Le retour sur investissement, au service de l`équilibre

gestions hospitalières n° 495 -
avril 2010
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dossier
]261
MOTS CLÉS
TIC ET HÔPITAL
Le retour sur investissement,
au service de l’équilibre
budgétaire
MOTS CLÉS
Hôpital
Technologie
de l’information
et de la communication
Achat public
Retour sur
investissement
Descriptif
Processus
Méthodologie
Les bonnes pratiques d’achat informatiques et de télécoms hospitaliers concernent
désormais le cycle complet du projet : de sa définition au paiement du solde. Les
aspects économiques et financiers du projet entrent désormais dans la définition
des besoins et le contrôle de son exécution. Désormais, tout achat d’investisse-
ment doit faire l’objet d’une analyse économique et financière portant sur le coût
global du projet, la qualité du service rendu auprès des utilisateurs, l’optimisation
de la qualité des soins, la réduction des coûts de fonctionnement…, qui deviennent
aussi des crires de choix tout aussi importants que le prix. Cette démarche intè-
gre le processus de retour sur investissement mis en place progressivement sous
l’impulsion des pouvoirs publics dans le cadre du dispositif de la réforme hospita-
lière, dont la loi Hôpital, patients, santé, territoires (HPST) du 21 juillet 2009.
Didier ADDA
Conseil en propriété
industrielle (juriste),
cabinet TPC
Ancien acheteur public
de technologies
information
et télécommunications
Ancien chargé
d’enseignement,
universités Paris-I
et Orléans
Chargé d’enseignement
à l’Ensea/Iseea
d’achat. Le ROI trouve sa place au cœur
du processus de décision, du processus
de choix de fournisseurs, mais aussi de
la gestion du projet dans le cadre des
relations hôpitaux/fournisseurs.
Le ROI, composant
du processus décisionnel
Les bonnes pratiques d’achat nécessi-
tent, aujourd’hui, de mettre en place
une équipe acheteuse pour les grands
projets ou les projets stratégiques
comme la gestion de production de
soins/dossier du patient, la facturation
des prestations de soins, la gestion des
ressources humaines, la gestion écono-
mique et financière, la téléphonie sur
IP, le décisionnel… Pour les projets
moins stratégiques, la démarche peut
être plus restreinte.
Ainsi, l’acheteur public prend la forme
d’une équipe pluridisciplinaire regrou-
pant les différents acteurs intervenant
dans le processus en prenant en compte
la veille technologique et le retour d’ex-
périence. La pratique a démontré l’im-
portance de ce regroupement de com-
pétences : professionnels de santé ou
Le retour sur investissement (ou Return on Invest-
ment, ROI) dans le domaine des techniques de
l’information et de la communication (1) concerne
services utilisateurs, informatiques, financiers, mar-
chés… au sein des établissements en tant que méthodes
intégrées dans le processus d’achat. Ces méthodes écono-
miques et financières complètent l’analyse des projets en coûts
globaux et servent à rechercher le délai de retour à l’équilibre
économique du projet, puis les éventuels gains quantitatifs et
qualitatifs d’économies au-delà de l’investissement.
Le Groupement pour la modernisation du système d’information
hospitalier (GMSIH) et la Mission nationale d’appui à l’investis-
sement hospitalier (Mainh) (2) ont élabo
des outils thodologiques (3) et de calcul
à destination des établissements afin de
les aider à optimiser leurs dépenses dites
«d’investissement », notamment dans le
cadre des politiques d’investissements
hospitaliers, d’pital 2007 puis d’Hôpital
2012. Le guide publié par le GMSIH est
devenu un référentiel en la matre. Il per-
met aux établissements de aliser une
évaluation de la rentabilides projets de
système d’information (SI) en s’appuyant
sur cinq segments de gains : efficience,
financiers, qualide service, conditions
de travail et compétences.
