Le rôLe de L`expert-comptabLe dans La prévention de confLits d

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Au d it e n gé né ral
c l a u d e b a i lly - m a s s o n
Le rôle de l’expert-comptable dans la
prévention de conflits d’intérêts généraux
Enjeux et conditions
L’expert-comptable joue un rôle primordial dans la prévention des conflits d’intérêts
généraux. Il permet une saine gouvernance qui tient compte des aspirations des différentes parties prenantes.
1. Introduction
Si les ressources sont utilisées avec efficacité pour assurer le
développement économique et social de l’organisation tout
en ménageant autant que faire se peut l’environnement, on
ne verra pas naître de conflits d’intérêts majeurs.
Au contraire, si les ressources sont utilisées dans des desseins particuliers, ce qui ne correspond pas à l’intérêt à
moyen ou à long terme de l’organisation, des conflits d’intérêts risquent fort de s’introduire au sein de l’organisation, ce
qui peut lui nuire gravement, même à court terme. L’expertcomptable, par son conseil bienveillant et avisé, permet de
mieux en mieux d’appréhender les ressources financières,
humaines et techniques que l’organisation développe afin de
répondre aux attentes des partenaires (stakeholders). Par
une information sincère et transparente, les conflits d’intérêts peuvent être jugulés. L’expert-comptable a également un
rôle de communication externe de plus en plus important.
2. Le rôle de l’expert-comptable pour
une saine gouvernance
Une bonne gouvernance permet de limiter les conflits d’intérêts généraux. Ceux-ci opposent le plus souvent dirigeants
et actionnaires, dirigeants et salariés, stakeholders et shareholders. Ils entraînent des pertes d’énergie et d’efficacité
pour l’entreprise et ont un coût non négligeable!
2.1 Gestion des conflits d’intérêts actionnaires-dirigeants: des intérêts parfois divergents. Le comportement
éthique en matière de gestion comptable et financière apparaît donc difficile, voire subtil: il faut à la fois assurer la péren-
claude bailly-masson,
enseignant chercheur
nité de l’entreprise et satisfaire la demande d’une certaine
façon légitime des actionnaires qui veulent obtenir les fruits
de leurs investissements.
Le dilemme suivant apparaît donc: faut-il privilégier la
rentabilité financière au détriment de la rentabilité économique ou bien faut-il privilégier la rentabilité économique et
faire fi des demandes en matière de rentabilité financière
des actionnaires de l’entreprise?
Un management éthique et responsable en matière de gestion financière se voit dans l’obligation de tenir compte de la
volonté des actionnaires qui ont une vision en général plus à
court terme. On voit l’influence de la corporate governance.
Selon Gérard Charreaux (1997), la théorie de la gouvernance
d’entreprise étudie «l’ensemble des mécanismes qui ont pour
effet de limiter le pouvoir et d’influencer les décisions du
dirigeant», notamment au plan financier.
Si elle emprunte à toutes les théories contractuelles con­
nues, c’est à la théorie de l’agence qu’elle doit le plus. C’est
ainsi que la théorie de la gouvernance d’entreprise s’est
d’abord focalisée sur la relation entre l’actionnaire et le dirigeant. Elle s’est ensuite développée en élargissant l’analyse à
l’ensemble des parties prenantes.
De ce point de vue, on peut notamment citer les fonds de
pension qui sont devenus très actifs et ont exigé de plus en
plus de transparence, notamment au plan financier; les actionnaires ont demandé que leur soient expliquées et justifiées les mesures concernant la valorisation du titre (p. ex. ce
qui touche les pratiques anti OPA, les limitations des droits
de vote ou les votes doubles, les rémunérations jugées parfois excessives des dirigeants ou encore la pratique des stock
options). La gouvernance d’entreprise a donc peu à peu mis
fin aux pleins pouvoirs de l’exécutif.
Des intérêts divergents peuvent également apparaître
entre dirigeants et salariés.
à l’esdes, université
catholique de lyon,
responsable de
la formation à
l’expertise comptable,
lyon/f
10 | 2013 L’ e x p e r t - c o m p ta b l e s u i s s e
2.2 Dirigeants et salariés: des points de vue parfois antagonistes. Le bilan social est un document d’aide précieux
pour limiter les conflits d’intérêts généraux; il permet de
mettre en évidence la politique sociale de l’entreprise et la
gestion prévisionnelle de l’emploi. Le bilan social est un document de synthèse et d’évaluation spécifique.
