez l’enfant par sevrage. * les atteintes « traumatiques » Il s’agit de la survenue d’une hypotonie sur une hémorragie intracrânienne suite à un traumatisme obstétrical. Le syndrome ischémie-hypoxie résulte de séquelles de perturbations de perfusion à la période prénatale ou périnatale (exemples : séquelles de leucomalacie périventriculaire ou d’hémorragie intraventriculaire chez le prématuré…) avec pour conséquence, une hypotonie centrale. Le diagnostic est à l’anamnèse et à l’imagerie cérébrale. * les atteintes constitutionnelles avec anomalie chromosomique : La trisomie 21 (ou syndrome de Down) est la cause génétique la plus fréquente du retard mental modéré. Dans 95% des cas, elle est le résultat d’une non-disjonction méiotique de la paire du chromosome 21. L’hypotonie peut être la première anomalie notée chez le nouveau-né. Cependant, le syndrome de Down est habituellement diagnostiqué à la naissance, ou très rapidement après, en raison des signes dysmorphiques caractéristiques qui y sont associés (on note un visage rond et plat, des yeux bridés avec un épicanthus développé, des anomalies buccales avec un palais arqué et une langue épaisse et plissée, des mains courtes avec un seul pli palmaire) (32). avec syndrome dysmorphique : le SWP dont nous développerons la clinique ultérieurement, fait partie des anomalies constitutionnelles associées à un syndrome dysmorphique. avec anomalie métabolique : les amino-acidopathies sont des maladies métaboliques dues à des anomalies enzymatiques génétiquement transmises. Les principaux signes cliniques sont les suivants : - une détresse neurologique sévère accompagnée d’une hypotonie centrale - une hépatomégalie franche et croissante (trouble de la néoglucogènèse) - rarement, une odeur particulière de la peau, de l’haleine et des urines. Des examens biologiques de débrouillage seront pratiqués en première intention (ionogramme sanguin, dosage sanguin de la glycémie, des lactates, de l’ammoniémie et des pyruvates). En fonction de leurs résultats (acidose, cétose, hypoglycémie, hyperlactacidémie, hyperammoniémie), on peut alors demander des examens plus spécialisés : chromatographie des acides aminés sanguins et urinaires, chromatographie des acides organiques, dosages spécifiques notamment enzymatiques, dès que l’orientation diagnostique est suffisante et si possible guidée par les conseils des services spécialisés, afin d’identifier le système enzymatique perturbé. Le diagnostic d’hypothyroïdie doit être fait dans la période néonatale (dépistage systématique). Le pronostic est lié à la précocité de la thérapeutique supplétive. Parmi les atteintes du tissu conjonctif * le syndrome de Marfan est une maladie du tissu conjonctif fibreux dans laquelle il y a des anomalies caractéristiques des trois systèmes (squelettique, cardiovasculaire et oculaire). Dans cette maladie, les patients peuvent n’avoir aucune anomalie dans un ou deux des trois systèmes habituellement atteints. L’hypotonie, en rapport avec une atteinte d’origine squelettique (il n’y a pas de déficit musculaire mais les mouvements sont diminués par des déformations du squelette) est inconstante. * le syndrome d’Ehlers-Danlos est un groupe de maladies du tissu conjonctif caractérisées par une fragilité cutanée, une hypermobilité des articulations et une hyperlaxité cutanée. Un enfant hypotonique et hyperlaxe, à la naissance, doit faire évoquer ce diagnostic. I.5.b. L’atteinte périphérique (40) Parmi les causes les plus fréquentes d’hypotonie périphérique, on distingue donc : Les atteintes du neurone moteur périphérique * l’amyotrophie spinale infantile (ASI) est une maladie génétique transmise sur le mode autosomique récessif. Elle se caractérise par une dégénérescence des motoneurones de la corne antérieure médullaire (essentiellement, moelle cervicale et lombaire). Le gène est localisé sur le chromosome 5 depuis 1990 et identifié en CR5q13 depuis 1995. L’évolution est toujours redoutable mais varie dans sa gravité en fonction de la forme clinique d’ASI (trois types) (46). L’ASI de type I : c’est la forme la plus grave, aboutissant le plus souvent au décès de l’enfant au cours de la première année de vie. L’incidence de cette affection est de l’ordre de 1 pour 25000 naissances et constitue la deuxième ou la troisième cause de mortalité par maladie récessive. CLINIQUE - L’atteinte débute dans le premier trimestre, parfois dès la naissance. Il apparaît une diminution symétrique de la motilité des racines aux membres inférieurs, puis plus discrètement aux membres supérieurs. Au bout de quelques mois, il existe une hypotonie majeure, une mobilité restreinte à quelques mouvements fins des extrémités. Cette atteinte motrice grave contraste avec un regard vif, un éveil normal. - L’atteinte des muscles abdominaux et des intercostaux contraste avec le respect du diaphragme qui assure l’essentiel de la mécanique ventilatoire ; la respiration est paradoxale. Le cri est faible et court, la toux inefficace. - Pendant longtemps, la mimique est préservée et l’oculomotricité est toujours normale. Les troubles de la déglutition sont le plus souvent tardifs. PARACLINIQUE Les examens nécessaires au diagnostic sont : - l’EMG qui montre un tracé neurogène. - la biopsie neuromusculaire : le muscle a un aspect d’atrophie neurogène fasciculaire. Le nerf sensitif est normal. - la biologie moléculaire est maintenant réalisée de première intention. En effet, depuis la localisation génique de la maladie, il est possible d’affirmer le diagnostic à partir d’un simple prélèvement sanguin. Les résultats sont assez longs à obtenir (3 mois). Aussi, il est encore justifié de faire une biopsie neuromusculaire lorsque le risque vital est en jeu à court terme, ou s’il existe un doute diagnostique. EVOLUTION ET TRAITEMENT L’évolution est fatale avant 12 à 18 mois par insuffisance respiratoire chronique, précipitée par les infections pulmonaires récidivantes et les fausses routes. Le traitement n’est que symptomatique : kinésithérapie motrice avec prévention des rétractions tendineuses, corrections orthopédiques, prévention et traitement des infections respiratoires. Il n’y a pas actuellement de traitement spécifique. Il existe maintenant la possibilité de faire un diagnostic anténatal par la biologie moléculaire à partir d’une biopsie de trophoblaste réalisée à 11 semaines d’aménorrhée. Cela n’est possible qu’à la condition d’avoir pu prélever du sang ou du muscle du sujet atteint dans la famille. L’ASI de type II : le début est plus tardif et survient avant l’âge de la marche, le plus souvent entre 6 et 12 mois. Le motif de la consultation est : - le plus souvent, une absence d’acquisition de la position assise seule. - parfois, une absence d’acquisition de la marche, alors que la station assise seule et la station debout ont été acquises à l’âge normal. Le tableau clinique est proche du type I : hypotonie avec quadriparésie flasque, symétrique, prédominant aux racines et aux membres inférieurs. On note, cependant, une déglutition normale, l’atteinte des intercostaux est absente dans près de la moitié des cas. L’intelligence est parfaitement préservée, comme dans le type I. Il semble que le processus dégénératif de la corne antérieure s’arrête au bout de quelques années et permet une stabilisation des paralysies. Des phénomènes complexes de suppléance neurologique pourraient même donner l’impression d’une amélioration. Ces enfants restent, néanmoins, des grands infirmes moteurs, avec des rétractions tendineuses, des déformations osseuses secondaires, difficilement prévenues malgré des interventions orthopédiques précoces. Une prise en charge globale (kinésithérapeutique, orthopédique et respiratoire) permet d’assurer à ces handicapés moteurs sévères une qualité de vie optimale au cours de leurs 10, voire 20 ou 30 ans de survie. L’ASI de type III : Les premières étapes du développement psychomoteur sont normales. La marche est acquise sans retard. Les difficultés motrices apparaissent au cours de la deuxième décade. Elles s’aggravent progressivement et la perte de la marche survient généralement au cours de la troisième décade. Les atteintes de la jonction neuromusculaire * Syndromes myasthéniques la myasthénie néonatale : elle résulte du transfert maternofoetal d’anticorps antirécepteurs de l’acétylcholine provenant d’une mère myasthénique, mais parfois très discrètement atteinte. L’apparition de l’hypotonie et du déficit musculaire est très précoce, le plus souvent dans les premières heures de vie. Les troubles fonctionnels régressent entre 4 et 6 semaines. la myasthénie congénitale : elle est rare ; il n’y a pas d’atteinte maternelle. Il n’est pas retrouvé d’anticorps antirécepteurs de l’acétylcholine chez le nouveau-né. L’hypotonie et le déficit musculaire sont ici moins nets, alors que les autres signes (ophtalmoplégie et diplégie faciale) sont presque constants. Ces symptômes ne régressent pas, certaines formes s’exprimant par des épisodes récurrents de détresse respiratoire et de déglutition pouvant conduire à la mort. Les atteintes musculaires * La dystrophie musculaire congénitale (type Duchenne de Boulogne) est une affection génétique transmise sur le mode récessif lié au sexe (localisé au Xp 21). C’est la plus fréquente des affections musculaires et touche 1 garçon sur 2500 à la naissance. Le début se situe entre l’âge de18 mois et 3 ans mais peut atteindre l’enfant très jeune. La faiblesse musculaire est le signe majeur, elle gêne la marche et s’extériorise par la difficulté à se relever. L’hypotonie, toujours présente, passe souvent au second plan. Un déficit intellectuel modéré est fréquemment associé. Le diagnostic est confirmé par l’élévation importante des enzymes musculaires (CPK), l’aspect myogène de l’EMG et les résultats de la biopsie musculaire. De plus, l’absence ou la faible présence de la dystrophine en analyse immunohistochimique est un argument majeur en faveur du diagnostic. La délétion du gène codant pour la dystrophine est responsable du syndrome dans 60% des cas (à l’état normal, cette protéine assure le maintien de l’intégrité de la membrane plasmique des cellules musculaires). L’évolution à long terme conduit au décès de par l’atteinte des muscles axiaux, cardiaque et respiratoires (46). Il n’existe pas de traitement curatif et tous les espoirs de guérison reposent sur la thérapie génique depuis que le gène de la dystrophine a été isolé. Le premier essai de thérapie génique, soutenu par l’ASSOCIATION FRANCAISE CONTRE LES MYOPATHIES (AFM) a été lancé en Septembre 2000 en France sur neuf patients auxquels le gène de la dystrophine a tété injecté. Cet essai de phase I doit évaluer la faisabilité d’une telle thérapie (33). La dystrophie de Becker est une forme atténuée de la maladie. La dystrophine est présente mais en quantité insuffisante ou est de structure anormale. Les symptômes apparaissent plus tardivement que dans le cas de la myopathie de Duchenne, vers l’âge de 5-15 ans, et la maladie présente une évolution plus lente. * la dystrophie myotonique de Steinert touche habituellement le jeune adulte. Il s’agit d’une affection autosomale dominante impliquant le chromosome 19. Parfois, elle se révèle dès la naissance par une hypotonie majeure intéressant aussi bien l’axe que les membres. L’aspect du visage est typique (diplégie faciale, rétraction de la lèvre supérieure en accent circonflexe). L’existence de troubles de la déglutition et de troubles respiratoires peut mettre en jeu le pronostic vital dès les premières heures de vie. Passée la période néonatale, l’évolution est le plus souvent favorable sur le plan moteur ; en revanche, un retard intellectuel non évolutif de gravité moyenne est fréquente. Ce n’est qu’ultérieurement, vers 6 à 10 ans, qu’apparaissent les signes caractéristiques de la forme classique (myotonie, atteinte oculaire et endocrinienne). * les myopathies métaboliques sont dues à des déficits enzymatiques qui affectent les voies métaboliques permettant au muscle de produire de l’énergie. Le métabolisme du glucose, en particulier, peut être touché. La glycogénose de type II (maladie de Pompe) correspond à un déficit en maltase acide et celle de type V en phosphorylase. Ces deux maladies sont autosomiques récessives et se caractérisent par une hypotonie diffuse associée à divers signes extraneurologiques en fonction de l’étiologie. I.5.c. Conclusion Finalement, une bonne connaissance des nombreuses étiologies, sources d’hypotonie chez le nouveau-né et le nourrisson, permet à tout praticien (généraliste ou spécialiste) qui examine et/ou qui suit l’enfant, d’apprécier le retentissement psychomoteur de l’affection, d’évaluer ses progrès éventuels (ou malheureusement, dans certains cas, une régression des acquisitions) et enfin, de proposer une prise en charge précoce et adaptée, afin d’accompagner le jeune patient et ses parents dans un parcours quelquefois long et douloureux. De plus, le médecin généraliste, au cours du suivi de l’enfant, est souvent le premier interlocuteur des parents, qui consultent pour un trouble de l’évolution (quelque soit sa nature) chez leur enfant. Le rôle du médecin généraliste est donc primordial dans l’étape du « dépistage » de ces affections (en particulier, pour les formes à révélation différée ou tardive) et passe donc par une bonne connaissance biomédicale de l’hypotonie et de ses étiologies, afin d’informer les parents et les orienter vers les services spécialisés, toujours dans le souci d’optimiser la prise en charge de l’enfant malade. II. LES TROUBLES DU COMPORTEMENT ALIMENTAIRE Si le diagnostic de SWP n’est pas porté en période néonatale, l’apparition d’une obésité aux alentours de deux ans d’âge, est un signe d’alerte qui doit attirer l’attention du médecin. Il apparaît une hyperphagie excessive et insatiable, avec le risque de développer une obésité sévère si aucune mesure n’est prise. L’association à une dysmorphie caractéristique du SWP oriente vers le diagnostic qui sera alors confirmé par des études génétiques moléculaires. Pour sensibiliser l’enfant, ses parents et leur entourage, le médecin doit informer sur les risques et les conséquences, à court et à long terme, de l’obésité, contrôlables par une prise en charge précoce et pluridisciplinaire. Si les causes génétiques sont à l’origine de 5% des obésités (dont le SWP), l’obésité commune, responsable de 95% des cas, est une dérive génétique de la physiologie révélée par l’exposition à des conditions propices (facteurs environnementaux, psychologiques et socioculturels) (9). Une meilleure connaissance des facteurs influençant la survenue d’une obésité infantile, quelque soit son origine (génétique ou non), doit permettre aux différents acteurs de soins, dont les médecins de famille, de développer une stratégie de lutte contre cet excès pondéral (30). A l’échelon individuel, la prévention de l’obésité nécessite le dépistage des enfants à risque par les médecins traitants. La présence de signes associés tels qu’un retard statural et/ou un syndrome dysmorphique incite à la recherche d’une étiologie endocrinienne ou malformative (d’origine génétique), permettant une prise en charge et/ou un traitement spécifique, si cette recherche s’avère positive (38). Le même souci de prise en charge doit s’appliquer à l’obésité commune, même si elle ne relève pas d’une seule étiologie mais d’un ensemble de facteurs, sur lesquels des actions de prévention sont envisageables. Nous allons consacrer un chapitre sur les données actuelles concernant l’obésité infantile puis de manière spécifique, sur l’obésité caractéristique du SWP. II.1. L’obésité infantile L’alerte est donnée ! Les médias ont largement diffusé le cri d’alarme de l’Organisation Mondiale de la Santé : l’obésité envahit le continent au point de devenir un fléau dont les conséquences à long terme égalent les méfaits du tabac (39). En France, il existe déjà plus d’un million d’enfants en surcharge pondérale, et ce nombre ne cesse de croître depuis plusieurs décennies, laissant craindre une véritable épidémie si des mesures efficaces ne sont pas prises (77). Il faut prendre en charge le plus tôt possible, d’autant plus que l’obésité s’accompagne d’une morbimortalité accrue à l’âge adulte. L’obésité de l’enfant et de l’adolescent est associée à des facteurs de risque (FDR), contemporains de son état (pression artérielle élevée, lipides augmentés, intolérance glucidique, problèmes orthopédiques…) et à des FDR futurs (obésité à l’âge adulte, maladies cardiovasculaires…) qui en font un réel sujet de préoccupation en terme de Santé Publique (30). II.1.a. Définition et prévalence D’une façon générale, l’obésité correspond à un excès de masse grasse, qui peut se mesurer selon différentes méthodes (27). Actuellement, l’OMS recommande d’utiliser l’indice de masse corporelle (IMC) ou indice de Quételet pour estimer la masse grasse. Cet indice est le rapport du poids (en kilogrammes) sur le carré de la taille (exprimée en mètre) (54). Chez l’adulte, l’obésité est définie par un IMC supérieur ou égal à 30 Kg/m². Chez l’enfant, les variations biologiques de corpulence au cours de la croissance nécessitent l’utilisation de courbes de référence (figures XIV et XV). Sur les courbes établies par Mme Rolland-Cachera, en France, en 1991, présentes dans les carnets de santé les plus récents, on parle d’obésité pour un IMC supérieur ou égal au 97ème percentile de la distribution pour un âge donné, et de surpoids pour un IMC supérieur ou égal au 90ème percentile (54) (cf pages 74 et 75). Courbe de croissance staturo-pondérale chez les filles Courbe de croissance staturo-pondérale chez les garçons L’utilisation de l’IMC pour définir l’excès de poids présente de nombreux avantages : - obtention à partir de mesures simples - prise en compte simultanée de trois variables (poids, taille et âge) - détermination simple du rebond d’adiposité : au cours de la première année de vie, l’IMC augmente, puis il diminue jusqu’à l’âge de 6 ans environ. A cet âge, la courbe augmente à nouveau. Cette remontée de la courbe est appelée rebond d’adiposité. Or, plus il est précoce, plus le risque d’obésité à l’âge adulte est élevé. L’âge du rebond d’adiposité peut donc être utilisé comme indicateur prédictif de l’évolution de la corpulence (54). L’évolution de l’indice de corpulence traduit donc le développement du tissu adipeux. Deux types de variation apparaissent au cours de la vie de l’enfant (27): la première année de vie, la taille des adipocytes augmente puis diminue jusque vers 4 ans. Elle augmentera, à nouveau, lentement, à partir de 6 ans. le nombre des adipocytes augmente progressivement jusqu’à l’âge de 8 ans, plus rapidement ensuite. Les variations du tissu adipeux dans les premières années de vie reflètent donc surtout les variations de la taille des adipocytes. La deuxième augmentation, qui débute vers 6-8 ans, témoigne de leur multiplication. Une obésité transitoire avec un rebond tardif pourrait être associée à une hypertrophie des adipocytes. Une obésité persistante avec un rebond précoce pourrait être due à une multiplication des adipocytes. L’âge avancé du rebond d’adiposité ne s’explique pas plus, à l’heure actuelle, par des facteurs génétiques que par des facteurs environnementaux. L’apparition d’une obésité est généralement le résultat de ces deux facteurs (54). En pratique, le rebond prématuré de cet indice est un signal d’alerte qui justifie une prise en charge préventive, afin de modifier l’hygiène de vie et les comportements alimentaires et ce, avant qu’il ne soit trop tard… Malgré son incontestable utilité, l’IMC a cependant des limites. Il ne fait pas la part de la masse grasse et de la masse maigre. Une nouvelle définition internationale de l’obésité a été élaborée, en 2000, par le « Childhood Obesity Working Group » de l’ « International Obesity Task Force », groupe de travail sous l’égide de l’OMS. Cette définition s’appuie sur des courbes de centile de distribution de l’IMC réalisées à partir de données de six pays. Les seuils sont constitués par les valeurs de l’IMC égales à 25 et 30 kg/m² à 18 ans, correspondant aux degrés 1 (surpoids) et 2 (obésité) chez l’adulte. Ces nouvelles références internationales sont particulièrement utiles pour comparer différentes études et différents pays (tableau 5) (54). Tableau 5 : Nouvelles bornes internationales de l’indice de masse corporelle (IMC) pour définir le surpoids et l’obésité chez l’enfant entre 2 et 18 ans. Extrait de : Inserm (expertise collective). Obésité : dépistage et prévention chez l’enfant. www.inserm.fr En terme de prévalence, aucun pays à niveau de vie élevé, n’est épargné par l’obésité infantile, qui -tous critères confondus- concerne de 1 à 25% de la population d’âge pédiatrique. En 10 ans, l’obésité infantile a augmenté de 53% au Japon, de 21 à 65% en Grande-Bretagne, selon le sexe et la tranche d’âge considéré, de 60% aux Etats-Unis, de 75 à 110% à Singapour entre 1975 et 1983 pour finalement y être multiplié par un facteur 10 sur 20 ans. En France, 12% d’enfants sont obèses avec une augmentation de l’obésité modérée (entre le 90ème et le 97ème percentile) de 17% et une augmentation de l’obésité majeure (supérieur au 97ème percentile) de 28%. Le seul pays à avoir stabilisé ses chiffres est celui qui a mis en place un programme de prévention ciblé sur l’enfant : la Finlande. La prévalence de l’obésité infantile est certes, plus faible en France qu’aux Etats-Unis, souvent « pays de référence », mais l’évolution dans le temps pourrait être au moins aussi importante. La tendance actuelle laisse présager une accentuation du nombre d’obèses adultes dans les années futures (27). II.1.b. Facteurs de risque et étiologies de l’obésité La prise en charge d’un enfant obèse doit commencer par une étude clinique complète comportant interrogatoire, examen clinique et courbe de croissance staturo-pondérale. Cette dernière est un élément-clé dans la réflexion puisque tout enfant qui grossit en restant petit est suspect (à noter que les enfants présentant une obésité commune sont souvent plus grands que la moyenne). Cette étape (interrogatoire, clinique et analyse de la courbe staturo-pondérale) est indispensable et parfois suffisante pour décider de la conduite à tenir ultérieure. L’obésité n’est pas une maladie en soi, mais un symptôme complexe dépendant de facteurs génétiques et environnementaux. Elle est parfois l’un des signes d’une pathologie endocrinienne ou d’un syndrome malformatif. Le médecin doit savoir le dépister. Une anomalie de la croissance staturale (ralentissement voire arrêt de la courbe de croissance) et/ou un syndrome dysmorphique sont alors recherchés (38). Causes organiques (38) * les anomalies endocriniennes Face à un enfant obèse, il faut se poser la question d’un éventuel dérèglement hormonal. Si tel est le cas, ce diagnostic va faire voler en éclats la culpabilité du malade et ouvrir des possibilités thérapeutiques au médecin. La question mérite donc d’être posée. L’excès pondéral, l’évolution staturale et les éventuels signes cliniques orientent le diagnostic. • Syndrome de Cushing L’obésité est le maître symptôme, avec le défaut de croissance (la croissance est très ralentie voire nulle). Le diagnostic peut être évident des l’observation de l’aspect de l’enfant, qui a une surcharge pondérale facio-tronculaire. Le faciès est érythrosique avec de grosses joues. La graisse s’accumule dans l’abdomen et en haut du dos (bosse de bison). Cela contraste avec les membres qui restent minces, amyotrophiés. La peau est fine et les vergetures nombreuses (flancs, lombes et cuisses). La pilosité constitutionnelle est excessive, avec apparition d’un duvet visible, notamment sur le visage sous forme de moustache et de favoris. L’enfant est fatigué et la tension artérielle peut être élevée. Le tableau typique d’un syndrome de Cushing se constitue progressivement à bas bruit, et atteint des degrés variables, ce qui entraîne un diagnostic retardé. Pour le dépister de façon simple, un dosage du cortisol libre sur les urines de 24h avec cortisolémie de base peut suffire, éventuellement complété par un cycle nycthéméral du cortisol. Le syndrome peut être induit par une corticothérapie, surtout lorsqu’elle est prolongée : corticoïdes par voie systémique mais aussi inhalés (asthme). Les autres étiologies (corticosurrénalome, adénome hypophysaire) sont exceptionnelles : bilans hormonaux et imagerie en préciseront l’origine. • Hypothyroidie Le dépistage systématique a permis de traiter dès la naissance les hypothyroïdies congénitales. Les faux négatifs restent exceptionnels. Restent encore les hypothyroïdies acquises (le plus souvent d’origine auto-immune), dont les symptômes sont plus discrets, d’où le risque d’un diagnostic plus tardif. La prise de poids avec ralentissement de la vitesse de croissance et de la maturation osseuse s’accompagne des signes suivants : surpoids diffus avec infiltration des téguments qui sont froids et secs, visage bouffi et pâle, nez épaté, doigts boudinés. Le comportement de l’enfant a changé ; il est devenu lent, apathique, réussit moins bien en classe et dort beaucoup. Constipation et frilosité sont souvent retrouvées. La recherche d’un goitre est un geste obligatoire. Le dosage de base de TSHus et de T4 libre ôtera tout doute de dysthyroïdie devant un enfant gros et un peu paresseux. • Déficit en GH (Growth Hormone ou hormone de croissance) L’hormone de croissance (GH) étant lipolytique, il est logique de constater une surcharge graisseuse en cas de déficit. Outre le ralentissement de la vitesse de croissance, qui reste au premier plan, un aspect juvénile avec petit visage aux traits fins, contrastant avec un front haut et bombé, caractérise ces enfants. Leurs membres sont graciles, les mains et les pieds trop petits pour l’âge. En revanche, l’abdomen est rebondi par augmentation du pannicule adipeux, et on note fréquemment, un micropénis chez le garçon. Il existe une homologie avec le SWP puisque 50% des enfants atteints du syndrome présentent un déficit en GH. Les caractéristiques et les nouvelles avancées thérapeutiques concernant le déficit en GH dans le SWP seront abordées ultérieurement. • Lésions hypothalamo-hypophysaires Qu’elles soient tumorales (craniopharyngiomes), traumatiques ou dans les suites d’une intervention neurochirurgicale, ces lésions peuvent se révéler par une obésité rapidement évolutive et difficile à contrôler, d’où l’importance des mesures préventives dans de telles situations. • Pseudohypoparathyroïdies (maladie d’Albright) Il s’agit d’une affection hétérogène due à un syndrome de résistance hormonale à la PTH. Selon les différents types, l’obésité est présente dans 13 à 66% des cas et s’accompagne d’un syndrome dysmorphique : petite taille, faciès lunaire, cou bref, calcifications souscutanées, bradymétacarpie et parfois, retard mental. Le taux élevé de PTH contraste avec l’hypocalcémie et l’hyperphosphatémie. • Il existe une maladie rare (sans étiquette), à transmission autosomique récessive associant acanthosis nigricans, hyperandrogénie et hyperinsulinisme. * Les syndromes malformatifs La méconnaissance de ces affections explique peut-être la rareté avec laquelle elles sont rapportées. Parmi les plus connues, on cite : • Le syndrome de Willi-Prader (ou Prader-Willi) Il figure au premier rang des syndromes malformatifs associés à une obésité. Nous en détaillerons la clinique ultérieurement. • Le syndrome de Moon Barbet-Biedl C’est une maladie à transmission autosomique récessive, caractérisée par une obésité généralisée associée à une petite taille post-natale, de petites extrémités, une polydactylie, un hypogénitalisme et un retard mental. Il existe une rétinite pigmentaire responsable de nystagmus puis de cécité vers 30 ans. Une atteinte rénale et hépatique est fréquente. • Le syndrome de Beckwith-Wiedemann Soumis au phénomène d’empreinte parentale, ce syndrome est autosomique dominant à pénétrance variable. Le gène responsable (MIM 130650) est exprimé uniquement par les sujets qui l’héritent de leur mère. Sur le plan clinique, il existe une obésité et une dysmorphie faciale (yeux proéminents, hypoplasie de l’étage moyen, prognathisme). La macrosomie néonatale entraîne une grande taille à l’âge adulte, avec macroglossie et grandes oreilles. Les hernies (ombilicale et inguinale) sont fréquentes et il existe un risque élevé de néoplasies (néphroblastomes). Obésité commune (constitutionnelle) L’obésité commune est d’origine multifactorielle, résultant de l’expression d’une susceptibilité génétique sous l’influence de facteurs environnementaux avec au premier rang, la diététique et le comportement alimentaire, ainsi que le mode de vie et la sédentarité (54). Dans la survenue de cette obésité chez l’enfant, quelle est la part du déterminisme génétique et celle de l’environnement ? * Le déterminisme génétique - L’obésité parentale est un facteur de risque d’obésité infantile très important. On a pu montrer que par rapport à un enfant dont aucun des deux parents n’est obèse, le risque est multiplié par trois si un parent est obèse, par cinq si les deux parents le sont (54). - Des études Américaines (1974) et Scandinaves (Suède) sur les vrais jumeaux, séparés et élevés dans des familles différentes, ont montré que leur évolution était semblable et plus proche des parents génétiques que des parents adoptifs. Cependant, selon les études, les valeurs d’héritabilité de l’obésité varient de 10 à 80%, ce qui illustre l’imprécision de cette approche (9). - L’obésité commune relève d’un polymorphisme multigénique soumis aux facteurs d’environnement. Il existe, cependant, des obésités d’origine génétique, monogéniques (atteinte d’un gène unique) dont les gènes candidats ont été identifiés chez l’animal et/ou chez l’homme. Ce type d’obésité se distingue de l’obésité commune, mais également de l’obésité présente dans les syndromes malformatifs (SWP, syndrome de Beckwith-Biedemann…) entraînant également une obésité monogénique. Les syndromes malformatifs sont associés à des anomalies du développement (musculaire, mental, pubertaire, comportemental, etc…) tandis que la nature des gènes impliqués dans les obésités monogéniques a été déterminée sur la base d’anomalies endocriniennes associées (insuffisance corticotrope et anomalie du gène POMC, hypogonadisme et anomalie du gène LEP codant pour la leptine…) (9). Concernant ces obésités monogéniques « pures » (n’entrant pas dans le cadre d’un syndrome malformatif) : Elles sont sévères et débutent dès l’enfance. Rares, leur transmission est récessive. La caractéristique des gènes mutés dans ces obésités est leur implication dans le contrôle pondéral et la régulation de l’homéostasie énergétique chez l’homme. En fonction du gène, coexistent des troubles endocriniens d’intensité variable (9). Parmi eux, on décrit (21) (29) : - Le gène OB ou LEP, selon les pays, identifié en 1994, code pour la leptine. Il s’agit d’une cytokine de 16 KD (Kilodaltons) sécrétée principalement par les cellules adipeuses. Des travaux récents démontrent que la leptine est également produite par le placenta dans l’espèce humaine et par les cellules de la muqueuse fundique de l’estomac chez les rongeurs. Sa production et sa concentration plasmatiques sont strictement corrélées à la quantité de masse grasse, d’où une quantité de leptine circulante correspondante à celle des réserves énergétiques. La leptine agit au niveau du noyau arqué de l’hypothalamus par l’intermédiaire de son récepteur LEP-R, de la famille des récepteurs aux cytokines. Les deux formes principales de récepteurs de la leptine sont la forme dite « courte » et la forme dite « longue » qui diffèrent uniquement par la longueur du domaine intracellulaire. Alors que la leptine est produite quasi-exclusivement par le tissu adipeux, ses récepteurs sont présents dans de nombreux tissus. La forme « courte » apparaît comme la plus ubiquiste, la forme « longue » n’est exprimée à des niveaux élevés que dans l’hypothalamus. Nous verrons que la mutation du gène codant pour le récepteur de la leptine est également à l’origine d’une obésité. A l’état normal, la leptine influence la prise alimentaire en modulant les taux de plusieurs neuropeptides hypothalamiques (diminution de l’expression des neuropeptides orexigènes tels que NPY et augmentation de l’expression des neuropeptides anorexigènes tels que α-MSH). La leptine agit donc comme une véritable hormone qui joue un rôle dans la régulation de la satiété et du bilan énergétique. En conséquence, l’absence de leptine, interprétée par le système nerveux central comme une absence de réserves énergétiques, conduit à une hyperphagie majeure et à une extinction de l’axe gonadotrope (hypogonadisme). Un effondrement des concentrations plasmatiques de leptine, via la mutation du gène OB (ou LEP), semble donc être l’un des mécanismes impliqués dans la survenue d’une obésité infantile massive. Or, chez l’humain, il est actuellement bien établi que les concentrations plasmatiques de leptine sont augmentées chez l’obèse comparé au sujet de poids normal. La leptinémie est ainsi fortement et positivement corrélée à la corpulence, évaluée par l’IMC et, de façon plus étroite, à la masse grasse corporelle. Compte-tenu du rôle « satiétogène » potentiel de la leptine, l’augmentation de la leptine plasmatique chez la majorité des patients obèses a conduit à envisager l’existence d’un phénomène de « résistance » à l’action de la leptine endogène dans l’obésité. Cette notion de résistance à la leptine est issue de l’étude de certains modèles animaux d’obésité, porteurs de mutations invalidantes sur le gène du récepteur de la leptine et qui présentent une leptinémie très élevée. Etudions ces mutations du gène de la leptine ou de son récepteur : Deux modèles animaux d’obésité monogénique ont joué un rôle central pour la découverte du système leptine : la souris OB/OB (le gène OB codant pour la leptine) et la souris DB/DB (le gène DB code pour le récepteur à la leptine). Les phénotypes de ces deux types de mutants sont identiques, associant le développement précoce d’une obésité majeure avec hyperphagie et diminution des dépenses énergétiques, des anomalies de la glycorégulation avec hyperinsulinisme et infertilité. Des expériences déjà anciennes de mise en circulation croisée entre animaux (parabiose) conduisaient à l’hypothèse suivante : la souris OB/OB manquait d’un facteur circulant satiétogène, alors que la souris DB/DB possédait un tel facteur en abondance mais était résistante à son action. Le clonage des gènes OB et DB a confirmé cette hypothèse. Les souris OB/OB portent une mutation invalidante dans le gène OB et ne produisent pas de leptine fonctionnelle. Au contraire, les souris DB/DB sont hyperleptinémiques et possèdent un récepteur non fonctionnel, le récepteur de la leptine étant codé par le gène DB. Malgré une recherche intensive chez l’homme, seuls quelques cas très rares d’obésité importante chez des individus appartenant à des familles à fort degré de consanguinité se sont révélés être porteurs homozygotes de mutations sur le gène OB (5 patients déficients en leptine dans l’étude de Montagne et coll., 1997 et l’étude de Strobel et coll., 1998) ou DB (3 patients hyperleptinémiques dans l’étude de Clément et coll., 1998). Le déficit congénital en leptine circulante est associé à une obésité massive infantile. De poids normal à la naissance, ces enfants développent une obésité sévère à début précoce avec hyperphagie et faim permanente. La leptine sérique se situe à des niveaux très bas, proches de la limite de détection des dosages, avec une déviation marquée par rapport à la relation habituelle entre leptine et masse grasse corporelle. Deux patients, parmi ceux déficients en leptine, présentent de plus un hypogonadisme. Trois sœurs porteuses d’une mutation dans le gène du récepteur de la leptine ont également été identifiées. Contrairement aux sujets déficients en leptine, leur obésité massive et précoce (avec anomalies hypothalamo-hypophysaires et hypogonadisme) est associée à une hyperleptinémie majeure. Il a été montré que la mutation affectant le gène du récepteur de la leptine chez ces sujets génère une forme tronquée du récepteur. Cette forme soluble ne peut s’intégrer dans la membrane et transmettre le signal leptinique, mais elle est capable de lier la leptine circulante. Finalement, l’administration de leptine recombinante aux sujets déficitaires en leptine serait une solution thérapeutique intéressante…Si les premiers résultats d’une injection quotidienne de leptine recombinante semblent concluants sur des modèles animaux, les résultats préliminaires chez l’homme sont plus incertains. Cependant, la recherche se poursuit à un rythme extrêmement rapide et d’autres voies de traitement sont également ouvertes, en particulier la recherche d’agonistes leptiniques, qui pourraient être plus efficaces que l’hormone elle-même. - Le gène codant pour le récepteur β 3-adrénergique des adipocytes, à l’état muté, pourrait être responsable d’un accroissement du gain de poids chez les sujets obèses par diminution de la lipolyse (à l’état physiologique, l’activation de ce récepteur stimule la lipolyse) (27). - Des chercheurs Français et Américains ont identifié un nouveau gène, en 1999 : le gène UCP2 qui en agissant sur l’équilibre énergétique, interviendrait dans le contrôle du poids corporel. Cette découverte pourrait ainsi ouvrir la voie à de nouvelles approches thérapeutiques de l’obésité. Etudions en le mécanisme (27) : Il est incontestable que bon nombre d’obésités sont liées à une prise alimentaire excessive. Celle-ci n’est toutefois pas seule en cause ; la dépense énergétique est un autre facteur qui intervient également dans la genèse de l’obésité et dont le rôle est souvent négligé. On sait que chez un sujet adulte, lorsque l’énergie contenue dans les aliments ingérés est supérieure à celle nécessaire au fonctionnement de l’organisme