Ces méthodes s’inscrivent désormais
dans la démarche des bonnes pratiques
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- des équipements d’impression en nombre et en taille,
- du volume de destruction du papier faisant doublon dans
les dossiers papier,
- de la manipulation des consommables,
- du traitement des consommables ;
»la non-constitution d’archives papier sauf pour les docu-
ments sur support papier venant de l’extérieur;
»la minimisation du nombre de dossiers cartonnés et de
cartons d’archives…
Le ROI, critère de choix
Les investissements relatifs aux gros projets doivent désor-
mais générer des gains valorisables et significatifs. Si la ou
les simulations, effectuées lors de l’élaboration du projet, ont
fait apparaître des estimations conséquentes, l’établissement
peut demander que l’offre de chaque candidat contienne des
objectifs de ROI documentés.
Dans le cadre des procédures de dialogue compétitif, le
ROI peut tout à fait faire l’objet d’un des sujets du dialogue,
afin que chaque candidat effectue des propositions en la
matière pour accompagner la solution exposée au cours
des réunions. L’élaboration du ROI par le fournisseur est
un argumentaire supplémentaire de choix de cette procé-
dure pour des projets complexes.
En revanche, dans le cadre de l’appel d’offres, l’obtention
d’objectifs de ROI documentés s’avère plus complexe car l’of-
fre, en la matière, dépend des spécifications du cahier des
charges et des questions du cadre de réponses rédigé par
l’établissement. Le cadre de réponses et/ou le règlement de
consultation devront être très explicites en la matière pour
obtenir une réponse concrète.
Vu les enjeux, le ROI peut devenir un sous-critère de choix
du critère prix/coûts lié aux questions/réponses du cadre de
réponses. Ce sous-critère fera l’objet d’une mention dans
l’avis d’appel public à la concurrence et dans le règlement de
consultation.
Le ROI, outil de gestion de projet
Le ROI peut s’appliquer globalement au niveau du processus
décisionnel de l’établissement pour aider à optimiser la gestion
budgétaire.
En revanche, au niveau de chaque grand projet ou projet stra-
tégique, le ROI n’est pas que du seul ressort de l’établissement,
mais bien une approche collective établissement/fournisseur.
La mise en œuvre d’un ROI contractuel amène le fournisseur
à recenser les informations et à effectuer les calculs à charge
pour l’établissement de fournir les informations relatives aux
gains, de contrôler la conformité des calculs, de payer la prime
de partage de gains au titulaire.
Le code des marchés publics (5) et le guide de bonnes pra-
tiques en matière de marchés publics (6) prévoient la possi-
bilité de moduler le prix grâce à l’utilisation de clauses inci-
tatives dans les marchés et, par extension, dans les
accords-cadres.
La clause d’incitation du code peut s’appliquer contractuelle-
ment selon un mécanisme, appelé « bonus/malus », qui consiste
à utiliser un mode de notation positive et négative lié au niveau
NOTES
(1) Terminologie utilisée
par le nouveau cahier des clauses
administratives générales,
arrêté du 16 septembre 2009,
JORF n°0240 du 16 octobre 2009,
p. 16972.
(2) La Mainh, la Mission nationale
d’expertises et d’audits hospitaliers
(Meah) et le GMSIH seront regroupés
au sein d’une nouvelle entité,
l’Agence nationale d’appui
à la performance des établissements
de santé et médico-sociaux »,
en principe d’ici le 1er janvier 2010
(loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009
art. 18 II, art. L. 6113-10 CSP).
(3) Guide à l’usage des
établissements de santé, Évaluation
du retour sur investissement des
systèmes d’information et guide
d’aide à l’investissement SIH 2 de la
Mainh, janvier 2008.
(4) Méthode de calcul du ROI
spécifiquement adaptée au ROI des
systèmes d’informations hospitaliers.