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Au d it e n gé né ral
Le r ô le d e l’e x p e rt-c o m ptab le dan s la p réve nti o n d e c o n f lits d’i nté rêts gé né rau x
Le bilan social, document très détaillé au plan social, donne
aux utilisateurs les moyens d’évaluer les résultats de la direction, notamment en ce qui concerne la gestion du personnel,
et d’estimer le potentiel de l’entité. Le bilan social va comporter des messages financiers comptables regroupés en
plusieurs chapitres: emploi, rémunération, conditions d’hygiène et de sécurité, autres conditions de travail, formation,
relations professionnelles, conditions de vie des salariés et de
leurs familles dans la mesure où ces conditions dépendent de
l’entité. Il s’agit de données chiffrées essentiellement statistiques; cependant, certaines peuvent être obtenues à l’aide
de la comptabilité.
Ce bilan social ne constitue une obligation légale que dans
de rares pays. Sont tenues d’établir en France annuellement
un bilan social les entreprises soumises à l’obligation d’instituer un comité d’entreprise et occupant habituellement
plus de 300 salariés. Sa diffusion est limitée au comité d’entreprise, aux syndicats, aux salariés et aux actionnaires dans
les sociétés par actions [1].
Les commissaires aux comptes français doivent vérifier la
sincérité de ce document.
Même pour les entreprises qui n’ont pas l’obligation d’établir un bilan social, cet outil peut permettre de donner une
image assez fidèle de la situation de l’entreprise en matière
sociale au plan quantitatif mais également, dans une certaine mesure, au plan qualitatif. Ce bilan doit être complété
par un audit social et environnemental.
On observe également une logique différente entre stakeholders et shareholders [2].
2.3 Shareholders et stakeholders: une logique différente,
des modèles peu comparables. Dans un système orienté
vers les stakeholders, il y a une influence globale restreinte
des actionnaires grâce au système de la cogestion et à l’influence des banques; l’actionnariat demeure concentré et est
rarement renouvelé et il y a une faible protection des actionnaires minoritaires. En revanche, on observe une réelle influence des salariés, le modèle de la cogestion effectuant les
bons arbitrages entre le capital et le travail. De plus, les salariés sont souvent présents au sein du conseil de surveillance.
On remarque l’influence du secteur bancaire comme stakeholder puissant. Il y a prédominance du crédit bancaire dans
un modèle stakeholder. Le contrôle interne du management
est mené par les stakeholders; les obligations d’information
du public semblent moins strictes. L’organisation interne du
management correspond à un modèle dual avec séparation
entre le directoire et le conseil de surveillance. En ce qui
concerne les rémunérations des managers, on limite les incitations pécuniaires trop fortes.
Dans le modèle orienté stakeholders, on observe une volonté de mettre en place une stratégie de long terme et une
politique d’expansion fondée sur l’activité. Il y a une faible
capitalisation boursière. Le conseil prodigué par l’expertcomptable respectant les différentes parties prenantes permet donc une saine gouvernance et ainsi l’évitement de
conflits d’intérêts généraux; cela demeure possible grâce à
une information pertinente globale et détaillée mise en place
par le contrôle de gestion lui-même.
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3. Les demandes d’information
à l’expert-comptable
L’analyse de l'expert-comptable pour la prévention des con­
flits d’intérêts généraux s’appuie sur des données financières
et des données non financières.
3.1 Les variables financières. Pour désamorcer des conflits
d’intérêts généraux, il convient de mesurer avec pertinence
la performance économique financière et sociale de l’entreprise. Les différentes approches de la mesure de la performance s’appuient sur les comptes sociaux permettant ainsi
d’éviter la naissance de conflits d’intérêts. Les approches de
la mesure de la performance fondées sur le compte de résultat sont les plus répandues.
Le compte de résultat fait apparaître le résultat de l’entreprise (bénéfice ou perte). Il peut se subdiviser en résultat
d’exploitation, résultat financier, résultat exceptionnel. Ce
résultat est global et, pour avoir une analyse quantitative de
l’activité, on a l’habitude de dégager les soldes intermédiaires de gestion.
La valeur ajoutée (VA) (marge commerciale + production de
l’exercice – consommation en provenance des tiers) représente la richesse créée par l’entreprise du fait de ses opérations d’exploitation. Elle mesure le «poids économique» de
l’entreprise et constitue le critère de taille le plus pertinent [3].
Il faut mettre en place une bonne politique de la répartition
de la valeur ajoutée pour éviter la naissance de conflits d'intérêts généraux.
