L’atteinte cognitive ou intellectuelle est souvent très conséquente. Elle associe, à des
degrés divers, des difficultés mnésiques, des troubles de l’attention et de la concentration,
des difficultés de planification et d’organisation, des troubles du raisonnement. Le
diagnostic n’est pas toujours aisé et nécessite parfois une analyse fine, voire une mise en
situation notamment professionnelle. Les troubles du comportement vont d’une apathie
extrême à des troubles des conduites sociales par désinhibition qui peuvent exister chez
le même patient. Les séquelles intellectuelles et comportementales constituent un frein
considérable à la réinsertion familiale, professionnelle et sociale de la personne. Elles
génèrent un handicap « invisible », difficile à appréhender pour l’entourage et souvent
nié par la personne, en raison notamment du phénomène d’anosognosie. Pour la
personne traumatisée cranio-cérébrale et son entourage, la prise de conscience de la
situation de handicap est longue et douloureuse, et la demande d’aide peut se trouver de
ce fait très différée. La prise en charge s’inscrit donc dans la durée et doit être assurée par
une équipe multidisciplinaire, formée aux spécificités de cette pathologie. »
On voit donc, à travers cette description, la difficulté fréquente d’appréhender les
séquelles du fait du handicap invisible mais également l’inscription dans la durée, parfois
la vie entière, de la prise en charge avec nécessité d’adaptation du projet au cours de la
vie.
Une majorité des victimes de traumatisme crânien obtient, par une indemnisation,
la réparation du dommage corporel. Ce qui implique d’appréhender, de façon la plus
juste et la plus fine, l’étendue de ce dommage et de l’inscrire dans un parcours et une
durée. Autant de spécificités dont l’enjeu est majeur pour ces victimes.
Avant de voir quelles sont les applications de l’évaluation en vie quotidienne des
troubles neuropsychologiques dans le cadre de la réparation du dommage corporel, nous
rappellerons d’abord quelles sont les classifications des maladies et du handicap qui ont
été prônées par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et qui ont profondément
modifié la manière d’appréhender les séquelles et leurs conséquences, puis nous rappel-
lerons également succinctement dans quel contexte juridique se situe l’évaluation
médico-légale du dommage corporel.
Classifications proposées par l’OMS
En 1980, la classification internationale du handicap (CIDH) retenue par l’Organisation
mondiale de la santé reposait sur le modèle linéaire de WOOD. Le point de départ était
la maladie ou la lésion qui entraînait une déficience, c’est-à-dire une perte de structure
ou de fonction. Cette déficience était à l’origine d’une incapacité, c’est-à-dire de « la
réduction partielle ou totale de la capacité à accomplir une activité, d’une façon ou dans
les limites de la normale pour un être humain ». Enfin, l’incapacité avait pour consé-
quence un handicap ou désavantage, soit une « limitation ou réduction d’un rôle social
normal, c’est-à-dire en rapport avec l’âge, le sexe, les facteurs sociaux et culturels »… Par
exemple, une lésion de la frontale ascendante entraîne comme déficience une hémi-
plégie, comme incapacité la marche, la préhension et comme désavantage une dépen-
dance partielle pour les actes de la vie quotidienne et une impossibilité d’assumer
certains postes de travail.
146 Évaluation des troubles neuropsychologiques en vie quotidienne