et au maintien de la température corporelle, cet excédent d’énergie est conservé sous forme de graisses. Un tel phénomène répété quotidiennement peut conduire à une obésité. Cependant, on sait aussi que les individus ne sont pas égaux face à la prise de poids et qu’à prise alimentaire égale, un sujet qui dépense moins d’énergie pour fonctionner sera plus gras qu’un autre brûlant davantage d’énergie. Ainsi, une faible dépense énergétique facilite également la genèse d’une obésité. La dépense énergétique totale est la somme de l’énergie dépensée pour le métabolisme de repos, la thermorégulation, l’activité musculaire et les besoins liés à la croissance. La thermogenèse en réponse au froid ou celle qui suit un repas semble réduite chez certains obèses. Une étude de 1992 (Girardet et coll.) montre que le métabolisme énergétique de certains enfants obèses diffère de celui des enfants témoins du même âge. La dépense énergétique de repos est primitivement plus basse chez 22% des enfants obèses et la thermogenèse « post-prandiale » est réduite. C’est à ce niveau de l’équilibre énergétique qu’intervient le gène UCP2. Présent dans le noyau de toutes les cellules des mammifères, ce gène a été isolé et introduit dans les levures. Il a été montré, en faisant produire la protéine UCP2 par le gène correspondant dans les levures, que le gène modifiait la respiration cellulaire et stimulait la perte d’énergie. Ainsi, UCP2 favorise la dissipation d’énergie sous forme de chaleur. S’il y a peu de protéine UCP2, l’énergie dépensée est moindre et une plus grande part de l’énergie apportée par les aliments est conservée sous forme chimique et stockée sous forme de graisses. Le gène UCP2 pourrait donc intervenir dans le contrôle du poids corporel et apparaît ainsi comme un gène candidat pour l’obésité. L’étude du gène UCP2 sur de nombreux patients devrait permettre de vérifier son lien avec certaines pathologies et en particulier, avec l’obésité. La confirmation de ce lien ouvrirait la voie à de nouvelles stratégies de traitement de l’obésité (et d’une façon plus générale, des troubles du poids corporel comme les maigreurs et les cachexies) par des molécules modifiant l’activité du gène ou de la protéine UCP2. Dès à présent, de nombreuses firmes pharmaceutiques s’intéressent à ces perspectives d’applications thérapeutiques du gène et de la protéine UCP2. Toutefois, la mise au point de tels médicaments nécessitera encore certainement plusieurs années de recherche. - La mutation du gène codant pour la POMC (propiomélanocortine) entraîne une absence de précurseurs de l’ACTH (hormone adrénocorticotrophique), d’où l’insuffisance corticotrope associée et de l’α-MSH, peptide anorexigène et catabolique (9). - L’invalidation du gène codant pour le récepteur aux mélanocortines de type 4 (MC4-R) (récepteur du peptide α-MSH) chez la souris mais aussi chez l’homme, entraîne une obésité sévère d’expression variable. Les mutations de MC4-R affectent 1 à 3% des enfants obèses (36). Finalement, ces défauts monogéniques concernent tous le comportement alimentaire. Les gènes mutés codent tous, en effet, pour une protéine impliquée dans la régulation de l’appétit ou de la satiété. Pour mieux comprendre la fonction respective de ces protéines, nous achèverons cette synthèse par les grandes lignes des mécanismes physiologiques régulateurs de l’homéostasie énergétique. Plusieurs hormones renseignent le cerveau sur l’état des réserves énergétiques, mais l’hormone principale dans ce contrôle est la leptine. Elle agit par l’intermédiaire de son récepteur (LEP-R), présent à la surface de deux types distincts de populations neuronales (POMC/CART et AGRP/NPY) au niveau du noyau arqué de l’hypothalamus. Le signal hormonal est converti par ces neurones spécialisés en signal nerveux, avec production de neuropeptides modulateurs de l’appétit. En effet, les neurones POMC/CART produisent deux peptides : α-MSH et Cart, tous deux anorexigènes et cataboliques. Ils entraînent donc une diminution de la prise alimentaire. A l’inverse, les neurones AGRP/NPY ont une fonction anabolique et orexigène. Leurs deux peptides (dénomination commune à celle des neurones : AGRP et NPY) entraînent une augmentation de la prise alimentaire, le NPY étant d’ailleurs le plus ancien et le plus puissant neuropeptide orexigène connu. La leptine a donc un effet positif sur les neurones anorexigènes POMC/CART et un effet inhibiteur sur les neurones NPY/AGRP. La diminution du signal leptinique en cas de baisse des stocks adipeux provoque une réponse coordonnée conduisant à une augmentation de la prise alimentaire (21). - Si le déterminisme génétique semble bien établi pour les obésités monogéniques, il n’en va pas de même pour l’obésité commune ou constitutionnelle. La génétique de l’obésité commune n’a rien de pathologique en soi. Elle ne correspond pas à des erreurs de la nature ayant endommagé le produit de gènes essentiels. L’obésité commune fait appel à une génétique de prédisposition. Aucun gène n’est à lui seul nécessaire ni suffisant. Certains gènes ou régions chromosomiques différant dans leur séquence d’un homme à l’autre, prédisposent certains individus à stocker plus de graisse que les autres. Ces gènes sont naturels, leurs « variations » sont normales. Leurs allèles ont été sélectionnés au cours du temps, lors de périodes où les hommes, confrontés à des conditions alimentaires difficiles et imprévisibles, devaient stocker efficacement les calories qu’ils ingéraient. Bonus hier, malus aujourd’hui ? Le « malus » actuel, sous forme d’engraissement excessif avec ses complications, vient de l’environnement moderne, avec un accès facile à des sources de calories alimentaires et une dépense énergétique effondrée par la sédentarité croissante. Les gènes de stockage, hérités tels quels de nos ancêtres, s’expriment bruyamment par une épidémie d’obésité. Le phénomène est global, sans doute parce que les allèles favorisant le stockage sont très répandus dans l’espèce humaine. Un exemple de tels gènes est fourni par le gène de l’insuline, dont une forme (appelée VNTR1) est associée à une production accrue d’insuline. Cette forme est présente à l’état homozygote dans la moitié de la population Européenne. Il ne s’agit pas d’une forme anormalement mutée, mais d’un polymorphisme qui augmente la transcription du gène. Environ 75% des enfants normaux héritent cette forme de leur père. Seul l’allèle paternel du gène de l’insuline est exprimé au cours de la vie fœtale (phénomène d’« empreinte parentale »). Près de 3/4 des fœtus expriment donc cette forme associée à une sécrétion accrue d’insuline. Ces enfants naissent avec un risque d’obésité multiplié par 2 environ, probablement amplifié par l’alimentation moderne des enfants où les glucides, qui stimulent l’insuline, composent une partie importante des calories ingérées. L’obésité commune pourrait ainsi dépendre de formes fréquentes de plusieurs gènes modifiant très modérément la fonction de leur produit ou sa quantité. Ces variants génétiques sous-tendent les différences entre les individus pour de nombreux traits, qu’il s’agisse de leur capacité à stocker plus ou moins facilement les calories, de leur taille, de leur pression artérielle, etc. Ils constituent le fondement de la génétique « quantitative » qui cherche à expliquer les variations physiologiques « normales » entre les hommes. Il y a probablement un nombre conséquent de gènes différents qui concourent à la régulation d’un trait comme l’adiposité. On parle pour cette raison de trait polygénique. D’un groupe humain à l’autre, d’un patient à l’autre, ce ne sont pas obligatoirement les mêmes gènes qui prédisposent à l’obésité (9). Le nombre d’études portant sur la génétique de l’obésité croit de manière exponentielle. Cependant, le déterminisme génétique n’est pas la seule composante impliquée dans la survenue d’une obésité. Les facteurs environnementaux jouent un rôle primordial et méritent donc d’être étudiés. * Le rôle de l’environnement Parmi les facteurs environnementaux, on distingue : - L’alimentation (27) (54) : celle-ci a un caractère à la fois héréditaire et environnemental. Il y a probablement des comportements qui s’héritent : l’hyperphagie aux repas, le fait de manger très vite ou d’avoir des goûts très sélectifs pour les sucres ou les graisses qui plaisent d’ailleurs à tous les enfants, obèses ou non. Une alimentation hyperlipidique favorise aussi l’excès pondéral. Les protéines pourraient accélérer l’apparition du rebond d’adiposité en stimulant la production de l’IGF (Insulin-like Growth Factor 1) qui joue un rôle clé dans la multiplication des adipocytes. L’alimentation s’inscrit également dans un cadre plus général de rythme de vie : une répartition journalière de l’apport énergétique déséquilibré, avec un repas du soir souvent trop copieux, un petit déjeuner souvent absent, et des grignotages tout au long de la journée, sont des comportements fréquemment retrouvés chez l’enfant obèse par rapport à l’enfant de poids normal. - La sédentarisation (30) : Une diminution importante de l’activité physique, avec une sédentarisation excessive de l’ensemble de la société, mais encore plus des enfants, contribue au développement de l’obésité. Le nombre d’heures passées quotidiennement à regarder la télévision et à jouer aux jeux vidéo entretient, chez les plus jeunes, ce phénomène de sédentarisation. En effet, la télévision est identifiée comme une sollicitation quasi-permanente vers l’inactivité physique. Une étude menée dans la province du Luxembourg a montré que l’inactivité physique estimée par la consommation de télévision (nombre d’heures par semaine passées devant le petit écran) était corrélée à l’indice de masse corporelle de façon plus prédictive que le taux d’activité physique. - Le milieu socio-économique (27) : il influe sur le niveau de consommation énergétique. En France, dans une étude chez des enfants Français âgés de 7 à 12 ans, la prévalence de l’obésité était quatre fois plus élevée chez les enfants d’ouvriers que chez ceux des cadres. La ration énergétique des enfants d’ouvriers était plus élevée que celle des enfants de cadres. La structure de la famille entre également en ligne de compte : les enfants uniques présentent plus souvent un surpoids, de même que les derniers des familles nombreuses. Au Danemark, Lissan et ses collaborateurs ont montré, lors d’un suivi longitudinal, que les enfants négligés ayant souffert de carences affectives parentales devenaient plus souvent obèses que les autres. Au total, ces facteurs difficilement « quantifiables » (mauvaise hygiène de vie sur le plan alimentaire, sédentarisation excessive, structure intrafamiliale, environnement et milieu socio-économique…) participent à l’évidence au problème de l’obésité mais également à d’autres problèmes de santé associés dont les conséquences à court et à long terme peuvent être importantes. II.1.c. Conséquences de l’obésité infantile L’excès de masse grasse est associé chez l’enfant et l’adolescent à des complications présentes à court terme et qui peuvent aussi s’avérer des facteurs de risque à long terme (54). * Sur le plan psychologique (54) Les conséquences sont le plus souvent d’ordre social, avec en particulier, une mauvaise estime de soi, une diminution des performances scolaires et un rejet social. Dès le plus jeune âge, l’enfant est fréquemment isolé et victime de moqueries de la part de ses camarades. A l’adolescence, cette discrimination s’amplifie avec une image de soi négative, un risque accru de dépression et une insertion sociale future plus difficile dans nos sociétés modernes. * Persistance de l’obésité à l’âge adulte (54) 16 études menées de 1971 à 1997, avec des méthodologies et des définitions diverses de l’obésité, ont évalué le risque de persistance d’une obésité à l’âge adulte. Les principaux résultats que l’on a pu dégager de ces études sont les suivants : - la probabilité qu’un enfant obèse le reste à l’âge adulte varie de 20 à 50% avant la puberté à 50-70% après la puberté. - la présence d’une obésité parentale accroît fortement ce risque chez le jeune enfant, alors que plus l’enfant est âgé, plus son propre degré d’obésité devient déterminant. - enfin, chez les femmes (mais pas chez les hommes), la classe sociale basse des parents augmente le risque d’obésité à l’âge adulte et donc, la probabilité de persistance d’une obésité constituée dans l’enfance. La persistance d’une obésité infantile à l’âge adulte dépend donc de divers facteurs tels que : - l’âge de l’apparition de l’excès pondéral - la sévérité de l’excès - une histoire familiale d’obésité (un ou deux parents obèses) * Complications à court terme de l’obésité infantile Pathologies associées (36) (77) Parmi ces pathologies, les complications respiratoires (syndrome d’apnées du sommeil en particulier) ou anomalies respiratoires, ont été retrouvées lors de l’enregistrement systématique pendant le sommeil chez 33% des enfants présentant une obésité sévère. Les apnées du sommeil, essentiellement d’origine obstructive, sont une complication dont la fréquence est probablement sous-estimée chez ces enfants ; leur gravité potentielle est liée à la réduction des capacités d’apprentissage et de mémorisation qu’elles peuvent entraîner. L’existence de ronflements nocturnes peut être un signe d’appel justifiant un enregistrement polygraphique ventilatoire nocturne, examen de référence dans le dépistage des apnées ou hypopnées chez ces enfants. Certaines pathologies orthopédiques pédiatriques se retrouvent en majorité chez les enfants obèses : ils représentent 80% des enfants atteints de genu varum ou tibia vara et 50-70% de ceux présentant une épiphysiolyse fémorale. Ces complications sont heureusement rares mais nécessitent parfois une cure chirurgicale. Les anomalies de la statique vertébrale peuvent être aggravées par une surcharge pondérale et doivent également être recherchées. Les anomalies endocriniennes comme la puberté précoce, une oligoménorrhée voire une aménorrhée, sont plus fréquemment retrouvées chez l’adolescente obèse. Enfin, d’autres complications comme la lithiase biliaire (l’obésité serait responsable de 8 à 33% des cas chez l’enfant, surtout après la puberté), la stéatose hépatique (25% des enfants obèses), l’hypertension intracrânienne idiopathique (90%), la cardiomyopathie et la pancréatite ont également été décrites. Apparition du DNID (diabète non insulinodépendant) chez l’adolescent (36) L’augmentation récente et importante de la prévalence de l’obésité semble à l’origine de l’émergence, chez l’adolescent, du DNID (ou diabète de type II), une pathologie autrefois nommée diabète de la maturité, tant on la croyait réservée à l’adulte. Une étude menée aux Etats-Unis, dans la communauté de Cincinnatti, en 1994, a révélé que 1/3 des nouveaux cas de diabète entre les âges de 10-19 ans étaient de type II, pour un IMC de 38 kg/m². Un antécédent de premier degré de diabète de type II était retrouvé dans 65% des cas. Il constitue donc un facteur de risque de développement d’un DNID chez un enfant obèse, de même que la surcharge pondérale, surtout abdominale, associée à la sédentarité, entraîne parfois un hyperinsulinisme et une résistance à l’insuline, favorisant l’apparition secondaire d’un DNID. Anomalies métaboliques et facteurs de risques vasculaires (36) Bien que dans la grande majorité des cas, les enfants obèses n’expriment aucune plainte d’ordre médical, un certain nombre d’anomalies infracliniques se retrouvent plus fréquemment dans les groupes d’enfants obèses. Ces anomalies sont de différents types : 1. augmentation de la pression artérielle 2. augmentation du cholestérol total, du LDL-cholestérol et des triglycérides 3. intolérance au glucose ; hyperinsulinémie avec insulinorésistance comme nous l’avons déjà évoqué. La plupart des anomalies régressent à la faveur d’une perte partielle de l’excès pondéral. Néanmoins, certaines d’entre elles restent associées à un risque accru au long terme. * Complications à long terme de l’obésité infantile Mortalité (30) (36) De nombreuses études épidémiologiques sont concordantes pour conclure que l’obésité dans l’enfance est associée à une augmentation du risque de mortalité à l’âge adulte de 50 à 80%. L’excès de mortalité est surtout d’origine cardiovasculaire. Des autopsies réalisées chez des jeunes adultes décédés accidentellement ou pour fait de guerre ont permis d’établir une corrélation significative entre le degré d’adiposité et les lésions athéromateuses au niveau coronarien. Morbidité (54) (36) Dans les deux sexes, une morbidité accrue par pathologie cardiovasculaire est retrouvée. Il apparaît, à la lumière de plusieurs études épidémiologiques, que l’obésité de l’enfant constitue un facteur de risque indépendant de maladies cardiovasculaires ultérieures. Une étude de cohorte (suivi de 500 adolescents de 13 à 18 ans pendant 60 ans environ) a démontré que l’existence d’une obésité au moment de l’adolescence multipliait par 2 le risque de maladies coronariennes et par plus de 7 le risque d’athérosclérose à l’âge adulte, et cela indépendamment du niveau socio-économique, de l’existence d’autres facteurs de risque cardiovasculaire et surtout de l’évolution pondérale. Une étude Américaine, dirigée par Must et ses collaborateurs, en 1992, a retrouvé un risque de maladies coronariennes, de diabète, de goutte et de cancer du côlon, augmenté chez les hommes âgés qui avaient été en surpoids à l’adolescence. Parallèlement, chez les femmes (en surpoids à l’adolescence), un excès de pathologies articulaires et une diminution de la qualité de vie étaient notées par rapport au groupe témoin. Le devenir social (36) Les seules données concernant le devenir social des obèses nous viennent des Etats-Unis et reposent sur un échantillon représentatif national de plus de 10 000 sujets âgés de 16 à 24 ans, auquel un questionnaire annuel a été envoyé pendant 7 ans. Les filles obèses avaient, en moyenne, sept ans plus tard, un taux de mariage, un nombre d’années d’études et un revenu annuel inférieurs. Une tendance similaire, mais moins marquée, était notée chez les garçons. Compte-tenu de l’augmentation constante de la prévalence de l’obésité infantile et de ses conséquences à plus ou moins long terme, on comprend la nécessité de mettre en place des moyens de prise en charge de cette obésité dès le plus jeune âge. D’un point de vue de Santé Publique, on peut considérer que la prévention et la prise en charge thérapeutique de l’obésité chez l’enfant constituent, à terme, une prévention de l’obésité adulte et ainsi, de l’ensemble des facteurs de risque qui lui sont associés. La prévention de l’obésité dans l’enfance représente donc un enjeu majeur, non seulement pour les populations pédiatriques, mais aussi pour la santé des populations adultes (30). II.1.d. Approche thérapeutique de l’obésité infantile Le principe du traitement de l’obésité est de parvenir à un bilan énergétique négatif en réduisant les apports et en augmentant les dépenses. Ce principe est beaucoup plus facile à énoncer qu’à faire accepter, surtout à long terme. Cependant, l’intervention nutritionnelle isolée n’est pas suffisante à elle seule. Il faut y associer une pratique régulière de l’activité physique et le plus souvent, un soutien psychologique. La motivation de l’enfant et de sa famille est un des points les plus importants de la prise en charge tant pour l’initier que pour maintenir à long terme l’envie de poursuivre les efforts (27). * Mesures diététiques (27) (77) La prise en charge diététique débute toujours par un interrogatoire détaillé, éventuellement réalisé avec l’aide d’une diététicienne, afin de déterminer le régime spontané de l’enfant, puis d’y apporter les corrections quantitatives et qualitatives nécessaires (tableau 6). Tranche d’âge Garçons Filles (de 1 à 18 ans) (Kilocalories/joules) (Kilocalories/joules) 1 – 2 ans 1150 1150 2 – 3 ans 1350 1350 3 – 5 ans 1550 1550 5 – 7 ans 1850 1750 7 – 10 ans 2100 1800 10 – 12 ans 2200 1950 12 – 14 ans 2400 2100 14 – 16 ans 2650 2150 14 – 18 ans 2850 2150 Tableau 6 : Besoins énergétiques moyens des enfants normaux de 1 à 18 ans. Extrait de : Tounian Patrick. Attitude pratique devant un enfant obèse. Le Concours Médical 2002 ; 124-05 : 305-309. - Les corrections quantitatives ont pour but de rétablir des apports normocaloriques pour l’âge et le sexe. Un tel régime permet à la fois de diminuer les apports énergétiques en fonction des apports spontanés, qui sont augmentés chez l’enfant obèse, et d’assurer les besoins minimaux nécessaires à la croissance. Cette réduction, cependant, ne doit pas excéder plus de 30% des apports habituels. Pour cette raison, les régimes hypocaloriques sévères n’ont pas lieu d’être chez l’enfant. - L’aspect qualitatif du régime a deux objectifs : d’une part, réduire les apports lipidiques au profit des glucides complexes, la négativation du bilan lipidique étant indispensable pour obtenir une perte de masse grasse ; d’autre part, corriger la répartition des repas sur le nycthémère au profit de la première partie de la journée. Cela revient en pratique à accroître la consommation énergétique au cours du petit déjeuner, à abolir le grignotage et à réduire les ingesta en fin de journée. Enfin, les produits allégés et les édulcorants doivent être évités, car un des buts du régime est de rééduquer le goût de l’enfant, et notamment le déshabituer du goût sucré, alors que ces produits auraient plutôt tendance à pérenniser ces mauvaises habitudes. Il faut leur apprendre à ne boire que de l’eau en dehors ou pendant les repas. Quand la perte de poids sera estimée suffisante, il faudra veiller à ce que l’enfant conserve de bonnes habitudes concernant le choix des aliments. * Activité physique (27) (54) Il est nécessaire d’augmenter l’activité physique et de lutter contre la sédentarité (réduire le temps consacré à la télévision, aux jeux vidéo, à l’ordinateur…). L’exercice physique semble n’avoir que peu d’effets sur la réduction pondérale mais entraîne souvent, une réduction de la masse grasse. Au départ, le sport est souvent mal accepté par l’enfant, qui souffre à la fois de son image au sein du groupe et des difficultés à se mouvoir. L’exercice physique peut s’effectuer dans le cadre sportif ou dans le cadre de la vie courante (se déplacer à pied le plus souvent possible ; se promener ; en bus, descendre à la station précédant son arrêt). De plus, il a été montré que l’association d’un régime et d’une activité physique améliore non seulement la forme physique et la composition corporelle des enfants obèses, mais présente également un bénéfice en terme de risque cardiovasculaire à l’âge adulte. Offrir à l’enfant un pôle d’intérêt autre que la nourriture, par le biais du sport ou d’une activité physique quotidienne, est indispensable au bon équilibre nutritionnel, mais également psychologique, en favorisant son intégration auprès des autres enfants, du jeune patient obèse. * Prise en charge psychologique (27) (54) La consultation psychologique permet d’évaluer la structure psychologique de l’enfant, la signification symbolique de l’obésité et son retentissement social et psychologique. Elle permet d’accompagner l’enfant tout au long de sa prise en charge et d’évaluer sa motivation personnelle. La difficulté et l’intensité des conflits familiaux peuvent amener à proposer une thérapie familiale. L’enfant, comme les parents, doivent adhérer au projet thérapeutique afin de comprendre les causes et les conséquences de cette obésité. Sur le plan individuel, les thérapies comportementales visent à modifier les comportements relatifs à l’alimentation et à l’activité physique des enfants obèses. Le but est de déconditionner l’enfant pour transformer un comportement pathologique acquis (alimentation excessive et/ou déséquilibrée) en une conduite adaptée. Malgré toutes ces mesures, les résultats de la prise en charge thérapeutique de l’obésité sont inquiétants, qu’ils soient évalués à court, ou surtout, à long terme. En effet, environ 2/3 des enfants obèses ayant bénéficié d’une prise en charge thérapeutique restent en surcharge pondérale à l’âge adulte. Il est donc nécessaire d’insister sur la prévention à l’échelon de la population générale et à l’échelon individuel (77). Au vu des risques et des complications inhérentes à l’obésité infantile, inévitable dans le SWP, il est indispensable que la prise en charge soit précoce, adaptée et pluridisciplinaire, afin d’en limiter les conséquences… Elle ne peut se faire que par le biais d’une bonne connaissance de la physiopathologie de l’obésité infantile et de sa « iatrogénie » par les professionnels de santé, avec dans le SWP, une association à divers troubles de degrés variables (retard mental, troubles comportementaux…) majorant la difficulté de la prise en charge globale. II.2. L’obésité infantile dans le SWP Inutile d’en rappeler les conséquences, il s’agit plutôt de s’intéresser à la pathogénie, aux caractéristiques et aux moyens de prise en charge de l’obésité chez ces enfants plus difficilement compliants qu’un enfant obèse normal. II.2.a. Pathogénie de l’obésité et caractéristiques Il existe, chez environ 50% des enfants présentant un SWP, un déficit en hormone de croissance, suspecté devant un ralentissement de la courbe de croissance associé à un retard statural . La GH (hormone de croissance) étant une hormone lipolytique, son absence dans le SWP est à l’origine d’une modification de la composition corporelle avec apparition d’une obésité dès le plus jeune âge. Elle entraîne également un hypogonadisme avec des anomalies génitales telles que micropénis, cryptorchidie chez le garçon ou hypoplasie des organes génitaux externes chez la petite fille. Comme dans l’insuffisance somatotrope, on note un abdomen rebondi par augmentation du pannicule adipeux. La répartition des graisses est similaire avec une augmentation de la masse grasse et une diminution de la masse maigre. Les taux de leptine, dans le SWP, sont parfaitement corrélés à la masse grasse, comme dans le déficit en hormone de croissance (67). Finalement, les similitudes entre les deux tableaux cliniques sont nombreuses, malgré l’absence de lien clairement établi entre l’anomalie génétique (quelle qu’elle soit) dans le SWP et le déficit en GH observé chez ces mêmes patients. En revanche, les conséquences d’un tel déficit sont bien connues et afin de mieux en comprendre les mécanismes, nous allons effectuer un bref rappel sur l’hormone de croissance (76) : L’hormone de croissance ou hormone somatotrope (GH) est secrétée par les cellules de l’antéhypophyse.Sa sécrétion est pulsatile et régulée par divers neuromédiateurs chimiques : la GH-RH (hormone d’origine hypothalamique), les hormones thyroïdiennes, les corticoïdes, augmentent la transcription du gène de la GH situé sur le chromosome 17 tandis que l’IGF-1 (Insulin Growth Factor 1), synthétisé par le foie via la fixation de la GH sur des récepteurs-cibles hépatiques, inhibent sa transcription. L’hormone de croissance se lie donc à des récepteurs membranaires spécifiques, au niveau des cellules-cibles. La répartition des récepteurs est très large : principalement le foie, puis le tissu adipeux, le rein, les gonades, les cellules de l’immunité, le chondrocyte et enfin l’ostéoblaste ont des sites de liaison pour la GH. L’effet le plus spectaculaire de la GH est celui de la stimulation de la croissance squelettique et tissulaire. Cet effet « croissance » est un effet indirect puisqu’il est médié par des substances appelées somatomédines, qui sont des facteurs de croissance, tout particulièrement par la somatomédine dépendante de la GH : la somatomédine-C ou IGF1. L’hormone de croissance stimule directement la production d’IGF-1 par le foie, induisant une augmentation de la concentration plasmatique de ce peptide (cette augmentation est un témoignage de l’efficacité globale du système) et permettant son action au niveau tissulaire et squelettique. Elle augmente également la production « personnelle » d’IGF-1 dans nombre de tissus qui possèdent des récepteurs pour la GH et qui sont les cibles de l’activité de croissance de la GH. Ces tissus sont, en particulier, le rein, les os, les gonades et les cellules immunocompétentes. Il apparaît donc clairement que la GH exerce son action par l’intermédiaire de la stimulation de la production hépatique d’IGF-1 qui agit sur un mode endocrine au niveau des tissus et par la stimulation de la production tissulaire d’IGF-1 qui agit sur un mode autocrine sur le tissu qui le produit. Après la fin de la période de croissance, la GH exerce de multiples actions. Elle contribue à l’équilibre de la balance azotée, à la composition corporelle en augmentant la masse maigre et en réduisant la masse grasse musculaire. Elle majore les capacités d’adaptation à l’exercice. Parmi ses multiples actions, on cite également l’augmentation de la contractilité myocardique, de la différenciation des cellules-souches de l’hémopoïèse en érythrocytes et granulocytes et de la sensibilité aux hormones gonadotropes. Enfin, elle exerce des effets sur les métabolismes glucidiques et lipidiques qui ne sont pas médiés par IGF-1 et sont de ce fait considérés comme des effets directs. L’hormone de croissance est hyperglycémiante et lipopytique (avec augmentation des acides gras circulants). La synthèse de ces données sur les effets physiologiques de l’hormone de croissance nous éclaire sur les conséquences d’un déficit en GH, dont les principaux symptômes sont le retard statural, une obésité et une insuffisance gonadique de degré variable selon les patients. Il doit être confirmé par une exploration somatotrope (deux tests de stimulation pharmacologique avec un pic abaissé de GH< 10 ng/ml et un taux bas d’IGF-1) (15). L’intérêt de l’identification de ce déficit repose sur l’éventualité d’une thérapeutique. Dans le SWP, la présence d’un tel déficit n’est cependant pas une condition obligatoire à la mise en route d’un traitement par GH. En effet, en Europe, les enfants atteints du SWP peuvent être traités par GH sans qu’ils aient un déficit biologique avéré et sans qu’ils aient un retard de taille (l’autorisation Américaine de mise sur le marché est uniquement axée sur les effets de la croissance ; le déficit doit donc être confirmé) (67). Ceci s’explique par les résultats de plusieurs équipes qui ont évalué les bénéfices d’une thérapie substitutive par la GH chez les patients atteints du SWP. Les études ont démontré les effets bénéfiques du traitement, non seulement en ce qui concerne le retard statural, mais également pour améliorer la force musculaire et la répartition masse musculaire/grasse. Il semblerait que les effets soient maximaux au cours de la première année de traitement (77). Le traitement par l’hormone de croissance est maintenant officiellement autorisé depuis l’obtention de l’autorisation de mise sur le marché Français le 19 Février 2001 dans cette indication et selon les modalités de prescription de « médicaments d’exception » (77). L’arrêté de remboursement du traitement, en France, dans le cadre du SWP, est paru au Journal Officiel le 27 Avril 2002 (4). II.2.b. Prise en charge et thérapeutique de l’obésité infantile dans le SWP Comme dans l’obésité commune, la prise en charge comporte plusieurs volets (57) : - Un régime alimentaire est à mettre en place, avec un médecin nutritionniste et/ou une diététicienne, dès l’apparition de la prise pondérale. Ce régime doit être adapté à l’enfant, permanent et compris de tout l’entourage du patient. L’enfant doit être constamment suivi par une diététicienne et/ou un médecin nutritionniste afin de contrôler la prise de poids et le comportement alimentaire hyperphagique. Si le régime alimentaire est bien suivi, il apparaît efficace de le féliciter et de récompenser régulièrement ses efforts. Mais la récompense ne doit en aucun cas être un bonbon ou un gâteau… - Une activité physique doit être associée au régime (natation, vélo, ski…). Il n’est pas nécessaire de pratiquer cette activité dans un club…d’autant plus que l’intégration et l’adaptation des enfants atteints du syndrome n’est pas toujours aisée. Elle peut être faite en famille, au moins trois fois par semaine, ce qui contribue à maintenir le poids et à prévenir l’hyperinsulinisme. - Un soutien psychologique est indispensable car leur quête de nourriture permanente et obsessionnelle est à l’origine de troubles du comportement à type d’instabilité, difficultés de concentration et d’acceptation des frustrations. Lorsqu’ils sont encouragés à développer un intérêt pour des activités sportives, mais également culturelles et/ou artistiques, les personnes atteintes du SWP ressentent moins les frustrations liées à leur maladie, leur comportement s’améliore et les contraintes de leur régime hypocalorique passent au second plan. - Enfin, comme nous l’avons précédemment cité, il existe un traitement par hormone de croissance dans de syndrome. Il s’agit de la somatropine (Genotonorm et Genotonorm Miniquick). Elle est indiquée dans le SWP (confirmé par des analyses génétiques) afin d’améliorer la croissance et la composition corporelle. Le traitement nécessite des injections sous-cutanées quotidiennes au long cours à la posologie de 0,035 mg/kg de poids corporel soit 1 mg/m² de surface corporelle par jour (il est nécessaire d’augmenter les doses en cas d’obésité car la dose quotidienne de GH est calculé en fonction du poids théorique pour la taille). L’enfant doit donc être capable d’accepter les contraintes du traitement. De plus, la prise de somatropine a été associée à un risque accru de diabète de type II, risque déjà majoré par la présence d’une obésité. Quelques cas d’hypertension intracrânienne ont également été décrits (56). En pratique, son intérêt n’est donc pas négligeable mais la somatropine ne peut pas être administrée à tous les enfants du SWP. Une évaluation au cas par cas doit être effectuée en tenant compte de la balance bénéfices/risques et des difficultés d’acceptation du traitement chez ces jeunes patients. Dans tous les cas, les mesures diététiques, psychologiques et les activités sportives doivent être régulièrement suivies et encouragées. Elles représentent l’un des volets fondamentaux de la prise en charge du SWP, avec les troubles comportementaux qui émaillent souvent l’évolution et fragilisent une prise en charge globale. III. LES TROUBLES DU COMPORTEMENT DANS LE SWP Les problèmes de comportement sont variables d’un enfant à l’autre atteint du SWP. Ils varient considérablement en fonction de leur âge, leur environnement et leurs capacités individuelles (15). Divers traits comportementaux sont possibles chez ces enfants, allant de la dépression, en passant par les troubles obsessionnels et compulsifs (TOC), jusqu’aux épisodes psychotiques. D’autres comportements, ne relevant pas du domaine psychiatrique, coexistent chez ces patients. Certains de ces troubles sont bien documentés chez l’enfant en bonne santé qui ne présente pas de retard mental. Ainsi, la dépression chez l’enfant a fait l’objet d’une conférence de consensus le 14 et le 15 Décembre 1995 à Paris avec la participation de l’Agence Nationale d’Accréditation et d’Evaluation de la Santé (ANAES) et la Fédération Française de Psychiatrie (14). Les TOC, qui affecte 2% de la population en France, bénéficient maintenant de traitements reconnus comme efficaces par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) (1991) et la Conférence de consensus Américaine (1988) : la psychothérapie comportementale et cognitive et les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine (IRS) (62). Dans le SWP, les troubles varient en fonction d’un certain nombre de facteurs endogènes (âge, mécanisme génétique responsable de l’affection…) et exogènes (environnement familial, social…). Cependant, un profil de comportement caractéristique devient évident dès la prime enfance chez 70 à 90% des patients avec accès de colère, entêtement, difficulté de contrôle des émotions et d’acceptation des frustrations, tendances obsessionnelles et compulsives en partie liées au désir continuel de manger, et enfin, une automutilation non spécifique au syndrome, probablement accentuée par une tolérance augmentée à la douleur. Ces signes sont assez spécifiques du syndrome, au point que l’on peut parler de phénotype comportemental dans le SWP (12). La multiplicité et la diversité des troubles psychopathologiques chez l’enfant sont telles que nous allons cibler ce chapitre sur les comportements les plus caractéristiques du SWP. Reconnaître ces troubles, c’est assurer un diagnostic et une prise en charge précoce, parallèlement à l’émergence d’autres problèmes tels que l’obésité d’apparition souvent concomitante. III.1. Identification des différents symptômes III.1.a. Par ordre de fréquence Une étude menée sur 100 patients âgés de 4 à 46 ans atteints du SWP a permis à Dikens et Cassidy, en 1995, d’identifier un certain nombre de comportements marquants et d’en évaluer leur fréquence (tableau 7) (26). % de COMPORTEMENT patients % de COMPORTEMENT patients Hyperphagie 98% Logorrhée 74% Automutilation cutanée 97% Compulsions 71% Opiniâtreté 95% Anxiété 70% Obsessions 94% Isolement 67% Accès de colère 88% Taquin 65% Désobéissance 78% Rejet d’autrui 60% Impulsivité 76% Tendance à l’accumulation 55% Labilité 76% Tendance au vol, mensonge 54% Hypersomnie (diurne) 75% Tristesse 51% Tableau 7 : Les principaux troubles du comportement et leur pourcentage dans une population de 100 patients âgés de 4 à 46 ans atteints du SWP. Extrait de : Dykens E, Shah B. Psychiatric disorders in Prader-Willi syndrome : epidemiology and management. CNS Drugs. 