L’excédent brut d’exploitation – EBE – (VA + subventions
d’équipement – impôts et taxes – charges de personnel) est
ce qui reste de la VA après règlement des impôts et des
charges de personnel. L’EBE est donc la ressource qu’obtient
l’entreprise du seul fait de ses opérations d’exploitation. En
effet, I’EBE est indépendant du mode de financement et des
modalités d’amortissement des produits et charges hors
exploitation. Il constitue de ce fait un bon critère de performance industrielle et commerciale de l’entreprise [4].
Le résultat d’exploitation obtenu après déduction des
amortissements et des provisions d’exploitation représente
la ressource nette dégagée par la totalité des opérations
d’exploitation. Il tient compte de l’investissement indispensable pour l’entreprise. Le résultat courant avant impôt mesure quant à lui la performance de l’activité économique et
financière de l’entreprise. Le résultat de l’exercice représente
le revenu qui revient aux associés. C’est à partir du résultat
de l’exercice qu’est calculée la rentabilité des capitaux pro­
pres, critère de performance souvent retenu par les associés.
La capacité d’autofinancement (CAF) représente la ressource
dégagée au cours de l’exercice par l’ensemble des opérations
de gestion. Elle est égale aux produits encaissables (sauf produits des cessions) moins les charges décaissables. Comme
son nom l’indique, la CAF détermine les possibilités d’autofinancement de l’entreprise. L’autofinancement est en effet
égal à la CAF moins les dividendes (n-1) versés en n. Plus la
CAF est élevée, plus les possibilités financières de l’entreprise
sont grandes. On se trouve face à un critère de performance
financière. La CAF ne mesure qu’une potentialité; elle n’est
pas une ressource de trésorerie effective. Le flux net de tréso-
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rerie est beaucoup plus apprécié par le monde de l’entreprise
et de la finance.
Pour approcher tant la performance économique que financière de l’entreprise, le compte de résultat ne suffit pas;
il est également nécessaire de s’appuyer sur le bilan de
l’entreprise.
3.2 Les variables moins financières. Il convient de mesurer
l’efficacité du processus productif par le ratio:
valeur ajoutée/valeur brute des immobilisations d’exploitation.
Il paraît également intéressant d’apprécier la contribution de
la sous-traitance à la production par le ratio:
sous-traitance/production de l’exercice.
Une mesure de la performance sociale paraît également indispensable. Dresser le bilan social demeure important
(structure des effectifs, absentéisme, etc.).
Il convient également de mesurer les efforts de formation
interne et externe par le ratio:
montant formation/masse salariale.
De façon un peu globale, le rendement apparent de la main
d’œuvre peut être déterminé par le ratio:
VA/effectif moyen.
Pour finir, une analyse de la performance de l’organisation
de l’entreprise s’impose (choix de la bonne structure d’organisation, structure fonctionnelle, structure multidimensionnelle ou matricielle, structure par projet, etc.).
3.3 Les variables plus qualitatives, moins quantitatives.
L’approche fondée sur l’analyse des variables moins quanti­
tatives s’appuie largement sur les analyses concurrentielle,
technique et organisationnelle.
 Analyse concurrentielle: les choix stratégiques entraînent parfois des conflits d’intérêts graves. Comment justifier devant
le personnel la cession d’une activité rentable entraînant des
licenciements importants pour des questions de rajeunissement de son portefeuille d’activités et de sa matrice BCG (Boston consulting group).
 Analyse technique: elle s’appuie sur une analyse des portefeuilles de technologies. Il faut étudier les cycles de vie des
différentes technologies. Il faut savoir si l’avantage technologique est protégeable à moyen, voire à long terme, par le truchement de dépôts de brevets.
 Analyse organisationnelle: pour finir, une analyse de la performance de l’organisation de l’entreprise s’impose (choix de
la bonne structure d’organisation, structure fonctionnelle,
structure multidimensionnelle ou matricielle, structure par
projet). Si l’expert-comptable met en place une information
pertinente pour les différents partenaires, il communique
vers l’extérieur les informations importantes.
4. L’expert-comptable et la communication
vers les différents partenaires
L’expert-comptable assure une bonne communication en
assurant la coordination et le contrôle des informations notamment issues de la comptabilité générale mais également
de la comptabilité de gestion.
