Le rôLe de L`expert-comptabLe dans La prévention de confLits d

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audit en géraL
cLaude baiLLy-masson
LE RÔLE DE L’EXPERTCOMPTABLE DANS LA
PRÉVENTION DE CONFLITS D’INTÉRÊTS GÉRAUX
Enjeux et conditions
L’expert-comptable joue un rôle primordial dans la prévention des conflits d’intérêts
généraux. Il permet une saine gouvernance qui tient compte des aspirations des dif-
férentes parties prenantes.
1. INTRODUCTION
Si les ressources sont utilisées avec efficacité pour assurer le
développement économique et social de lorganisation tout
en ménageant autant que faire se peut l’environnement, on
ne verra pas naître de conflits dintérêts majeurs.
Au contraire, si les ressources sont utilisées dans des des-
seins particuliers, ce qui ne correspond pas à lintérêt à
moyen ou à long terme de lorganisation, des conflits dinté-
rêts risquent fort de s’introduire au sein de lorganisation, ce
qui peut lui nuire gravement, même à court terme. Lexpert-
comptable, par son conseil bienveillant et avisé, permet de
mieux en mieux dappréhender les ressources financières,
humaines et techniques que lorganisation développe afin de
répondre aux attentes des partenaires (stakeholders). Par
une information sincère et transparente, les conflits dinté-
rêts peuvent être jugulés. Lexpert-comptable a également un
rôle de communication externe de plus en plus important.
2. LE RÔLE DE L’EXPERTCOMPTABLE POUR
UNE SAINE GOUVERNANCE
Une bonne gouvernance permet de limiter les conflits dinté-
rêts généraux. Ceux-ci opposent le plus souvent dirigeants
et actionnaires, dirigeants et salariés, stakeholders et share-
holders. Ils entraînent des pertes dénergie et defficacité
pour lentreprise et ont un coût non négligeable!
2.1 Gestion des conflits d’intérêts actionnaires-diri-
geants: des intérêts parfois divergents. Le comportement
éthique en matière de gestion comptable et financière appa-
raît donc difficile, voire subtil: il faut à la fois assurer la péren-
nité de lentreprise et satisfaire la demande dune certaine
façon légitime des actionnaires qui veulent obtenir les fruits
de leurs investissements.
Le dilemme suivant apparaît donc: faut-il privilégier la
rentabilité financière au détriment de la rentabilité écono-
mique ou bien faut-il privilégier la rentabilité économique et
faire fi des demandes en matière de rentabilité financière
des actionnaires de l’entreprise?
Un management éthique et responsable en matière de ges-
tion financière se voit dans lobligation de tenir compte de la
volonté des actionnaires qui ont une vision en général plus à
court terme. On voit linfluence de la corporate governance.
Selon Gérard Charreaux (1997), la théorie de la gouvernance
dentreprise étudie «lensemble des mécanismes qui ont pour
effet de limiter le pouvoir et dinfluencer les décisions du
dirigeant», notamment au plan financier.
Si elle emprunte à toutes les théories contractuelles con-
nues, cest à la théorie de l’agence qu’elle doit le plus. C’est
ainsi que la théorie de la gouvernance dentreprise s’est
dabord focalisée sur la relation entre lactionnaire et le diri-
geant. Elle s’est ensuite dévelope en élargissant lanalyse à
lensemble des parties prenantes.
De ce point de vue, on peut notamment citer les fonds de
pension qui sont devenus très actifs et ont exigé de plus en
plus de transparence, notamment au plan financier; les ac-
tionnaires ont demandé que leur soient expliquées et justi-
fiées les mesures concernant la valorisation du titre (p. ex. ce
qui touche les pratiques anti OPA, les limitations des droits
de vote ou les votes doubles, les rémunérations jugées par-
fois excessives des dirigeants ou encore la pratique des stock
options). La gouvernance dentreprise a donc peu à peu mis
fin aux pleins pouvoirs de lexécutif.
Des intérêts divergents peuvent également apparaître
entre dirigeants et salariés.