2003 ; 17 (3):167-178. - L’hyperphagie est en tête présente chez la quasi-totalité des patients (98%). Associée à l’automutilation cutanée (97%) et à l’entêtement (95%), ces trois comportements sont les plus fréquemment retrouvés dans cette étude. - On note, également, une fréquence non négligeable des accès de colère (88%) et des troubles obsessionnels et compulsifs (94% et 71% respectivement). Bien que la prévalence exacte du TOC dans le SWP soit inconnue, il semblerait que celleci soit supérieure à celle des sujets présentant un retard mental hétérogène et un TOC (de l’ordre de 1 à 3%). - Il existe une labilité émotionnelle chez 76% des patients, avec un pourcentage similaire d’impulsivité. On retrouve une logorrhée (74%) ainsi qu’une hypersomnie diurne (75%). Celle-ci est liée aux éventuelles apnées du sommeil avec réveil précoce le matin (entre 4h30 et 6h) (78). - L’anxiété et l’isolement sont présents chez 2/3 des patients. - Enfin, on note une tendance à l’accumulation, au vol et au mensonge chez la moitié des sujets, avec en dernier lieu, la souffrance et la tristesse chez 51% d’entre eux. Au total, l’hyperphagie, l’opiniâtreté, les tendances obsessionnelles et compulsives ainsi que l’automutilation cutanée sont les troubles comportementaux les plus fréquemment identifiés dans une population d’individus, de la prime enfance à l’âge adulte, atteints du SWP. Cependant, cette étude ne précise pas à quel moment de la vie apparaissent ces divers troubles. Or, l’âge d’apparition de ces comportements semble assez stéréotypé, avec des variations interindividuelles non négligeables. III.1.b. En fonction de l’âge Lellweger, en 1988, considère que le SWP évolue en trois phases distinctes et successives, chacune correspondant à une tranche d’âge défini (16). * la première phase (ou phase hypotonique) Du point de vue comportemental, durant la première année de vie, les enfants atteints du SWP sont décrits comme étant attachants, affectueux et gentils. * au cours de la deuxième phase (ou phase hyperphagique) Elle débute habituellement entre l’âge de 1 à 2 ans. Parallèlement au désir continuel de manger, surviennent les troubles comportementaux précédemment cités dans l’étude de Dickens. * la troisième phase (ou phase adolescente et adulte) Celle-ci est dominée par les conséquences organiques à court et à long terme de l’obésité, et l’émergence de certains nouveaux comportements psychopathologiques (tendance à l’isolement, diminution de l’activité et asthénie). Environ 10% des adolescents et des adultes développeront des troubles psychiatriques majeurs, allant de la dépression à la psychose (12). A partir de ce modèle, l’équipe multidisciplinaire de Leuven, en Belgique, a fait état de son expérience à propos de l’apparition de troubles comportementaux et en particulier, de troubles psychiatriques chez 53 patients atteints du SWP (23 femmes et 30 hommes âgés de 1 à 4 ans) avec un suivi rétrospectif de 15 ans. Les résultats de l’étude, au terme du suivi, ont confirmé la présence de troubles comportementaux chez tous les patients. Cependant, 8 des 53 patients ont développé des troubles psychiatriques authentiques à type de troubles de l’humeur bipolaire (4 patients) ou d’épisodes psychotiques (4 patients) (19). En analysant le développement comportemental durant l’enfance et l’adolescence de chacun des sous-groupes respectifs (4 patients bipolaires et 4 patients souffrant de psychose), deux profils se distinguent dès l’enfance : - les patients psychotiques à l’âge adulte présentent un comportement autistique durant l’école primaire, actif et extraverti à l’adolescence. Leur retard mental est modéré à sévère. - s’il s’agit d’un trouble bipolaire, on note moins de troubles du comportement à l’école avec en revanche, une attitude passive et introvertie à l’adolescence. Il n’y a pas ou peu de retard mental. D’autres études sont nécessaires pour confirmer ces données. Cependant, cette étude est à ce jour, la seule ayant permis un suivi aussi long sur le développement psychique et comportemental des enfants et adultes atteints du SWP. Concernant l’âge d’apparition des troubles, une étude Américaine (2001), qui comparait l’émergence des accès de colère et des comportements compulsifs chez 105 sujets atteints du SWP, 66 du syndrome de Down et 76 enfants au développement normal, est en faveur d’une fréquence accrue de ces symptômes particulièrement chez les enfants atteints du SWP, avec une apparition aux alentours de 2 ans d’âge et une présence quasi-complète après l’âge de 4 ans. De plus, ces accès de colère et troubles compulsifs, ainsi que l’automutilation sont d’autant plus évidents après l’âge de 3 ans (19). Finalement, l’identification des divers troubles comportementaux et leur âge d’apparition devraient permettre au médecin et à la famille de l’enfant, un dépistage précoce et une gestion plus efficace des situations de crise comportementales. III.1.c. En fonction de l’anomalie génétique Ce paragraphe introduit la notion de corrélation entre génotype et phénotype. En effet, en fonction du mécanisme responsable du SWP : délétion paternelle ou DUP maternelle, certains traits et comportements sont plus caractéristiques. Ils constituent donc un outil supplémentaire dans la reconnaissance des troubles comportementaux. Concernant la DUP : Une étude datant de 1996 a comparé le phénotype des sujets atteints du SWP en fonction des deux anomalies génétiques les plus fréquentes (délétion et DUP). 79 cas de DUP et 43 cas de délétion, confirmés par analyse cytogénétique, ont été suivis. Au terme de l’étude, tous âges et sexes confondus, il n’y avait pas de différence significative entre les deux groupes (41). Comparativement, les résultats de l’équipe de Bottani en 1994 et Gillesen-Kaesbach, en 1995, étaient en faveur d’un phénotype atténué du syndrome d’Angelman (tant sur le plan physique que comportemental) chez les patients porteurs d’une délétion maternelle versus la DUP d’origine paternelle (qui sont les deux mécanismes les plus fréquents dans cette affection). Or, les précédentes études sur le SWP, analysant la relation entre phénotype et mécanismes génétiques n’ont pas tenu compte du sexe des patients. Ainsi, cette même étude de 1996, subdivisant les groupes en fonction du sexe, a révélé chez les patientes porteuses d’une DUP maternelle, une diminution de la durée du gavage à la naissance et une apparition plus tardive de l’hyperphagie par rapport aux patientes porteuses d’une délétion paternelle. D’autres études ont confirmé ces résultats (10) (24), mais sans distinction entre les sexes, en soulignant une moindre sévérité de l’obésité, des troubles alimentaires associés et par conséquent, des troubles obsessionnels et compulsifs liés au désir continuel de manger, en présence d’une DUP maternelle. Par ailleurs, dans ces études, Cassidy en 1997, et Dikens en 1999 ont répertorié un certain nombre d’autres traits caractéristiques aux enfants porteurs d’une DUP maternelle (par rapport au mécanisme délétionnel) : - une diminution du prurit cutané (donc une diminution du risque d’automutilation) avec un seuil de résistance à la douleur abaissé. - des anomalies modérées de l’articulation verbale et un Quotient Intellectuel (QI) verbal légèrement plus élevé. En effet, une étude menée en Angleterre a évalué les quotients intellectuels et les capacités des personnes atteintes du SWP, ainsi que leurs acquisitions. La comparaison effectuée avec un groupe de contrôle de personnes souffrant de déficience intellectuelle n’a pas constaté de différence de QI global entre les sujets qui présentent une microdélétion et ceux dont le syndrome résulte d’une disomie maternelle. En revanche, le QI verbal de ceux qui ont une disomie maternelle est plus élevé, alors que le QI de performance est plus élevé chez ceux qui ont une délétion (13). - peu ou pas d’hypopigmentation et un syndrome dysmorphique moins marqué. Globalement, dans le SWP, la DUP maternelle semble engendrer une forme « moins sévère » de la maladie. Une fois confirmée par analyse cytogénétique, on peut espérer sur le plan comportemental, un développement moindre des troubles obsessionnels et compulsifs et du risque d’automutilation. Cependant, la DUP n’est pas le mécanisme génétique le plus fréquemment responsable de l’affection (environ 30%) et des troubles psychopathologiques à type de psychoses peuvent émailler l’évolution. Une étude longitudinale en Belgique et en Grande-Bretagne suggère un taux élevé de psychoses chez les patients porteurs d’une DUP maternelle par rapport à la délétion paternelle. 5 jeunes adultes atteints du SWP et de psychose ont été identifiés après screening de 8 provinces Anglaises. Tous étaient porteurs d’une DUP maternelle (26). Ce mécanisme semble donc être associé à des troubles comportementaux moins sévères sur le plan alimentaire et relationnel, mais avec un risque ultérieur de psychoses, dont la prise en charge et le traitement sont souvent rendus difficiles chez ces patients, peu compliants et dont les thérapeutiques actuelles contribuent à l’excès de prise de poids (neuroleptiques). Concernant la délétion : Le mécanisme délétionnel a également fait l’objet de nombreuses études. Un article résumant les troubles psychopathologiques dans le SWP fait état d’une étude réalisée par Dykens et son équipe, comparant 23 individus porteurs d’une DUP et 23 autres d’une délétion paternelle. Les troubles obsessionnels et compulsifs sont prédominants en cas de délétion paternelle. De plus, ces patients sont plus renfermés, plus anxieux (ils se rongent davantage les ongles), très « hyperphages » avec une tendance à l’isolement et à la bouderie. Enfin, on note une hypopigmentation plus marquée, un petit poids de naissance plus fréquent et un syndrome dysmorphique plus net (26). L’identification des troubles comportementaux pour chacune des anomalies génétiques devrait là encore permettre un repérage et une prise en charge précoce de ces symptômes. Qu’en est-il en cas de mutation du centre d’empreinte ? Une étude réalisée en 2002 a comparé l’influence des trois mécanismes, à l’origine du SWP, sur le phénotype. La délétion ou la DUP entraîne un phénotype clinique et comportemental d’autant plus caractéristique qu’en présence d’une anomalie du centre d’empreinte (79). Cependant, sa prévalence est bien plus faible dans le SWP (<1%) et d’autres études sont nécessaires pour corroborer ces résultats, et peut-être identifier des traits plus spécifiques en présence d’une mutation du centre d’empreinte. Nous allons maintenant étudier, un à un, les troubles du comportement (troubles des fonctions cognitives, troubles obsessionnels et compulsifs, hyperphagie et autres) les plus fréquemment retrouvés chez les patients atteints du SWP. III.2. Description des troubles du comportement III.2.a. Les troubles des fonctions cognitives En moyenne, les individus atteints du SWP ont un QI aux alentours de 65 à 70 (généralement supérieur au QI des personnes atteintes d’autres syndromes d’origine génétique). Malgré ce déficit, il n’a pas été trouvé de corrélation entre le QI et le poids, les problèmes de comportement, la nature de l’anomalie génétique, ce qui est rassurant car ces enfants continuent à apprendre tout au long de la vie (45). Cependant, quelque soit le QI (il existe une grande variabilité interindividuelle), des troubles des fonctions cognitives semblent bien identifiés. L’immaturité émotionnelle de ces enfants empêche l’utilisation appropriée d’un savoir dans des situations sociales et de travail (15) : - la mémoire immédiate est moins bonne que la mémoire lointaine (en particulier, la mémoire auditive d’où la répétition des questions). - l’information visuelle est mieux retenue que l’information orale. - on constate des faiblesses relatives en arithmétique et des forces en lecture et compréhension de la lecture, repérages spatiaux et visuels et enfin, réalisation de puzzles. En effet, Dykens, en 2002, fait état d’une étude révélant une capacité audessus de la moyenne, de ces enfants, à résoudre des puzzles (23). - le traitement des informations et l’élaboration de réponses à ces informations s’effectuent mal : décoder, comprendre, interpréter et répondre à des consignes multiples est pour eux un exercice difficile. Une certaine lenteur dans la réalisation des tâches est retrouvée. Bien que leur mémoire à long terme soit très bonne, ils parviennent mal à la retrouver rapidement et à l’exprimer avec des mots. - Ces enfants sont très communicatifs, mais ils éprouvent de la difficulté à expliquer leur comportement ce qui engendre des frustrations. Si le repérage spatio-visuel est bon, le repérage temporel l’est beaucoup moins avec difficulté de respect et de conformité des horaires. Enfin, ils sont souvent excessivement rigides, incapables de changer le cours de leurs actions avec accès de colères. - Parce qu’ils ne comprennent qu’un nombre limité d’émotions (très heureux ou très triste) et ont du mal à décoder les comportements, les émotions et le point de vue des autres, ils paraissent souvent très égocentriques. Cela pose problème dans les relations sociales : ils ne savent pas prendre leur tour. Pour éviter cela, il est souhaitable de leur apprendre à enregistrer et utiliser les informations avec des supports visuels. Une série de tests de langage sur 7 enfants ont démontré de nombreux points communs avec l’autisme dans sa forme la moins sévère (syndrome d’Asperger) : déficits de langage non verbal, éventail d’intérêts réduits, peu d’utilisation du langage dans les relations sociales (45). III.2.b. Les troubles obsessionnels et compulsifs Le désir continuel de manger évolue à des degrés variables selon les individus atteints du SWP. Cependant, d’autres domaines, hormis la nourriture, entraînent un véritable comportement obsessionnel et compulsif, à l’origine d’une grande souffrance chez le jeune patient et son entourage. * SUR LE PLAN ALIMENTAIRE (15) (26) Le besoin perpétuel de s’alimenter s’expliquerait par le dysfonctionnement du centre hypothalamique de la satiété. Les patients semblent ne pas connaître la satiété. La quête de nourriture peut être permanente et obsessionnelle et explique alors bien des comportements : irritabilité, difficultés à se concentrer. Parmi les troubles obsessionnels et compulsifs rattachés à l’alimentation, on note la présence d’un certain nombre de rituels et/ou de règles qui gouvernent leurs conduites alimentaires. Ils peuvent manger en fonction : - des couleurs (par exemple : en premier, les aliments de couleur brunâtre) - de la catégorie alimentaire (exemple : la viande puis les légumes) - de ses préférences (du plus au moins apprécié des aliments) - de la valeur calorique (du plus au moins calorique) Enfin, d’autres disposent leurs couverts dans une position bien précise, préambule indispensable à la prise du repas. * LES AUTRES TROUBLES OBSESSIONNELS ET COMPULSIFS (25) (26) D’autres comportements stéréotypés sont retrouvés chez ces enfants. Lors d une étude de l’équipe de Dikens, en 1996, au sujet de 91 enfants et adultes pour le diagnostic de TOC et atteints du SWP, 45 à 80% d’entre eux présentaient des symptômes évocateurs. La prévalence exacte du TOC dans le SWP n’est pas connue. Il semblerait, tout de même, que cette prévalence soit supérieure à celle des individus présentant un retard mental, quelle qu’en soit l’origine, et un TOC associé : 1-3%. En revanche, il n’a pas été mis en évidence de différence significative entre les adultes atteints du SWP et ceux souffrant de TOC sans retard mental (taux semblable de compulsions et de sévérité des symptomes). Parmi les troubles les plus fréquemment retrouvés, les parents et les proches des malades retiennent : - le stockage excessif d’objets - l’attachement à des rites - la séquence de tâches immuables - une logorrhée relative - une automutilation cutanée (surtout au niveau du front et des jambes) ; c’est le signe le plus fréquemment décrit. Les sujets au développement intellectuel normal avec un TOC ont des obsessions qui portent sur des domaines bien identifiés. Il s’agit d’obsessions : - de souillure - d’erreur et de désordre - d’agressions - de malheur et de superstition A ces obsessions répondent un certain nombre de compulsions définies (par exemple, excès de lavage des mains par peur d’une contamination dans le cadre des obsessions de souillure, etc) (62). Dans le SWP, il ne semble pas que ces obsessions et compulsions soient liées à une peur ou à une crainte particulière. Elles sont inhérentes au syndrome. Ainsi, concernant les questions répétitives, elle s’explique par le fait que les personnes atteintes du SWP ont du mal à assimiler les informations orales qu’elles reçoivent. Il est préférable d’éviter les discussions et leur donner l’information sous forme visuelle : dessin, calendrier, graphique. Les grattages intempestifs de la peau sont la conséquence d’une altération des perceptions sensorielles combinée à un seuil élevé de résistance à la douleur. Il faut tenter d’éviter ce qui les déclenche : ennui, anxiété et s’orienter vers des activités de remplacement (boules anti-stress, sport) (13). Une étude comparant un groupe de sujets atteints du SWP à un groupe de contrôle (patients présentant une obésité, un retard mental et des troubles du comportement mais génétiquement indemne du SWP) révèle un taux plus élevé de compulsions et d’automutilation cutanée. Le génotype semble donc intervenir dans la survenue des TOC dans le SWP (26). III.2.c. L’ hyperphagie (58) Le syndrome hyperphagique apparaît en moyenne vers l’âge de 2-3 ans, voire un peu plus tôt ou un peu plus tard. Ceci représente pour les parents une transformation radicale de ce qu’a été leur vécu jusque là (hypotonie avec difficultés d’alimentation), et un temps d’adaptation est nécessaire pour prendre en compte cette nouvelle réalité. Les particularités cliniques de l’hyperphagie dans le SWP ont été étudiées en 1995 par l’équipe du Professeur Holland de Cambridge (Grande-Bretagne). Une étude à la méthodologie simple a confirmé ce que les parents savaient, en mesurant l’ampleur du phénomène. 13 sujets adultes atteints du SWP ont été comparés à des sujets témoins. Ces sujets regroupés dans une pièce avaient libre accès à la nourriture pendant une heure. Les patients et les sujets témoins avaient à remplir des échelles (échelles de faim, de satiété) et la quantité ingérée était notée. Cette expérience a permis de voir quelle était la consommation spontanée des sujets : il a été facilement montré que le seuil de satiété était plus élevé chez les sujets atteints du SWP (nombre de sandwichs consommés en une heure pour arriver à un état de satiété équivalent à celui des sujets contrôle plus élevé pour la majeure partie d’entre eux). De plus, le niveau de satiété est beaucoup moins durable (en moyenne, un patient atteint du SWP absorbe 1290 calories en une heure contre une moyenne de 396 calories chez les témoins). Si l’on comprend facilement les risques d’obésité liés à ce phénomène et l’effort de privation qui sera nécessaire pour ne pas grossir, on doit aussi mesurer la nature de l’expérience vécue par les enfants, surtout dans nos univers d’abondance de la nourriture, déjà favorable à la constitution de surpoids dits « psychosociaux ». La satiété est un état d’apaisement d’une tension qui nous permet de nous consacrer à d’autres activités. Cette liberté dure au plus quelques heures, après quoi nous perdons rapidement nos capacités de concentration si nous ne mangeons pas. Imaginons que le cerveau ne reçoive pas ou ne comprenne pas les messages de l’organisme signalant un apport suffisant de nourriture. Le cerveau se comporte alors comme si le corps n’était pas encore rassasié. C’est ce qui se passe dans le SWP : la personne ressent presque en permanence une envie de s’alimenter, avec des difficultés importantes pour se consacrer à autre chose ou se concentrer sur une idée. La préoccupation peut être si intense qu’elle empêche de contrôler le comportement en fonction des attentes sociales et peut entraîner des situations de crise. La psychopathologie de l’hyperphagie s’apparente à celle des personnes atteintes de troubles addictifs dépendantes d’une substance ou de comportements spécifiques (jeu pathologique, kleptomanie…) avec pour caractéristiques communes : • un état de tension qui ne cesse qu’avec la satisfaction de la tendance (s’alimenter en cas d’hyperphagie) • des pensées centrées sur l’objet de la dépendance • une perte du contrôle du comportement avec des troubles des conduites pour parvenir au but (vols, fugues, crises de colère) comme dans un état de manque. L’analogie peut surprendre mais elle est à comprendre à un niveau neurobiologique. L’alimentation est fondamentalement une passion associée aux états de plaisir. La disparition ou l’atténuation de la satiété normale peut transformer n’importe qui, en « addictif de la nourriture ». Le syndrome hyperphagique s’associe parfois dans le SWP à des tendances spécifiques du tempérament (TOC, obstination, débordements émotionnels…). III.2.d. Les autres symptômes (26) - Les accès de colère et l’entêtement font partie de ces autres symptômes fréquemment retrouvés dans le SWP. Présents dans le profil de comportement caractéristique du syndrome, leur intensité est variable et leur fréquence ne semble pas diminuer avec l’âge. - Des troubles psychiatriques apparaissent également. Ainsi, Clarke fait état de son étude menée sur 95 sujets adultes atteints du SWP. 6,3% des patients ont présenté des symptômes psychotiques au cours du mois précédent (la liste des symptômes était fourni, au préalable, aux parents afin d’observer et de confirmer leur présence). Stein et ses collègues mentionnent la survenue d’hallucinations visuelles ou auditives dans 12,1% d’une population de 347 patients atteints du syndrome. Ces taux sont élevés, surtout lorsqu’on les compare à la prévalence des épisodes psychotiques chez les sujets souffrant d’un retard mental. - La dépression peut aussi affecter ces patients, en particulier à l’âge adulte. L’asthénie, l’anxiété et la tendance à l’isolement s’installent. Une prise en charge est indispensable. En 1995, les résultats de l’étude de Dykens et Cassidy sont en faveur d’une majoration de la détresse et des signes dépressifs avec l’âge. Finalement, identifier et reconnaître précocement ces symptômes permet de mieux gérer, au quotidien, ces troubles du comportement et d’éviter si possible, à l’extrême, les situations de crise. III.2.e. La crise (44) Qu’est-ce qu’une situation de crise chez un enfant atteint du SWP ? On pourrait la décrire comme une rupture d’équilibre. L’entourage proche de ces jeunes patients est régulièrement confronté, si ce n’est habitué, à ces manifestations de colère, d’impulsivité, d’entêtement, de résistance, de contestation qui affluent périodiquement et peuvent s’amender aussi rapidement qu’elles sont apparues. Cependant, parfois, ces troubles caractériels peuvent s’amplifier et se transformer en réactions menaçantes : fugues, conduites de mise en danger, ruptures, recrudescence des passages à l’acte, agressions…autant de comportements qui, de manière récurrente, menacent un équilibre qui nécessite en permanence beaucoup d’énergie pour être maintenu. Outre leur dangerosité intrinsèque propre, ces comportements peuvent régulièrement remettre en cause les projets établis et constituer une entrave à l’autonomisation. Ces régulières menaces de rupture d’équilibre tiennent l’entourage dans un état d’alerte et de veille permanent. La crise crée un effet de surprise. Lorsque les crises se répètent, à cet effet de surprise s’ajoute l’effet d’attente. La répétition des crises amplifie probablement la crainte qu’on en a. Les moments les plus difficiles pour l’entourage se situent souvent, entre les crises, avec toute la difficulté du « Comment programmer l’imprévu ? Comment anticiper l’inattendu ? ». En situation avérée de crise, les manifestations extériorisées et bruyantes sont celles que l’on voit et qui nous envahissent. Cependant, toute crise a des composantes souterraines. Ainsi, la crise commence souvent bien avant qu’on ne la perçoive, entraînée par une accumulation de divers facteurs. Ces facteurs sont multiples mais peuvent être schématiquement distingués en facteurs internes et externes. Parmi les composantes externes (plus aisément repérables), les situations de changement comme la mise en appartement, les orientations scolaires, etc, nécessitent d’une part, effort et énergie pour s’adapter, mais elles mobilisent d’autre part beaucoup d’anxiété, de remise en cause de soi, de confrontation à ses limites, source d’une véritable souffrance psychique qu’il est parfois difficile de reconnaître et encore plus de dire. Les passages à l’acte extériorisés, peuvent pour certains constituer une voie d’issue à ces tensions intérieures. A ces facteurs s’ajoutent les déterminants biologiques propres au SWP (facteurs internes). On sait que l’hypothalamus, dont le rôle a été mis en évidence pour les troubles des conduites alimentaires, intervient également dans le contrôle des émotions, les conduites instinctuelles de fuite ou d’agression. Les jeunes atteints du SWP peuvent donc présenter des dysrégulations dans ce domaine qui viennent précipiter certaines situations de crise. Il est donc important de tenir compte de cette intrication facteurs internes et externes afin de mieux comprendre la dimension de la crise et la gérer dans les meilleures conditions. La gestion de la crise sera abordée dans le cadre du traitement et de la gestion des troubles du comportement. III.3. Quelques pistes sur les mécanismes physiopathologiques des troubles comportementaux Parmi les diverses molécules impliquées, on retient : LA GHRELINE (28) Il s’agit d’une hormone dérivée de l’estomac qui stimule l’appétit et contrôle la sécrétion d’hormone de croissance. Des études cliniques ont montré un taux anormalement élevé de ghreline dans le plasma de personnes atteintes du SWP. Elle pourrait donc jouer un rôle dans l’hyperphagie ou le déficit d’hormone de croissance du SWP. L’hyperphagie, avec son cortège de troubles comportementaux, pourrait donc être liés à l’action de cette hormone. Les chercheurs se posent de nombreuses questions : - Pourquoi y a-t-il un taux élevé de ghreline dans le sang ? - Est-ce qu’un médicament qui diminuerait le taux de ghreline diminuerait l’appétit ? - Les récepteurs à la ghreline sont-ils fonctionnels ? Des études sont en cours en Floride grâce à des dons de tissus de l’hypothalamus postmortem. L’OCYTOCINE (18) (19) Neuropeptide synthétisé par l’hypothalamus, une diminution de 42 à 54% du nombre de neurones sécréteurs d’ocytocine, dans le noyau paraventriculaire de l’hypothalamus (centre de la satiété), a été retrouvé chez 5 adultes atteints du syndrome lors d’une étude comparative avec 27 sujets témoins. L’équipe de Martin, en 1998, a mis en évidence une élévation de la concentration d’ocytocine dans le liquide céphalorachidien (lieu de résorption) d’adultes atteints du SWP (des femmes, en particulier) par rapport à un groupe de sujets indemnes. Or, ce neuropeptide a été clairement impliqué dans la survenue des compulsions dans l’autisme et le TOC. Les anomalies de la sécrétion d’ocytocine seraient également responsables de la dysrégulation de la satiété. Finalement, la cohésion de ces données pourrait expliquer l’émergence de ces mêmes symptômes dans le SWP ; des études sont nécessaires, le rôle de l’ocytocine, mal élucidé, reste à démontrer. LE RECEPTEUR A DU GABA (19) Le GABA est un neurotransmetteur intervenant dans la régulation des sécrétions adrénergiques hypothalamiques. Il existe plusieurs récepteurs GABAergiques (GABA-A et B, en particulier). Le gène codant pour la sous-unité β3 du récepteur GABA-A est localisé sur la région du chromosome 15, déletée chez les sujets atteints du SWP. Il en est de même pour les deux autres sous-unités constituant le récepteur GABA-A : les sous-unités α5 et γ3. Un nombre élevé de récepteurs GABA-A est retrouvé dans l’hypothalamus paraventriculaire (centre de la satiété) et anormalement bas dans l’hypothalamus latéral (centre de la faim) dans le SWP. A l’état normal, l’inhibition GABAergique, au niveau du centre de la satiété, intervient tant que le sujet a faim et n’est pas rassasié, réduisant les sécrétions de Dopamine et de Sérotonine dont le rôle physiologique commun est la diminution de la prise alimentaire. On comprend dès lors qu’une inhibition excessive, par excès de récepteurs GABA-A dans cette région, entraîne une diminution franche des sécrétions, à la fois, dopaminergiques et sérotoninergiques réduisant la satiété et plongeant l’organisme dans un état de faim quasipermanente. Au niveau du centre de la faim (hypothalamus latéral), à l’état normal, l’inhibition GABAergique agit comme un frein, en augmentant les concentrations de Dopamine et de Sérotonine et donc en restreignant la prise alimentaire. Or, l’absence ou la faible inhibition GABAergique au niveau du centre de la faim réduit les sécrétions de ces deux neuropeptides et majorent le risque de « surconsommation » alimentaire. Au total, l’action conjuguée de ces deux mécanismes (réduction de la satiété et absence de freinage de la prise alimentaire) pourrait expliquer l’hyperphagie dans le SWP. L’absence d’inhibition GABAergique des neurones dopaminergiques et sérotoninergiques du cortex frontal semblent être responsables des symptômes compulsifs retrouvés dans le SWP. Cette hypothèse est compatible avec les récentes découvertes neuroradiologiques : l’échec de l’inhibition GABAergique des neurones glutaminergiques, dopaminergiques et sérotoninergiques entre le cortex frontal et ses connexions sont impliqués dans la survenue des troubles obsessionnels et compulsifs chez les patients psychiatriques indemnes de toute autre affection. Il pourrait en être de même dans le SWP. LA SEROTONINE (19) Akefeldt et ses collègues, en 1998, ont rapporté un taux élevé du principal métabolite de la Sérotonine : le 5-HIAA dans le liquide céphalorachidien de sujets atteints du SWP, suggérant un métabolisme accéléré de ce neuropeptide et par conséquent, une diminution de l’action de la Sérotonine sur ses principaux effecteurs (« turn-over » excessif). Finalement, les facteurs neurochimiques semblent jouer un rôle prépondérant dans la genèse des troubles obsessionnels et compulsifs ainsi que les troubles des conduites alimentaires dans le SWP. Les études, en cours et à venir, permettront d’explorer ces voies de recherche et, peut-être, contribuer à l’émergence de nouvelles thérapeutiques. III.4.Prise en charge et traitement des troubles du comportement Quelque soit le trouble, la prise en charge est psychologique (individuelle et/ou familiale) et parfois, médicamenteuse. De manière générale, l’influence de l’environnement, des apprentissages semble prépondérante dans la prise en charge. Un environnement adapté pour une personne atteinte du SWP doit être structuré et prévisible. Il faut décider avec elle des règles et s’y tenir. L’accès à la nourriture doit être en permanence contrôlé ou supervisé, l’insertion sociale encouragée, avec le soutien de la famille, des médecins, des enseignants et des éducateurs. C’est le meilleur moyen de lutter contre l’hyperphagie et les troubles du comportement qui y sont associés. Comment agir ? Souvent, les parents et les proches exigent d’eux trop de « bons comportements » ; or, ils ont besoin certes, d’une vie structurée, mais presque tout dans leur vie est soumis à contrôle, ce qui génère de grandes frustrations (45) : - il faut leur laisser leur liberté sur un maximum de petites choses, les responsabiliser et les laisser s’occuper des autres. - il est nécessaire de leur donner un nombre restreint de choix (2 ou 3) et de décider à l’avance de ce qui est négociable ou pas. - il ne faut pas les affronter lorsqu’ils sont en colère et ne pas réagir devant des excès de langage (mots grossiers). Ces quelques points suffisent souvent à limiter les troubles du comportement et nos réactions excessives, en tant que parent, éducateur, médecin, etc, face à ces jeunes patients. Nous allons à présent aborder les différents moyens de prise en charge en fonction des troubles les plus fréquemment retrouvés. Troubles des fonctions cognitives (45) Dans ce domaine, les enseignants, surtout, doivent être informés des difficultés d’apprentissage des enfants atteints du SWP. Ils doivent s’assurer qu’ils leur donnent des consignes de manière claire, en leur demandant de répéter si nécessaire. Leur mémoire visuelle étant supérieure à leur mémoire auditive, les supports visuels sont préférables aux longs discours : • Ces enfants peuvent apprendre quelque chose et le faire correctement, puis tout à coup ne plus savoir ; il faut alors prendre le temps de réexpliquer. • Comment arrêter les questions répétitives ? Il faut répondre puis mettre des limites « Je te réponds encore une dernière fois » ou bien leur demander de répéter eux-mêmes la réponse. • Il faut leur laisser du temps pour eux. Ces quelques règles sont essentielles pour une bonne compréhension et acquisition des connaissances scolaires ainsi que pour leur intégration future dans la vie professionnelle et sociale en tant qu’adulte. TOC et hyperphagie (26) (45) Une prise en charge psychologique individuelle, familiale et/ou de groupe est toujours envisageable. Sur le plan médicamenteux, les IRS semblent les plus indiqués. En effet, nous l’avons vu, la sérotonine diminue la prise alimentaire au niveau de l’hypothalamus régulant le mécanisme de la satiété. Un « turn-over » excessif et/ou un dysfonctionnement de la sécrétion sérotoninergique (dans le sens d’une diminution) semblent être les mécanismes responsables des TOC et de l’hyperphagie. Une première étude de Dech et Budow, en 1991, chez une jeune fille de 17 ans présentant un retard mental dans le cadre d’un SWP, traitée par fluoxétine (Prozac), a mis en évidence une amélioration significative du contrôle pondéral et une certaine régression des comportements compulsifs. En 1992, Hellings et Warnock constatent une diminution remarquable de la fréquence de l’automutilation cutanée chez 2 patients atteintes du syndrome et traités par fluoxétine (on rappelle que l’automutilation est le TOC le plus fréquemment retrouvé chez ces sujets). Enfin, Benjamin et Buot-Smith rapportent le cas d’un jeune garçon de 9 ans atteint du SWP, dont les symptômes se sont largement amendés lors d’un traitement associant la fluoxétine et la naltrexone (Narcan). Ces résultats sont certes encourageants, mais ils nécessitent cependant d’être l’objet d’autres études contrôlées. De plus, comme le souligne le Dr C. Recasens, médecin psychiatre à l’hôpital Albert Chenevier de Créteil (94), il reste encore beaucoup à faire, à commencer par la formation des médecins, psychiatres ou non, et psychologues, face aux problèmes spécifiques des troubles du développement de l’enfant. En effet, la recherche passe par le biais d’une meilleure connaissance, par les praticiens, de ces troubles comportementaux (19). Les autres symptômes - Troubles bipolaires de l’humeur et comportements agressifs (26) Les thymorégulateurs tels le Lithium et les antiépileptiques comme la carbamazépine (Tégrétol) sont les médicaments de choix dans le traitement des troubles bipolaires et parfois les comportements agressifs. Un patient atteint du syndrome et de trouble bipolaire a bénéficié d’un traitement par Lithium. On a constaté une amélioration notable des troubles sous traitement. Deux essais avec la carbamazépine se sont révélés également concluants sur les comportements agressifs. L’effet adverse de ces thérapeutiques est la prise de poids dont le contrôle est déjà rendu difficile dans le SWP. - La dépression et les psychoses (26) Les IRS sont indiqués dans la dépression. De plus, le contrôle pondéral et la régression des TOC, via les IRS, contribuent à une meilleure image de soi-même. La rispéridone (Risperdal), neuroleptique, a été proposé comme traitement dans le cadre d’épisodes psychotiques dans le SWP. Une étude a été menée sur 3 patients atteints du syndrome, âgés de 18 à 21 ans, présentant des troubles psychotiques et traités par une dose journalière de 1 à 2 mg de rispéridone. Les résultats sont encourageants avec diminution des symptômes. Cependant, comme tout neuroleptique, il existe un risque non négligeable de prise de poids (variable en fonction de la classe pharmacologique, de la dose prescrite et de la durée du traitement). La crise (44) Les symptômes précédemment étudiés ont un substrat physiopathologique qui explique la nécessité pour les chercheurs d’expérimenter les médicaments actuels en fonction du mécanisme identifié (exemples : pour les psychoses : neuroleptiques, les troubles de l’humeur : thymorégulateurs, TOC et dépression : IRS…). Les déterminants de la crise sont à la fois psychologiques et biologiques. L’utilisation de médicaments est rarement nécessaire et face à une crise, deux niveaux de réactions, si ce n’est de réponse, peuvent être envisagés. 1/ Poser des mesures concrètes La crise se manifeste souvent par l’agir. Il est donc important de poser des limites cadrantes, plus dans un but de contenance et de protection que de sanction. Ce n’est jamais facile car la ou les personnes confrontées à ces crises ont souvent l’impression de « passer en force », de prendre des mesures qui sont désagréables (pour le patient et soi-même). Ces limites nous interrogent sur notre pouvoir et son éventuel abus. (restriction financière, contrôle des fréquentations…). La remise en place des repères peut transitoirement exacerber les symptômes mais à terme, a un effet rassurant et apaisant. 