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Jérôme CAPIROSSI - octobre 2006
Organiser le changement
L’organisation des entreprises est influencée par des théories et des idées qui proposent une
caractérisation des principaux leviers d’évolution. Parmi celles-ci, les courants ci-dessous sont
des repères fréquemment utilisés :
La théorie des coûts de transactions sur la base des travaux de Coase, Williamson et d’Aoki
analyse la firme comme étant un nœud de contrats dont le comportement est guidé par la
recherche de l’efficience des coûts de transactions.
La théorie de l’agence à laquelle ont contribué Alchian et Demetz analyse les mécanismes
de collaboration de la firme. « une relation d’agence est une relation par laquelle une ou
plusieurs personnes (le principal) engage une autre personne (l’agent) pour exécuter en son
nom une tâche quelconque qui implique une délégation d’un certain pouvoir de décision à
l’agent » [Meckling 1976]. Cette théorie englobe les questions organisationnelles
auxquelles doivent répondre les firmes.
La forme U et la forme M issue des travaux de Chandler qui définissent d’une part une
forme unitaire (U) issue de la division du travail au sein des fonctions de gestion (direction
générale, direction des ressources humaines, direction administrative et financières,…), et
d’autre la forme multidivisionnelle (M) qui résulte d’une évolution de la forme précédente
vers un ensemble de divisions décentralisées.
H Minzberg a étudié les déterminants internes des organisations : les invariants de structures,
les modes de coordination, les paramètres de conception et les facteurs de contingence. La
combinaison de ces variables permet de classifier et de qualifier les différentes organisations en
oeuvre dans les entreprises.
Parmi les sujets d’études actuels, le lien entre organisation et performance de la firme, est en
bonne place.
Les structures organisationnelles classiques aboutissent à la création de silos qui freinent la
diffusion des savoir-faire et la réalisation d’économies d’échelles. Les structures matricielles
semblent plus favorables à la mutualisation des ressources et des savoirs.
Cependant elles sont critiquées. Pour Bartlett et Ghoshal, les structures matricielles engendrent
conflits et confusion : la multiplication des lignes hiérarchiques rend difficile la cohérence des
informations, pendant que la prolifération des comités et du reporting ont un effet
d’embourbement. Enfin, le recouvrement des responsabilités produit des oppositions et une
déresponsabilisation.
A la lumière d’exemples récents, tel celui de Philips qui a abandonné sa structure matricielle
pour une coordination plus directe, mais plus souple, on peut affirmer que l’organisation en soi
n’est pas le terminant principal de la performance de l’entreprise. Gerard Ruizendaal,
directeur de la stratégie de Philips, indique que « mettre en œuvre une nouvelle organisation
c’est également créer de nouveaux problèmes ».
A contrario, lorsque les entreprises font face à des problèmes importants, la réorganisation est
un signal fort qui permet d’entreprendre un changement radical.
Ainsi, avec les variables de la culture et des jeux d’acteurs, l’organisation n’est qu’une des
variables du changement. De plus en plus de chefs d’entreprise préfèrent une évolution
progressive de l’organisation, à la recherche d’un équilibre avec les mesures agissant sur les
autres variables.
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Figure 1 Formes d'organisations d'entreprises
Pour s’adapter à l’instabilité permanente, certaines entreprises cherchent à mettre en œuvre des
mécanismes d’ajustement continu qui permettent de prendre en compte, en temps quasi réel, les
signaux des marchés et des clients.
C’est la notion d’entreprise agile qui possède un pouvoir d’adaptation élevé. Ceci vaut autant
pour les grandes entreprises que pour les PME.
On parle de fédération d’entreprises, de réseau, de clan, de mode organique. Ces nouveaux
modes d’organisation l’interne et l’externe se distinguent de moins en moins, reposent sur la
capacité des entreprises à gérer une grande diversité de relations contractuelles.
Le réseau Internet grâce à son taux de pénétration et à la simplicité des technologies sur
lesquelles il repose, a constitué un accélérateur pour la diffusion de ces organisations, car il
permet :
l’abaissement des barrières à la constitution de communauté d’affaires, en diminuant le coût
des investissements technologiques
l’établissement plus aisé des contrats, même à distance
un suivi plus aisé de ces contrats grâce aux outils de travail de groupe
la perception de l’entreprise et de son environnement à distance, car Internet est aussi un
puissant médium de communication
L’établissement de contrats à distance aboutit à la formation de réseaux d’entreprises dont la
coopération non institutionnalisée n’en est pas moins réelle.
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Figure 2 Projet GrecoPME modélisant la trajectoire de la constitution d'un groupement de PME en réseau
Le projet GrecoPME a étudié la modélisation des trajectoires de constitutions de telles réseaux
afin d’en identifier les structures et les facteurs de succès.
A travers le monde des entreprises comme Nike, Cisco ont poussé une telle organisation par
delà les frontières. On parle alors d’entreprise virtuelle : « Un consortium temporaire de
partenaires, réalisant une activité à valeur ajoutée, établi dans l'objectif de livrer des produits
ou des services à un client. Le cycle de vie d'une entreprise virtuelle est restreint : elle est créée
à partir d'un réseau de partenaires pour une tâche définie et elle est dissoute à
l'accomplissement de celle-ci. » (Voster projet)
Les consommateurs sont également les collaborateurs de ces entreprises. Parmi ceux-ci, on
distingue les travailleurs du savoir.