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4.1 Le paradoxe communication-contrôle: efficacité et
coordination. Les conflits d’intérêts généraux naissent souvent d’une mauvaise information et d’une mauvaise coordination au sein de l’organisation. Le contrôle de gestion joue
un rôle fondamental en matière de coordination des activités car il mène une large réflexion au niveau des différents
processus!
Une bonne information, une bonne communication horizontale et une bonne communication verticale permettent
d’éviter autant que faire se peut les conflits d’intérêts gé­
néraux liés à une mauvaise compréhension des parties
prenantes.
4.2 L’expert-comptable, acteur en faveur de la communication interne. L’expertise-comptable, outil de communication interne, se fonde en premier lieu sur des indicateurs
financiers. Les approches de la mesure de la performance
s’appuyant également sur le bilan de l’entreprise, il paraît
indispensable de juger la performance des moyens d’exploitation. On peut faire appel au ratio: VA/équipement productif
moyen.
Il faut également apprécier la rentabilité économique de
l’entreprise: rentabilité économique = EBE (excédent brut
d’exploitation) / (immobilisations brutes d’exploitation +
BFRE) (BFRE besoin en fonds de roulement d’exploitation).
On peut admettre des conceptions plus larges:
résultat économique = EBE/capital économique ou
résultat économique = résultat d’exploitation/capital écono­mique.
On peut mettre en évidence la rentabilité financière en divisant le résultat net par les capitaux propres. La rentabilité
financière correspond à la logique de l’actionnaire qui attend
un ROI (return on investment) à court terme. La rentabilité
économique correspond à la logique du chef d’entreprise qui
se place plutôt à long terme car il veut assurer la pérennité de
l’entreprise. Il y a là toutefois un conflit général d’intérêts!
On peut également exprimer la rentabilité des ressources
durables par le ratio: résultat net + intérêts des dettes financières/capitaux propres + dettes financières.
La performance de l’entreprise notamment sur le plan financier oblige à maintenir certains équilibres. Il faut notamment qu’il n’y ait pas de dérive du besoin en fonds de roulement
(BFR). Le BFR doit normalement augmenter au même rythme
que le chiffre d’affaires (CA). Il faut surveiller dans le temps le
ratio BFR/CA. Une dérive du BFR peut avoir des conséquences
sur la trésorerie (TRE) puisque TRE = FR - BFR (FR fonds de
roulement).
Il est préférable d’appréhender la performance de l’entreprise au moyen du flux net de trésorerie et d’utiliser les tableaux de flux de trésorerie qui montrent comment ce dernier
est secrété.
Le processus de normalisation influence la performance
affichée. Aux États-unis, l’accent est mis sur les besoins d’investissement, sur l’approche de la performance boursière. En
France et en Suisse, l’approche demeure davantage macroéconomique. L’approche de la performance est plus globale.
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Parmi les notions de résultat d’exploitation, de valeur ajoutée,
de flux net de trésorerie, ce dernier paraît le moins entaché
par la vision sous-jacente du processus de normalisation.
On s’aperçoit donc que, classiquement, on appréhende la
performance de l’entreprise en s’appuyant sur les comptes
sociaux. Il faut mesurer la performance économique et financière. Mais cette mesure demeure globale. Il conviendrait de
distinguer la performance par produits par activités. Cette
mesure demeure au plan quantitatif et n’apporte pas assez
une analyse qualitative de l’activité. Pour éviter les conflits
d’intérêts généraux, l’expert-comptable recueille des informations issues de la comptabilité financière mais également
issues de la comptabilité de gestion.
4.3 Méthode de calcul des coûts. L’approche de la performance se fait en premier lieu par la comptabilité analytique.
Il convient de pouvoir connaître la performance produit par
produit, activité par activité.
La comptabilité analytique ouvre un champ d’investigation important. On peut utiliser la méthode des charges variables et charges fixes dans une logique de court terme.
Dans une logique à moyen ou à long terme, on peut utiliser
la méthode des coûts complets qui permet de distinguer les
charges directes et les charges indirectes. On peut alors découper l’entreprise en centres d’analyse et mesurer l’activité
en distinguant les différents centres et pouvoir ainsi faire
des choix opportuns en termes de performance. On effectue
une analyse des différents niveaux de coûts (achats, production, distribution). On peut également faire appel à la méthode des coûts partiels. Il faut mettre en évidence les coûts
variables, les coûts fixes, le seuil de rentabilité.