2/ Réfléchir et parler Ce deuxième niveau, plus intrapsychique, consiste à essayer de favoriser la verbalisation des émotions et de comprendre les différents facteurs personnels, familiaux et contextuels qui ont précédé la crise. Dire son anxiété, ses craintes, sa fatigue, dire tout simplement son « trop plein » permet d’avoir moins besoin de recourir à la décharge motrice et aux passages à l’acte. Tenter d’analyser les éléments qui ont sous-tendu la crise permet de redonner un sens à ce qui parait parfois ne plus en avoir. Ces deux niveaux de réponse ne s’effectuent pas forcément en même temps mais peuvent se chevaucher ; ils se complètent en tout cas toujours. Comment prévenir la crise ? Anticiper la crise permet de s’y préparer et si possible de l’éviter, mais il faut néanmoins être vigilant pour ne pas l’induire. On connaît la persévération dans une idée que peuvent avoir les jeunes atteints du SWP. Sans doute faut-il veiller à ne pas présenter les mêmes persévérations en regard. C’est en se situant dans l’entre-deux entre rigidité et permissivité que l’on peut tenter de réduire les crises. Poser des limites contenantes plus que frustrantes, préparer les changements, les accompagner en douceur, etc…tout cela peut aider, mais est plus facile à dire qu’à faire. Il est aussi important d’être convaincu qu’on ne peut pas tout prévenir et que la recherche d’autonomisation ne se fait jamais sans risque. Ceci est vrai tant pour les sujets atteints du SWP que pour tous les autres adolescents. Il y a des crises salutaires. Ainsi, certaines, parfois les plus bruyantes, permettent des réaménagements tant personnels que familiaux. La crise peut alors prendre sa valeur positive, maturative, certes de rupture d’équilibre mais au profit d’un nouvel équilibre plus serein que le précédent. Et le traitement par l’hormone de croissance ? (80) Il semble améliorer les troubles du comportement dans un certain nombre de domaines. Ainsi, une étude contrôlée sur 2 ans incluant 54 patients âgés de 4-16 ans atteints du SWP et traités par GH a conclu aux résultats suivants : - dans le domaine des performances scolaires, les résultats sont variables. - concernant les TOC, aucun changement notable n’a été noté, de même que pour les réactions agressives et les psychoses. - en revanche, dans le cadre des performances physiques et de l’humeur, on a constaté une amélioration de la composition corporelle et des capacités individuelles contribuant à une image plus sereine et plus positive de soi-même. Cette étude est en accord avec celle dirigée par Lindgren et son équipe, en 1998. Cependant, cette modification apparente pourrait être liée à une amélioration de la composition corporelle et donc du reflet de soi-même, sans action réelle sur l’humeur. La GH agit-elle vraiment sur la composante comportementale ? Des études GH versus placebo pourront répondre à cette question sur laquelle se penche déjà de nombreux scientifiques. Au total, la prise en charge et le traitement des troubles du comportement chez les sujets atteints du SWP reste encore mal codifiés. Un soutien psychologique s’avère souvent nécessaire. L’intérêt d’une thérapeutique médicamenteuse doit être évaluée au cas par cas (en raison, surtout, du risque de prise de poids). Grâce à la recherche, on peut espérer que les médicaments actuels (IRS, neuroleptiques, thymorégulateurs…) seront bientôt accessibles à un plus vaste échantillon de la population atteinte du syndrome (parce que leur efficacité aura été prouvée dans cette affection) et l’on espère que de nouvelles molécules (neuropeptides en particulier) viendront compléter l’éventail thérapeutique afin de gérer au mieux les troubles du comportement chez les patients atteints du SWP. IV. DESCRIPTION CLINIQUE DU SWP L’hypotonie, l’obésité et les troubles du comportement sont indissociables du SWP, dont la prévalence est de l’ordre de 1/10 000 à 15 000 naissances (31). Cependant, les étiologies sont nombreuses et souvent, les manifestations cliniques orientent le diagnostic. Il existe des éléments morphologiques et des symptômes particuliers propres au syndrome qu’il est important de connaître pour le diagnostic et la surveillance ultérieure. Si le syndrome dysmorphique est immuable (bien que toutes les caractéristiques physiques ne soient pas nécessairement présentes chez le sujet atteint), d’autres symptômes varient dans leur apparition et leur intensité en fonction de l’âge et du retard psychomoteur de l’enfant. Nous allons donc développer les manifestations cliniques et les symptômes particuliers selon l’âge (depuis la grossesse jusqu’à l’âge adulte). Au cours de la grossesse (31) (52) On note : - une réduction de l’activité fœtale (76%) - une naissance prématurée (41%) - une présentation du nouveau-né par le siège (26%) De 0 à 2 ans (31) La période néonatale est dominée par l’hypotonie. Il existe : - une hypotonie centrale sévère - une succion faible ou absente - une absence de mouvements spontanés - une inexpressivité du visage - une absence de réponse à la stimulation - une peau fine - un cri faible - enfin, une petite taille des mains et des pieds à la naissance et des anomalies des organes génitaux externes - Chez le garçon, on retrouve un micropénis, une hypoplasie scrotale et/ou une cryptorchidie (uni ou bilatérale) présente dans 80 à 90% des cas. - Une hypoplasie des grandes lèvres avec absence de petites lèvres est fréquente chez les petites filles. Ce tableau d’hypogonadisme est à l’origine de troubles du développement pubertaire avec pour principale conséquence une infertilité. Le syndrome dysmorphique peut être évident dès la naissance (il est souvent plus net à partir de l’âge de 2 ans) : - dolichocéphalie - diamètre bifrontal étroit - yeux en amande - petite bouche - lèvre supérieure mince - commissures tombantes Cet aspect caractéristique du visage est considéré comme l’un des critères majeurs de diagnostic du SWP dont nous reparlerons ultérieurement (tableau 8). Un retard du développement moteur et intellectuel entraîne un retard des acquisitions. Face à un tel retard, une anamnèse des antécédents obstétricaux et de la période néonatale associée à des éléments dysmorphiques évocateurs peut orienter le diagnostic, passé inaperçu à la naissance. On retrouve : - une station assise vers 12-13 mois - une marche à l’âge de 24-30 mois - des difficultés dans la motricité fine et dans l’apprentissage de la parole (du fait de la petitesse de la bouche et de l’hypotonie des muscles articulatoires) De 2 à 12 ans Les risques majeurs sont la boulimie et l’obésité aggravées par les difficultés comportementales (31) : La boulimie avec recherche compulsive et constante de la nourriture entraîne une obésité majeure, essentiellement abdominale, dont les principales complications sont le diabète et les évènements cardiovasculaires. On note un retard mental modéré, avec une scolarisation en maternelle et à l’école primaire le plus souvent possible. Presque tous les enfants peuvent apprendre à lire et à écrire. L’acquisition de l’écriture peut toutefois être retardée par l’hypotonie et l’étroitesse de la main. Le syndrome dysmorphique est plus net. Les problèmes de comportement sont très variables d’un enfant à l’autre. Une prise en charge et un suivi psychologique, voire psychiatrique, dès l’âge de 3-7 ans permet de dépister les problèmes spécifiques et d’aider les familles. On relève (15) : - des difficultés de contrôle des émotions et d’acceptation des frustrations avec crises de colère et accès de violence - un comportement compulsif et obsessionnel, essentiellement centré sur la nourriture. D’autres tendances obsessionnelles (attachement à des rites, stockage d’objets, séquence de tâches immuables) sont présentes chez les patients atteints du SWP. - une tendance au vol et au mensonge existe également. - les jeunes patients ont parfois des troubles du sommeil (à type d’apnées ou dérèglement des cycles du sommeil). Irritabilité et somnolence en résultent. Parmi les autres problèmes, il est important de savoir que (57) : * sur le plan cutané Ces enfants ont une peau fine et sensible qui cicatrise mal. Il existe un prurit fréquent avec risque de lésions de grattage. Ce prurit peut être prolongé et intense car ces enfants ont un seuil élevé de résistance à la douleur. * sur le plan ophtalmologique Le strabisme et la myopie sont fréquents et nécessitent une surveillance régulière. * sur le plan dentaire Ces enfants ont une salive plus épaisse que la normale. De plus, il existe un risque d’encombrement dentaire lors de l’apparition des dents définitives en raison de la petite taille de la mâchoire. * sur le plan orthopédique Les cyphoses et les scolioses doivent être recherchées systématiquement, surtout si le surpoids est important. A l’adolescence (57) Les problèmes hormonaux sont au premier plan : - ralentissement de la croissance staturale avec un développement pubertaire tardif et incomplet. - les situations de crise (prise de poids importante, troubles graves du comportement) sont exacerbées à l’adolescence. A l’âge adulte (57) Il n’y pas de nouvel élément clinique mais plutôt une amélioration des troubles comportementaux si les individus atteints sont placés dans un cadre adapté et suffisamment protecteur, leur permettant d’exprimer leurs possibilités. CRITERES MAJEURS CRITERES MINEURS (valeur : 1 point chacun) (valeur : ½ point chacun) 1. Hypotonie centrale néonatale et infantile entraînant une difficulté à téter, s’améliorant progressivement avec l’âge. 2. Chez le nourrisson, difficulté à s’alimenter entraînant le recours au gavage et une prise de poids médiocre. 3. Prise de poids excessive entre 1 et 6 ans ; obésité centrale si aucune mesure n’est prise. 4. Aspect caractéristique du visage : dolichocéphalie chez le nourrisson, visage ou diamètre bifrontal étroits, yeux en amande ; la bouche paraît petite, la lèvre supérieure est mince, les commissures tombantes (au moins trois de ces caractéristiques sont nécessaires). 5. Hypogonadisme correspondant à l’une des caractéristiques selon l’âge : - hypoplasie génitale (chez les garçons : hypoplasie scrotale, cryptorchidie, pénis et/ou testicules de petite taille ; chez les filles, absence ou hypoplasie sévère des petites lèvres et/ou du clitoris) - maturation gonadique incomplète ou tardive ; apparition tardive des signes de puberté après 16 ans (chez les garçons : gonades de petite taille, pilosité faciale ou corporelle peu abondante, pas de mue de la voix ; chez les filles, menstruation irrégulière ou absente) 6. Retard global du développement avant 6 ans ; chez les enfants plus âgés, difficultés d’apprentissage ou retard mental léger à modéré. 7. Hyperphagie (appétit excessif)- recherche constante de nourriture- obsession pour la nourriture 8. Délétion 15Q11-13 (> 650 bandes, confirmée de préférence par le test de FISH ou autre anomalie moléculaire appropriée dans cette région du chromosome, notamment une disomie maternelle. 1. Diminution des mouvements foetaux ou léthargie infantile ou faiblesse du cri chez le nourrisson, s’améliorant avec l’âge. 2. Problèmes de comportement caractéristiques : crises de colère, accès de violence, persévération, comportement obsessif/compulsif, tendance à ergoter, à faire de l’opposition systématique, à se montrer rigide, manipulateur, possessif et entêté, à voler, à mentir (au moins 5 de ces traits sont nécessaires). 3. Trouble du sommeil ou apnée nocturne. 4. Petite taille à l’âge de 15 ans, comparée aux autres membres de la famille (en l’absence de traitement par l’hormone de croissance). 5. Hypopigmentation : teint et cheveux clairs comparés à ceux des autres membres de la famille. 6. Mains petites (<25ème percentile) et/ou pieds petits (<10ème percentile) pour la taille. 7. Mains étroites à la tranche droite. 8. Anomalies oculaires (myopie, ésotropie). 9. Salive épaisse et visqueuse ayant tendance à sécher aux commissures des lèvres. 10. Langage : des problèmes d’articulation. 11. Tendance à se gratter. Indices supplémentaires 1. Seuil de tolérance à la douleur élevé 2. Moins de vomissements que le normale 3. Nourrisson : instabilité de la température corporelle 4. Scoliose ou cyphose 5. Développement précoce de la pilosité pubienne ou axillaire (avant 6 ans) 6. Ostéoporose 7. Capacité inhabituelle à assembler des puzzles 8. Investigations neuromusculaires normales Tableau 8 : Les critères de diagnostic du syndrome de Prader-Willi. Extrait de : Rappaport, Tauber, Postel-Vinay, Bonnefont, Nolen. Association Prader-Willi France : Les principaux éléments du diagnostic. http://perso.wanadoo.fr/pwillifr/pwpage41.htm V. DE L’ANNONCE DU DIAGNOSTIC A LA PRISE EN CHARGE V.1. L’annonce de la maladie (61) V.1.a. L’annonce vue par les parents L’annonce d’un handicap (maladie, malformation de quelque nature que ce soit) reste toujours un moment très éprouvant pour les parents. Apprendre que leur enfant est ou sera très différent de ce à quoi ils s’attendent, provoque beaucoup d’émotions. Après une phase initiale de sidération, de pleurs voire de révolte, la plupart des parents finissent par assumer leur enfant tel qu’il est avec sa maladie et ses contraintes, et très peu vont au bout d’une démarche d’abandon réel. Certes, la souffrance parentale ne peut être évitée mais il faut accompagner le lent processus d’adaptation des parents à la maladie de leur enfant, en respectant leur rythme. Il est important de suivre les recommandations de la circulaire du 29 Novembre 1985, modifiée en 2002 (18 Avril 2002). Cette circulaire, relative à la sensibilisation des personnels de maternité à l’accueil des enfants nés avec un handicap et de leur famille fait référence à l’accompagnement des parents et à l’accueil de l’enfant lors de l’annonce pré et postnatale d’une maladie ou d’une malformation : donner l’information aux deux parents en même temps, ne pas en dire trop pour leur laisser le temps de poser à leur rythme les questions qui les préoccupent, travailler avec des sujets compétents par rapport à la maladie, autant de points primordiaux car l’annonce du diagnostic est le point de départ de la prise en charge. V.1.b. L’annonce vue par le médecin Il n’existe pas de « mode d’emploi ». L’expérience du médecin est un facteur déterminant dans la qualité de l’annonce faite à des parents. Dans tous les cas, il ne faut ni minimiser ni dramatiser la situation. Pour le médecin hospitalier qui annonce le diagnostic, il est souhaitable de recevoir les parents ensemble dans un bureau isolé, en faisant rapidement intervenir les autres membres de l’équipe de prise en charge (diététicienne, kinésithérapeute, etc). Expliquer aux parents le rôle respectif de chacun des membres permet une meilleure compréhension des conséquences et des complications liées au syndrome. Le médecin généraliste doit travailler en lien avec l’équipe de Pédiatrie, pour être informé de ce qui s’est déjà dit entre les parents et les médecins hospitaliers. S’il reste isolé, il va prendre de plein fouet l’angoisse des parents sans être préparé. Il ne doit pas hésiter à joindre l’équipe hospitalière et cette mise en contact des équipes médicales avec le médecin traitant a généralement un effet très rassurant sur les familles, quasiment psychothérapeutique. Ce lien valorise leur enfant : ils voient que l’on continue à s’intéresser à lui et à eux, malgré les difficultés. Face à la maladie, pour pouvoir être « soutenant », il faut soi-même être en sécurité. Une bonne connaissance biomédicale du syndrome est indispensable mais les médecins généralistes doivent également apprendre à maîtriser leurs émotions. Des programmes de formations autour de l’annonce du handicap, réunissant tous les acteurs y compris les médecins généralistes existent déjà dans certaines régions. Le médecin généraliste comme le médecin hospitalier doivent savoir écouter et accompagner ces parents dans le parcours long et douloureux de la maladie. V.2. La prise en charge et le suivi du patient atteint du SWP La prise en charge est globale, multidisciplinaire et s’articule autour de quelques axes principaux. La diététique Il ne s’agit pas de répéter la prise en charge et la thérapeutique de l’obésité infantile dans le SWP, précédemment décrit. Nous allons cependant apporter quelques précisions sur l’alimentation et le régime en fonction de l’âge de l’enfant. - Dans la prime enfance, l’enfant hypotonique présente des difficultés d’alimentation. Un gavage à la sonde en milieu hospitalier s’avère souvent nécessaire au cours des trois premiers mois. Ensuite, il est conseillé d’utiliser des biberons avec des tétines usagées et à larges trous ou des biberons cuillères prévues pour les fentes palatines (cf. annexe pour les adresses de deux établissements en ville) (57). Le contact avec une diététicienne peut paraître prématuré dès les premiers jours de vie, mais il s’agit de ne pas commettre d’erreur dès le départ. En particulier, il est indispensable de ne pas donner à l’enfant le goût du sucré (par exemple : éviter les jus d’orange). D’un autre côté, on va expliquer les risques aux parents d’une « sous-alimentation » car ils auraient tendance à trop restreindre l’apport calorique pour éviter la surcharge pondérale et ses conséquences (68). - A partir de 2 ans, l’obésité s’installe en l’absence de traitement. Un régime hypocalorique, adapté et équilibré, compris par toute la famille et l’entourage doit être entrepris avec l’aide d’un médecin nutritionniste et/ou une diététicienne, si la prise en charge par ces intervenants n’a pas encore été effectuée (57). L’activité physique doit être associé au régime. Il existe d’ailleurs un programme sportif nommé le « Special Olympics » qui a été crée en 1968 par Eunice Kennedy Sriver, sœur de John Fitzgerald Kennedy et qui permet aux adultes et enfants de plus de 8 ans ayant un handicap mental de suivre toute l’année des entraînements et compétitions. Sa mission est de donner la possibilité à toute personne handicapée mentale, quelque soit son niveau pratique, de connaître la joie de participer à une compétition. En marge de ce programme sportif, « Special Olympics » a souhaité apporter une aide concrète en soutenant les parents confrontés aux problèmes posés par le handicap de leur enfant. Ce programme offre la possibilité aux parents d’enfants handicapés de se réunir et d’échanger entre eux leurs expériences face aux difficultés rencontrées. Toutes les prestations sont gratuites : soutien psychologique, création de réseaux d’entraides, espaces de parole, conférences à thème, forum familial… Leur devise est la suivante : « Je veux gagner, mais si je ne peux pas, je ferai preuve de courage dans mes efforts ». Une récente lettre adressée à l’association Prader-Willi France par une mère dont la petite fille est atteinte du SWP et ayant participé à ce programme sportif, exprime la joie et le soutien procurés à l’enfant et à son entourage. La Fédération Française de Sport adapté (au handicap) et « Special Olympics » ont reconnu leur complémentarité et leurs spécificités dans une convention leur permettant d’unir leurs efforts pour promouvoir à l’avenir la pratique du sport au sein des établissements ou associations sportives qui accueillent des handicapés mentaux (42). - C’est à l’adolescence, que les problèmes sont les plus aigus, avec les accès de boulimie. Le maintien du régime est indispensable pour prévenir l’apparition des complications de l’obésité à l’âge adulte (57). La kinésithérapie Elle doit être instituée précocement afin de lutter contre l’hypotonie majeure chez ces enfants. On distingue la kinésithérapie d’éveil et motrice (63) : La kinésithérapie d’éveil L’évolution de la locomotion dépend à la fois de la potentialité cérébromotrice et des expériences rencontrées par l’enfant pour permettre les apprentissages. La potentialité cérébromotrice comprend un ensemble de mécanismes régulateurs de la motricité s’exprimant dans : - la fonction posturale - la fonction antigravitaire - la fonction de locomotion - le pouvoir de sélectivité de la commande volontaire. Chez l’enfant atteint du SWP, avec l’hypotonie et l’absence de réflexes archaïques, il est nécessaire plus de rééduquer, d’éduquer toutes ces fonctions composant la potentialité cérébromotrice. Habituellement, un grand nombre de schèmes neuromoteurs, nécessaires à l’organisation motrice, sont présents à la naissance. Un schème neuromoteur est un ensemble de constructions organisées prévisible dans l’espace, mettant en jeu les chaînes musculaires telles que l’axe corporel et/ou les membres. Dans le cas d’un nourrisson atteint du syndrome, il faut l’éduquer à ces schèmes neuromoteurs, lui montrer ce qu’il peut faire puis le stimuler. Il s’agit d’un travail précoce, dès le premier mois, portant essentiellement sur cette hypotonie. Deux séances par semaine sont recommandées pour encourager l’enfant à se mouvoir. La stimulation visuelle, tactile et auditive par les parents est importante, mais doit rester ludique. La kinésithérapie motrice Elle doit être régulière, passive, motrice, et poursuivie à la même fréquence. Les acquisitions locomotrices de l’enfant se réalisent par étapes successives, appelées les niveaux d’évolution motrice. Ceux-ci représentent les enchaînements de mouvements conduisant l’enfant de la position allongée à la position assise, puis debout et enfin à la marche libre. La progression du contrôle du corps se fait du haut vers le bas : tenue de la tête, contrôle du bassin puis celui des jambes. - La première étape est la tenue de la tête ; elle va être travaillée en suspension ventrale et latérale, en position allongée (ou semi-allongée) et ventrale (position très inconfortable chez ces enfants, les muscles des bras ayant une force insuffisante pour leur permettre de se redresser). La première étape est achevée lorsque l’enfant tient sa tête bien droite, la tourne sans difficulté à droite et à gauche à la recherche d’un objet, d’un son ou d’une personne qu’il a vu ou entendu. L’apprentissage du retournement se fait à ce stade. - La deuxième étape est celle de la station assise. Elle s’obtient progressivement par un renforcement du tonus des muscles du dos puis des cuisses. Le kinésithérapeute va insister sur la fonction « parachute » et sur l’équilibre en appui assis, sur une fesse puis sur les deux. La fonction « parachute » consiste à éduquer l’enfant sur la position de ses bras afin d’éviter la chute lorsqu’il est en position assise. Concernant l’appui sur une fesse, la réponse en balancier du membre inférieur du côté opposé à l’appui n’étant pas présente chez ces enfants, il est nécessaire de leur montrer de la main le mouvement, à plusieurs reprises, en leur soulevant le membre du côté opposé à l’appui afin de développer la sensation et obtenir la bonne réponse. - La troisième étape repose sur la séquence de redressement de la position allongée à la position debout : sur le dos retournement sur le ventre position du sphinx (le but de cet exercice est que l’enfant en position sur le ventre se redresse en appui sur ses mains) marche à quatre pattes position du lapin position du chevalier servant (il s’agit de faire sentir à l’enfant l’appui sur un pied au sol, l’autre appui est sur le genou) et enfin la position debout. - La quatrième étape est la station debout et son corollaire : la marche. L’enfant joue en passant de la position assise à debout, en tournant autour d’une table avec appui, en se lâchant entre deux chaises. Ensuite, l’étape de la marche est très personnelle, comme pour tous les autres enfants. L’enfant décide du moment opportun : il a tout en main. Pour le SWP, l’âge moyen de la marche se situe entre 18 et 24 mois, avec des extrêmes pouvant aller jusqu’à 4 ans ; mais sauf exception, tous les enfants arrivent à marcher. La psychomotricité Elle est d’autant plus importante qu’il existe souvent des problèmes d’équilibre et de motricité fine. Parallèlement à la kinésithérapie,elle facilite l’acquisition de la marche(57). En général, le rythme le plus adapté à ces enfants correspond à deux séances d’une demiheure par semaine. En effet, il existe des troubles de l’attention, une certaine fatigabilité associée à l’hypotonie. La prise en charge reste individuelle, adaptée aux besoins de l’enfant mais peut s’établir dès les premiers mois. Selon les intervenants, la présence des parents au cours de la séance est primordiale ; ainsi, certains gestes simples et non contraignants pourront être reproduits à domicile et favoriser les progrès (par exemple : comment relever un nourrisson de la table à langer en améliorant son tonus musculaire mais aussi en ménageant le dos de sa maman) (78). Les exercices et les objectifs sont différents en fonction de l’âge de l’enfant : au début, le travail est plutôt basé sur le renforcement du tonus, puis sur la concentration, l’attention. Ensuite, les efforts portent sur la structuration spatiale (en haut, en bas, à gauche, à droite, dessous, dessus), temporelle, sur la structuration conceptuelle (sériation, couleur) puis sur la préparation à l’écriture (l’acquisition de la préhension fine est nécessaire à la tenue du crayon avant même d’envisager l’apprentissage du graphisme). Divers objets (ballons, puzzles, boulier, perles, cubes, briques, etc) vont aider l’enfant à progresser. Il est curieux de constater que souvent, l’enfant est attiré par le jeu qui est le plus adapté à son handicap. Cette prise en charge va permettre de guider l’enfant dans les apprentissages de la vie quotidienne et de la vie sociale en collectivité. Si elle apparaît primordiale, la psychomotricité n’est cependant pas prise en charge en libéral dans le cadre du SWP, et les parents doivent alors s’adresser à un CAMSP, un SESSAD (Service d’éducation spéciale et de soins à domicile) ou à un CMPP (Centre Médico-Psycho-Pédagogique) qui assurent une prise en charge à 100%, à raison de deux séances par mois en moyenne, à partir de 18-24 mois. En revanche, si les consultations ont lieu en libéral, il n’y a pas de prise en charge et la fréquence est à fixer en fonction de l’enfant et de la disponibilité du psychomotricien qui s’en occupe (78). Concernant les structures d’aides aux enfants porteurs d’un handicap, on distingue (37) : - Les CAMSP accueillent les enfants de l’âge de 0 à 6 ans. Ils sont soit polyvalents, soit spécialisés dans certains handicaps. Il existe des kinésithérapeutes, des psychomotriciens et des orthophonistes sur place qui travaillent en collaboration avec l’équipe médicale et qui assurent la prise en charge et le suivi des enfants atteints du SWP. - Les SESSAD sont prévus pour les patients de 0 à 20 ans. Leur fonction est similaire à celle des CAMSP, avec des séances à domicile ou sur le lieu d’intégration. - Les CMPP accueillent les enfants atteints de déficience intellectuelle associée ou non à des troubles neuropsychiques. Ces structures peuvent comprendre soit un IMP (Institut Médico-Pédagogique) de 3 à 14 ans ou un IMPro (Institut MédicoProfessionnel) de 14 à 20 ans. En fonction de leur âge, les jeunes patients sont pris en charge, comme dans les CAMSP ou les SESSAD. Il existe des externats médicopédagogiques dont la fonction est semblable à celle des CMPP. Pour le praticien hospitalier comme le médecin généraliste, il est important de connaître l’existence et le fonctionnement de ces structures afin d’orienter les parents et assurer une prise en charge polyvalente de ces enfants et ce dès le plus jeune âge. L’orthophonie et la phoniatrie Pour tous ces enfants, le suivi orthophonique s’effectue à trois niveaux (60) : - mécanique : développement physiologique et organique (déglutition, respiration, position de la langue par rapport aux dents et au palais…) - cognitif : connexions au niveau du cerveau - communicatif : usage de la parole. Le babillage en est la première manifestation. Le développement mécanique (orthophonie bucco-faciale) (17) Le fait de manger précède celui de parler. Il y a d’abord l’organisation de la succion, puis l’organisation du mode de déglutition, et enfin l’organisation de la mastication. Stimuler la sensibilité et la motricité bucco-faciale du tout petit a pour but de faciliter son alimentation et de préparer l’acquisition du langage parlé. C’est pour cela que l’orthophonie peut être débutée dès le premier mois, à la fréquence d’une consultation par semaine, soutenue par l’accompagnement des parents (6). Le matériel de déglutition et d’alimentation est composé des lèvres, des joues et de la langue et l’enfant utilise ces trois éléments pour organiser la succion. Ceci est difficile à réaliser pour un enfant hypotonique. Il existe plusieurs façons d’aider ces bébés : par le matériel (tétine, biberon coudé, épaississement du lait) et par la position (assise, tête inclinée en avant) permettant ainsi d’éviter les fausses routes favorisées par la non tenue de la tête. La succion et la déglutition sont alors améliorées. Au moment de la diversification, il faut une bonne organisation de la langue, des dents et des muscles. Les enfants hypotoniques vont avoir du mal à gérer avec la langue ce qui leur est donné ; il faut commencer très tôt à stimuler les côtés de la bouche au lieu de leur donner la nourriture de face. Pour assurer l’étape suivante de la mastication, il faut que les prémolaires soient en place et que la langue se déplace. Pour cela, il va y avoir un guidage, un apprentissage et un renforcement chez l’enfant pendant ces séances d’orthophonie. La mastication a une importance évidente parce qu’elle va permettre une meilleure digestion, une meilleure utilisation des nutriments et par là même jouer sur les problèmes de poids (en effet, si la mastication est mal effectuée, seuls les lipides seront absorbés). Très tôt, il faut encourager ces enfants à boire à la paille pour stimuler les muscles du pourtour de la bouche et aider à la fermeture de celle-ci. Combiné à une bonne déglutition, cet exercice permet d’éviter le « bavage » excessif. Le développement communicatif (17) Pour la mise en place de l’articulation, de la parole et du langage, ces enfants ont besoin de souffle. Ce souffle est géré par des muscles qu’il faut stimuler, notamment ceux de la sangle abdominale. L’orthophoniste travaille alors en premier lieu au niveau de la respiration, puis élabore avec l’enfant des techniques de communication par le jeu, par des mots, des pictogrammes ou bien par l’éveil musical (la musique peut être un soutien de la parole). Il essaie de progresser en sollicitant les cinq sens de l’enfant (la vision, le toucher, l’audition, l’odorat et le goût) pour obtenir un maximum de stimulations. La prise en charge cible également des problèmes spécifiques propres à ces patients comme par exemple (6) : une articulation imprécise, des insuffisances grammaticales, l’acquisition des phonèmes, la pauvreté du vocabulaire, les difficultés mnésiques et syntaxiques, les persévérations ou encore les difficultés en logique mathématique, en graphisme et dans l’acquisition des concepts abstraits. La compréhension est généralement bonne chez ces enfants mais la plupart du temps sousestimée, du fait d’un retour médiocre de l’information. Le rythme des séances doit rester soutenu, plutôt en séances courtes mais répétées (2 fois par semaine) afin de ne pas fatiguer ni lasser l’enfant. Le développement cognitif s’élabore progressivement et participe au bon déroulement des deux étapes (prise en charge bucco-faciale et acquisition de la parole et du langage). Finalement, au terme de la rééducation orthophonique, l’enfant aura travaillé sur des notions spatiales, une bonne acuité visuelle, la mémorisation dans le temps, une bonne perception auditive et une pensée bien organisée qui sont toutes des notions capitales pour les futurs apprentissages abstraits que sont la lecture et l’écriture. Dès 5/6 ans, on peut encourager le contact avec le langage écrit et la lecture, le langage oral continuera de se construire en parallèle. L’enfant reconnaît d’abord des formes générales, des sigles et comprend la correspondance entre un sigle et un mot. Il reconnaît la forme des lettres, compare et reconnaît ce qui est pareil. Il apprend ensuite les correspondances entre les lettres et les sons, et parvient enfin à reconnaître un mot puis progressivement, un dictionnaire interne se met en place dans son cerveau. Il est important que l’orthophoniste et les parents travaillent en coordination avec l’instituteur ou l’institutrice, informé(e) du handicap, afin de progresser au rythme de l’enfant (59). Du milieu scolaire au milieu professionnel Malgré les difficultés d’apprentissage et de langage, ces enfants tirent un grand bénéfice d’une scolarisation en école maternelle dès 3 ans (57). Ils y feront des progrès comme et avec les autres enfants. L’intégration dans des classes ordinaires peut prendre plusieurs formes (37): - une intégration individuelle sans soutien spécialisé - une intégration individuelle avec le soutien spécialisé • d’un réseau d’aide aux enfants en difficulté (aide individuelle pédagogique et rééducative) • d’un CAMSP, d’un CMPP ou d’un SESSAD. Il existe également une scolarisation dans un circuit particulier de l’Education Nationale : o les classes d’intégration scolaire (CLIS) qui accueillent les enfants dans le primaire, o les sections d’enseignement général et professionnel adapté (SEGPA) qui accueillent les jeunes de 12 à 15 ans d’un niveau de CE2 ; le travail scolaire est associé à un travail en atelier (CAP), o les établissements régionaux d’enseignement adapté (EREA) ou les lycées d’enseignement adapté (LEA) qui accueillent des jeunes de 12 à 16 ans ayant un niveau permettant la préparation d’un BEP ou d’un baccalauréat professionnel. Il existe une commission départementale d’éducation spéciale (CDES) chargée des enfants handicapés de moins de 20 ans et qui intervient pour apprécier le handicap en vue de l’attribution d’aide financière et pour orienter le jeune vers un établissement scolaire ou spécialisé. Elle transmet le dossier et ses pouvoirs à la commission de circonscription pour l’enseignement préscolaire et scolaire (CCPE), concernant les élèves du primaire. Elle fait appel à la commission de circonscription pour l’enseignement du second degré (CCSD), concernant les élèves du second degré (37). Les enfants qui ne peuvent intégrer une CLIS (en raison de troubles majeurs de la communication, du comportement ou encore parce que le nombre de places est limité) peuvent bénéficier, dans certaines régions (comme à Grenoble), d’une structure récente baptisée SASSE (Service d’Accueil Scolaire et de Soutien Educatif) qui s’occupe de ces enfants handicapés en attente d’une orientation vers un établissement spécialisé, parallèlement au suivi dans les autres structures (CAMSP, SESSAD, CMPP …). Un enseignant et un éducateur spécialisé plein temps travaillent au sein du SASSE et ciblent ensemble les problèmes spécifiques à chaque enfant afin de lui permettre de progresser et de réintégrer ensuite le circuit scolaire. Cette structure rend de grands services à des familles confrontées à l’impossibilité d’inscrire leur enfant à l’école ou bien au fait que l’accueil proposé étant trop réduit, ces parents préfèrent garder leur enfant à la maison (47). Conjointement aux enseignants et aux éducateurs, les auxiliaires d’intégration ou auxiliaires de vie scolaire (AVS), de création également très récente, accompagnent les enfants qui ont besoin de leur contribution pour la mise en œuvre de leurs projets individuels de scolarisation et de socialisation. Cela permet aux jeunes patients de développer leurs capacités d’autonomie, de socialisation et d’apprentissage (47). Les SASSE et les AVS évitent « l’exclusion » scolaire, sociale de ces enfants handicapés et l’on ne peut qu’espérer un développement de ces structures sur l’ensemble du territoire. En fonction des aptitudes et des progrès, chaque enfant atteint du SWP bénéficiera de la structure scolaire la mieux adaptée, propice à son épanouissement et à la réalisation d’un projet professionnel. A l’âge adulte, ces patients doivent être placés dans un cadre adapté et suffisamment protecteur leur permettant d’exprimer leurs possibilités. L’intégration professionnelle revêt alors plusieurs formes. Il peut s’agir (57) : - d’un emploi protégé en milieu ordinaire de travail avec service d’accompagnement - d’un atelier protégé ou d’un CAT avec foyer d’hébergement et avec un régime alimentaire adapté - d’un foyer de vie en cas d’autonomie réduite. Les autres problèmes (57) * sur le plan cutané : la tendance excessive au prurit favorise le risque de plaie et de surinfection qu’il faut dépister et traiter précocement. * sur le plan orthopédique : Une recherche systématique annuelle de scoliose est souhaitable. Une surveillance spécialisée avec le recours à la chirurgie peut s’avérer nécessaire. A noter, l’existence de sièges orthopédiques conçus pour prévenir l’apparition d’une déformation scoliotique. Le médecin de famille établit une prescription ALD de : « Bon pour un siège moulé remboursé sur socle inclinable à roulette ». L’orthopédiste effectue les mesures et envoie la demande de prise en charge à la Sécurité Sociale (5). * sur le plan ophtalmologique : En raison des risques de myopie et de strabisme, un suivi régulier est indispensable. * sur le plan dentaire : Pour prévenir l’apparition de caries, il faut, très tôt, aider les enfants à se brosser les dents.Un bilan bucco-dentaire annuel (avec détartrage) est indispensable dès l’âge de 2-3 ans. Cette prise en charge, par différents intervenants, est onéreuse. Heureusement, diverses aides financières permettent à l’enfant atteint du SWP (et à ses parents) d’accéder aux soins et aux structures spécialisées dans le handicap. Parmi ces aides (37): - La prise en charge à 100% ou l’exonération du ticket modérateur Elle peut être obtenue pour les maladies génétiques nommément inscrites sur la liste des 30 maladies de longue durée (ALD 30) qui bénéficient d’une prise en charge systématique (par exemple : hémophilie) ou par une maladie dont les conséquences figurent sur cette liste (par exemple : cardiopathie congénitale mal tolérée). Elle peut être également obtenue pour toute « forme évolutive et invalidante d’une forme grave ne figurant pas sur la liste » (tel que le SWP). Le médecin doit en faire la demande auprès de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie dont dépend l’enfant par un formulaire spécifique. - Les prestations extralégales Certains matériels, comme