(5) Art. 17, al. 2 : « Des clauses
incitatives peuvent être insérées
dans les marchés aux fins
d’améliorer les délais d’exécution,
de rechercher une meilleure qualité
des prestations et de réduire
les coûts de production. »
(6) Circulaire du 29 décembre 2009
relative au guide de bonnes
pratiques en matière de marchés
publics 17.6. Le versement
de primes de réalisation anticipée :
«Il est recommandé aux acheteurs
publics de mettre en place de telles
primes, souvent plus efficaces que
des pénalités de retard. »
administratifs concernés par le projet
en tant que client interne (maîtrise
d’ouvrage), chefs de projet fonctionnel,
technique et organisationnel de la DSI,
bureau des marchés, acheteurs, ju-
ristes… Ce groupe a vocation à étudier
divers paramètres de logique d’achat en
les conjuguant afin d’élaborer un cahier
des charges opérationnel, économique,
financier, juridique…, viable et fiable.
Cette équipe doit disposer des compé-
tences pour établir une simulation du
ROI du futur projet, voire pour établir
une projection par scénario d’achat.
Les calculs du ROI reposent notamment
sur les penses entrant dans le coût glo-
bal du projet (investissement, exploita-
tion/maintenance, évolution, versibilité/
recyclage…), les recettes hospitalières
éventuelles liées au projet (comme pour
l’imagerie), les gains quantitatifs et quali-
tatifs entrant dans le cadre du retour à
l’équilibre financier mais aussi les com-
plémentaires au-delà de l’équilibre.
Des calculateurs ont été élaborés
comme celui de la Mainh ou celui d’Im-
pact Study, de Leader Health (4).
Ainsi, le ROI va pouvoir déterminer une
probabilité de gains parfois conséquents.
Un des domaines d’investissement les
plus significatifs est l’informatisation du
dossier patient dans son intégralité
(art. R 1112-2 CSP) comprenant au
moins les informations formalisées re-
cueillies (lors des consultations ex-
ternes dispensées dans l’établissement,
lors de l’accueil au service des urgences
ou au moment de l’admission, au cours
du séjour en établissement de santé) et
les informations formalisées établies à
la fin du séjour.
La gestion informatie du dossier patient
dans sa complétude a des incidences de
gains valorisables notamment sur :
»l’optimisation des bonnes pratiques
médicales ;
»la sécurité de l’accès au dossier et
à la traçabilité de l’origine des infor-
mations, les saisies et les consultations
de documents…;
»la réduction des éditions papier et
du transfert des documents papier au
sein de l’établissement entraînant la di-
minution :
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du respect des engagements. Le bonus/malus peut aussi inté-
grer des méthodes et les processus de calcul des ROI et leurs
impacts financiers dans les marchés et les accords-cadres. Une
telle clause s’insère dans le cahier des clauses administratives
particulres (CCAP), pour les aspects administratif et financier,
et se complète par des spécifications figurant au cahier des
clauses techniques particulières (CCTP) sans dérogation au
cahier des clauses administratives générales (CCAG) du fait
que le CCAG applicable aux techniques de l’information et de
la communication (TIC), ne pouvant prendre en compte que
les cas les plus utilisés au niveau des primes, à savoir les
« primes pour réalisation anticipée des prestations » (7), n’a pas
développé cette autre approche.