2.2 Dirigeants et salars: des points de vue parfois anta-
gonistes. Le bilan social est un document daide précieux
pour limiter les conflits dintérêts généraux; il permet de
mettre en évidence la politique sociale de lentreprise et la
gestion prévisionnelle de l’emploi. Le bilan social est un do-
cument de synthèse et dévaluation spécifique.
cLaude baiLLy-masson,
enseignant chercheur
à L’esdes, université
cathoLique de Lyon,
responsabLe de
La formation à
L’expertise comptabLe,
Lyon/f
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Le bilan social, document très détaillé au plan social, donne
aux utilisateurs les moyens dévaluer les résultats de la direc-
tion, notamment en ce qui concerne la gestion du personnel,
et destimer le potentiel de l’entité. Le bilan social va com-
porter des messages financiers comptables regroupés en
plusieurs chapitres: emploi, rémunération, conditions dhy-
giène et de sécurité, autres conditions de travail, formation,
relations professionnelles, conditions de vie des salariés et de
leurs familles dans la mesure où ces conditions dépendent de
lentité. Il s’agit de données chiffrées essentiellement statis-
tiques; cependant, certaines peuvent être obtenues à laide
de la comptabili.
Ce bilan social ne constitue une obligation légale que dans
de rares pays. Sont tenues détablir en France annuellement
un bilan social les entreprises soumises à lobligation dins-
tituer un comité dentreprise et occupant habituellement
plus de 300 salariés. Sa diffusion est limitée au comité den-
treprise, aux syndicats, aux salariés et aux actionnaires dans
les sociétés par actions [1].
Les commissaires aux comptes fraais doivent vérifier la
sincérité de ce document.
Même pour les entreprises qui n’ont pas lobligation déta-
blir un bilan social, cet outil peut permettre de donner une
image assez fidèle de la situation de l’entreprise en matière
sociale au plan quantitatif mais également, dans une cer-
taine mesure, au plan qualitatif. Ce bilan doit être complété
par un audit social et environnemental.
On observe également une logique différente entre stake-
holders et shareholders [2].
2.3 Shareholders et stakeholders: une logique différente,
des modèles peu comparables. Dans un système orienté
vers les stakeholders, il y a une influence globale restreinte
des actionnaires grâce au système de la cogestion et à lin-
fluence des banques; lactionnariat demeure concentré et est
rarement renouvelé et il y a une faible protection des action-
naires minoritaires. En revanche, on observe une réelle in-
fluence des salariés, le modèle de la cogestion effectuant les
bons arbitrages entre le capital et le travail. De plus, les sala-
riés sont souvent présents au sein du conseil de surveillance.
On remarque l’influence du secteur bancaire comme stake-
holder puissant. Il y a prédominance du crédit bancaire dans
un modèle stakeholder. Le contrôle interne du management
est mené par les stakeholders; les obligations dinformation
du public semblent moins strictes. Lorganisation interne du
management correspond à un modèle dual avec séparation
entre le directoire et le conseil de surveillance. En ce qui
concerne les rémunérations des managers, on limite les inci-
tations pécuniaires trop fortes.
Dans le modèle orienté stakeholders, on observe une vo-
lonté de mettre en place une stratégie de long terme et une
politique dexpansion fondée sur lactivité. Il y a une faible
capitalisation boursière. Le conseil prodigué par lexpert-
comptable respectant les différentes parties prenantes per-
met donc une saine gouvernance et ainsi lévitement de
conflits dintérêts généraux; cela demeure possible grâce à
une information pertinente globale et détaillée mise en place
par le contrôle de gestion lui-même.
3. LES DEMANDES DINFORMATION
À L’EXPERTCOMPTABLE
Lanalyse de l'expert-comptable pour la prévention des con-
flits dintérêts généraux sappuie sur des données financières
et des données non financières.
3.1 Les variables financières. Pour désamorcer des conflits
dintérêts généraux, il convient de mesurer avec pertinence
la performance économique financière et sociale de l’entre-
prise. Les différentes approches de la mesure de la perfor-
mance sappuient sur les comptes sociaux permettant ainsi
déviter la naissance de conflits dintérêts. Les approches de
la mesure de la performance fondées sur le compte de résul-
tat sont les plus répandues.
Le compte de résultat fait apparaître le résultat de lentre-
prise (bénéfice ou perte). Il peut se subdiviser en résultat
dexploitation, résultat financier, résultat exceptionnel. Ce
résultat est global et, pour avoir une analyse quantitative de
lactivité, on a lhabitude de dégager les soldes intermé-
diaires de gestion.
La valeur ajoutée (VA) (marge commerciale + production de
lexercice – consommation en provenance des tiers) repré-
sente la richesse créée par lentreprise du fait de ses opéra-
tions dexploitation. Elle mesure le «poids économique» de
lentreprise et constitue le critère de taille le plus pertinent [3].