les poussettes pour enfant handicapé, ne sont pas pris en charge dans le cadre de prestations légales, mais on peut faire une demande d’aide spéciale auprès de la CPAM. - Les allocations en cas d’enfant handicapé * L’allocation d’étude spéciale (AES) est destinée à aider les familles pour compenser une partie des dépenses supplémentaires qu’occasionne l’éducation d’un enfant handicapé. Elle est attribuée à un enfant de moins de 20 ans, atteint d’une incapacité permanente d’au moins 80%, ou de 50 à 80%, s’il est pris en charge dans un établissement d’éducation spéciale ou de soins à domicile. Il existe trois catégories d’AES selon la dépendance de l’enfant : - 1ère catégorie si l’enfant a besoin d’une aide discontinue ou si son handicap entraîne des dépenses équivalentes. - 2ème catégorie si l’enfant a besoin d’une aide continue pour tous les gestes de la vie quotidienne ou si son handicap entraîne des dépenses équivalentes. - 3ème catégorie lorsque deux conditions sont satisfaites : une condition médicale lorsque la gravité du handicap nécessite des soins de « haute technicité » ou entraîne une totale dépendance et une condition administrative qui implique la cessation d’activité d’un des parents ou le recours à une tierce personne rémunérée. La demande est à faire auprès de l’organisme qui verse les prestations familiales ou par l’intermédiaire du Centre Communal d’Action Sociale (CCAS). La décision est prise par la CDES pour une période de 1 à 5 ans. * Les aides de garde d’enfant se présentent sous deux formes : allocation de garde d’enfant à domicile ou aide à l’emploi d’une assistante maternelle agrée. * Les bourses d’enseignement d’appoint et d’adaptation sont destinées aux familles dont l’enfant handicapé demeure en milieu scolaire. Elles sont accordées par le service des bourses du rectorat, mais la situation financière de la famille est prise en compte, et elle ne peut être cumulée à l’AES. - La carte d’invalidité Elle est attribuée pour un taux d’incapacité égal ou supérieur à 80%. Elle peut être accompagnée d’un macaron automobile de grand invalide civil (GIC). La demande est à adresser à la CDES dans les 3 mois suivant la constatation de l’incapacité. Cette carte octroie des avantages dans les transports, la réduction du calcul de l’impôt… - La prise en charge des transports Elle s’applique pour les transports : * sanitaires dans le cadre d’hospitalisation ou d’examens rentrant dans le cadre de l’ALD (100%) * scolaires ou universitaires si l’incapacité est égale ou supérieure à 80%. - La prolongation du congé parental est possible jusqu’à un an au-delà du troisième anniversaire de l’enfant, si le handicap ouvre droit à l’AES. Ces aides financières assurent à l’enfant atteint du SWP une prise en charge optimale et un suivi régulier indispensables au bon épanouissement de l’enfant et de son entourage. Les troubles du comportement (57) Précédemment décrits, ces troubles du comportement, très variables d’un enfant à l’autre, nécessitent une prise en charge et un suivi psychologique (parfois, psychiatrique) dès le plus jeune âge. Toutefois, il faut souligner l’importance de l’environnement. Ces enfants ont besoin de se sentir aimés et reconnus. Ils supportent mal le bruit, l’agitation et l’agressivité, même lorsque celle-ci n’est pas dirigée contre eux. A l’adolescence, période où les troubles comportementaux semblent être les plus violents, un cadre clair, sécurisant et stable associé au suivi psychologique et/ou psychiatrique leur est bénéfique. Dans le cadre d’un accompagnement psychothérapeutique, la rencontre avec d’autres jeunes atteints du syndrome, en particulier ceux qui, un peu plus âgés, « s’en sortent plutôt bien » peut être très positif, car souvent ces jeunes patients souffrent de ne pas avoir de modèle auquel s’identifier. Finalement, la poursuite d’un cadre adapté à l’âge adulte semble même diminuer les troubles du comportement. Le traitement hormonal (67) Nous avons vu que le traitement par hormone de croissance (GH) augmente la vitesse de croissance et améliore la composition corporelle au profit de la masse musculaire (indépendamment de la présence ou non d’un déficit en GH). Dans le cadre du bilan pré et per-thérapeutique : • Il semble logique, mais non nécessaire, de réaliser une exploration de l’axe somatotrope avant la mise en route du traitement (au moins un test de stimulation de la sécrétion de GH et un dosage d’IGF1). Des radiographies du rachis sont réalisées systématiquement afin de vérifier l’absence de déformation scoliotique. Un bilan thyroïdien (T4L et T3, TSHus) et un test d’hyperglycémie provoquée par voie orale (HGPO) sont également effectués (il existe un déficit hypothalamique central associé dans 30% des cas et rappelons également que la GH est une hormone hyperglycémiante). • Sur le plan clinique, une fois le traitement instauré, la surveillance repose sur : - l’étude des données anthropométriques (taille, poids et IMC) à chaque consultation (environ tous les 3-6 mois). Les signes pubertaires sont surveillés. - la recherche systématique de scoliose à chaque consultation. Le suivi orthopédique est indispensable. • Sur le plan radiologique : - des radiographies du rachis sont régulièrement effectuées en fonction des signes d’appel cliniques (douleurs, apparition d’une gibbosité, etc). - une étude de la composition corporelle par absorptiométrie biphotonique aux rayons X est réalisée une fois par an (avec mesure de l’âge osseux). • Sur le plan biologique, les paramètres surveillés dans le cadre de tout traitement par GH sont évalués en moyenne une fois par an : - hormones thyroïdiennes, dosage de TSHus et bilan phosphocalcique. - bilan d’une anomalie lipidique (cholestérol total, triglycérides, LDL et HDL cholestérol) et bilan glucidique (glycémie et insulinémie à jeun, HBA1C). Un examen clinique standard à chaque consultation (pression artérielle, pouls, auscultation cardiopulmonaire…) complète le suivi global des ces enfants traités par GH. L’intérêt du traitement doit être réévalué tous les ans, en tenant compte à la fois des bénéfices attendus sur la croissance et la composition corporelle et des résultats biologiques et paracliniques. Le traitement est stoppé en cas (4) : - d’apparition ou d’évolution d’un processus tumoral - après l’âge de 14 ans ou une vitesse de croissance sous traitement inférieure à 3 cm par an (quelque soit l’âge). Utilisé seul, le traitement par GH n’est que d’une efficacité modérée. Il est indispensable de continuer à observer le régime et d’encourager au maximum la pratique du sport. Au-delà des bénéfices sur le plan statural et corporel, on s’attend à ce que les enfants traités se sentent mieux dans leur peau, moins « différents » ce qui ne peut que faciliter leur intégration sociale et scolaire, et par là même atténuer les troubles du comportement qui accompagnent souvent le syndrome (4). Le traitement par GH est instauré à l’hôpital par des spécialistes en pédiatrie et/ou en endocrinologie, généralement dans le cadre de la consultation multidisciplinaire, créé en 1999 (55). Elle a pour but d’améliorer la prise en charge des enfants atteints du SWP en réunissant lors d’une seule consultation les divers intervenants médicaux et paramédicaux impliqués dans cette pathologie. La consultation est organisée en fonction des besoins et des priorités de l’enfant car souvent, il est difficile de voir tous les spécialistes et paramédicaux le même jour. Par ailleurs, cette consultation est aussi l’occasion de faire le point non seulement sur l’aspect médical (en initiant, par exemple, un traitement par GH) mais aussi sur l’aspect de prise en charge médico-sociale, médico-éducative et rééducative (55). Finalement, le traitement par GH est une avancée majeure à la fois pour la prise en charge de ces enfants (il s’intègre dans une démarche de consultation multidisciplinaire), pour la connaissance de la physiopathologie du syndrome et pour la motivation de l’équipe soignante et des familles. Au total, le suivi au long cours, coordonné, mettant en étroite collaboration les médecins spécialistes (pédiatres, endocrinologues), les acteurs paramédicaux, socio-éducatifs et le médecin traitant est le princeps indispensable à l’épanouissement physique, moteur, intellectuel et social de l’enfant atteint du SWP. Le médecin généraliste, informé sur la maladie et sur son évolution naturelle, est à même de dépister et de prévenir l’obésité (surveillance des courbes poids/taille et IMC sur le carnet de santé, bilan glucidique et lipidique annuel, surveillance de la TA). Il oriente les parents vers les structures de prise en charge spécialisés (prise en charge kinésithérapique, orthophonique et en psychomotricité ; orientation scolaire) et reste, parallèlement au suivi psychologique et/ou psychiatrique, un interlocuteur de première intention en cas de situation de crise. Il ne s’agit pas d’incomber toutes les tâches et le mérite au médecin généraliste mais plutôt de renforcer sa place dans la prise en charge du patient atteint du SWP, afin de modifier et d’optimiser la présentation et l’évolution de la maladie. TROISIEME PARTIE ANALYSE ET REFLEXION SUR LES DOSSIERS MEDICAUX A. HISTOIRES VRAIES La prise en charge globale et multidisciplinaire autour de l’enfant atteint du SWP vise à prévenir l’obésité et à favoriser le développement des fonctions psychomotrices, cognitives et intellectuelles. L’évolution et les progrès s’apprécient sur le long terme. Un suivi au long cours, régulier et coordonné, le plus précoce possible, réévalue à chaque consultation, les besoins médicaux de l’enfant et facilite son intégration en milieu scolaire puis dans la vie professionnelle. C’est l’occasion au cours de ce suivi, de dialoguer et d’écouter les parents, et leur proposer une prise en charge psychologique, si elle s’avère nécessaire. En pratique, nous avons analysé six dossiers médicaux de patients atteints du SWP et suivis à l’hôpital de Villeneuve-Saint-Georges (VSG) dans le service du Dr Guillot. Il s’agit d’une étude rétrospective avec comparaison des cas avec la littérature. Ces histoires sont à la fois toutes semblables et différentes. Elles impliquent de nombreux acteurs de santé, dont le médecin généraliste que nous avons contacté pour chacun d’entre eux. Nous résumerons leur rôle, leurs attentes et leurs réponses pour chaque histoire respective. I. L’HISTOIRE DE TONY F. Tony est né le 26 Mars 1999 à la Maternité de l’hôpital privé Claude Galien à Quincysous-Sénart (91). Dans les antécédents familiaux, on note une trisomie 21 chez un grand-oncle maternel. Les parents, d’origine Portugaise, sont issus de germains (leurs pères respectifs sont cousins au premier degré). Tony est le 2ème enfant du couple. Kevin, l’aîné, né en 1994 est bien portant. La grossesse a été marquée par l’existence d’un retard de croissance intra-utérin (RCIU) diagnostiqué à 31 semaines d’aménorrhée. Mme F. est hospitalisée pour surveillance à partir de 35 semaines. L’accouchement a lieu le 26 Mars 1999, par césarienne, au terme de 36 semaines d’aménorrhées et 6 jours en raison de la stagnation de la croissance fœtale et un rythme cardiaque anormal. Le score d’Apgar est à 9 à 1 minute puis à 10 dès la 3ème minute de vie. Tony pèse 1840g, il mesure 45 cm et son périmètre crânien est de 31,3 cm. L’examen clinique à une heure de vie trouve un enfant hypotonique, peu réactif. Il est transféré à l’hôpital de Villeneuve-Saint-Georges pour prématurité, RCIU et hypotonie. A son arrivée, l’examen est marqué par l’existence d’une hypotonie massive associée à une hyporéactivité et une mobilité spontanée extrêmement faible. La succion est quasinulle et les autres réflexes ne sont pas (ou peu) retrouvés (Moro incomplet, grasping discret et pas de réflexe de marche). Il n’y a pas de dysmorphie faciale évidente mais des anomalies au niveau des organes génitaux externes : micropénis avec ectopie testiculaire bilatérale. Le reste de l’examen clinique est sans particularité. L’évolution, sur le plan neuromoteur, est très lente, avec une mobilité spontanée plus riche et une diminution progressive de l’hypotonie au cours du premier mois de vie (surtout au niveau périphérique). On note un contact oculaire avec ébauche de poursuite à partir de 3 semaines. Sur le plan digestif, en l’absence d’autonomie alimentaire, l’enfant sera mis en gavage gastrique continu puis discontinu, avec alimentation au biberon à partir du 17 Avril 1999 devant la présence d’un réflexe de succion débutant. Le gavage est ensuite définitivement stoppé avec alimentation exclusive au biberon à partir de l’âge de 1 mois. Un bilan étiologique est effectué comprenant la recherche du SWP : l’hypotonie massive avec difficultés alimentaires et l’hypogénitalisme évoquent fortement le diagnostic dès la période néonatale. Le caryotype en haute résolution avec méthode de FISH confirme le diagnostic suspecté et la maladie est annoncée aux parents alors que Tony est âgée de 1 mois. L’enfant quitte le service quinze jours plus tard avec retour au domicile. Son poids de sortie est de 2600g. Il sera régulièrement suivi en consultation par le Dr Dubrez puis le Dr Guillot. Le bilan paraclinique : Seront réalisés les examens suivants : - une échographie transfontanellaire (hémorragie ventriculaire gauche minime avec cervelet hyperéchogène) - un scanner cérébral à 5 jours de vie (absence d’élément hémorragique, cavités ventriculaires de taille normale, cervelet normal) - un électroencéphalogramme - un bilan ophtalmologique (fond d’œil) - un bilan endocrinien (dosage du cortisol et de la 17α- hydroxy-progestérone) - une recherche exhaustive de pathologie infectieuse - une recherche de cytomégalovirus (virémie et virurie) - un caryotype en haute résolution avec méthode de FISH Le diagnostic sera finalement porté par le caryotype avec présence d’un signal d’hybridation (pour les sondes D15S11 et SNRPN) sur un seul des deux chromosomes 15 affirmant l’existence d’une microdélétion 15q11-13 chez l’enfant. Les caryotypes parentaux sont normaux. Il s’agit donc d’une anomalie sporadique, sans risque ultérieur en principe pour la descendance. Le suivi et la prise en charge Les différents axes de prise en charge et de l’évolution de la maladie chez Tony sont les suivants : * sur le plan psychomoteur - à 2 mois : l’hypotonie axiale persiste mais la mobilité spontanée est bien meilleure. On note une ébauche de sourire avec un bon contact et une poursuite oculaire. L’enfant ne sera pas revu durant plusieurs mois (malgré les rendez-vous et probablement, devant l’angoisse et la « fuite » des parents face au diagnostic d’anomalie génétique). - à 7 mois : malgré des progrès, le retard de Tony est évident. L’hypotonie axiale demeure et la tenue de la tête n’est pas acquise. Il semble attentif à la voix avec une discrète ébauche de sourire-réponse. Etant donné les difficultés de l’enfant (et de ses parents), un soutien psychomoteur et psychologique est proposé. Tony est vu pour la première fois au CAMSP de Choisy-leRoi pour évaluation et bilan des acquisitions alors qu’il est âgé de 9 mois. - à 9 mois (au CAMSP) : on note la persistance d’une grande hypotonie globale (surtout axiale). La tenue de la tête est encore très en retard ; il y a peu de mouvements actifs. Tony attrape les objets avec la main droite, il les porte à la bouche et change de main. Il n’y a aucun redressement sur le ventre et le dos mais une ébauche de retournement lorsque l’enfant est sur le dos. Le contact oculaire est excellent, Tony babille et sourit sans problème. Au terme de cette consultation, une prise en charge hebdomadaire en kinésithérapie et en psychomotricité est mise en place, toujours poursuivie à ce jour. - à 12 mois : on note une bien meilleure tenue de l’axe en position assise. Tony se tient assis avec appui. Sur les genoux de son père, il peut maintenant bien redresser son tronc. Sur le plan de la communication, l’enfant gazouille et rit aux éclats. - à 18 mois : la station assise sans appui n’est pas acquise. Tony ne se redresse absolument pas le long des meubles et la station debout n’est permise que brièvement avec appui. Le retournement dos/ventre et ventre/dos est difficile. Les acquisitions verbales sont pauvres. - à 20 mois : les progrès moteurs sont lents mais présents. L’enfant tient debout et marche maintenant avec appui. - à 24 mois : la marche est acquise. - à 26 mois : Tony commence à courir, il joue beaucoup avec son frère et monte les escaliers à quatre pattes. - à 2 ans ½ : il descend et monte les escaliers seul en se tenant à la rampe. - à 3 ans ½ : Tony se déplace seul. Il persiste, cependant, une hypotonie et une instabilité pour lesquelles l’enfant a mis en place tout un système efficace de compensation par des prises d’appuis, motivant la poursuite de la rééducation en psychomotricité et en kinésithérapie. * sur le plan orthophonique Devant un langage pauvre (jargon et quelques onomatopées), une prise en charge orthophonique est débutée au CAMSP de Choisy-Le-Roi à partir de l’âge de 2 ans ½ à raison d’une séance par semaine. La verbalisation est lente avec 10 à 15 mots repérables (papa, maman, chien, etc) à 3 ans. L’enfant comprend deux langues (le Français et le Portugais) et exécute des ordres simples. Tony se fait bien comprendre malgré un retard net d’acquisitions verbales et la scolarisation en maternelle est possible à partir de 3 ans ½. On note une meilleure prononciation des mots avec une large utilisation de la gestuelle comme outil de communication à l’âge de 4 ans. Cependant, les difficultés verbales persistent (langage réduit, pas ou peu de phrases). On augmente le nombre de séances d’orthophonie à 2 par semaine avec poursuite de la prise en charge au CAMSP puis en libéral. Tony est maintenant âgé de 5 ans. Il commence à construire des « petites » phrases avec augmentation du vocabulaire et poursuite de la gestuelle encore très développée. Actuellement, le travail porte surtout sur l’élaboration et la construction de phrases. La concentration est possible, mais brève. A l’école, Tony recherche le contact, il joue avec les autres enfants et se fait aisément comprendre. Il présente une facilité particulière pour la réalisation de puzzles. Les progrès sont lents mais certains et le travail orthophonique est toujours poursuivi à ce jour. * sur le plan alimentaire et comportemental : L’alimentation au biberon à partir de 1 mois puis le début de la diversification à 4 mois se déroule sans problème. La prise pondérale est satisfaisante (cf courbe staturo-pondérale p. 166). La courbe de poids s’accélère entre 12 et 18 mois avec franchissement rapide des déviations standard (+ 2 DS à 18 mois avec un poids de 12 kgs). Parallèlement, apparaît le comportement hyperphagique avec recherche compulsive de la nourriture. Les parents et surtout, sa grand-mère paternelle (qui s’occupe de Tony durant la semaine, excepté le week-end) cèdent souvent aux caprices de l’enfant. Une prise en charge diététique est alors rapidement mise en place (avec la diététicienne de l’hôpital de Villeneuve-saint-Georges). Les erreurs alimentaires sont repérées, des conseils diététiques proposés et on explique les enjeux de la nécessité d’un régime bien particulier qui doit être appliqué par les parents et l’entourage. Quelques mois plus tard, au décours d’une consultation au CAMSP, les parents décrivent à la maison une recherche compulsive persistante de la nourriture. Tony va vers le réfrigérateur qui est fermé. Le plus souvent, il s’en va puis revient comme s’il s’agissait d’un jeu. Parfois, il se fâche et crie pour qu’on lui donne à manger. Ce pendant, les parents ne cèdent pas, de même que la grand-mère paternelle, qui a bien investi son rôle et surveille de près l’alimentation de son petit-fils. D’ailleurs, la 2ème consultation diététique (Tony est alors âgé de 2 ans ½) confirme les efforts de l’entourage, avec une prise pondérale inférieure à 2 kgs en un an. Le régime doit donc être poursuivi avec une coopération permanente de la famille afin de limiter la survenue d’une obésité. Les parents limitent la prise de poids jusqu’à 4 ans mais au prix d’énormes efforts (poids= 19 kgs soit une perte de 3 kgs en un an). A partir de 4 ans ½, le poids augmente de manière régulière mais constante (poids= 21 kgs à 4 ans ½ ; poids= 22,7 kgs à 5 ans) de même que les troubles comportementaux associés s’accentuent. Tony réclame de la nourriture entre les repas et a tendance à « chaparder » ce qui a conduit les parents à rendre la cuisine inaccessible. Les colères autour des problèmes alimentaires sont fréquentes. A ce jour, le régime alimentaire est maintenu avec mise en route du traitement par hormone de croissance en Février 2004 étant donné l’évolution de la surcharge pondérale et des troubles comportementaux (poids= 22,7 kgs à 5 ans soit + 3 DS ; taille=102,5 cm). Nous rediscuterons de ce traitement lors de la synthèse du bilan multidisciplinaire. Parmi les autres troubles du comportement, on note que Tony est opiniâtre, entêté, en relation avec les autres mais il ne veut pas partager (exemple : un jouet, un crayon, etc). Il n’y a pas de problèmes de sommeil. * sur le plan relationnel et scolaire : La scolarisation en maternelle en septembre 2002 (à 3 ans ½) s’est déroulée sans difficulté. Tony est en contact avec les autres enfants, il joue avec eux malgré un retard d’acquisitions verbales et motrices. Il ne partage pas (ou peu) et est colérique à la frustration. Tony est scolarisé tous les matins puis déjeune chez sa grand-mère qui le garde l’après-midi. Du fait de ses difficultés comportementales, le temps de scolarité est réduit de 10 h à 11h30 au cours de la 2ème année de maternelle. L’enfant progresse à son rythme et participe aux différentes activités de la classe (dessins, puzzles, etc). * sur le plan socio-familial : - L’angoisse et la « fuite » des parents face au diagnostic d’anomalie génétique sont perceptibles dès les premiers mois de vie de l’enfant étant donné la difficulté du suivi médical initial. La mère, démonstratrice en linge de maison, reprend son travail à plein temps alors que Tony est âgé de 2 mois. Son père, mécanicien automobile, est très occupé par son travail. Suite à un accident de la voie publique en vacances au Portugal en Août 1999, Mr F. est en arrêt pendant plusieurs mois et s’occupe alors de Tony, avec l’aide de la grand-mère paternelle. L’enfant est revu en consultation à partir de l’âge de 7 mois puis régulièrement suivi. Après la reprise du travail de Mr F., c’est la grand-mère qui garde Tony durant la semaine (sauf le week-end où il retourne chez ses parents) et qui l’emmène en consultation. Malgré des difficultés initiales (stimulation faible sur le plan psychomoteur, peu ou pas de résistance aux sollicitations alimentaires de son petit-fils) la grand-mère, les parents et l’entourage comprennent rapidement les enjeux d’une prise en charge adaptée et coordonnée au long cours. Tony est vu à intervalle régulier, sans rupture du suivi. Les parents et l’entourage sont investis et tentent de faire face à l’évolution de cette maladie. Mr et Mme F. ont refusé une prise en charge psychologique. Il leur a été conseiller de contacter l’association Prader-Willi France afin de pouvoir rencontrer d’autres parents, d’autres enfants et membres de l’association, vivant la même expérience. - Sur le plan financier, une prise en charge en ALD et une AES ont été attribuées. * sur le plan médical : Tony a été hospitalisé à l’âge de 8 mois dans le service de Pédiatrie du Dr Guillot pour bronchiolite d’évolution favorable en une semaine sous aérosols, kinésithérapie respiratoire et antibiothérapie (foyer pulmonaire périhilaire droit radiologique). Finalement, selon la classification de Holms, Tony présente avant l’âge de 3 ans, tous les critères majeurs et 3 critères mineurs avec un indice supplémentaire (la capacité inhabituelle à réaliser des puzzles) soit un total de 9 points et demi amplement suffisant pour porter le diagnostic de SWP (cf tableau 8 p.134) (cf tableau 9 p. 214). Le bilan multidisciplinaire à l’hôpital Necker (Paris 15ème) : - Lors du premier bilan multidisciplinaire (le 30/04/2002), Tony est âgé de 3 ans. Il mesure 91,4 cm (- 1 DS), son poids est de 18 kgs (+ 2,5 DS) et son périmètre crânien est de 51 cm. Sur le plan clinique, on note une adiposité diffuse avec quelques lésions de grattage (poussées urticariennes itératives avec mise en évidence d’une allergie à la Josacine, à la poussière et aux acariens). La dysmorphie faciale est évidente avec une relative brièveté des extrémités (mains et pieds). Le reste de l’examen clinique est sans particularité excepté les anomalies des organes génitaux externes repérées dès la période néonatale. La verge est de petite taille (3x1,5 cm) et fine avec une ectopie testiculaire bilatérale. Les testicules sont en position inguinale basse, non abaissable à gauche mais facilement abaissable à droite. Le scrotum est assez bien développé. Sur le plan biologique, les résultats sont normaux (ionogramme sanguin, dosage de TSHus et T4) excepté un taux d’IGF1 un peu abaissé (à 58 ng/ml pour une normale >80 ng/ml). La croissance est cependant régulière et le poids assez bien contrôlé, il n’y a donc pas d’indication immédiate à un traitement par hormone de croissance. La prise en charge globale de l’affection est adaptée. La rééducation en psychomotricité et en kinésithérapie ainsi que le travail orthophonique sont à poursuivre. L’alimentation est bien cadrée, le régime bien compris par les parents et l’entourage. Il faut encore limiter les laitages et les boissons sucrées trop importantes. Enfin, il n’y a pas de scoliose mais une discrète inflexion latérale à la radiographie du rachis (à contrôler dans un an). La prise pondérale, un peu excessive au cours des derniers mois, est à surveiller. La rentrée scolaire en maternelle est prévue en Septembre 2002. En présence de l’ectopie testiculaire bilatérale avec micropénis, un traitement médical par HCG (hormone choriogonadotrophique) (6 injections de 1500 UI) est réalisé. Le dosage de la testostérone, à la fin du traitement, est correct (taux=1,6 ng/ml à 3 ans ½). On note une augmentation du volume de la verge et de la pilosité pubienne à distance du traitement mais des testicules toujours en position inguinale. Finalement, en accord avec les parents, Tony est opéré le 24 Septembre 2003 pour ectopie testiculaire bilatérale dans le service de chirurgie infantile de l’hôpital de Villeneuvesaint-Georges. Les testicules, de très petite taille, sont abaissés en position scrotale. Les suites opératoires sont marquées par un épisode de fièvre et de ballonnement abdominal rapidement résolutif. Tony quitte le service après une semaine d’hospitalisation. La cicatrice est propre et les testicules palpables. - Le deuxième bilan multidisciplinaire (le 27/06/03) est réalisé alors que Tony est âgé de 4 ans. Sa taille est de 100,5 cm (-0,5 DS), il pèse 19 kgs (+ 2 DS) et son PC est de 52 cm. L’examen clinique est inchangé. Les radiographies de contrôle du rachis sont normales. Le taux d’IGF1 est à 57 ng/ml. Un premier test de stimulation de l’hormone de croissance par Glucagon, au début du mois de Juin 2003 révèle un pic insuffisant de GH à 2,4 ng/ml (pour une normale >10 ng/ml) en rapport avec une sécrétion insuffisante de GH. Les parents sont très demandeurs d’un traitement par hormone de croissance car, si la croissance est satisfaisante, la courbe pondérale ne cesse d’augmenter malgré de gros efforts. Finalement, après un deuxième test de stimulation par l’Ornithine en Septembre 2003 avec un pic de GH à 3,9 ng/ml, confirmant l’existence d’un déficit partiel en hormone de croissance (en effet, ce test, comme le test au glucagon, évalue la capacité sécrétoire de l’hypophyse en hormone de croissance ; à l’état normal, après injection d’Ornithine, on observe un pic de GH pouvant atteindre jusqu’à 30 fois les valeurs normales ; en cas de carence en GH, il n’y a pas de pic), le traitement est débuté en Février 2004 à la dose de 0,7 UI /kg/semaine de GH pour une durée prévue de 10 ans. Les autres paramètres nécessaires à la mise en route du traitement sont évalués : HGPO (test d’hypoglycémie provoquée par voie orale), bilan phosphocalcique et thyroïdien, analyse de la composition corporelle (les données anthropométriques et la mesure de la densité osseuse). Les résultats sont normaux (on rappelle que les radiographies du rachis sont normales). Tony sera revu en consultation d’endocrinologie à l’hôpital Necker avec le Dr P. à 3 mois puis tous les 6 mois afin d’évaluer les bénéfices du traitement tout en maintenant une surveillance clinique et paraclinique rapprochée. Le médecin généraliste (Dr F. à Brunoy) (91) : Le SWP est une maladie génétique que connaît le Dr F. mais la prise en charge de Tony lui a permis d’approfondir ses connaissances et de s’impliquer dans l’évolution et le suivi de cette affection. Il assure toujours le suivi de l’enfant à ce jour sur le plan ambulatoire (épisodes infectieux, calendrier vaccinal, etc) et surtout, de soutien sur le plan familial. Après une phase initiale de sidération et d’angoisse, les parents ont fini par accepter leur fils tel qu’il est avec son handicap et ont participé, au mieux, à son développement en le stimulant et en assurant un suivi régulier auprès des médecins spécialistes. En effet, la prise en charge de Tony ne peut être assuré par le médecin généraliste seul, m’explique le Dr F., il peut cependant pleinement y participer lorsqu’il connaît les particularités de cette maladie. Ainsi, après évaluation progressive des acquisitions psychomotrices de l’enfant, il veille actuellement, à chaque consultation, à la bonne observance des règles hygiéno-diététiques et à l’évolution des mesures anthropométriques. Tony est un enfant calme et souriant, en consultation, ce qui ne dispense pas son médecin traitant de noter les troubles du comportement signalés par les parents. Le Dr F. insiste sur la nécessité d’une prise de contact entre l’hôpital (qui ne se limiterait pas au courrier médical) et le médecin traitant dès le diagnostic afin de définir des objectifs de suivi (avec les médecins spécialistes référents) et réaliser un travail conjoint dans le but d’améliorer la prise en charge et le suivi de ces enfants. La synthèse : Les manifestations neurologiques précoces (hypotonie globale avec absence de succion) associées aux anomalies génitales (micropénis avec ectopie testiculaire bilatérale) ont permis, chez Tony un diagnostic de SWP dès la période néonatale. L’annonce de la maladie, difficilement vécue par les parents et l’entourage, a entraîné une prise en charge globale multidisciplinaire, retardée de quelques mois, avec cependant un suivi ambulatoire par le médecin généraliste. Informé du diagnostic de l’enfant, il a encouragé son apprentissage et sa prise en charge conjointe avec les spécialistes, en soutenant les parents dans cette épreuve douloureuse. Il assure toujours le suivi de Tony. A ce jour, l’évolution est lentement favorable. La rééducation en psychomotricité et en kinésithérapie est à poursuivre. Le travail orthophonique est essentiel étant donné les difficultés majeures de langage chez l’enfant. La surcharge pondérale et les troubles comportementaux, dès l’âge de 18 mois, ont conduit à une prise en charge diététique immédiate avec encadrement de Tony et de sa famille. Les efforts sont initialement récompensés puis face à la reprise de poids, à partir de 3 ans, avec accentuation des troubles du comportement (liés à la nourriture, mais pas seulement) se pose l’éventualité d’un traitement par hormone de croissance, finalement débuté en Février 2004. On espère que les résultats seront aussi encourageants que le traitement médical par HCG (hypogénitalisme) qui a permis chez Tony, un développement des caractères sexuels secondaires, traitement complété par une intervention chirurgicale (ectopie testiculaire bilatérale). Finalement, Tony a bénéficié d’un diagnostic précoce, d’une prise en charge spécifique (un peu retardée) avec acquisition lente mais régulière des fonctions psychomotrices et langagières. Les parents et l’entourage ont à présent, bien compris la maladie et leur rôle dans les progrès et la surveillance de l’enfant. C’est ce suivi régulier qui a permis de nouer avec les parents une relation de confiance, de soutien et de permettre un épanouissement le plus favorable à Tony. Les dernières nouvelles, par le Dr Guillot, sont rassurantes : depuis l’instauration du traitement, on note une amélioration de la composition corporelle avec amincissement et prise de taille. Le comportement est plus « facile » avec une diminution des crises de colère et l’hyperphagie. Courbe staturo-pondérale de Tony II. L’HISTOIRE DE CHRISTOPHE M. Christophe M. est né le 09 Juin 1998 à la Clinique Juliette de Wils à Champigny (94). Les antécédents familiaux sont sans particularité. Il s’agit du 3ème enfant de la fratrie de parents d’origine Srilankaise, non consanguins (deux soeurs de 7 et 9 ans en bonne santé). La grossesse s’est déroulée normalement avec cependant une hypomobilité fœtale importante (absence quasi-totale de mouvements fœtaux jusqu’au 8ème mois de grossesse). L’accouchement a lieu le 09 Juin 1998 par voie basse au terme de 37 semaines d’aménorrhée. Le score d’Apgar est à 10 dès la première minute de vie. Christophe pèse 2420g, sa taille est de 45 cm et son périmètre crânien est de 33 cm. Il apparaît immédiatement une détresse respiratoire associée à une hypotonie globale motivant le transfert dans l’unité de néonatalogie de l’hôpital de Villeneuve-SaintGeorges puis en Réanimation Infantile au centre hospitalier intercommunal de Créteil (CHIC) devant l’aggravation respiratoire. L’évolution : Finalement, après cet épisode de détresse d’évolution favorable en quelques jours, l’enfant est à nouveau réhospitalisé dans le service de Pédiatrie. Il persiste une hypotonie diffuse, massive, prédominante sur le plan axial. Une succion faible entraîne un gavage pendant 2 mois puis une alimentation au biberon dès l’amélioration du réflexe de succion. Des difficultés persistent (Christophe a du mal à téter) et dès le retour à domicile, l’enfant mange à la cuillère. L’évolution motrice est progressivement favorable avec la récupération partielle du tonus passif, le développement d’une motricité spontanée et un bon contact oculaire. Cette hypotonie est associée à une ectopie testiculaire et à un lipome sacré latéral. Les investigations, pour le lipome (IRM cérébrale et médullaire) mettent en évidence une moelle basse insérée, sans anomalie morphologique cérébrale. La surveillance est clinique, comme pour la cryptorchidie. Christophe quitte le service après 2 mois et demi d’hospitalisation (le 31 Août 1999). Il pèse 4040g, sa taille est de 55,5 cm et son périmètre crânien est de 38 cm. Malgré un bilan d’hypotonie, l’étiologie reste indéterminée. L’enfant sera revu régulièrement en consultation avec le Dr Janaud (chef de service du service de Pédiatrie à l’hôpital Intercommunal de Créteil). Le bilan étiologique : Seront réalisés les examens suivants : - un scanner cérébral - une IRM cérébrale et médullaire - un électroencéphalogramme - un bilan ophtalmologique (fond d’œil) - un électromyogramme (des muscles faciaux, linguaux et du voile du palais) - une recherche de pathologie infectieuse - une recherche de pathologie métabolique - un caryotype en haute résolution avec méthode de FISH (absence de microdélétion sur le chromosome 15) Le tableau clinique (hypotonie et hypogénitalisme) fait évoquer le diagnostic de SWP. Le caryotype, avec technique de FISH, normal, n’exclut pas ce diagnostic et c’est ainsi, grâce au suivi, que le SWP est confirmé à l’âge de 2 ans, devant l’apparition d’une surcharge pondérale et après discussion avec le Dr Gérard, généticienne à l’Hôpital Intercommunal de Créteil (94) : les examens effectués révèlent une anomalie de méthylation sur l’un des chromosomes 15 de l’enfant avec identification d’une DUP d’origine maternelle (analyse de microsatellites). L’annonce du diagnostic a été assez difficile car les parents ont une représentation -au moins en Français- assez fruste de ce que peut être la génétique. Le Dr Janaud a insisté sur la nécessité d’un suivi régulier et le risque de survenue d’une obésité en soulignant la possibilité de contacter l’association Prader-Willi France ce qui a particulièrement intéressé les parents (l’analyse du dossier ne permet pas de savoir si les caryotypes parentaux ont été réalisés). Le suivi et la prise en charge : * sur le plan psychomoteur - à 3 mois : la tenue de la tête n’est pas acquise. Il demeure une hypotonie axiale passive. La mobilité spontanée est plus active mais parait peu déliée et non dirigée. Les réflexes rotuliens sont normaux. Le contact oculaire est bon, l’enfant réagit à son prénom et sourit. Une prise en charge hospitalière avec la psychomotricienne du CHIC est mise en place dès l’âge de 3 mois. - à 4 mois : Christophe est très réactif, il gesticule et rampe malgré la persistance d’une grande hypotonie axiale encore très inquiétante. - à 5 mois : la psychomotricienne oriente les parents et l’enfant vers le CAMSP de Choisy-le-Roi pour la poursuite de la prise en charge rééducative. - à 6 mois : la tenue de la tête est acquise. - à 9 mois : Christophe se retourne du dos sur le ventre ; il se redresse sur les avant-bras et a une préhension volontaire bilatérale de type un peu dystonique. Il n’a pas encore acquis l’opposition du pouce. La station assise seule est incertaine mais l’enfant tient assis en trépied avec un effondrement discret en cyphose. Il n’y a pas de trouble du comportement, Christophe est sociable et souriant. On remarque un aspect court des membres avec une bouche légèrement entrouverte en « chapeau de gendarme ». - à 12 mois : malgré une hypotonie encore importante, l’enfant est actif, tient bien assis et rampe. Il a une excellente relation avec sa