A la différence de la conception classique du travail, telle la bureaucratie mécaniste théorisée
par Max Weber, basée sur une relation de subordination avec un contrôle hiérarchique étroit,
légitimée par la hiérarchie des fonctions, ce nouveau mode de travail répond, selon P Drucker,
aux caractéristiques suivantes :
La définition et la réalisation de la tâche appartiennent au travailleur du savoir.
Celui-ci étant responsable de sa productivité, il doit posséder une certaine autonomie.
L'innovation permanente est une partie intégrante de son travail, de sa mission et de ses
responsabilités
L'apprentissage continu et l'enseignement permanent font aussi partie intégrante de son
travail.
La qualité de son travail est au moins aussi importante que sa quantité.
Le travailleur du savoir est un « actif » et non un « coût » pour son organisation.
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Finalement, ces nouveaux travailleurs attendent de la firme qu’elle définisse un cadre de
management qui pose des repères culturels, identitaires et sociaux non seulement pour le
personnel de l’entreprise, mais également pour les autres parties prenantes : clients,
fournisseurs, partenaires, actionnaires.
C’est une des raisons de la nouvelle importance du management durable qui, outre la notion de
profit, répond à des considérations éthiques.
Pour répondre à ces enjeux, les entreprises identifient les actifs humains spécifiques qui fondent
leur identité et les compétences propres qui contribuent à leur existence et à leur réussite. A la
différence des autres collaborateurs dont les compétences sont substituables, ces actifs humains
spécifiques doivent faire l’objet d’une politique de gestion des ressources humaines à long
terme.
La gestion des actifs humains spécifiques pose également de nouvelles questions aux managers
d’entreprises. Notamment, les questions de la diversité des cadres contractuels dans lequel
s’inscrit leurs relations de travail, de la diversité de leurs origines géographiques, de la mobilité
de leur lieu de travail, de la diversité de leur temps de travail.
Enfin, la productivité de ces nouveaux travailleurs dépend également de l’évolution des
organisations du travail notamment en mettant en œuvre des processus et des systèmes de
gestion des connaissances et des savoirs.
L’entreprise doit dépasser les silos cloisonnés résultant de la différenciation des tâches
pour trouver des modes d’organisation plus souples, adaptés à la productivité des
travailleurs du savoir.
Les organisations matricielles qui se superposent sur les hiérarchies traditionnelles
semblent duisantes, mais aboutissent parfois à créer des tensions qui vont à l’encontre
des objectifs poursuivis.
Le remodelage organisationnel ne doit pas être considéré comme un levier isolé, mais relié
aux aspects culturels et aux jeux des acteurs de l’entreprise.
Finalement, la gestion de la diversité des relations contractuelles est un enjeu important
des entreprises modernes.
Piloter le changement
Dans les années 1980, la conduite du changement s’appuyait sur des méthodes radicales comme
le Business Process Reegineering. L’objectif était de transformer l’entreprise en alignant
l’organisation fonctionnelle sur les processus au moyen de structures matricielles. La volonté
était d’agir rapidement afin d’obtenir un avantage stratégique déterminant par rapport aux
concurrents.
Cette démarche a rencontré de nombreux échecs. Bien que les fondements théoriques apportent
des idées intéressantes, les difficultés les plus fortement perçues sont liées à la planification et
au pilotage du changement, à l’informatique, à l’identification des processus.
Les entreprises recherchent des méthodes progressives et globales qui coordonnent à la fois les
aspects organisationnels, culturels et sociaux. La mise en oeuvre d’une approche constructiviste
permet de coordonner le projet de changement avec une démarche d’apprentissage
organisationnel.
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Figure 3 Projets de gestion du changement (P BESSON, C MAHEU – AIMS 2002)
« Le programme de Siemens Nixdorf a mobilisé des milliers de salariés dans le rôle de
coproducteurs de la nouvelle culture de l’entreprise aux côtés des cadres. Ce programme a été
rythmé par quatre réunions convoquées à Hanovre entre décembre 1994 et octobre 1996,
auxquelles ont assisté à chaque fois entre 300 et 400 salariés différents ».(Mark C Maletz).
Les sujets des réunions étaient : la voix des salariés, la voix des clients, la voix des partenaires,
institutionnaliser la capacité de changement.
Le succès d’une telle démarche repose sur la capacité de l’entreprise à organiser et à gérer des
projets, mais aussi les compétences. Il passe par la mise en œuvre d’une politique de gestion des
connaissances et du capital humain.
La capacité à gérer des projets donne accès à un outil de développement et d’extension de
l’activité, qui participe de la transformation des entreprises, notamment lorsque cette
transformation elle-même est l’objet du projet.
La norme X50-105 de l’Afnor définit un projet comme «une démarche spécifique qui permet de
structurer méthodiquement et progressivement une réalité à venir».
L’organisation de projet se juxtapose à l’organisation existante sans nécessairement la perturber.
Lorsque l’artefact du projet est réalisé, l’entreprise se l’approprie et met en œuvre les techniques
de gestion de changement. Lorsque le changement est brutal, et que l’organisation existante n’a
pas été assez impliquée dans le projet, la résistance au changement peut déboucher sur un rejet.
A cette vision de l’entreprise perçue comme un système dont on gère les configurations et qui se
transforme par palier au fur et à mesure des projets, se substitue le concept d’entreprise
apprenante où l’organisation existante est impliquée dans les projets.
Figure 4 Les types de projet (Midler ECOSIP)
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