Le choix de la méthode n’est pas neutre en termes de politique industrielle et peut être à l’origine de conflits généraux
d’intérêts! Là encore, on peut raisonner activité par activité,
produit par produit, ce qui paraît indispensable pour mesurer la performance de l’entreprise. Les tableaux de bord sont
un bon complément d'analyse pour l'expert-comptable.
 Tableau de bord opérationnel: les tableaux de bord opérationnels permettent le suivi des objectifs fixés notamment au
plan stratégique.
 Tableau de bord prospectif: pour compléter l’approche comptable classique en matière d’évaluation de la responsabilité
sociale des entreprises qui demeure souvent assez statique, il
faut s’aider de tableaux de bord spécialement aménagés pour
transcrire une approche plus dynamique, plus prospective,
moins globale et plus détaillée. Le tableau de bord peut quant
à lui refléter la dimension humaine des organisations. Ces
tableaux de bord prospectifs peuvent désamorcer des conflits
relatifs à l’avenir de l’entreprise.
Dans de nombreuses grandes entreprises se développe un
pilotage social de l’organisation, c’est-à-dire un système d’information pour mieux gérer les ressources humaines au plan
quantitatif mais également qualitatif. D’après B. Martory en
1999, le pilotage social consiste à fixer des cibles sociales et
économiques à atteindre à court terme (un mois) et à moyen
terme (un à trois ans) et à réguler les écarts enregistrés par
des actions ou des modifications des cibles.
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Ainsi, selon Sabine Separi,
«pour ce pilotage social, il est possible de construire un système
d’information pour un contrôle de gestion sociale à l’image du
contrôle de gestion; il s’agit alors de concevoir un tableau de bord
comprenant des indicateurs pour suivre les salariés, leurs performances, les coûts, pour faire des analyses d’écarts sur budget, de
frais de personnel, des analyses de coûts sociaux cachés, des analyses d’évaluation des performances.» [5]
En matière d’analyse stratégique aux plans social, sociétal et
environnemental, on peut utiliser les tableaux de bord de
Kaplan et Norton qui comportent trois axes d’analyse: un axe
clientèle, un axe financier et un axe stratégique.
Si l’expert-comptable permet de recueillir des informations pertinentes, il permet également, toujours dans le souci
«Dans la négociation avec
les partenaires, le poids des investissements à mener doit être mesuré
à sa juste valeur pour éviter des conflits
d’intérêts généraux.»
d’éviter des conflits d’intérêts généraux, une communication externe fort utile pour l’entreprise.
5. L’expert-comptable, acteur en faveur
d’une communication externe
L’expert-comptable apporte ses éclaircissements au plan financier, au plan de la création de valeur en se plaçant même
parfois également du côté de l’actionnaire. Il apporte des informations qui peuvent désamorcer les conflits d’intérêts en
analysant correctement l’évolution de la performance de
l’entreprise.
5.1 Les informations relatives à la performance financière. La mesure de la performance de l’entreprise par le flux
net de trésorerie demeure importante notamment en termes
de communication externe.
Le flux net de trésorerie apparaît de plus en plus comme un
indicateur de performance [6].
Aux États-Unis, selon la norme SFAS 95, publiée en 1987,
le tableau des flux de trésorerie fait partie intégrante des
états financiers communiqués aux tiers.
Au plan international, la norme IAS 7, publiée par I’International Accountancy Standards Committee (IASC), fait obligation aux entreprises d’établir un tableau des flux de trésorerie et de l’inclure dans leurs états financiers.
En France, le Plan comptable général (PCG 99) propose
comme modèles de tableau des emplois et ressources les tableaux de financement fondés sur la variation du fonds de
roulement. Mais d’autres modèles peuvent être utilisés.
L’évolution de la doctrine pour imposer ce type de tableau
concerne surtout les comptes consolidés.
Selon l’avis de I’OEC ( Ordre des experts-comptables français ) de 1997, le tableau de flux de trésorerie devient le seul
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choix possible du fait de ses avantages: il facilite la comparaison des états financiers des performances entre entreprises,
les flux de trésorerie constituant des indicateurs objectifs
(non affectés par le choix de méthodes comptables) et il in-
«Maintenir les grands équilibres
financiers généraux correspond à une
logique de dirigeant d’entreprise
raisonnant à moyen voire à long terme;
la logique des actionnaires orientés
sur le court terme demeure parfois fort
différente, d’où un conflit d’intérêts!»
forme sur la capacité de l’entreprise à générer de la trésorerie et sur l’incidence de ses décisions d’investissement et de
financement; il permet une analyse tant rétrospective que
prévisionnelle.