Le mode bonus/malus offre aux établissements la possibilité
de maîtriser le partage des gains obtenus. Ce mode s’établit
avec un certain nombre de règles :
»les gains ne sont que des gains directs mesurables qu’il
faut lister ;
»les gains ne sont pas des gains qui auraient être faits
même s’il n’y avait pas eu de projet ; à ce titre, un seuil de
non-gain est identifié dans les documents contractuels : entre
10 et 30 % de gains initiaux non partagés avec le titulaire ;
»l’inventaire de la valorisation s’effectue avant le commen-
cement du projet (ex ante) et après sa réalisation (ex post) ;
»la part pouvant être attribuée au titulaire est fonction du
projet entre 10 à 30 % ; ainsi, en système de gestion de la-
boratoire, les gains étant plus près de 30 % et en dossier
patient complet plus proche des 10 % vu l’ampleur des gains
possibles ;
»le partage de gain est limité à un pourcentage du montant
commandé au fournisseur de l’investissement entre 5 et 20 %
selon les projets ;
»la mesure du ROI s’effectue de préférence à la fin du projet ;
»le paiement de la prime de partage de gain s’effectue au
moment du solde du marché ou, en cas d’accord-cadre, du
solde du dernier marché ;
»le partage des gains se compense avec les pénalités et les
indemnités : pénalités de retard, de non-respect du seuil de
qualité, d’indisponibilité… ;
»les gains non réalisés du fait de l’établissement doivent
être considérés à la fin du contrat comme un gain pour ne
pas défavoriser le titulaire s’il mérite une prime ;
»les méthodes, mode de calculs et outils de calcul doivent
être simples à utiliser.
Le niveau d’insertion contractuelle des spécifications et des
modalités d’application du ROI est formalisé, par l’équipe
acheteuse, dans les documents constitutifs du marché ou de
l’accord-cadre fonction du processus d’achat :
»spécifications détaillées du ROI dans le cahier des charges :
le ROI est défini au niveau du cahier des charges (méthodo-
logie, indicateurs, mode de calcul, référence à l’outil de calcul
à utiliser, règles du bonus/malus), avec des questions au cadre
de réponses afin que chaque candidat fasse des propositions
de gains et de délais de réalisation par rapport au planning
prévisionnel de déploiement de sa solution, accompagnées
d’un argumentaire et de préconisations;
»spécifications générales du ROI dans le cahier des charges :
le cahier des charges finit les règles et
le périmètre de façon générale (y com-
pris les modalités juridiques de paiement
des bonus et de recouvrement des malus
dans le CCAP) et propose à chaque can-
didat de fournir dans le cadre de ré-
ponses les indicateurs mesurables avec
un taux de risques associés, les prérequis
d’information à fournir par l’établisse-
ment, l’outil propo avec les informa-
tions saisies et les résultats de gains pro-
posés avec leur planification, leurs
argumentaires et les préconisations ba-
sés sur le retour d’expérience opération-
nelle du candidat… ;
»prestation commandable de ROI inté-
gré au marché : le cahier des charges ne
finit pas le ROI mais spécifie les pres-
tations de suivi de projet ou de maîtrise
d’œuvre intégrant la conception, la mise
en œuvre et la mise à jour du ROI.
Le ROI, outil contractuel, s’utilise en liai-
son avec le processus de gestion des
risques du cahier des charges. En effet,
si, en fonction du planning prévisionnel,
le ROI n’était pas aux rendez-vous, le
processus de gestion des risques doit
s’activer afin que le fournisseur puisse
faire des préconisations opérationnelles
sans supplément de budget pour rétablir
le bon déroulement.
Ainsi, le candidat devenu titulaire se verrait
fortement sanctionné si les gains mention-
nés dans son offre n’étaient pas atteints,
surtout si les critères de choix intégraient
le ROI comme sous-critère prix.
Le ROI devient une composante incon-
tournable des bonnes pratiques de
l’achat hospitalier de techniques de l’in-
formation et de la communication.
NOTE
(7) Cahier des clauses
administratives générales
applicables aux marchés publics de
techniques de l’information et de la
communication (CCAG-TIC),
art. 15 - Primes pour réalisation
anticipée des prestations.
Didier Adda est l’auteur
de nombreux articles dans la presse
en matière d’achats
hospitaliers, de marchés publics
et accords-cadres et de contrats
et marchés de maintenance,
de propriété intellectuelle…
Il est coauteur, avec Mike Sissung,
de Contrats et marchés
de maintenance d’immeubles,
paru aux éditions du Moniteur
en octobre 2007.
«Le ROI est une composante
incontournable
des bonnes pratiques de l’achat
hospitalier de techniques
de l’information
et de la communication.
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