mère. - à 20 mois : la marche est acquise. - à 30 mois : Christophe commence à courir, monter sur une chaise et les marches de l’escalier avec appui sur les 2 mains. Il s’intéresse aux jeux d’encastrement, aux jeux d’imitation avec un certain décalage par rapport à la moyenne. Il jargonne avec mimiques, gestes éloquents et dit quelques mots (papa, maman, etc). - à 4 ans : l’enfant conserve une hyperlaxité et une discrète hypotonie de l’axe avec une force musculaire un peu diminuée aux membres. Il commence à sauter à deux pieds sans appui et est capable de marcher sans s’arrêter pendant 200 mètres environ. - à 5 ans ½ : Le développement psychomoteur est globalement satisfaisant. Christophe a fait des progrès dans la motricité fine (habillage). Il persiste des difficultés dans certains gestes courants tels que couper la viande. Une certaine hypotonie demeure, en particulier, au niveau facial. La psychomotricité (de Novembre 1998 à Mars 2000) à raison de une séance par semaine est relayée par une prise en charge en petit groupe au sein du CAMSP jusqu’en Juin 2003. Il s’agit de stimuler et de favoriser le développement moteur et intellectuel et la socialisation d’enfants porteurs de difficultés du développement similaires. * sur le plan orthophonique On note l’apparition des premiers mots à partir de 2 ans ½. Si les capacités de compréhension sont bonnes, il n’en est pas de même pour l’expression et la prononciation qui sont faibles. L’intégration scolaire se fait, cependant, sans difficulté avec une bonne communication avec ses petits camarades. La gestuelle est très développée. A 4 ans, sur le plan verbal, l’expression est encore décalée puisque limitée à quelques mots compréhensibles qui semblent correctement prononcés. Les mots en relation avec les usages sociaux sont bien acquis. Sur le plan non verbal, Christophe a des capacités visuelles (reconnaissance d’images) et de tri (entre deux consignes, etc). Malgré des progrès, les difficultés langagières persistent surtout sur le versant expressif d’où la mise en place d’une rééducation orthophonique (deux séances hebdomadaires) au CAMSP à partir de Septembre 2003 (Christophe est âgé de 5 ans et scolarisé en grande section de maternelle). L’enfant investit beaucoup ces séances et progresse en expression. Malgré une dissociation persistante entre l’acquisition de vocabulaire et ses capacités d’expression, on relève une certaine autonomie sur le plan verbal à partir de 5 ans ½. Sur le plan non verbal, Christophe est capable de s’intéresser à des consignes spatiales, à un tri selon deux consignes, à la reconnaissance des couleurs. Il présente des difficultés de graphisme qui s’intègrent dans des éléments de dyspraxie visuo-spatiale. Cependant, ses capacités de concentration sont de courte durée et l’enfant est fatigable, élément à prendre en compte dans les exigences à son égard. A ce jour, la rééducation orthophonique se poursuit au rythme de deux séances par semaine. Un bilan neuropsychologique incluant la WIPPSI (test psychométrique de Wechsler pour les enfants de 3 à 6 ans) est prochainement prévu pour une évaluation plus précise des capacités et des difficultés de l’enfant. * sur le plan alimentaire et comportemental - Après gavage en période néonatale, l’alimentation au biberon, puis à la cuillère, se fait sans problème. La croissance staturo-pondérale est satisfaisante (cf courbe staturopondérale p.176) avec apparition d’une surcharge pondérale à partir de 2 ans environ. Dès l’annonce du diagnostic, les parents sont informés du risque de la survenue d’une obésité et des règles hygiéno-diététiques à respecter. L’évolution est correcte ; Christophe a certes beaucoup d’appétit mais le surpoids est acceptable et il n’y a pas de troubles du comportement liés à l’alimentation (il n’y a pas d’hyperphagie, pas de trouble obsessionnel-compulsif, pas de « chapardage » de la nourriture). Le ralentissement de la croissance staturale avec une prise pondérale nette, au cours des derniers mois, a posé l’éventualité d’un traitement par hormone de croissance. Il s’agit d’améliorer la croissance staturale mais également pondérale de Christophe avec une meilleure répartition des masses maigre et grasse et un bénéfice en terme d’acquisition et de développement psychomoteur. Les parents ont besoin de réfléchir et seront prochainement revus en consultation à l’hôpital Trousseau avec le Dr Esteva (endocrinologue). - Sur le plan comportemental, les « crises de colère » apparaissent à partir de 20 mois. Christophe est exigeant, obstiné et tyrannise beaucoup sa mère lorsqu’il est seul avec elle. Par ailleurs, ses capacités d’attention sont labiles. Il s’agit néanmoins d’un enfant gai, volontaire, très actif, en relation avec les autres enfants, malgré un décalage. Il témoigne d’une certaine intolérance à la frustration. Il n’y a pas de problèmes de sommeil ou d’endormissement. * sur le plan relationnel et scolaire L’intégration scolaire (en petite section de Maternelle) en 2001 se déroule sans difficulté, malgré un retard de langage et des acquisitions. Christophe va avec plaisir à l’école toute la journée. Il déjeune le midi chez ses parents. L’évolution est similaire au cours de la 2ème année avec mise en place d’une rééducation orthophonique et présence d’une auxiliaire de vie scolaire à partir de Septembre 2003 (c'est-à-dire lors de la rentrée en grande section). L’auxiliaire accompagne Christophe pour compenser les inconvénients liés à son handicap et contribue à la mise en route de son projet de scolarisation et de socialisation. * sur le plan médical L’enfant est suivi par son médecin traitant le Dr M. et le médecin du centre de PMI (protection maternelle et infantile) d’Orly. Le dossier ne mentionne aucune hospitalisation. Finalement, selon la classification de Holms, avant l’âge de 3 ans, il y a 6 critères majeurs et 3 critères mineurs de diagnostic du SWP chez Christophe soit un total de 7 points et demi ce qui est suffisant pour porter le diagnostic (cf tableau 8 p.134) (cf tableau 9 p.214). Le bilan multidisciplinaire Celui-ci a lieu le 10 Septembre 2002 à l’hôpital Trousseau. Il s’agit d’un enfant de 4 ans et 3 mois qui pèse 16,5 kgs (+1 DS) et mesure 94 cm (-2 DS). La dysmorphie est nette avec des membres un peu courts, une petite bouche aux commissures tombantes. Au niveau des organes génitaux, le scrotum est très peu développé avec des testicules difficilement palpables (surtout à gauche). Le reste de l’examen clinique est sans particularité. La prise en charge en psychomotricité puis en orthophonie au CAMSP doit être poursuivie. Le langage n’est pas encore parfaitement acquis et la construction de phrases complètes et compréhensibles est quasi-inexistante. Malgré un excès pondéral (relatif au regard de l’insuffisance staturale), l’absence de troubles graves du comportement et le respect des règles hygiéno-diététiques par l’entourage ne nécessitent pas, pour l’instant, une prise en charge spécifique diététique. Cependant, face au ralentissement de la croissance staturale avec prise de poids régulière, on discute de l’éventualité d’un traitement par hormone de croissance. Le Dr Esteva s’entretient avec les parents de Christophe sur la possibilité d’un traitement hormonal par GH en leur expliquant les bénéfices attendus de cette thérapeutique. Un bilan paraclinique complet, à l’âge de 5 ans, est effectué dans la perspective de la mise en route de ce traitement. Il comporte : - un test de stimulation de l’hormone de croissance par l’Ornithine révélant un pic insuffisant de sécrétion de GH (indétectable à T0 ; GH = 4 ,4 ng/ml à 30 minutes pour une normale supérieure à 10 ng/ml). - un dosage d’IGF1 à 55 ng/ml (pour une normale supérieure à 80 ng/ml) - un dosage de TSHus à 2,02 UI/ml et T4 à 8 ,67 UI/ml (résultats normaux) - un test d’hyperglycémie provoquée par voie orale normal - un bilan hématologique (numération formule sanguine, plaquettes, vitesse de sédimentation) et métabolique (bilan à la recherche d’une anomalie lipidique ; glycémie à jeun ; transaminases ASAT et ALAT) normal - un bilan phosphocalcique normal Ce bilan est en faveur d’un déficit partiel en hormone de croissance. Les résultats permettent donc d’envisager le traitement chez Christophe. Les parents réfléchissent à cette éventualité et le sujet sera réabordé lors du prochain bilan multidisciplinaire qui aura lieu à la fin de l’année 2004. Par ailleurs, sur le plan génital, l’ectopie testiculaire gauche est opérée le 07 Août 2000 par le Dr Jaby à l’hôpital intercommunal de Créteil. Les suites opératoires sont simples et le testicule gauche est abaissé en position scrotale (testicule droit en place). Sur le plan neurologique, pour son lipome sacré latéral, Christophe est suivi par le Professeur Zerah, neurochirurgien à l’hôpital Necker. Une seconde IRM lombosacrée, à l’âge de 2 ans, confirme la présence d’une moelle attachée basse sur un lipome du cône (pas de cavité syringomyélique). Une échographie vésicale et rénale ainsi qu’un bilan urodynamique normaux, témoignent de l’absence d’anomalies morphologiques des voies urinaires et d’un éventuel dysfonctionnement vésico-sphinctérien fréquemment associé au lipome. Devant la normalité des résultats, il n’y a pas d’indication immédiate à une intervention chirurgicale et une surveillance clinique en milieu spécialisé (tous les 6 mois à 1 an) suffit. La prise en charge est donc globale et adaptée. Les efforts portent sur le langage et la surveillance des troubles comportementaux. Le traitement par hormone de croissance sera initié après accord des parents. Le médecin généraliste (le Dr M. à Orly) (94) : Le DR M. suit Christophe comme n’importe quel autre enfant avec bien sûr des particularités liées à l’affection. Christophe est son seul patient atteint du SWP. Depuis, il s’est informé sur la maladie et son évolution et connaît les principaux risques liés à cette pathologie. Son médecin m’explique que Christophe est également suivi au centre de Protection Maternelle et Infantile (PMI) à Orly et qu’il voit donc l’enfant de manière épisodique pour les affections intercurrentes. Il insiste sur la nécessité d’un suivi hospitalier indispensable en coordination avec le médecin généraliste. La synthèse : Christophe a bénéficié d’un suivi régulier et pluridisciplinaire ayant permis de diagnostiquer le SWP devant l’apparition de la pléthore chez un enfant aux antécédents d’hypotonie néonatale avec difficultés d’alimentation et hypoplasie génitale. Le diagnostic, évoqué dès les premiers jours de vie, ne pouvait être formellement exclu sur la seule négativité du caryotype en haute résolution avec technique de FISH. La présentation et l’évolution biphasique de la maladie incitent à la recherche d’une DUP d’origine maternelle, qui s’avère positive. Le diagnostic est porté alors que Christophe est âgé de 2 ans. Comparativement à la littérature, chez les enfants porteurs d’une DUP dans le cadre du SWP, le signe présent chez Christophe est l’apparition « tardive » de l’hyperphagie puisqu’elle n’est pas mentionnée au moins jusqu’à l’âge de 5 ans ½. Les autres caractéristiques phénotypiques (durée de gavage courte à la naissance, dysmorphie minime, diminution du prurit cutané et anomalies modérées de l’articulation verbale) fréquentes mais non spécifiques de la DUP dans ce syndrome, ne sont pas ou très peu retrouvés chez Christophe. Sur le plan global, la prise en charge en psychomotricité est adaptée et poursuivie en petit groupe jusqu’à 4 ans ; la rééducation orthophonique est en cours. L’insuffisance staturale et la surcharge pondérale posent aujourd’hui l’éventualité d’un traitement par hormone de croissance qui sera probablement débuté avant la fin de l’année. Certains troubles comportementaux « propres » au SWP apparaissent : obstination, crises de colère, intolérance à la frustration, et sont à surveiller (on rappelle le risque de développer une psychose à l’adolescence ou à l’âge adulte d’après une étude Belge et deux études Anglaises (26)). Enfin, l’orientation scolaire est aujourd’hui au premier plan : - faut-il maintenir Christophe en grande section de maternelle puis envisager une intégration à l’école primaire ? - ou doit-on l’orienter d’emblée vers un établissement spécialisé (CLIS, etc) ? L’évolution et des tests psychométriques approfondis permettront, avec les parents, de décider de la solution la plus adéquate à l’épanouissement intellectuel et social de l’enfant. Courbe staturo-ponderale de Christophe III. L’HISTOIRE DE PERRINE P. Perrine est née le 30 Mai 2001 à la clinique des Mousseaux à Evry (91). Dans les antécédents familiaux, on note une hypertension artérielle limite non traitée chez le père et une thalassémie mineure chez la mère. Ses parents sont d’origine Antillaise, non consanguins. Perrine est la troisième enfant de la fratrie, elle a un frère et une sœur, nés d’une grossesse gémellaire en 1997 (au terme de 37 semaines d’aménorrhée) en parfaite santé. Au cours de la grossesse, survient un diabète insipide gestationnel traité par Minirin (antécédent similaire au cours de la grossesse gémellaire d’évolution favorable sous traitement), suivi par le Dr R. à la clinique des Mousseaux. A partir du septième mois de grossesse, on surveille un hydramnios nécessitant une hospitalisation en Maternité à l’hôpital Port-Royal (Paris) du 06 au 15 Mai 2001. Une amniocentèse et un caryotype sont alors effectués : ils sont normaux. Une recherche de cytomégalovirus (CMV) et parvovirus s’avère négative. Mme P. est admise à la clinique des Mousseaux le 25 Mai 2001 pour surveillance du diabète insipide. L’accouchement a lieu le 30 Mai 2001 par césarienne en urgence pour rythme cardiaque fœtal (RCF) peu oscillant et notion de décollement placentaire au terme de 37 semaines d’aménorrhée. Une détresse respiratoire majeure (score d’Apgar à 2 à une minute de vie) entraîne une intubation immédiate avec transfert dans le service de Réanimation néonatale et Pédiatrique de l’hôpital du Kremlin-Bicêtre (Paris). Perrine pèse 2600g, son périmètre crânien est de 31,5 cm (taille ?). L’évolution est lentement favorable : - sur le plan respiratoire, l’extubation est réalisée avec succès à 3 semaines de vie. Perrine est uniquement soutenue par l’apport de 0,25 litres d’oxygène aux lunettes nasales. - sur le plan dysmorphique, on note la présence d’une fente gingivale de 3 millimètres (mm), avec un palais discrètement ogival. Il n’y a pas d’autre malformation visible. - sur le plan neurologique, on remarque une hypotonie périphérique et axiale très importante des quatre membres avec aréflexie et hypotrophie musculaire diffuses. La gesticulation spontanée est très pauvre, le faciès peu expressif. Une arthrogrypose est présente au niveau des deux poignets. - sur le plan trophique, la prise pondérale est satisfaisante (poids= 2690g le 26 Juin 2001), le PC augmente de manière régulière. Cependant, Perrine est perfusée et alimentée par gavage, la succion étant quasi-inexistante. - sur le plan biologique, il n’y a pas de souffrance fœtale aigue sévère (pas de cytolyse significative, lactates : 1,5 millimoles/litre, glycémie : 8 millimoles/litre, CRP <6 et plaquettes : 223000). Il existe, en revanche, une anémie normocytaire à 7,2 g/dl nécessitant la transfusion de 2 culots globulaires. Finalement, après un mois d’hospitalisation, Perrine est transférée dans le service de Neurologie de l’hôpital du Kremlin-Bicêtre pour suite de prise en charge de cette hypotonie (le bilan étiologique, débuté en Réanimation, sera complété lors de son séjour en Neurologie). On observe, alors, une amélioration lente et progressive du tonus musculaire, surtout périphérique avec un éveil correct (ouverture spontanée des yeux et poursuite du regard). Il existe une hypoplasie des organes génitaux de type féminin. Par ailleurs, Perrine est enfin autonome sur le plan respiratoire. Les gavages se poursuivent avec début d’alimentation à la seringue. En effet, la succion est toujours très faible, avec une bonne déglutition sans fausse route (confirmée par une consultation de « succion-déglutition »). L’hémoglobine de contrôle est aux alentours de 11 g/dl. Perrine est transférée le 16 Juillet 2001 dans le service de Pédiatrie de l’hôpital de Villeneuve-Saint-Georges pour rapprochement du domicile parental. Son poids de sortie est de 3005g. Lors du séjour dans le service, l’hypotonie persiste, globale et massive (plus nette sur le plan axial). Les réflexes archaïques ne sont pas retrouvés hormis le grasping des membres supérieurs et inférieurs. La motricité spontanée est pauvre. On retrouve les mêmes anomalies dysmorphiques. Le reste de l’examen clinique est sans particularité. L’évolution est lentement favorable en 15 jours avec poursuite de la récupération du tonus musculaire, mais sans autonomisation sur le plan alimentaire. L’alimentation à la seringue est encouragée, avec toujours le complément en gavage. Perrine quitte le service le 28 Juillet 2001 avec une hospitalisation à domicile (HAD). Son poids de sortie est de 3370g (- 3 DS) sa taille est de 55 cm (-1 DS) et son PC est de 36 cm (+1 DS). Face à cet hypogénitalisme associé à une hypotonie globale et à des difficultés alimentaires, le diagnostic de SWP est évoqué. Dans l’attente des résultats (recherche du SWP effectué à l’hôpital du Kremlin- Bicêtre), Perrine sera régulièrement suivie en consultation par le Dr Guillot. Le bilan paraclinique étiologique : Seront réalisés face à cette hypotonie globale les examens suivants : - un électromyogramme - une biopsie musculaire - plusieurs électroencéphalogrammes (5 au total) - une IRM cervicomédullaire - une ponction lombaire avec analyse bactériologique du LCR - une échographie abdominale et pelvienne - une recherche d’anticorps anti-récepteurs à l’acétylcholine - un test à la Prostigmine - une recherche de maladie de Steinert - une recherche de pathologie métabolique ou de pathologie infectieuse - chez la maman de Perrine : recherche de la maladie de Steinert et d’une myotonie. - un dosage de TSHus et T4. - une recherche du SWP. Au total, tous ces examens s’avèreront normaux excepté l’étude du caryotype en haute résolution (par méthode de Fish) avec la mise en évidence d’une microdélétion sur le chromosome 15, confirmant le SWP. Le diagnostic est annoncé aux parents par le Dr Guillot alors que Perrine est âgée de 2 mois. Une prise en charge et un suivi spécifiques sont débutés et les parents prennent contact avec l’association Prader-Willi France. Le suivi et la prise en charge : Nous allons étudier les différents axes de prise en charge de l’enfant, en résumant les principales acquisitions et les difficultés rencontrées par Perrine, mais aussi ses parents au cours du suivi. * sur le plan psychomoteur La kinésithérapie motrice débute à partir de l’âge de 4 mois, à raison de 1 à 2 séances hebdomadaires, en libéral. Les progrès de l’enfant sont constants. A partir de 7 mois, la prise en charge en psychomotricité relaie la kinésithérapie (3 séances par semaine). L’évolution, favorable, permet un rythme de 2 séances hebdomadaires, réalisées au domicile, à partir de l’âge de 16 mois. Après bilan multidisciplinaire à l’hôpital Necker (Paris 15ème), une séance hebdomadaire de psychomotricité est maintenue (Perrine est alors âgée de 2 ans). Les principales acquisitions psychomotrices sont les suivantes : - à 7 mois : l’enfant commence à tenir sa tête et se redresse légèrement sur ses avant-bras en position ventrale. Elle tend la main pour attraper un objet. - à 8 mois : la tenue de la tête est acquise. Perrine répond au « tiré-assis ». Elle commence à se retourner. - à 10 mois : elle passe seule de la position couchée à assise et tient assise quelques instants. - à 12 mois : Perrine imite les mimiques du visage, rampe, s’assoie et se maintient seule. - à 16 mois : elle tient debout et se déplace avec appui le long des meubles. La marche a lieu à « quatre pattes ». - à 20 mois : la station debout sans appui est acquise. Perrine se lâche pour aller d’un appui à l’autre. Elle empile et encastre des cubes. - à 21 mois : la marche est acquise. L’enfant désigne les parties de son corps. Elle dessine et reconnaît le rond. - à 23 mois : Perrine commence à courir. Elle est capable de monter et descendre seule une petite marche, de même que des escaliers en se tenant à la rampe. La gesticulation fine se précise (elle commence à enfiler des grosses perles et empile 7 à 8 cubes). Pour toutes ces acquisitions, l’enfant a besoin d’être stimulée car elle explore peu d’ellemême. Il est souvent nécessaire de lui faire la démonstration pour qu’elle apprenne à maîtriser ses gestes. Au niveau de la communication, Perrine comprend parfaitement les consignes, sa relation à l’autre est adaptée ; elle sait exprimer son accord ou son désaccord et commence à répéter quelques mots. A ce jour, la prise en charge se poursuit. Le travail concerne, aujourd’hui, la coordination manuelle, la motricité fine, l’équilibre et la coordination dynamique. * sur le plan orthophonique La prise en charge, en libéral, débute à partir de l’âge de 18 mois (1 séance par semaine). Perrine est une enfant sociable, coopérante mais qui opte parfois pour un comportement de refus ce qui peut rendre difficile l’appréciation de ses réelles capacités.La concentration est possible mais souvent brève. Au niveau langagier, Perrine communique essentiellement par un comportement gestuel, mimiques et babillage. Le langage oral n’est pas encore construit et seuls quelques sons ou quelques mots (papa, maman, chat…) sont reproduits. Les notions concernant le schéma corporel sont acquises, l’exécution de tâches motrices et/ou de jeux langagiers est plus aléatoire (exemple : reboucher une bouteille est possible, la visser et la dévisser ne l’est pas). Il persiste une légère hypotonie musculaire au niveau de la sphère orofaciale, limitant parfois la réalisation de praxies (exemple : le gonflement des joues). Perrine progresse, mais de façon très lente. Suite à la consultation multidisciplinaire à Necker, on augmente le nombre de séances à 2 par semaine. * sur le plan alimentaire et comportemental - On note une augmentation progressive des quantités bues à la seringue puis au biberon (à partir de 2 mois) grâce à l’amélioration de la succion et la stimulation active par sa maman. A 4 mois, on débute l’alimentation à la cuillère poursuivie sans aucune difficulté. Le gavage est totalement supprimé à l’âge de 7 mois. La prise pondérale est satisfaisante avec accélération de la courbe de poids à partir de 20 mois (cf courbe staturo-pondérale p.186) (poids= 4750g à 6 mois, 6840g à 12 mois, 9800g à 2 ans et 3 mois). - L’hyperphagie et ses difficultés comportementales apparaissent à partir de 16 mois. Alors qu’elle a déjà mangé, Perrine se fâche et réclame de la nourriture lorsqu’elle voit ses parents et son frère ou sa sœur à table ! Elle a une préférence pour le goût sucré et subtilise la nourriture dès qu’elle le peut. En dehors du domaine alimentaire, Perrine est une enfant plutôt calme (à noter, l’absence de troubles du sommeil). La prise en charge par la diététicienne de l’HAD est mise en place dès Septembre 2002 (date d’apparition des troubles comportementaux liés à l’hyperphagie) relayée par la diététicienne de la consultation multidisciplinaire. Le régime alimentaire est bien compris et appliqué par les parents et l’entourage (il faut éviter les aliments et les boissons sucrées ainsi que les produits riches en amidon) et la maman ne cède pas aux caprices de Perrine ! * sur le plan relationnel et scolaire L’intégration au CAMSP de Choisy-Le-Roi à 16 mois puis la halte-garderie (3 heures/semaine) à 20 mois se déroule sans difficultés majeures. Perrine est une enfant souriante, attachante, en quête de contact et de communication avec les autres enfants. Nous l’avons vu, les problèmes relationnels concernent surtout la nourriture. * sur le plan socio-familial - Une prise en charge psychologique est proposée à Mme P. alors que Perrine est âgée de 8 mois. Sa maman a totalement stoppé son activité professionnelle afin de pouvoir se consacrer pleinement à sa petite fille. Cependant, la lourdeur de la prise en charge, ajoutée aux tâches quotidiennes, génère chez la mère (et l’entourage) une angoisse et une incertitude sur les capacités d’évolution et les perspectives d’avenir de Perrine. Le suivi psychologique est satisfaisant et toujours suivi à ce jour. - Par ailleurs, Perrine bénéficie toujours actuellement de l’AES de 3ème catégorie et de la prise en charge en ALD. * sur le plan médical Perrine a été hospitalisée à deux reprises dans le service de Pédiatrie de l’hôpital de Villeneuve-Saint-Georges pour bronchiolite (à l’âge de 5 mois et 1 an) d’évolution favorable sous traitement et kinésithérapie respiratoire. La dernière hospitalisation dans le service date de Mai 2003 avec survenue d’une diarrhée à Campylobacter Jejuni résolutive sous traitement antibiotique (Josacine). Finalement, selon la classification de Holms, Perrine présente 7 critères majeurs de diagnostic de SWP et 1 critère mineur soit un total de 7 points et demi (on rappelle qu’un score de 5 points dont 4 provenant des critères majeurs est nécessaire afin d’établir le diagnostic) (cf tableau 8 p.134) (cf tableau 9 p.214). Le bilan multidisciplinaire à l’hôpital Necker (Paris) le 07 Août 2003 : - Le premier bilan a eu lieu en Août 2003 alors que Perrine est âgée de 2 ans et 2 mois. C’est une enfant menue, sans adiposité abdominale. Elle pèse 9670g (3ème percentile), sa taille est de 83,5 cm (-1DS) et son périmètre crânien est de 47 cm (moyenne). L’examen clinique est sans particularité (pas de scoliose, pas de lésions de grattage). Les examens complémentaires sont normaux (ionogramme sanguin, anticorps antigliadine négatifs, radiographies du rachis normales), excepté un taux bas d’IGF1 (le taux est à 33 ng/ml pour une normale > 80 ng/ml). Il évoque l’existence d’un éventuel déficit en hormone de croissance mais ceci peut être aussi lié à l’hypotrophie (en effet, on note une meilleure prise pondérale depuis 2-3 mois chez une enfant auparavant plutôt hypotrophique). La croissance staturale étant régulière sur -1DS, sans prise pondérale excessive, il n’y a pas d’indication à un traitement par hormone de croissance. Les parents de Perrine sont tout à fait d’accord pour attendre. La prise en charge spécifique (psychomotricité, orthophonie, etc) et le suivi proposé, suite au bilan, sont détaillés dans les paragraphes correspondants. Le médecin généraliste (le Dr M. à Montgeron) (91) : Lorsque j’ai contacté le Dr M. au sujet de son rôle dans la prise en charge et le suivi du SWP chez Perrine, il a insisté sur sa position en tant que médecin généraliste, médecin traitant avant tout. Il faut assurer son suivi comme celui de tout autre enfant (courbe de croissance, vaccinations, certificats médicaux, traitement des épisodes infectieux…) avec bien sûr des spécificités liées à cette maladie. Pour les connaître, le médecin généraliste doit vouloir s’impliquer dans cette prise en charge et le suivi. L’information passe alors par la littérature médicale et la communication auprès des spécialistes qui travaillent avec l’enfant. Le Dr M. me rappelle que c’est une maladie rare et que les rôles entre les différents médecins doivent être bien partagés. En ce qui concerne Perrine, la prise en charge et le suivi ambulatoire se poursuivent, le Dr M. étant informé de l’évolution et des projets pour sa jeune patiente par le biais des courriers médicaux. La synthèse : Perrine est une enfant actuellement âgée de 3 ans, atteinte du SWP, diagnostiqué à l’âge de 3 mois, grâce au caryotype en haute résolution par méthode de FISH. Une prise en charge globale et immédiate a permis à Perrine de bénéficier des soins et du suivi nécessaires en rapport avec son handicap. A ce jour, l’évolution est satisfaisante sur le plan psychomoteur et orthophonique avec une enfant autonome en progrès constants. Les troubles alimentaires et comportementaux associés au syndrome commencent à apparaître (à partir de 16 mois) et sont déjà pris en charge. Il n’y a pas d’indication immédiate à un traitement par GH. Le médecin généraliste assure le suivi en ambulatoire en collaboration avec les autres professionnels de santé médicaux et paramédicaux. Il ne se substitue pas au pédiatre mais il a un rôle de coordinateur entre l’enfant et le milieu hospitalier. La prochaine étape pour Perrine est son intégration en milieu scolaire, les efforts destinés à lutter contre l’hyperphagie et donc contre l’obésité, devant être poursuivis (informer l’institution de la maladie, gérer la composition des repas si elle déjeune à la cantine et ses éventuelles réactions agressives, centrées ou non sur la nourriture, envers ses petits camarades). Cette rentrée, qui s’est déroulée en Septembre 2004, s’est passée sans difficulté et Perrine semble s’intégrer parfaitement à ce nouvel environnement. Finalement, grâce à un « dépistage » et un suivi précoce de la maladie, Perrine est aujourd’hui une enfant autonome, épanouie, bien entourée sur le plan médical et familial. Courbe staturo-pondérale de Perrine IV. L’HISTOIRE DE JULIETTE L. Juliette est née le 13 Septembre 1999 à la maternité de l’hôpital de Villeneuve-SaintGeorges (94). Les antécédents familiaux sont sans particularité. Les parents sont d’origine Française, non consanguins. Juliette est la deuxième enfant de la fratrie : elle a un frère né en 1996 (à 39 semaines d’aménorrhée) en bonne santé. Au cours de la grossesse, une amniocentèse est proposée devant la découverte d’un épaississement de la nuque et les parents s’inquiètent d’un enfant possiblement trisomique. Le caryotype est normal (46 XX). A partir du 7ème mois de grossesse, on surveille un hydramnios. La maman constate une diminution des mouvements fœtaux (par rapport à l’aîné) au cours du 8ème mois de grossesse. L’accouchement est réalisé par voie basse au terme de 41 semaines d’aménorrhée et 1 jour avec présentation par le siège. Le score d’Apgar est à 7 puis à 9 à 5 minutes. Juliette pèse 3670g, sa taille est de 53 cm et son PC est de 35,5 cm. Dès sa cinquième heure de vie, l’examen clinique révèle une hypotonie globale très importante sans aucun réflexe de succion et il faut démarrer un gavage gastrique pour l’alimenter. La motilité spontanée est très faible en dehors des extrémités. La mimique du visage est conservée, la sensibilité nociceptive est présente. Les réflexes rotuliens ne sont pas retrouvés, le cri est faible. Sur le plan dysmorphique, on note un microrétrognatisme et des yeux « en amande ». Le reste de l’examen clinique est sans particularité. Face à cette hypotonie avec absence totale de succion, Juliette est hospitalisée dans l’unité de Néonatalogie le 14 Septembre 1999. L’évolution est plutôt favorable avec une amélioration du tonus périphérique, plus discrète au niveau axial. Une ébauche de succion à une semaine de vie motive un début d’alimentation au biberon complété par le gavage. Juliette boit bien sans fausse route. Au 10ème jour, elle ouvre les yeux et suit du regard. Un bilan étiologique exhaustif est effectué. L’enfant quitte le service le 05 Octobre 1999 avec HAD (pour prise en charge du gavage) de courte durée car l’autonomie alimentaire au biberon est complète dès la mi-Octobre. Son poids de sortie est de 3750g. Juliette sera suivie régulièrement en consultation par le Dr Guillot. Le bilan étiologique : Les examens effectués sont : - un scanner cérébral - une échographie transfontanellaire - un électroencéphalogramme - une ponction lombaire (3 éléments ; protéinorachie=1,55g/l ; glycorachie= 2,80 mmol/l et cultures stériles) - un électromyogramme - un dosage de LDH et CPK - une recherche de pathologie infectieuse - une recherche de pathologie métabolique (acide pyruvique, acide lactique, ammoniémie) - une recherche de toxiques - un dosage de TSHus - une radiographie du bassin (nette excentration des 2 têtes fémorales par rapport à l’axe) - un caryotype en haute résolution avec technique de FISH suivie d’une analyse de l’ADN avec recherche d’une anomalie de méthylation Finalement, tous ces examens s’avèrent normaux excepté : - la radiographie du bassin qui confirme la présence d’une luxation bilatérale (suspectée en raison de la présence d’un ressaut intermittent au niveau des 2 hanches) avec mise en route d’un traitement fonctionnel d’évolution favorable à 6 semaines. - le caryotype en haute résolution avec méthode de FISH est normal. Etant donné la suspicion diagnostique de SWP, une analyse de méthylation de l’ADN est effectuée. Son résultat révèle une anomalie de méthylation avec la sonde SNRPN spécifique du chromosome 15 caractéristique du SWP. Le résultat est annoncé aux parents par le Dr Guillot. Juliette est alors âgée de 1 mois. Le mécanisme le plus probable à l’origine de l’anomalie est une disomie uniparentale d’origine maternelle ou, plus rarement, une mutation du centre d’empreinte. Afin de trancher entre ces 2 mécanismes, 6 mois plus tard, des prélèvements sanguins (chez Juliette et ses parents) sont réalisés : ils confirment la DUP d’origine maternelle, de forme sporadique, sans risque pour la descendance. Le suivi et la prise en charge : Nous allons résumer l’évolution de la maladie et sa prise en charge chez Juliette au cours du suivi par le Dr Guillot et les différents acteurs de santé. * sur le plan psychomoteur La kinésithérapie motrice et positionnelle débute dès l’âge de 1 mois (une séance par jour sauf le dimanche) en libéral. A partir de 3 ans et face aux progrès constants de Juliette, le rythme est alors de 3 séances par semaine associé à une séance hebdomadaire de psychomotricité également en libéral. - à 3 mois : l’hypotonie axiale persiste mais Juliette est plus active. Le contact oculaire est excellent. Elle commence légèrement à tenir sa tête. - à 5 mois : la tenue de la tête est acquise. Sur le ventre, elle redresse bien la tête et commence à ramper. Elle attrape les objets quand ils sont à sa portée, sans changer de main. Juliette sourit et commence à gazouiller. - à 8 mois : elle tient assise sans appui. On observe une ébauche de retournement du ventre sur le dos, mais pas l’inverse. Elle passe les objets d’une main à l’autre. - à 12 mois : le retournement ventre/dos et dos/ventre est acquis. Juliette se met debout en se tenant aux meubles et se déplace sur les fesses. Elle gazouille et redouble les syllabes. - à 18 mois : la marche est acquise. - à 21 mois : elle monte et descend les escaliers debout en se tenant aux barreaux. Juliette jargonne et 5 à 10 mots sont repérables (papa, maman, donne, etc). A ce jour, la prise en charge en kinésithérapie et en psychomotricité se poursuit, parallèlement à la rééducation orthophonique. * sur le plan orthophonique Un bilan orthophonique est réalisé au CAMSP de Choisy-Le-Roi alors que Juliette est âgée de 21 mois. La rééducation débute à l’âge de 2 ans. A 2 ans ½, Juliette commence à associer deux mots. Elle répète et comprend les ordres simples. A 3 ans, elle associe franchement les mots avec des phrases complètes bien prononcées à 4 ans. Au niveau du graphisme, le travail actuel porte surtout sur le trait, le rond et l’acquisition d’un graphisme satisfaisant. Juliette est une enfant agréable, capable de se concentrer sur une activité. Elle s’intéresse à son environnement et aux autres enfants. * sur le plan alimentaire et comportemental - Le diagnostic précoce a permis d’expliquer aux parents (et à l’entourage) la nécessité d’une hygiène alimentaire rigoureuse et d’un régime équilibré. Dès le début de la diversification, l’alimentation est contrôlée par la mère qui exclue les sucres et donne le minimum de graisses nécessaire. L’enjeu diététique est bien compris par les parents et la croissance pondérale satisfaisante jusqu’à l’âge de 1 an. Elle augmente ensuite régulièrement (cf courbe staturo-pondérale p.195) avec franchissement des déviations standards pour le poids (+ 2DS à 2 ans ½). Depuis, le poids de Juliette s’est stabilisé sur cette déviation avec un poids à 21,1 kgs lors de la dernière consultation avec le Dr Guillot. Une prise en charge diététique est initiée dès le début de l’accélération de la prise pondérale. Quelques erreurs sont corrigées : régime riche en protéines et alimentation lactée trop importante, en insistant sur la nécessité de poursuivre les activités physiques (en effet, Juliette va à la piscine une fois par semaine depuis l’âge de 5 mois et prend des cours de danse). A 4 ans, elle a manifestement une surcharge pondérale qui est peut-être en rapport avec une alimentation lactée encore trop importante. On ne note cependant ni hyperphagie, ni gourmandise, ni même une attitude compulsive vis-à-vis de la nourriture. Il n’y a pas de « chapardage » et Juliette ne réclame pas entre les repas. Elle est un peu frustrée par la restriction du sucre, surtout lorsqu’elle voit son frère en manger. - Sur le plan comportemental, Juliette est une enfant plutôt calme et opiniâtre et sa relation avec les autres enfants est de bonne qualité. Elle est très fusionnelle avec sa mère qu’elle tyrannise beaucoup. Elle commence à être têtue et colérique à la frustration. Par ailleurs, l’endormissement est ritualisé (comme son frère) sans problème par la suite (pas de réveils nocturnes). * sur le plan relationnel et scolaire Avant sa première rentrée scolaire, Juliette fréquente la halte-garderie à partir de Juin 2001. Elle est très en contact et s’entend bien avec les autres enfants. L’intégration scolaire en 1ère puis en 2ème année de maternelle se fait sans difficultés. Elle va à l’école tous les matins puis est gardée, à domicile, l’après-midi, par une assistante maternelle ou par sa mère. Juliette déjeune donc à la maison, les plats étant cuisinés par sa maman. * sur le plan psycho-familial - Afin de pouvoir s’occuper de sa petite fille, la mère de Juliette travaille à temps partiel dès Décembre 1999 (elle est hôtesse de l’air). Le vécu du handicap