Il faut mettre en place une bonne politique de la répartition
de la valeur ajoutée pour éviter la naissance de conflits d'inté-
rêts généraux.
Lexcédent brut dexploitation – EBE – (VA + subventions
déquipement – impôts et taxes – charges de personnel) est
ce qui reste de la VA après règlement des impôts et des
charges de personnel. LEBE est donc la ressource qu’obtient
lentreprise du seul fait de ses opérations dexploitation. En
effet, I’EBE est indépendant du mode de financement et des
modalités damortissement des produits et charges hors
exploitation. Il constitue de ce fait un bon critère de perfor-
mance industrielle et commerciale de lentreprise [4].
Le résultat dexploitation obtenu après déduction des
amortissements et des provisions dexploitation représente
la ressource nette dégagée par la totalité des opérations
dexploitation. Il tient compte de linvestissement indispen-
sable pour lentreprise. Le résultat courant avant impôt me-
sure quant à lui la performance de lactivité économique et
financière de lentreprise. Le résultat de lexercice représente
le revenu qui revient aux associés. Cest à partir du résultat
de lexercice qu’est calculée la rentabilité des capitaux pro-
pres, critère de performance souvent retenu par les associés.
La capacité d’autofinancement (CAF) représente la ressource
dégagée au cours de lexercice par lensemble des opérations
de gestion. Elle est égale aux produits encaissables (sauf pro-
duits des cessions) moins les charges décaissables. Comme
son nom l’indique, la CAF détermine les possibilités dauto-
financement de lentreprise. Lautofinancement est en effet
égal à la CAF moins les dividendes (n-1) versés en n. Plus la
CAF est élevée, plus les possibilités financières de lentreprise
sont grandes. On se trouve face à un critère de performance
financière. La CAF ne mesure qu’une potentialité; elle n’est
pas une ressource de trésorerie effective. Le flux net de tréso-
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4.1 Le paradoxe communication-contrôle: efficacité et
coordination. Les conflits dintérêts généraux naissent sou-
vent dune mauvaise information et dune mauvaise coordi-
nation au sein de lorganisation. Le contrôle de gestion joue
un rôle fondamental en matière de coordination des activi-
s car il mène une large réflexion au niveau des différents
processus!
Une bonne information, une bonne communication hori-
zontale et une bonne communication verticale permettent
déviter autant que faire se peut les conflits dintérêts gé-
néraux liés à une mauvaise compréhension des parties
prenantes.
4.2 Lexpert-comptable, acteur en faveur de la commu-
nication interne. Lexpertise-comptable, outil de commu-
nication interne, se fonde en premier lieu sur des indicateurs
financiers. Les approches de la mesure de la performance
s’appuyant également sur le bilan de lentreprise, il paraît
indispensable de juger la performance des moyens dexploi-
tation. On peut faire appel au ratio: VA/équipement productif
moyen.
Il faut également apprécier la rentabilité économique de
lentreprise: rentabilité économique = EBE (excédent brut
dexploitation) / (immobilisations brutes dexploitation +
BFRE) (BFRE besoin en fonds de roulement dexploitation).
On peut admettre des conceptions plus larges:
sultat économique = EBE/capital économique ou
sultat économique = résultat dexploitation/capital écono -
mique.
On peut mettre en évidence la rentabilité financière en divi-
sant le résultat net par les capitaux propres. La rentabilité
financière correspond à la logique de lactionnaire qui attend
un ROI (return on investment) à court terme. La rentabilité
économique correspond à la logique du chef dentreprise qui
se place plutôt à long terme car il veut assurer la pérennité de
lentreprise. Il y a là toutefois un conflit général dintérêts!
On peut également exprimer la rentabilité des ressources
durables par le ratio: résultat net + intérêts des dettes finan-
cières/capitaux propres + dettes financières.
La performance de lentreprise notamment sur le plan fi-
nancier oblige à maintenir certains équilibres. Il faut notam-
ment quil n’y ait pas de dérive du besoin en fonds de roulement
(BFR). Le BFR doit normalement augmenter au même rythme
que le chiffre daffaires (CA). Il faut surveiller dans le temps le
ratio BFR/CA. Une dérive du BFR peut avoir des conséquences
sur la trésorerie (TRE) puisque TRE = FR - BFR (FR fonds de
roulement).