Hervé Stolowy montre que les tableaux de flux de trésorerie
établis suivant la méthode directe (on retrace les différents
encaissements, décaissements) se prêtent facilement à la prévision et permettent de prévoir la performance à venir de
l’entreprise. On soulignera que le tableau de flux de trésorerie peut soulever parfois quelques difficultés, notamment
dans la répartition entre opérations d’exploitation, d’investissement de financement.
L’expert-comptable doit également apporter ses lumières
concernant la politique d’investissement et les conséquences
financières de cette dernière.
5.2 Return on investment. La gestion financière en ce
début du 21e siècle doit de plus en plus concilier des intérêts
divergents, intérêts des actionnaires, d’une part, et intérêts
des dirigeants, d’autre part. L’expert-comptable est donc
amené à jouer un rôle primordial pour concilier à la fois des
intérêts à moyen terme et à long terme (donner les moyens
financiers de la stratégie de l’entreprise pour les années à
venir) et des intérêts à court terme (donner des dividendes à
des actionnaires parfois même à des fonds de pension qui
sont pressés d’avoir un retour sur investissement). Le dilemme suivant apparaît donc: faut-il privilégier la rentabilité financière au détriment de la rentabilité économique ou
bien faut-il privilégier la rentabilité économique et faire fi
Notes: 1) Christian de Lauzainghen, Jean-Louis
Navarro, Dominique Nechelis, Droit comptable,
édition Dalloz, 2004 p. 449. 2) A.-C. Martinet et
E. Reynaud (2001), «Shareholders, stakeholders et
stratégie», Revue Française de Gestion, novembredécembre 2001, pp. 12–25. 3) Christine Collette et
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des demandes en matière de rentabilité financière des actionnaires de l’entreprise? Le contrôle de gestion peut être amené
à utiliser de nouveaux outils en fonction des différentes parties prenantes; nous pouvons citer l’Economic value added (EVA).
5.3 Return on equity et EVA. La définition de la formule de
calcul de l’EVA (indicateur de performance mesurant la création de valeur pour l’actionnaire obtenue par comparaison du
résultat économique et du coût du capital investi) confirme
cette approche en montrant qu’il ne peut y avoir de rentabilité ni de pérennité pour une entreprise si son résultat économique ne couvre pas le coût du capital investi.
EVA = résultat prévisionnel net d’impôt – coût du capital
investi.
Le Résultat opérationnel se comprend comme le résultat hors
incidence de la politique financière et hors éléments exceptionnels. Le capital investi se comprend quant à lui comme
l’addition des capitaux propres et des dettes financières.
Ledit capital permet de financer les actifs de l’entreprise nets
des dettes non financières. C’est cette différence qui fonde la
création de valeur. Positive (le résultat économique est supérieur aux coûts des capitaux investis), elle implique une
création de valeur actionnariale. Une EVA négative indique
une destruction de valeur par l’entreprise. Le concept de création de valeur pour l’actionnaire se place plutôt du côté du
bailleur de fonds extérieur; la logique de création de valeur
pour le chef d’entreprise qui a une stratégie à long terme pour
l’entreprise peut être bien différente.
6. Conclusion
L’expert-comptable joue un rôle primordial dans la prévention des conflits d’intérêts généraux. Il permet une saine
gouvernance qui tient compte des aspirations des différentes parties prenantes. Pour cela, il est à même de fournir
des informations fiables qui peuvent être prospectives au
plan interne en tenant compte de toutes les évolutions au
plan externe.
Il assure donc la communication d’informations pertinentes vers les différents partenaires. À ce titre, la comptabilité de gestion demeure un complément indispensable à la
comptabilité financière qui demeure trop générale et bien
peu prospective! Il est un acteur en faveur de la communication externe.
n
Jacques Richard, Les systèmes comptables français
et anglo-saxons, normes IFRS, édition Dunod,
PARIS, 2000 p. 109. 4) Hubert de la Bruslerie, Analyse financière, information financière, évaluation,
diagnostic, édition Dunod, Paris, 2010 p. 176.
5) Pascal Fabre, Sabine Separi, Guy Solle, Hélène
Charrier, Catherine Thaomas, Management et contrôle de gestion, édition Dunod, Paris, 2007 p. 212.
6) Bernard Aphotheloz, Alfred Stettler, Maîtriser
l’information comptable, Presses polytechniques et
universitaires romandes, Lausanne, 2007 p. 184.
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