est très difficile pour les parents et pour son grand frère Gaël. Une prise en charge psychologique familiale est poursuivie pendant quelques mois en libéral. Par la suite, les parents contactent l’association Prader-Willi France et assistent à des réunions associatives deux fois par mois. - Sur le plan financier, une prise en charge de l’affection à 100% ainsi qu’une AES sont attribués. * sur le plan médical Il n’y a pas eu d’hospitalisation. Juliette est initialement suivie en ville par son médecin traitant (le Dr H. à Villeneuve-Le-Roi) puis son pédiatre (le Dr L. à Athis-Mons). Finalement, selon la classification de Holms, avant l’âge de 3 ans, Juliette présente 5 critères majeurs de diagnostic et 2 critères mineurs (cf tableau 8 p.134) (cf tableau 9 p.214) soit un total de 6 points suffisant pour établir le diagnostic de SWP. Le bilan multidisciplinaire à l’hôpital Trousseau (Paris 12ème) A 4 ans, Juliette pèse 21,1 kgs (+ 2 DS) et sa taille est de 98 cm (moyenne). L’examen clinique est sans particularité hormis une surcharge pondérale nette (pas de scoliose, pas de lésions de grattage). La prise en charge globale (kinésithérapie puis psychomotricité, orthophonie) est adaptée et à poursuivre. Les examens biologiques sont normaux excepté un taux d’IGF1 abaissé à 57 ng/ml (normale supérieure à 80 ng/ml). L’évolution staturo-pondérale étant satisfaisante, il n’y a pas pour l’instant d’indication immédiate à un traitement par hormone de croissance. Un contrôle biologique est prévu dans un an. Par ailleurs, l’intégration scolaire est bonne (2ème année de maternelle), il n’y a pas de problèmes de comportement avec ses petits camarades. Le souci réside actuellement dans le contrôle pondéral. Le régime doit être maintenu, renforcé si besoin, les activités physiques sont à poursuivre ainsi que le suivi diététique (tenue d’un carnet alimentaire hebdomadaire afin de repérer les erreurs alimentaires et équilibrer la ration calorique quotidienne). L’évolution est donc globalement favorable et autorise à revoir Juliette dans un an. Le médecin généraliste (le DR H. à Villeneuve-Le-Roi) : J’ai contacté le médecin généraliste de Juliette, le Dr H., qui ne l’a pas revu depuis l’âge de 6 mois. Régulièrement suivie en consultation au cours des premiers mois de vie (suivi de l’hypotonie, du calendrier vaccinal et traitement des épisodes infectieux), la prise en charge ambulatoire s’est poursuivie avec le Dr L., pédiatre à Athis-Mons (il s’agit également du pédiatre de Gaël, le frère de Juliette). Le médecin généraliste souligne qu’il est informé de l’évolution de l’enfant via les courriers médicaux hospitaliers et la correspondance du pédiatre. J’ai également contacté le pédiatre de Juliette. Lors de la dernière consultation, cette petite patiente était en constante progression sur le plan moteur mais avec une surcharge pondérale manifeste. Les conseils hygiéno-diététiques ont été réitérés. Le Dr L. a insisté sur la nécessité d’un suivi régulier (tous les 6 mois en ville) et pluridisciplinaire en relation avec l’hôpital et le médecin traitant, car c’est certainement lui qui prendra, à nouveau, le relais à l’adolescence. Le courrier assure le lien entre les divers acteurs de santé, avec ici, le médecin généraliste, transitoirement au « second plan », mais qui sera probablement sollicité dans quelques années, à une période charnière, avec des situations de crise, des troubles comportementaux d’intensité variable (risque de psychose plus élevé en cas de DUP maternelle) et où le maintien du régime est indispensable. Le Dr H. doit donc se tenir informé de l’évolution de Juliette, du suivi et des institutions assurant sa prise en charge afin d’aider les parents et l’enfant dans le parcours de cette maladie chronique. La synthèse : Le diagnostic précoce de SWP (à l’âge de 1 mois) chez Juliette a permis, non seulement, une prise en charge immédiate et adéquate, mais également l’identification du mécanisme génétique quelques mois plus tard : disomie uniparentale d’origine maternelle. Dans la littérature, la DUP maternelle est associée à une forme moins sévère de la maladie par rapport aux enfants porteurs d’une délétion paternelle (diminution de la durée du gavage à la naissance, apparition plus tardive de l’hyperphagie, dysmorphie minime, diminution du prurit cutané et anomalies modérées de l’articulation verbale) : - chez Juliette, le gavage a été stoppé rapidement (1 mois après la naissance). - à partir de 2 ans, apparaît la prise pondérale sans troubles du comportement associés à type d’hyperphagie ou d’obsessions-compulsions. - l’enfant présente par ailleurs, peu de signes dysmorphiques (yeux « en amande ») et il n’est pas mentionné de lésions de grattage. - ses performances verbales sont limitées et nécessitent une rééducation orthophonique à partir de l’âge de 21 mois, avec des phrases complètes, compréhensibles à l’âge de 4 ans. Juliette semble globalement présenter une forme « atténuée » de la maladie. Son diagnostic précoce ainsi que l’identification de l’anomalie causale sont un élément important dans la prise en charge : les variations phénotypiques peuvent être expliquées aux parents sans oublier néanmoins que les études soulignent un risque plus important à l’adolescence et à l’âge adulte de développer une psychose. Il faudra donc être particulièrement attentif à tout signe évocateur (et ce d’autant plus que ce sont souvent les parents qui sont témoins des premiers signes). Le suivi au long cours permet ainsi aux médecins de réévaluer régulièrement l’évolution de la maladie chez Juliette. A ce jour, l’excès pondéral est au premier plan. Le reste de la prise en charge est adaptée (pas d’indication immédiate à un traitement par hormone de croissance). Quelques troubles du comportement commencent à apparaître (accès de colère, obstination…) sans répercussion actuelle sur ses qualités relationnelles. Le suivi ambulatoire pédiatrique est régulier. Le médecin traitant, informé de l’évolution, aura un rôle majeur au moment de l’adolescence (puis à l’âge adulte) au cours de la prise en charge de cette période difficile. Finalement, le développement de Juliette est actuellement satisfaisant, sa famille très présente, le poids ainsi que les troubles comportementaux sont à surveiller. Courbe staturo-pondérale de Juliette V. L’HISTOIRE DE CHELCY M. Chelcy est née le 24 Mars 2000 à la maternité de l’hôpital intercommunal de VilleneuveSaint-Georges (94). Dans les antécédents familiaux, on retrouve une myopathie mitochondriale de type III suivie à l’hôpital Necker (Paris 15ème) chez une cousine paternelle. Chelcy est le 2ème enfant de parents d’origine Française non consanguins. Elle a un frère né en 1993 et une petite sœur née en 2001, bien portants. Le déroulement de la grossesse est sans particularité (on note un tabagisme modéré < à 10 cigarettes par jour), hormis une diminution des mouvements fœtaux (terme ?), plus actifs en fin de grossesse. L’accouchement a lieu le 24 Mars 2000 par voie basse au terme de 41 semaines d’aménorrhée et 1 jour. L’accouchement est eutocyque, le score d’Apgar est à 9 à 1 minute de vie puis à 10 à 5 minutes. Chelcy pèse 2540g, sa taille est de 47 cm et son PC est à 34,5 cm. L’examen clinique initial (J1) retrouve une enfant en bon état général, présentant une hypotrophie modérée, mais avec un examen neurologique anormal. Il existe, en effet, une hypotonie globale, prédominant au niveau axial. Les réflexes rotuliens sont présents, les réflexes archaïques également (en particulier, pas de problème de succion ; le Moro est incomplet). La mobilité spontanée est pauvre chez une enfant qui semble peu éveillée. Par ailleurs, sur le plan dysmorphique, on note un micrognathisme, un palais ogival et des commissures labiales supérieures un peu « tombantes ». Le reste de l’examen clinique est sans particularité. Devant cette hypotonie globale, persistante dans les premiers jours, sans difficultés alimentaires, Chelcy est transférée dans l’unité de Néonatalogie le 28 Mars 2000 pour bilan et prise en charge. L’évolution est lentement favorable, sur le plan neurologique, avec une amélioration progressive du tonus passif au niveau périphérique, la présence des réflexes archaïques (le Moro est toujours incomplet) et un faciès plus éveillé avec un bon contact oculaire. Chelcy boit correctement ses biberons sans fausse route (poids=2470g à J7). L’hypotonie axiale persiste, avec une légère amélioration après une semaine d’hospitalisation. La mobilité spontanée est meilleure, l’alimentation se poursuit sans problème. Finalement, au terme d’un bilan clinique et paraclinique, Chelcy quitte le service le 01er Avril 2000. Son poids de sortie est de 2500g. Elle sera revue et régulièrement suivie en consultation par le Dr Boivin. Le bilan paraclinique étiologique : Face à cette hypotonie, seront réalisés les examens suivants : - un électromyogramme - un électroencéphalogramme - une échographie transfontanellaire - un scanner cérébral - un examen ophtalmologique (fond d’œil) - un dosage des enzymes musculaires (CPK= 680 UI/L puis 95 UI/L ; LDH= 697 UI/L puis 391 UI/L). - un dosage de TSHus, T3 et T4. - une recherche de pathologie infectieuse (bilan biologique, analyse du prélèvement gastrique, radiographie pulmonaire) - un caryotype standard (sans recherche spécifique du SWP) Au total, tous ces résultats sont normaux. Le suivi et la prise en charge : Suivie en consultation par le Dr B., nous allons résumer l’évolution de la maladie chez Chelcy jusqu’au diagnostic porté en Juillet 2002. * sur le plan psychomoteur - à 3 mois : il persiste une hypotonie franche au niveau des extenseurs de la nuque (tonus axial) avec inclinaison de la tête vers la gauche sans torticolis. Le tonus passif est normal. La mobilité est symétrique et normale. Par ailleurs, Chelcy est une enfant bien éveillée et souriante. - à 4 mois : il existe toujours un retard moteur modéré. L’enfant tient bien sa tête dans l’axe mais ne la soulève pas, en position ventrale, et ne se met pas sur les avant-bras. L’éveil est satisfaisant. Elle gazouille, suit du regard, joue avec ses mains et commence à attraper les objets. - à 7 mois : on note enfin une bonne tenue de la tête et du dos. Le retournement (plat/dos, plat/ventre) ne sont toujours pas acquis. Chelcy est toujours très souriante (elle rit aux éclats avec son frère) et calme. - à 9 mois : la préhension des objets est correcte avec acquisition de la pince pouce/index et passage des objets d’une main à l’autre. En ce qui concerne la station assise, elle est presque acquise sans appui avec un dos encore un peu cyphotique. - à 10 mois : à la demande du Dr Boivin, Chelcy est vue au CAMSP de Choisy-Le-Roi par le Dr Touati pour avis neuropédiatrique et une éventuelle prise en charge en kinésithérapie et/ou en psychomotricité. Après examen clinique et bilan des acquisitions psychomotrices, la rééducation en kinésithérapie motrice est débutée à l’âge de 10 mois et demi (1 séance par semaine) relayée par la suite par des séances mensuelles de psychomotricité jusqu’à l’âge de 2 ans. Un scanner cérébral, une radiographie du crâne (évolution du PC de la moyenne à -2DS) ainsi qu’une radiographie des hanches, prescrits par le Dr T., s’avèreront normaux. - à 12 mois : Chelcy a fait de nets progrès sur le plan moteur depuis le mise en route de la kinésithérapie. Elle commence tout juste à se redresser sur les membres inférieurs mais a acquis la station assise ainsi que le retournement ; elle se déplace en roulade. La motricité fine est acquise au niveau des mains. Sur le plan du langage, elle commence à associer deux syllabes. - à 19 mois : Chelcy tient debout et marche avec appui. Elle jargonne mais semble bien comprendre ce qu’on lui dit (examen auditif normal à 13 mois). - à 24mois : la marche est acquise (à 21 mois). L’enfant monte les escaliers à quatre pattes et dit quelques mots. A 2 ans d’âge, l’évolution est satisfaisante au niveau psychomoteur, alors qu’apparaît parallèlement, une prise de poids importante avec hyperphagie, sans poussée de croissance nette. C’est dans ce contexte d’obésité précoce, chez une enfant aux antécédents d’hypotonie néonatale, qu’on évoque le diagnostic de SWP. * sur le plan alimentaire et comportemental Avant l’âge de 2 ans, Chelcy ne présente aucun problème sur le plan alimentaire. Il n’y a pas de troubles de la succion. On ne relève aucun trouble du comportement ou du sommeil. La croissance staturo-pondérale est moyenne (cf courbe staturo-pondérale p.205). A partir de 2 ans, on note une prise de poids importante avec hyperphagie. Le diagnostic de SWP est suspecté et un caryotype en haute résolution avec méthode de FISH est effectué chez Chelcy et ses parents. Le caryotype confirme le diagnostic chez l’enfant avec présence d’une microdélétion sur l’un des chromosomes 15. Les caryotypes parentaux sont normaux (il y a un doute sur une mosaïque de faible effectif pour l’un des chromosomes 15, chez la mère, qui incite, par précaution, à effectuer un diagnostic prénatal en FISH en cas de grossesse ultérieure). Finalement, selon la classification de HOLMS, Chelcy présente 5 critères majeurs de diagnostic (dont un tronqué : en effet, l’hypotonie néonatale ne s’est pas accompagné de troubles de la succion) (5 points) et un critère mineur (1/2 point) qui est la diminution des mouvements fœtaux pendant la grossesse, soit un total de 5 points et demi, suffisant pour porter le diagnostic de SWP (cf tableau 8 p.134) (cf tableau 9 p.214). Avant même les résultats du caryotype, une prise en charge diététique est mise en place avec la diététicienne de l’hôpital de Villeneuve-Saint-georges. - La première consultation, en Juillet 2002, révèle une alimentation hypercalorique avec une consommation excessive de viandes et de desserts sucrés. Le grignotage est permanent entre les repas chez une enfant « très gourmande » (poids=13,8 kgs). La modification des habitudes alimentaires associée à un régime équilibré sont bien compris par les parents et l’entourage. - Lors de la deuxième consultation, en Septembre 2002, l’alimentation est bien équilibrée, normocalorique, avec un poids stable (poids=13,5 kgs). Chelcy réclame moins entre les repas, sans modification notable de son comportement. A ce jour, l’évolution est satisfaisante avec poursuite de la prise en charge et du régime alimentaire. A la dernière consultation du Dr B. (en Novembre 2003), on note une reprise du poids (+ 3 kgs en 5 mois avec un poids à 18 kgs) bien que Chelcy suive le régime sans problème, sans grignotage. Elle déjeune à la cantine de l’école depuis septembre 2003, les plats étant préparés par sa maman. Les efforts sont donc à poursuivre afin de limiter la survenue d’une obésité. * sur le plan orthophonique Suite au diagnostic de SWP, une prise en charge orthophonique, en milieu libéral, bihebdomadaire, est débutée. Les progrès sont constants et la rééducation orthophonique poursuivie à ce jour. * sur le plan relationnel et scolaire L’intégration en crèche familiale puis à la maternelle à 3 ans ½ se déroule sans problème. Chelcy est une enfant souriante, en quête de communication, sans difficultés comportementales. * sur le plan socio-familial - La maman reprend son activité professionnelle alors que Chelcy est âgée de 4 mois (reprise à mi-temps en tant qu’agent administratif). Elle est alors gardée par sa grand-mère maternelle puis en crèche familiale à partir de l’âge de 6 mois. Les parents sont présents, informés du handicap de leur enfant, étiqueté SWP à partir de l’âge de 2 ans. L’évolution naturelle de la maladie et ses particularités sont expliquées aux parents qui participent pleinement à la prise en charge et au suivi de leur petite fille. - Sur le plan financier, dans un premier temps, l’AES est refusée par les parents qui craignent qu’un taux d’invalidité > 50% entraîne des répercussions sur l’intégration scolaire. Or, le droit à l’AES n’interfère nullement dans l’insertion scolaire, comme le prouve l’histoire des autres jeunes patients atteints du syndrome. Finalement, à ce jour, Chelcy bénéficie d’une AES de 3ème catégorie, en plus de la prise en charge en ALD. *sur le plan médical On note une hospitalisation du 08 au 09 Février 2002 pour malaise vagal probable suite à une chute de sa hauteur sans perte de connaissance. L’examen clinique et les explorations complémentaires à visée cardiaque se sont avérés normaux. Chelcy a présenté 2 bronchiolites, sans gravité majeure, gérées en ambulatoire par son médecin traitant. Le bilan multidisciplinaire à l’hôpital Necker le 22 Mai 2003: Il s’agit d’une patiente âgée de 3 ans et 2 mois, avec une petite adiposité diffuse. Dans le cadre du SWP, on note des éléments morphologiques tels qu’un philtrum long au relief effacé, une lèvre supérieure fine, une étroitesse bitemporale. Elle pèse 15 kgs (+ 1DS) et sa taille est de 90 cm (- 1,2 DS). L’examen clinique est normal (pas de lésions de grattage, pas de scoliose). Sur le plan biologique, un taux bas d’IGF1 (58 ng/ml pour une normale > à 80 ng/ml) pourrait évoquer un déficit en GH. Cependant, la croissance de Chelcy est tout à fait satisfaisante avec même un rattrapage au cours des derniers mois et une prise de poids bien contrôlée depuis l’annonce du diagnostic. Il n’y a donc pas d’indication immédiate à un traitement par l’hormone de croissance. La prise en charge orthophonique est à poursuivre. Au niveau moteur, selon le Dr C. (médecin rééducateur), il persiste une hypotonie modérée, sans problème orthopédique hormis une hyperlaxité. On conseille la pratique de sports tels que la natation et la danse. La prise en charge diététique est adaptée. Les parents et l’entourage sont observants. Cette consultation soulève, en revanche, un problème non signalé auparavant. C’est la présence d’un ronflement nocturne depuis quelques mois avec notion d’irrégularité respiratoire. Une polysomnographie du sommeil est réalisée le 06 Novembre 2003 à l’hôpital Robert Debré (Paris 19ème) : elle révèle un trouble obstructif majeur avec désaturations nocturnes profondes, motivant une consultation dans le service d’ORL de l’hôpital de Villeneuve-saint-Georges le 24 Novembre 2003. Devant ce syndrome patent d’apnées du sommeil et une hypertrophie amygdalienne bilatérale à l’examen clinique, une amygdalectomie est proposée et effectuée le 09 Décembre 2003. L’intervention se déroule sans problème et les suites opératoires sont simples. Le dernier point concerne l’intégration scolaire. La rentrée en petite section de maternelle en Septembre 2003 s’est bien passée et une évaluation psychométrique est à prévoir en 2005 afin d’adapter les propositions scolaires en fonction de ses capacités (intégration au CP, orientation en CLIS, etc). Finalement, la prise en charge globale est adéquate, la croissance staturo-pondérale est à surveiller (d’autant plus que la prise de poids est rapide à partir de 3 ans ½) afin de réévaluer la nécessité de la mise en route d’un traitement par hormone de croissance. Le médecin généraliste (Dr C. à Brunoy) (91) : Ce qui a attiré l’attention du médecin généraliste, c’est la présence d’une hypotonie axiale majeure, d’amélioration progressive au fil des consultations. Il a été informé de l’hospitalisation de Chelcy dans la période néonatale puis de son évolution par les courriers successifs du Dr B. « J’ai pris en charge cette enfant comme tout autre patient, en tentant de rassurer la maman, très inquiète, et en suivant particulièrement l’évolution de cette hypotonie ». Le Dr C. a insisté sur son rôle de soutien, quasi-psychothérapeutique, vis-à-vis de la mère de l’enfant, anxieuse par l’absence précise initiale de diagnostic. Ne pas savoir ce que c’est et comment cela va évoluer est souvent très difficile pour les parents. Il ne faut pas « paniquer » soi-même afin de les rassurer et suivre les progrès ou les difficultés de l’enfant avec eux. L’annonce du diagnostic a été « bénéfique ». La mère de Chelcy a d’ailleurs immédiatement informé le médecin généraliste avant même l’hôpital. Il a suivi sa prise en charge en kinésithérapie puis en psychomotricité au CAMSP de Choisy-le-Roi. La rééducation orthophonique est toujours en cours. Il est au courant du risque d’obésité lié au syndrome et de la nécessité d’une surveillance accrue (dernier poids au cabinet en Décembre 2003=18 kgs). Par ailleurs, le Dr C. gère les pathologies infectieuses bénignes et le calendrier vaccinal. Le plus important, m’explique t-il, c’est de s’impliquer, même s’il n’y a pas (encore) de diagnostic. Il faut accompagner l’enfant et ses parents sur le plan médical, humain et psychologique, et mettre en place une prise en charge secondairement adaptée à l’affection si besoin. La synthèse: Cette observation reflète la difficulté du diagnostic de SWP lorsque le tableau clinique est pauci-symptômatique. En effet, Chelcy présentait une hypotonie néonatale sans trouble de la succion ni difficultés alimentaires, avec un premier bilan paraclinique négatif. Le premier « indice » était dans l’évolution de la grossesse intra-utérine avec une diminution des mouvements fœtaux. L’amélioration progressive du tonus avec un retard modéré des acquisitions ont conduit à une prise en charge en kinésithérapie puis en psychomotricité au CAMSP à partir de 10 mois, et ce jusqu’à 2 ans. C’est à partir de cet âge qu’apparaît le comportement hyperphagique avec prise de poids rapide évoquant le diagnostic de SWP confirmé par le caryotype à haute résolution en méthode de FISH. Une prise en charge diététique et orthophonique est rapidement mise en place, toujours poursuivie à ce jour. Sur le plan scolaire, l’intégration est bonne. Le médecin généraliste, informé du diagnostic, assure le suivi ambulatoire. Il participe au bon équilibre psychologique de Chelcy et ses parents, mais également de la fratrie qui souffre, elle aussi, du handicap présent (le Dr C. suit les deux autres enfants de Mme M.). L’objectif pour Chelcy est avant tout le contrôle du poids, chez cette enfant actuellement âgée de 4 ans ½ , et des troubles comportementaux qui commencent à apparaître (crises de colère, caprices et bouderie). Elle bénéficie d’une prise en charge adaptée qui devrait lui permettre de progresser au sein du noyau familial. Finalement, dans cette observation, un suivi au long cours pour retard global des acquisitions a permis de suspecter un SWP dès la prise de poids (étant donné l’antécédent d’hypotonie néonatale). Le suivi régulier a donc permis d’établir le diagnostic, de renforcer des mesures préalables (régime alimentaire, conseils diététiques…), proposer une rééducation orthophonique et un bilan multidisciplinaire spécifique à cette pathologie. Les parents sont informés des particularités de l’évolution et sont entrés en contact avec l’association Prader-Willi France. Courbe staturo-pondérale de Chelcy VI. L’HISTOIRE DE CHRISTINE G. Christine est née le 03 Janvier 1980 à la maternité de l’hôpital de Villeneuve-SaintGeorges (94). Les antécédents familiaux sont sans particularité. Il s’agit du 4ème enfant de parents d’origine Française (non consanguins) âgés de 38 ans. Son frère (5 ans) et ses deux sœurs (âgées de 3 et 9 ans) sont en bonne santé. La grossesse a été mal suivie (date des dernières règles inconnue). Cependant, il a été constaté par le médecin traitant un hydramnios à partir de 29-30 semaines d’aménorrhée. D’autre part, en réinterrogant Mme G., après la naissance de sa fille, elle indique une apparition tardive des mouvements fœtaux vers le 6ème mois, quasi-inexistants à partir du 7ème mois de grossesse. On note enfin, un tabagisme certain : deux paquets de cigarettes par jour. L’accouchement a lieu le 03 Janvier 1980, par voie basse, au terme de 37 semaines d’aménorrhée, après une rupture de la poche des eaux de 4 jours. Le score d’Apgar est à 7 à 1 minute, à 8 à 3 minutes et à 5 minutes de vie. On constate d’emblée une hypotonie. Christine pèse 2750g, sa taille est de 49,5 cm et son périmètre crânien est de 36 cm. Le premier examen clinique (à 2 heures de vie) retrouve une enfant très hypotonique (sur le plan périphérique et axial) avec une attitude spontanée en batracien et une aréflexie tendineuse au niveau des rotuliens (les réflexes sont présents au niveau des membres supérieurs). Le grasping et le Moro sont incomplets, le réflexe de marche est absent. La succion est présente mais très faible. Il n’y a pas de dysmorphie évidente ; on note, cependant, une protrusion des petites lèvres au niveau vaginal. Le reste de l’examen clinique est sans particularité. L’hypotonie globale associée à des troubles vasomoteurs (accès de pâleur et marbrures intermittentes) dans un contexte de rupture prématurée de la poche des eaux font suspecter dans un premier temps, une infection néonatale motivant le transfert et l’hospitalisation dans l’unité de Néonatalogie. L’évolution dans le service permet d’infirmer une éventuelle infection néonatale et confirme les troubles neurologiques constatés dès la naissance. En effet, sur le plan neuromoteur, l’hypotonie est patente (surtout au niveau axial : aucune tenue ni redressement de la tête, pas de redressement du tronc) avec absence totale de gesticulation spontanée et attitude permanente en batracien. Le tonus passif est médiocre, la mimique est pauvre et le cri est faible. L’état neurologique semble s’aggraver après les premiers jours de vie avec difficultés de succion et obligation de gavage à 10 jours de vie. La succion disparaît, les autres réflexes archaïques demeurent inchangés et l’enfant est somnolente. Un premier bilan neurologique est réalisé. Sur le plan alimentaire, le gavage se déroule sans difficulté progressivement relayé par une alimentation au biberon quinze jours plus tard dès la reprise de la succion. L’évolution est lentement favorable, sur le plan alimentaire et neuromoteur, avec une légère amélioration de la motilité spontanée, une succion récupérée, des réflexes rotuliens faibles retrouvés aux membres inférieurs. Christine est adressée le 01er Février 1980 dans le service du Professeur Arthuis à l’hôpital Saint-Vincent de Paul (Paris 14ème) pour compléter son bilan. Les explorations s’avèreront négatives et on conclut à un tableau d’encéphalopathie anténatale fixée, caractérisée par une très grande hypotonie à prédominance axiale et également, une absence de contact avec l’entourage. L’étiologie reste obscure (tabagisme ? infection ? autre ?). L’enfant retourne dans le service de Pédiatrie de l’hôpital de Villeneuve-Saint-Georges le 12 Février 1980. On note une hypotonie axiale persistante malgré une amélioration nette de la gesticulation spontanée. La mimique reste pauvre. Les réflexes ostéo-tendineux sont présents aux membres supérieurs et inférieurs. L’alimentation au biberon se déroule sans problème (succion normale) et la prise pondérale est satisfaisante. Christine part en pouponnière le 08 Mars 1980 à Arbonne (77). Son poids de sortie est de 4100g. Elle sera suivie par le Dr Hibon à la pouponnière ainsi que le Dr Guillot et le Dr Dulac (à l’hôpital Saint-Vincent de Paul) en consultation. Le bilan paraclinique : Seront réalisés les examens suivants : - un électromyogramme - un dosage des enzymes musculaires (CPK, ASAT et ALAT) - un électroencéphalogramme - des radiographies du crâne - un scanner cérébral (normal mais avec un élargissement direct des espaces péricérébraux et du sillon interhémisphérique) - un bilan ophtalmologique (fond d’œil) - une ponction lombaire avec analyse bactériologique du liquide céphalorachidien (cultures négatives) - une recherche exhaustive de pathologie infectieuse (biologique et paraclinique) - une enquête sérologique : cytomégalovirus, herpès, toxoplasmose, rougeole et rubéole - un dosage de TSHus - une chromatographie des acides aminés urinaires - un caryotype standard (le 14 Janvier 1980) avec technique en bandes R. Les résultats sont normaux et l’on retient le diagnostic d’encéphalopathie anténatale fixée d’étiologie indéterminée. Le diagnostic de SWP ne sera porté que bien plus tard vers l’âge de 5 ans. Nous reviendrons sur les circonstances du diagnostic. Le suivi et la prise en charge: Nous allons résumer l’évolution de Christine durant ses 6 mois en pouponnière. En l’absence de diagnostic initial, la prise en charge n’est pas « stéréotypée » comme pour les autres enfants. Elle est surtout centrée sur le plan psychomoteur et comportemental. - à 2 mois (à son arrivée dans la pouponnière): le tonus des membres supérieurs est faible mais néanmoins présent. Le tonus du tronc est très diminué. Le regard est relativement immobile avec une mauvaise poursuite oculaire probablement en rapport avec une hypotonie des muscles oculomoteurs. - à 4 mois : on note une amélioration du tonus au niveau périphérique. Il existe une poursuite oculaire manifeste avec un strabisme convergent alternant. La motilité spontanée est meilleure. Christine sourit rarement. En revanche, elle se met en colère assez fréquemment. - à 6 mois : la gesticulation est bien meilleure, plus active et plus rapide. La posture est modifiée avec enfin, disparition de l’attitude en batracien. La tenue de la nuque est toujours aussi peu active avec tendance à la chute en arrière. Sur le ventre, Christine tourne bien sa tête et on note une ébauche de redressement. - à 8 mois (à sa sortie de la pouponnière): L’évolution est toujours très lente mais certaine avec une impression d’amélioration de la tenue de la tête. Le tonus du tronc est encore très faible. Le strabisme convergent est persistant. Le grasping a disparu. L’enfant joue avec ses mains mais ne tente pas d’attraper un objet. Elle commence à gazouiller, sourit et se met particulièrement en colère lorsqu’elle a faim (dès l’âge de 5 mois). Christine est vue en consultation, à intervalle régulier, par le Dr Dulac et le Dr Guillot qui suivent son évolution, parallèlement à son suivi en pouponnière avec le Dr Hibon. Finalement, l’évolution a été lente avec quelques améliorations modestes du développement psychoaffectif. Plusieurs éléments restent à surveiller : - le développement psychoaffectif qui doit être meilleur avec une stimulation familiale quotidienne (Christine est gardée par une nourrice dans la journée). - le développement neurologique, et en particulier, l’hypotonie qui reste très importante. - le strabisme (qui semble améliorable par les techniques d’occlusion). - par ailleurs, il existe des problèmes orthopédiques manifestes : • les hanches, de type dysplasique, nécessitent un langage en abduction pendant plusieurs mois avec une évolution clinique et radiologique favorable. • ses pieds, en talus valgus, doivent être stimulés avec port d’attelles pour éviter l’aggravation de la déformation. - l’enfant présente une certaine susceptibilité respiratoire (rhinopharyngites à répétition et un épisode de bronchiolite rapidement résolutif après antibiothérapie et kinésithérapie pluriquotidienne au cours de son séjour à la pouponnière) probablement en raison de l’hypotonie des muscles thoraciques. Il faut donc veiller à traiter vigoureusement les affections rhinopharyngées et respiratoires. Son poids de sortie est de 7475g, elle mesure 38 cm et son PC est de 44 cm. L’alimentation au biberon se déroule sans difficultés et Christine quitte la pouponnière le 27 Septembre 1980 avec retour au domicile. Elle sera suivie par le Dr Dulac et le Dr Guillot ainsi que son médecin traitant (le Dr C. à Brunoy) (91). En pratique, Christine ne sera pas revue pendant un an (seul son médecin généraliste la voit périodiquement). Elle est ensuite hospitalisée une première fois, du 01er au 08 Décembre 1981 dans le service de Pédiatrie de l’hôpital de Villeneuve-Saint-Georges pour une laryngite striduleuse et une angine érythémato-pultacée. A cette occasion, l’évaluation du développement psychomoteur révèle la persistance de l’hypotonie avec une marche non acquise (à 23 mois). C’est une enfant sociable et souriante. L’évolution staturo-pondérale est satisfaisante sans difficultés alimentaires majeures. Après cette hospitalisation, le suivi pédiatrique et neurologique est à nouveau interrompu. Une seconde hospitalisation du 03 au 12 Juin 1982 pour un syndrome subocclusif sans étiologie retrouvée et d’évolution favorable sous traitement symptomatique permet de vérifier les progrès de l’enfant. Christine marche depuis l’âge de 24 mois. L’hypotonie demeure sans hypotrophie associée. Son développement pondéral est normal (poids=10,5kgs) (cf courbe staturopondérale p.213). Une évaluation fine et précise des acquisitions ne peut être effectuée devant le refus des parents. Un an plus tard, le Dr Dulac revoit l’enfant dont les progrès sont très nets. Christine commence à dire quelques mots, gazouille, a un excellent contact et s’intéresse à l’entourage. Il persiste une hypotonie globale mais la force musculaire est normale. Le strabisme a tendance à diminuer. Les malformations des pieds sont corrigées par une paire de chaussures adaptées. Une lettre du centre Caragan (institut médico-éducatif à Fontainebleau) (77) en Novembre 1986 informe le Dr Guillot de la prise en charge de Christine dans cet établissement. L’enfant est ensuite perdue de vue. Ce n’est qu’en 2002, à la suite de la rencontre du père par le Dr Guillot que le diagnostic de SWP porté à l’IME (Christine est âgée de 5 ans) sera connu par l’équipe médicale qui a pris en charge l’enfant initialement. Son médecin traitant et le médecin de l’établissement médico-éducatif chargé du suivi de Christine ont cessé leur activité professionnelle. Je n’ai pu obtenir que quelques informations « récentes » (la patiente a quitté le centre il y a 2 ans) grâce à une infirmière qui s’est occupé de la patiente pendant de nombreuses années. Les troubles du comportement, notamment alimentaires, et la prise pondérale dominent le pronostic chez cette jeune femme, à présent, âgée de 24 ans. C‘est l’apparition de la pléthore avec hyperphagie, aux alentours de 3-4ans qui a permis d’évoquer le diagnostic. Il persiste un retard moteur (hypotonie avec troubles de la statique) et développemental global. Les parents de Christine ont déménagé et la patiente a été transférée dans un centre à proximité de leur domicile. Selon la classification des critères de Holms, avant l’âge de 3 ans, Christine présentait 3 critères majeurs de diagnostic et 1 critère mineur soit un score de 3 points et demi insuffisant pour porter le diagnostic de SWP (cf tableau 8 p.134) (cf tableau 9 p.214). Cependant, ce score est probablement sous-estimé, les divers aspects cliniques et paracliniques de la maladie n’ayant pas été évoqués (l’origine génétique du SWP n’était pas connue à cette époque). La synthèse : Encore trop peu connu à l’époque, le SWP n’a été porté qu’à l’âge de 5 ans devant l’apparition de troubles du comportement alimentaire. L’absence de suivi après l’âge de 4 ans, en moyenne, ne permet pas de déterminer si une prise en charge spécifique a été débutée à l’ IME, suite au diagnostic, sur le plan diététique ou un autre volet de la maladie (orthophonique, comportemental…). Cette jeune femme, a présent, reste peu autonome avec des difficultés statiques, pondérales et comportementales majeures, avec une absence d’intégration socioprofessionnelle, conséquences qui auraient probablement pu être limitées en cas de diagnostic précoce. Cette histoire reflète les différences entre la prise en charge actuelle et celle de Christine dans les années 80. Elle révèle également le côté exemplaire de l’évolution naturelle de la maladie. Une hypotonie centrale néonatale doit faire évoquer le SWP (même en l’absence de troubles de la succion, comme chez Christine ou Chelcy) d’autant plus s’il apparaît secondairement une hyperphagie associée à des troubles du comportement alimentaire ou non. Elle suppose un suivi régulier de l’enfant. La rupture de ce suivi et les prémices des techniques de génétique moléculaire ont entraîné, chez Christine, un retard de diagnostic avec malheureusement, une évolution peu favorable sur le plan médical et socio-familial. CRITERES CRITERES MAJEURS DE DIAGNOSTIC CRITERES MINEURS DE DIAGNOSTIC PATIENTS Courbe de croissance staturo-pondérale de Christine TONY - TOUS les critères majeurs de diagnostic soit tous les critères cités pour Perrine y compris l’hyperphagie, la recherche constante de nourriture et le comportement obsessionnel vis-à-vis de l’alimentation. CHRISTOPHE - Hypotonie centrale néonatale et infantile entraînant une difficulté à têter, s’améliorant progressivement avec l’âge. - Difficulté à s’alimenter avec recours au gavage. - Prise de poids excessive entre 1 et 6 ans. - Hypogonadisme avec cryptorchidie bilatérale et scrotum peu développé. - Retard global du développement avant 6 ans. PERRINE - Hypotonie centrale néonatale et infantile entraînant une difficulté à têter, s’améliorant progressivement avec l’âge. - Difficulté à s’alimenter entraînant le recours au gavage. - Prise de poids excessive entre 1 et 6 ans. - Hypogonadisme avec hypoplasie des petites lèvres. - Retard global du développement avant 6 ans. - Délétion 15q11-13 confirmée par le test de FISH. JULIETTE CHELCY CHRISTINE - Problèmes de comportement caractéristiques*. - Mains petites. - Problèmes d’articulation au niveau du langage. - Un indice supplémentaire : capacité inhabituelle à réaliser des puzzles. -Diminution des mouvements fœtaux pendant la grossesse. - Problèmes d’articulation au niveau du langage. - Hypotonie centrale néonatale et infantile entraînant une difficulté à têter, s’améliorant progressivement avec l’âge. - Difficulté à s’alimenter avec recours au gavage. - Prise de poids excessive entre 1 et 6 ans. - Retard global du développement avant 6 ans. - DUP confirmée par analyse de microsatellites. - Diminution des mouvements fœtaux pendant la grossesse. - Problèmes d’articulation au niveau du langage. - Hypotonie centrale néonatale et infantile (mais pas de troubles de la succion). - Prise de poids excessive entre 1 et 6 ans. - Retard global du développement avant 6 ans. - Hyperphagie - recherche constante de nourriture. - Délétion 15q11-13 confirmée par le test de FISH. - Diminution des mouvements fœtaux pendant la grossesse. - Hypotonie centrale néonatale et infantile (mais pas de troubles de la succion). - Prise de poids excessive entre 1 et 6 ans. - Retard global du développement avant 6 ans. (-Type d’anomalie chromosomique ?) - Diminution des mouvements fœtaux pendant la grossesse. * crises de colère, accès de violence, comportement obsessionnel/compulsif, opposition systématique et tendance au vol. Tableau 9 : Récapitulatif des critères MAJEURS et MINEURS de diagnostic du SWP chez les six enfants. B. DISCUSSION ET REFLEXION A PARTIR DES DOSSIERS DES ENFANTS Notre série rétrospective, bien que modeste, nous permet de faire quelques observations. Nous reviendrons rapidement sur certaines particularités cliniques puis nous insisterons davantage sur deux points essentiels : la présentation et l’évolution du syndrome jusqu’à l’annonce de la maladie et la prise en charge et le suivi avant et après le diagnostic. I. AVANT LE DIAGNOSTIC DE SWP I.1. Sur le plan clinique Anamnèse : Tous les enfants de la série sont issus de parents non germains sauf pour l’un d’entre eux (Tony). Il n’y a pas d’antécédents familiaux génétiques particuliers excepté une myopathie mitochondriale de type III chez la cousine de Chelcy (au second degré). Or, la littérature ne mentionne pas de corrélation entre la probabilité de survenue de la maladie et le degré de parenté ainsi que les éventuels antécédents familiaux de l’enfant atteint du syndrome. Les signes cliniques anténataux : - On observe une réduction de l’activité fœtale au cours de la grossesse dans 67% des cas dans notre étude, chiffre estimé à 76% dans les données de la littérature (31) (52). - 1 enfant sur 6 est né prématurément avec une présentation par le siège pour l’un d’entre eux (il ne s’agit pas de celui né prématurément). Ces chiffres sont inférieurs à ceux de la littérature (41 % de naissances prématurées et 26% de présentation par le siège) (31) (52) probablement en rapport avec le faible effectif de notre série. Si la prématurité et la présentation par le siège sont des situations, il est vrai, peu spécifiques d’une affection particulière, la diminution des mouvements fœtaux est un signe anténatal fréquent dans le SWP puisqu’il est retrouvé dans 2/3 des cas dans notre série. L’interrogatoire de la mère est donc primordial : une hypomotilité fœtale, associée à une hypotonie, dès la naissance de l’enfant permet, non pas d’affirmer, mais d’évoquer le SWP d’autant plus s’il y a des troubles de l’alimentation associés. A la naissance : - L’hypotonie est présente dans 100% des cas comme dans la littérature ( ). Il s’agit toujours d’une hypotonie diffuse, globale, prédominante sur le plan axial, d’amélioration progressive pour tous les enfants au cours des trois premiers mois. - On note une absence de mouvements spontanés chez les 6 enfants et une succion faible voire absente chez 86% d’entre eux, entraînant un recours au gavage. Celui-ci est interrompu, en moyenne, aux alentours de 1 à 2 mois (un cas d’hypotonie sévère avec gavage prolongé jusqu’à 7 mois), un peu plus précocement que ce qui est mentionné dans la littérature (3 mois) (31). Le mécanisme de l’anomalie génétique (délétion ou DUP) ainsi que le diagnostic précoce pour 50% d’entre eux expliquent probablement, en partie, une durée de gavage raccourcie grâce à une prise en charge et une stimulation adaptée dès la période néonatale. Il apparaît cependant que pour les 3 enfants dont le diagnostic a été porté ultérieurement, soit il n’y avait pas de troubles de la succion (Chelcy et Christine), soit la durée du gavage s’est révélée inférieure à 3 mois (amélioration rapide du réflexe de succion et alimentation à la cuillère à partir de 2 mois chez Christophe). L’hypotonie constante et les troubles de la succion, fréquemment retrouvés dans le SWP orientent le diagnostic dès la naissance. La durée du gavage semble aléatoire et variable selon le degré d’hypotonie. - Le syndrome dysmorphique peut être évident dès la naissance mais il est habituellement plus net à partir de l’âge de 2 ans selon la littérature ( ). Dans notre série, on remarque effectivement que seul 2 enfants sur 6 présentent une anomalie morphologique caractéristique du SWP à la naissance (commissures labiales supérieures « tombantes » chez Chelcy et yeux « en amande » chez Juliette) avec une évolution franche vers la dysmorphie après l’âge de 2 ans pour 84% d’entre eux. Finalement, il existe des signes dysmorphiques pathognomoniques du SWP dont la présence dès la période néonatale suggère le diagnostic lorsqu’ils sont associés à une hypotonie et/ou à des troubles de l’alimentation. Cependant, leur absence, au début de la vie de l’enfant, n’exclut pas le diagnostic, la dysmorphie étant plus apparente à partir de l’enfance (comme il est observé dans notre série). - Le dernier point concerne les anomalies génitales : on note la présence d’une ectopie testiculaire chez les 2 garçons de l’étude (avec en plus, un micropénis chez Tony) et une hypoplasie des organes génitaux féminins (petites lèvres) chez 50% des filles. Dans la littérature (31), les anomalies génitales sont beaucoup plus fréquentes chez les garçons que chez les filles (80 à 90%) et notre série corrobore les chiffres actuels. Au total, avant même l’étude cytogénétique et le suivi propre à l’affection, un certain nombre de signes anténataux et néonataux doivent attirer l’attention et faire évoquer le diagnostic pour tout médecin qui examine l’enfant. D’après notre étude (et dans la littérature), en période anté et néonatale, on pourrait résumer le SWP en quelques motsclés : - hypomobilité fœtale - hypotonie - troubles de la succion - hypogonadisme - (+/- syndrome dysmorphique). En pratique, nombre de médecins généralistes suivent les grossesses en ambulatoire et ce chiffre risque de s’accroître au regard de la pénurie prévisionnelle des gynécologues en ville. Une diminution des mouvements fœtaux actifs en fin de grossesse au-delà de la surveillance obstétricale et échographique nécessaire doit alerter le médecin traitant afin de permettre un diagnostic le plus précoce possible en coopération avec l’équipe hospitalière face à un tableau d’hypotonie néonatale chez le nouveau-né. I.2. La prise en charge et le suivi (avant le diagnostic) * sur le plan psychomoteur Le diagnostic précoce pour 3 des enfants de la série a permis une prise en charge immédiate pluridisciplinaire. Pour les 3 autres : - Chelcy a bénéficié d’une rééducation en psychomotricité et en kinésithérapie à partir de 10 mois environ devant un retard global des acquisitions. - Pour Christophe, une prise en charge en psychomotricité, initialement intrahospitalière puis au CAMSP de Choisy-Le-Roi, est mise en place dès son plus jeune âge. - Il n’y a pas de rééducation particulière pour Christine au cours de son séjour en Pouponnière. On note une amélioration lente de ses acquisitions psychomotrices. Finalement, que l’étiologie soit connue ou non, l’hypotonie est un signe d’alerte qui motive une prise en charge rééducative en kinésithérapie et/ou en psychomotricité comme c’est le cas pour 84% des enfants de notre étude. Le suivi au long cours de cet handicap, en l’absence de diagnostic, permet à la fois d’évaluer les progrès de l’enfant et de repérer l’apparition de symptômes orientant vers une affection particulière telle que le SWP. C’est l’hyperphagie avec prise pondérale excessive, à partir de 2 ans d’âge, qui a permis chez Chelcy et Christophe d’identifier la maladie (surcharge pondérale à partir de 3-4 ans chez Christine avec un diagnostic à l’âge de 5 ans seulement connu par l’équipe médicale depuis 2 ans). Dans notre étude, et dans le cadre du SWP, l’évolution de l’hypotonie est primordiale pour tout médecin qui suit l’enfant. Il s’agit de faire le point sur le bilan des acquisitions et permettre un diagnostic devant la présence de symptômes évocateurs. * sur le plan orthophonique Les troubles du langage (retard d’acquisition de la parole, pauvreté du vocabulaire et/ou difficultés d’articulation) sont présents chez tous les enfants de la série avec un jargon qui apparaît aux alentours de 23,8 mois en moyenne. La littérature (31) mentionne, en effet, des difficultés d’acquisition de la parole chez les enfants atteints du SWP du fait de la petitesse de la bouche et de l’hypotonie des muscles articulatoires. Les troubles du langage sont un critère mineur de la maladie selon la classification de Holms. On distingue dans la littérature, la rééducation bucco-faciale (il s’agit de stimuler la sensibilité et la motricité bucco-faciale dès les premiers jours) qui précède la rééducation du langage. Aucun enfant, dans notre étude, n’a bénéficié de cette rééducation spécifique avant le diagnostic, avec cependant, une stimulation active de la succion et la déglutition par les parents dans plus de 65% des cas. L’absence de prise en charge rééducative de la parole, pour 3 des enfants de la série, avant le diagnostic, s’explique probablement par leur âge au moment de l’identification de la maladie. Ainsi, Chelcy et Christophe sont âgés de 2 ans lors du diagnostic, âge médian d’apparition du langage dans le cadre d’un retard global des acquisitions. Nous ne savons pas si Christine a bénéficié d’une prise en charge orthophonique. Il n’y a donc pas, ou peu, de troubles du langage avant le diagnostic. C’est le suivi, dans notre étude, d’enfants présentant un retard global des acquisitions (en particulier, une hypotonie) qui permet de repérer les difficultés langagières et d’en assurer la prise en charge. * sur le plan diététique et comportemental - L’âge moyen d’apparition du surpoids est de 21,4 mois dans notre série. Il est aux alentours de 2 ans dans la littérature (31). Il n’y a pas de prise en charge diététique spécifique avant le diagnostic, puisque c’est l’hyperphagie avec surcharge pondérale, vers 21 mois, qui a permis d’évoquer et de confirmer la maladie chez les enfants dont l’étiologie restait indéterminée, d’où la nécessité du suivi. - Sur le plan comportemental, avant le diagnostic, on note la présence d’un comportement « stéréotypé » chez Christophe à partir de 20 mois : entêtement, exigence, accès de colère et tyrannie avec son entourage capacités d’attention labiles, intolérance à la frustration et difficultés à suivre des consignes strictes et précises. Juliette et Tony présentent, également, des troubles du comportement fréquents dans le SWP (opiniâtreté, colère à la frustration, tyrannie) tandis qu’aucun problème comportemental n’est mentionné chez Chelcy. Christine présente des accès de colère dès l’âge de 5 mois (sans autre trouble signalé). Dans la littérature ( ), ces troubles apparaissent en moyenne vers l’âge de 1 à 2 ans. Le faible effectif de notre série n’est pas représentatif de la fréquence des divers troubles du comportement observés dans le SWP (par exemple, 88% d’accès de colère dans une population de 100 patients atteints du syndrome de 4 à 46 ans) (31). La prise en charge initiale chez les enfants se résume à la surveillance de l’évolution de ces anomalies comportementales. Ainsi, lorsqu’on analyse la prise en charge et le suivi des enfants, avant le diagnostic, dans notre série, il apparaît clairement que l’hypotonie est le fil directeur de l’évolution. Son suivi au long cours permet d’évaluer les progrès des jeunes patients et de constater l’émergence de symptômes qui s’intègrent dans le SWP confirmé par étude cytogénétique. L’évolution naturelle de la maladie est biphasique. La présentation néonatale du syndrome évolue avec apparition d’une surcharge pondérale et de troubles de degré variables que seul un suivi régulier et coordonné permet de dépister. L’intérêt est de porter un diagnostic afin de permettre une prise en charge adaptée et pluridisciplinaire. C’est ce suivi qui a permis dans 100% des cas dans notre étude d’identifier le syndrome en période néonatale et dans l’enfance (pour Christine, le diagnostic a été porté par l’équipe médicale de l’IME). I.3. Sur le plan paraclinique Quels ont été les examens paracliniques effectués dans notre étude face à une hypotonie néonatale ? Parmi les examens les plus fréquents, on retrouve : - la réalisation d’un électroencéphalogramme dans 100% des cas. - le scanner cérébral et l’électromyogramme dans 84% des cas. - un dosage de TSHus dans 67% des cas. - le fond d’œil et l’échographie transfontanellaire sont réalisés dans la moitié des cas ainsi que le dosage des CPK. - 1/3 des enfants bénéficient d’une ponction lombaire avec étude et analyse bactériologique du liquide céphalorachidien (LCR). - une seule biopsie musculaire (Perrine) est effectuée. - enfin, chez tous les enfants de la série est réalisé un caryotype à la naissance. Il s’agit d’un caryotype standard pour 1/3 des enfants complété dans tous les cas, secondairement, par la méthode de l’hybridation par fluorescence in situ (FISH) permettant le diagnostic (délétion paternelle). On réalise chez 2/3 des enfants un caryotype en haute résolution avec technique de FISH suivi d’une analyse de méthylation en cas de négativité des résultats. Un profil de méthylation anormal s’accompagne alors de l’étude des microsatellites les plus fréquemment explorés dans le SWP (loci D15S11 et GABRD3). Leur recherche positive confirme le mécanisme impliqué (DUP) et la maladie. Au total, dans notre étude, en cas de suspicion de SWP, la démarche diagnostique est la suivante : Caryotype en haute résolution avec méthode de FISH Si positif : SWP confirmé Si négatif : Analyse du profil de méthylation Si positif : Analyse de microsatellites Si négatif : Le SWP serait exclu Confirmation du SWP (en présence des loci caractéristiques) Enfin, dans notre série, le mécanisme impliqué dans la survenue du syndrome est : - une délétion d’origine paternelle dans 67% des cas. - une disomie uniparentale d’origine maternelle dans 33% des cas Nous allons comparer ces données par rapport à la littérature. Selon la littérature (40), face à une hypotonie globale de topographie imprécise (périphérique ? centrale ?) un certain nombre d’examens, à visée étiologique sont réalisés : - un électromyogramme avec mesure des vitesses de conduction nerveuse sensitive et motrice - un dosage des enzymes musculaires (CPK) - une biopsie neuromusculaire, non systématique - un fond d’œil - un scanner cérébral, voire une IRM ou une échographie transfontanellaire En fonction de ces résultats, de l’anamnèse, de la clinique et de l’évaluation du QI de l’enfant, un certain nombre d’examens biologiques complètent alors le bilan : caryotype, sérologies, etc. Comparativement à la littérature, dans notre série, la fréquence de ces examens à visée étiologique est de: - l’EMG : 84% - le dosage des CPK : 50% - la biopsie neuromusculaire : 17% - le fond d’œil : 50% - le scanner cérébral : 50% - l’échographie transfontanellaire ou l’IRM : 50% - le dosage de TSHus : 67% - le caryotype : 100% Il apparaît donc que : * le caryotype est systématiquement réalisé dans notre étude, comme il est préconisé dans la littérature, surtout en cas d’hypotonie centrale. Il s’agit de ne pas méconnaître une anomalie génétique à l’origine de la maladie. * l’EMG, en seconde intention, s’explique par la fréquence non négligeable de certaines myopathies et de l’intérêt de la précocité du diagnostic malgré un pronostic souvent réservé. * Les autres examens (dosage des CPK, TSHus, fond d’œil, scanner cérébral) de fréquence variable, par rapport à la littérature, sont probablement réalisés en fonction de la présentation du tableau clinique et de l’expérience respective des services spécialisés qui accueillent l’enfant. La démarche diagnostique, dans notre série, par rapport à la littérature, met en évidence : * la réalisation en première intention d’un caryotype en haute résolution avec technique de FISH pour confirmer le SWP * l’analyse du profil de méthylation n’est effectuée qu’en cas de négativité du précédent caryotype. En cas de résultat anormal, c’est l’étude des microsatellites qui confirme le diagnostic. Si l’on se réfère à notre arbre décisionnel (cf figure XIII p.44), la « stratégie » varie selon les auteurs mais elle fait appel aux mêmes outils diagnostiques que dans notre étude. Il est probable que la prévalence élevée du mécanisme délétionnel dans le syndrome justifie, dans notre série, la réalisation en première intention d’un caryotype avec technique de FISH. L’intérêt est à la fois au diagnostic et au conseil génétique en évaluant avec les parents le risque de récurrence dans la descendance. La démarche diagnostique est donc réalisée selon l’arbre décisionnel de la littérature. Enfin, malgré le faible effectif, les fréquences respectives du mécanisme délétionnel et de la DUP (67% et 33%) sont similaires à celles de la littérature (70% et 20-30%). Connaître les outils diagnostiques pour identifier le SWP s’intègre dans la connaissance globale de l’affection pour tout médecin généraliste ou spécialiste. Dans notre étude, en accord avec la littérature, le suivi régulier des enfants conditionne la séquence des examens complémentaires permettant le diagnostic. Au total, d’après toutes ces données, avant même le diagnostic, l’évaluation, à chaque consultation, du développement psychomoteur des enfants présentant une hypotonie néonatale permet, dans un premier temps, d’apprécier les progrès et de renforcer la stimulation pour laquelle les parents et l’entourage jouent un rôle primordial. Ce travail d’observation et de soutien dans le cadre du suivi participe, secondairement, à l’épanouissement progressif de l’enfant ainsi qu’à l’obtention du diagnostic face à l’évolution « stéréotypée » du tableau clinique dans le SWP. La présentation biphasique « naturelle » de l’affection nécessite un suivi au long cours (en moyenne, 2 ans d’évolution entre les deux phases). Il y a donc un changement dans la présentation clinique de la maladie, non pas tant engendré par le suivi mais objectivé grâce à celui-ci dans tous les cas, dans notre étude. Une fois le diagnostic posé, la mise en route d’une prise en charge adaptée et pluridisciplinaire est essentielle. Nous allons étudier l’évolution et la prise en charge des enfants dans notre étude après l’annonce du diagnostic. Nous comparerons ces résultats aux données de la littérature. II. APRES LE DIAGNOSTIC DE SWP II.1. La prise en charge * sur le plan psychomoteur On rappelle que 84% des enfants de la série ont bénéficié d’une rééducation en kinésithérapie et/ou en psychomotricité à l’âge médian de 5,4 mois. La littérature est en faveur d’une prise en charge kinésithérapeutique précoce, dès le premier mois (63), puis en psychomotricité (l’âge de début est variable : dans les premiers mois ou plus tard en fonction des capacités de l’enfant et de la disponibilité du ou de la psychomotricien(ne) qui s’en occupe) à raison de deux séances par semaine. Suite au diagnostic, et comparativement à la littérature, la prise en charge sur le plan psychomoteur est adaptée pour tous les enfants qui en ont bénéficié. Leur rythme de séances est variable : il dépend des progrès respectifs, du lieu d’exercice (CAMSP ou en libéral) et de l’emploi du temps des « rééducateurs ». Les résultats de notre étude sont d’autant plus satisfaisants que l’acquisition de la station assise vers 11,6 mois (habituellement 12-13 mois) et de la marche aux alentours de 24,5 mois (24-30 mois en moyenne) surviennent à un âge plus précoce que dans la littérature. Il apparaît donc que, quelque soit l’âge du diagnostic, l’identification du syndrome n’interfère pas avec la décision de rééducation face à un handicap tel que l’hypotonie néonatale. Ainsi, le suivi de nos jeunes patients et leur prise en charge rééducative dans la prime enfance semblent bénéfiques car ils modifient l’évolution de manière positive avec des acquisitions plus précoces (station assise, marche…) et facilitent ensuite, l’intégration sociale et scolaire. * sur le plan orthophonique Dans notre série, la rééducation orthophonique débute aux alentours de 2 ans et 8 mois en moyenne. Elle concerne l’acquisition de la parole et du langage. Suite au diagnostic, une à deux séances hebdomadaires permettent aux enfants de notre étude l’acquisition progressive du langage parlé et l’expression des capacités de communication non verbales. La rééducation se poursuit pour tous à ce jour (pour Christine ?). Selon la littérature, deux séances par semaine, de courte durée mais répétées, à partir de 24 mois, favorisent l’oralité chez les enfants atteints du SWP. Notre prise en charge semble adéquate avec la réalisation de phrases complètes (à 4 ans et demi en moyenne) chez les plus âgés d’entre eux. L’absence de référence littéraire quant à l’âge des diverses acquisitions langagières dans le SWP (de nombreux facteurs interviennent : le QI, les capacités propres à l’individu, la stimulation…) rend difficile la comparaison avec les résultats de notre étude. On note, tout de même, quasiment chez tous les enfants, une communication et un langage progressif au fil des séances et de l’âge. Il reste que le suivi au long cours est primordial pour l’évolution des troubles du langage et le renforcement de la prise en charge si nécessaire. Les troubles du langage font partie intégrante du SWP ; suivre leur évolution est donc susceptible de modifier l’évolution de l’affection sur ces axe particulier de prise en charge. * sur le plan diététique et comportemental - On note, dans 84% des cas, la mise en route d’un régime et de règles hygiéno-diététiques adaptées, avec l’aide d’une diététicienne dans 67% des cas. C’est l’apparition de la pléthore qui a permis le diagnostic à 2 ans chez Chelcy et Christophe et à 5 ans chez Christine. Si les deux premiers ont bénéficié d’une prise en charge spécifique, on ne sait pas quel a été le suivi pour Christine. Celle-ci souffre, actuellement, de troubles du comportement alimentaires associés à une surcharge pondérale manifeste. La littérature préconise un régime, dès que possible, permanent, adapté à l’enfant et compris de tout l’entourage, constamment encadré par une diététicienne et/ou un médecin nutritionniste. Une activité physique au moins trois fois par semaine (natation, vélo, etc) est indispensable ainsi qu’un soutien psychologique pour les troubles du comportement liés à la quête obsessionnelle et permanente de la nourriture. Dans notre étude, comparativement à la littérature, suite au diagnostic, le régime existe chez tous les enfants (Christine ?) et instauré dès l’accélération de la prise pondérale. On ne retrouve une activité physique régulière que chez Juliette (piscine et danse une fois par semaine) à une fréquence moindre que celle proposée dans la littérature. Il faut cependant, tenir compte des aptitudes et surtout de la disponibilité de l’enfant et de son entourage. 67% de nos jeunes patients présentent une hyperphagie avec des troubles obsessionnels et compulsifs alimentaires (98% dans la littérature) sans prise en charge spécifique psychologique mentionnée dans les dossiers. Il semble donc que : - le diagnostic en période néonatale permet de prévenir les parents et l’entourage du risque ultérieur de la survenue d’une obésité et d’anticiper sa prise en charge. Le risque lié aux complications est majeur ; dans notre étude, tous les parents en ont été informés et ont compris l’enjeu diététique pour leur enfant. - le diagnostic dans l’enfance, après l’apparition de la pléthore, permet une action « préventive » immédiate (du risque d’obésité) et adaptée, sans retard (la littérature préconise une prise en charge dès la survenue de la surcharge pondérale) (31). Il apparaît donc que le suivi au long cours, dans notre série, modifie l’évolution, non pas naturelle de la maladie (la surcharge pondérale est présente dans 100% des cas), mais inéluctable, vers l’obésité qui survient si aucune mesure n’est envisagée. 67% des enfants de l’étude sont contrôlés sur le plan pondéral. Il faut davantage insister sur l’activité physique et le soutien psychologique et envisager un traitement par hormone de croissance en cas de ralentissement de la croissance staturale (comme chez Christophe) et/ou de la poursuite de la prise de poids malgré les mesures mises en place (comme chez Tony). - Sur le plan comportemental, après le diagnostic, 67% des enfants de l’étude présentent une hyperphagie avec des troubles obsessionnels et compulsifs. 50% d’entre eux sont très opiniâtres avec des accès de colère. Ces chiffres sont inférieurs à ceux de la littérature en rapport probablement avec notre effectif modéré et l’apparition plus tardive de ces troubles (en moyenne vers 1 à 2 ans, mais parfois entre 3 et 7 ans selon les patients) (31). L’intérêt du suivi au long cours est le « dépistage » des troubles psychopathologiques, à tout âge du diagnostic, afin d’assurer la surveillance et éventuellement la prise en charge par les professionnels spécialisés. Les enfants concernés dans notre étude bénéficient d’une surveillance régulière. Les troubles du comportement sont indissociables du SWP. Leur identification et leur prise en charge, grâce au suivi, modifie favorablement l’évolution de l’affection en limitant la survenue de troubles majeurs (exemple : fréquence plus élevée de psychoses dans les DUP d’origine maternelle) (26) perturbant l’équilibre psychoaffectif, social et professionnel du patient. * sur le plan hormonal • l’insuffisance gonadique Les 2 garçons de la série présentent, dès la naissance, une ectopie testiculaire. On note un micropénis chez Tony et une hypoplasie scrotale chez Christophe. Selon la littérature (31), on retrouve dans le SWP une cryptorchidie dans 80 à 90% des cas avec une fréquence variable d’anomalies associées : micropénis, hypoplasie scrotale. Une surveillance s’impose avec recours à un traitement hormonal par HCG (actuellement discuté) et/ou en cas d’échec, une intervention chirurgicale. Les 2 garçons de la série ont bénéficié d’un traitement chirurgical précédé d’un traitement hormonal partiellement efficace pour Tony. Cet hypogénitalisme clinique, à la naissance, avant même le diagnostic, participe surtout à l’évocation du syndrome en présence d’autres symptômes. Dans notre étude, le suivi précoce et prolongé a permis à ces enfants de pallier à l’insuffisance gonadique par des traitements adaptés. On ne pourrait résumer le SWP sans évoquer l’hypogénitalisme. Son suivi et sa prise en charge sont donc l’un des volets (avec les autres déjà cités) susceptible de modifier l’évolution de la maladie dans sa globalité (à noter, la présence chez 50% des filles de l’étude, d’une hypoplasie des organes génitaux externes chez Perrine et une protrusion des petites lèvres chez Christine, anomalies fréquemment retrouvées dans le SWP) (31). • l’insuffisance somatotrope Tous les enfants ont bénéficié d’un bilan multidisciplinaire dans le cadre du SWP avec un dosage d’IGF1 abaissé par rapport à la normale, reflet de la production de GH (excepté Christine, le bilan multidisciplinaire n’existant pas à l’époque). Seuls 2 des enfants (soit 1/3 de l’effectif) ont un déficit objectif en GH et un traitement a été (ou sera prochainement) débuté après bilan préthérapeutique. Selon la littérature (67), l’hormone somatotrope est déficitaire chez 50% des patients atteints du SWP. Les dernières recommandations soulignent que la présence d’un tel déficit n’est pas une condition obligatoire à la mise en route du traitement (67). Les enfants atteints du syndrome peuvent être traités sans qu’ils aient un déficit en GH et/ou un retard statural, le traitement étant bénéfique sur la croissance mais également sur la force musculaire, avec peut-être une action sur les troubles comportementaux (77). Dans notre série : - c’est l’excès pondéral (+2,5 DS), malgré un régime et des règles hygiéno-diététiques respectées, qui a motivé chez Tony l’initiation du traitement. - l’éventualité d’un traitement par GH repose chez Christophe sur l’insuffisance staturale associé à une prise pondérale régulière. La décision est en attente. - il n’y a pas d’indication à un traitement pour les autres enfants. Le suivi au long cours, dans le cadre du bilan multidisciplinaire, repère les enfants pouvant bénéficier du traitement, permettant ainsi de modifier l’évolution de la maladie, principalement de par les effets de la thérapeutique sur l’axe somatotrope et sur la composition corporelle (pas de recul dans le dossier de Tony concernant l’efficacité du traitement). * concernant les autres problèmes rencontrés dans le SWP Les anomalies cutanées, orthopédiques, ophtalmologiques et/ou dentaires sont mentionnées dans les dossiers respectifs des enfants lors du bilan multidisciplinaire (donc après le diagnostic). Chez nos jeunes patients, aucun cas de scoliose ou de prurit n’est relevé ; seul Tony présente une inflexion latérale du rachis (à contrôler dans un an) et des lésions de grattage avec poussées urticariennes itératives dans un contexte d’allergie. Il n’y a pas de problèmes ophtalmologiques ou dentaires particuliers pour chacun d’entre eux. La littérature mentionne ces anomalies sans fréquence précise (31) mais insiste sur la nécessité de prévenir (surveillance régulière) ou à défaut, de traiter ces symptômes de la manière la plus adaptée au vu des risques et des complications inhérentes liées à leur évolution et leurs conséquences sur leur vie quotidienne (myopie, strabisme, scoliose, etc). Le dépistage de ces problèmes est donc indispensable et s’intègre dans le suivi normal de tout enfant, malade ou non. Leur fréquence supérieure dans le SWP par rapport à la population générale incite à une surveillance accrue. Ce sont tous des critères mineurs de la maladie (hormis les troubles orthopédiques tels la cyphose et la scoliose qui sont un indice supplémentaire) et leur prise en charge et leur suivi sont primordiaux afin de limiter leur évolution et l’aggravation d’autres troubles préexistants (exemples : difficultés scolaires aggravées par une myopie ou un strabisme, troubles de la concentration en présence d’un prurit intempestif, surpoids associé à une scoliose, alimentation hyperglucidique non contrôlée et apparition de caries, etc), permettant ainsi de modifier favorablement l’évolution de la maladie. II.2. Le médecin généraliste dans le SWP Une meilleure information de la maladie et de la concertation avec le milieu hospitalier sont les deux éléments qui retiennent notre attention lors des entretiens avec les médecins généralistes de nos jeunes patients. Certains soulignent leur rôle dans le suivi de l’hypotonie, la prévention de l’obésité ou encore de soutien psychothérapeutique à l’égard des familles, souvent désemparées face à cette maladie et la lourdeur de sa prise en charge. Parfois, c’est le pédiatre ou le médecin de la PMI qui assure le suivi ambulatoire en lien avec le médecin traitant qui prendra le relais à l’enfance ou à l’adolescence (en coordination avec les praticiens spécialisés). A travers les réponses et les attentes de ces médecins généralistes, quel est finalement leur rôle dans la prise en charge et le suivi du SWP ? Le SWP est un désordre multisystémique avec une variabilité clinique considérable. Cette diversité de troubles somatiques et psychiques explique toute la difficulté de la prise en charge. Elle doit être globale, multidisciplinaire en collaboration avec le médecin traitant. Il participe au dépistage du syndrome, parfois passé inaperçu à la naissance, puis une fois le diagnostic posé, à la prise en charge et au suivi au long cours comprenant la prévention et le traitement des complications ainsi que le soutien à l’entourage. Les médecins généralistes se situent en première ligne et doivent donc être sensibilisés à cette pathologie pour évoquer précocement le diagnostic devant une hypotonie néonatale puis dans l’enfance, en présence d’une obésité avec des troubles du comportement. L’identification des facteurs de risque cardiovasculaires (tabac, hypertension artérielle, diabète, dyslipidémie, etc) dans le SWP, comme dans toute obésité sévère, est un rôle également crucial du médecin généraliste. Cette recherche précoce permet ensuite de mener une action efficace de prévention des complications. Le médecin généraliste doit donc informer sur l’obésité et ses conséquences, la prévenir au plus tôt par le rééquilibrage entre alimentation et activité physique, lutter contre la sédentarité et la stigmatisation des obèses. L’activité physique doit être promue comme un facteur de bonne santé. Par ailleurs, il assure le suivi de ces petits patients comme celui de n’importe quel autre enfant (calendrier vaccinal, traitement des épisodes infectieux, certificats médicaux, surveillance de la courbe de croissance staturo-pondérale, etc) et joue un rôle privilégié de soutien, de conseils et d’explications au sein de la famille concernée. Toutes ces actions supposent une connaissance globale de l’affection et des institutions assurant le suivi de l’enfant atteints du SWP afin d’orienter les parents et l’enfant vers les spécialistes et les structures adaptées au handicap et les soutenir dans le parcours long et difficile de la maladie. CONCLUSION Le SWP est une affection fascinante qui se situe au cœur de découvertes génétiques étonnantes. Jusque dans un passé récent, le diagnostic était souvent tardif et difficile parce que les symptômes qui le composent, sont souvent lorsqu’ils sont pris isolément, fréquents et communs. Sur le plan génétique, le SWP résulte de la perte de fonction de plusieurs gènes progressivement bien identifiés. Dans la population générale, il est possible d’envisager que des mutations géniques spécifiques dans cette région chromosomique soient entièrement ou en partie responsables des signes cliniques ou comportementaux que l’on retrouve dans des pathologies telles que l’obésité, les troubles obsessionnels et compulsifs, le déficit gonadique ou encore la maladie psychotique. Ainsi, le SWP, comme d’autres maladies génétiques, peut servie de modèle pour aider à une meilleure compréhension et à une meilleure approche de ces pathologies dont la prévalence augmente, en particulier, pour l’obésité. Sur le plan clinique, il faut savoir évoquer le syndrome en présence d’une hypotonie néonatale associée à des troubles de la succion-déglutition. L’hyperphagie avec le risque d’obésité et les troubles du comportement, notamment alimentaires, à partir de la deuxième enfance, permettent encore le diagnostic et sa prise en charge, en particulier, celle de l’obésité dont les complications font toute la gravité de la maladie. Dans cette thèse, six cas d’enfants atteints de la maladie sont rapportés : pour trois d’entre eux, le diagnostic a été fait en période néonatale, pour deux autres, il a été plus tardif avec une évolution précoce différente (hypotonie isolée chez Chelcy ; hypotonie, troubles de la succion et hypogonadisme pour Christophe) et un cas pour lequel le syndrome a été confirmé à l’âge de 5 ans. Tous ces enfants (sauf Christine) ont bénéficié d’une prise en charge spécifique, adaptée, pluridisciplinaire dès l’annonce du diagnostic. En l’absence de diagnostic en période néonatale, pour deux des enfants, le suivi au long cours a permis d’identifier la maladie dès les prémices de l’obésité (hyperphagie, surcharge pondérale) avec de bons résultats thérapeutiques. Dès lors, la prise en charge est globale, centrée sur l’obésité et les troubles comportementaux avec poursuite des techniques psychomotrices rééducatives initiées dès le plus jeune âge. Le diagnostic rétrospectif et l’évolution ainsi que la socialisation médiocres chez Christine préjugent de la nécessité d’un suivi au long cours, le plus précoce possible, dans le SWP. On rappelle cependant que cette enfant est née en 1980. Le diagnostic était alors peu connu et/ou peu évoqué et les tests génétiques inexistants. Finalement, si la présentation de la maladie n’est pas modifiée par le suivi, celui-ci permet néanmoins d’évoquer le diagnostic dans l’enfance à un âge où « tout est encore possible » du fait de la présentation biphasique de l’affection (hypotonie puis surcharge pondérale). Dès le diagnostic, la prise en charge, multidisciplinaire, sur les divers axes cliniques et/ou thérapeutiques du syndrome modifient favorablement l’évolution chez tous les enfants (excepté Christine) en stimulant leur développement psychomoteur, le langage et en limitant la survenue de la pléthore. Grâce au suivi, deux des enfants de l’étude bénéficient d’un traitement par hormone de croissance (prochainement pour Christophe) évoqué lors du bilan multidisciplinaire. L’hypogonadisme (masculin) fréquent dans cette affection est dépisté, surveillé et traité également grâce au suivi. Tous ces aspects cliniques ne doivent pas nous faire oublier la dimension psychologique de l’affection, pour l’enfant et son entourage. Il s’agit d’une prise en charge globale de la personne et non pas exclusivement d’une pathologie. Tel est l’objectif à atteindre pour tout thérapeute. En ce qui concerne le médecin généraliste, il doit être au centre de l’approche multidisciplinaire du patient atteint du SWP en évaluant les aspects médicaux, psychologiques et sociaux et en apportant un soutien et une réponse adaptée à la situation. BIBLIOGRAPHIE (1) Anselem S. Empreinte parentale différentielle ou empreinte génomique dans. Anselem S. Ronéo de génétique tome I. Créteil : A.L.U, 1996 : 27-40. (2) Anselem S. Techniques utilisées pour identifier des gènes impliqués dans les maladies. Anselem S. Ronéo de génétique tome I. Créteil : A.L.U, 1996 : 20-26. (3) Arthuis Michel, Ponsot Gérard, Pinsard Nicole. Introduction à la Neurologie Pédiatrique dans. Arthuis Michel, Ponsot Gérard, Pinsard Nicole. Neurologie Pédiatrique. Paris : Flammarion- Sciences, 1990 : 1-19. (4) Association Prader-Willi France. 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