Il est préférable dappréhender la performance de lentre-
prise au moyen du flux net de trésorerie et dutiliser les ta-
bleaux de flux de trésorerie qui montrent comment ce dernier
est secrété.
Le processus de normalisation influence la performance
affichée. Aux États-unis, laccent est mis sur les besoins din-
vestissement, sur lapproche de la performance boursière. En
France et en Suisse, lapproche demeure davantage macro-
économique. Lapproche de la performance est plus globale.
rerie est beaucoup plus apprécié par le monde de lentreprise
et de la finance.
Pour approcher tant la performance économique que fi-
nancière de lentreprise, le compte de résultat ne suffit pas;
il est également nécessaire de s’appuyer sur le bilan de
l’entreprise.
3.2 Les variables moins financières. Il convient de mesurer
lefficacité du processus productif par le ratio:
valeur ajoutée/valeur brute des immobilisations d’exploitation.
Il paraît également intéressant dapprécier la contribution de
la sous-traitance à la production par le ratio:
sous-traitance/production de l’exercice.
Une mesure de la performance sociale paraît également in-
dispensable. Dresser le bilan social demeure important
(structure des effectifs, absentéisme, etc.).
Il convient également de mesurer les efforts de formation
interne et externe par le ratio:
montant formation/masse salariale.
De façon un peu globale, le rendement apparent de la main
dœuvre peut être déterminé par le ratio:
VA/effectif moyen.
Pour finir, une analyse de la performance de lorganisation
de lentreprise s’impose (choix de la bonne structure dorga-
nisation, structure fonctionnelle, structure multidimension-
nelle ou matricielle, structure par projet, etc.).
3.3 Les variables plus qualitatives, moins quantitatives.
Lapproche fondée sur lanalyse des variables moins quanti-
tatives s’appuie largement sur les analyses concurrentielle,
technique et organisationnelle.
Analyse concurrentielle: les choix stratégiques entraînent par-
fois des conflits dintérêts graves. Comment justifier devant
le personnel la cession dune activité rentable entraînant des
licenciements importants pour des questions de rajeunisse-
ment de son portefeuille dactivités et de sa matrice BCG (Bos-
ton consulting group).
Analyse technique: elle s’appuie sur une analyse des porte-
feuilles de technologies. Il faut étudier les cycles de vie des
différentes technologies. Il faut savoir si l’avantage technolo-
gique est protégeable à moyen, voire à long terme, par le tru-
chement de dépôts de brevets.
Analyse organisationnelle: pour finir, une analyse de la per-
formance de lorganisation de lentreprise s’impose (choix de
la bonne structure dorganisation, structure fonctionnelle,
structure multidimensionnelle ou matricielle, structure par
projet). Si lexpert-comptable met en place une information
pertinente pour les différents partenaires, il communique
vers lextérieur les informations importantes.
4. L’EXPERTCOMPTABLE ET LA COMMUNICATION
VERS LES DIFFÉRENTS PARTENAIRES
Lexpert-comptable assure une bonne communication en
assurant la coordination et le contrôle des informations no-
tamment issues de la comptabilité générale mais également
de la comptabilité de gestion.
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Ainsi, selon Sabine Separi,
«pour ce pilotage social, il est possible de construire un système
dinformation pour un contrôle de gestion sociale à l’image du
contrôle de gestion; il s’agit alors de concevoir un tableau de bord
comprenant des indicateurs pour suivre les salariés, leurs perfor-
mances, les coûts, pour faire des analyses décarts sur budget, de
frais de personnel, des analyses de coûts sociaux cachés, des ana-
lyses dévaluation des performances[5]
En matière danalyse stratégique aux plans social, sociétal et
environnemental, on peut utiliser les tableaux de bord de
Kaplan et Norton qui comportent trois axes danalyse: un axe
clientèle, un axe financier et un axe stratégique.
Si lexpert-comptable permet de recueillir des informa-
tions pertinentes, il permet également, toujours dans le souci
déviter des conflits dintérêts généraux, une communica-
tion externe fort utile pour lentreprise.
5. L’EXPERTCOMPTABLE, ACTEUR EN FAVEUR
DUNE COMMUNICATION EXTERNE
Lexpert-comptable apporte ses éclaircissements au plan fi-
nancier, au plan de la création de valeur en se plaçant même
parfois également du côté de lactionnaire. Il apporte des in-
formations qui peuvent désamorcer les conflits dintérêts en
analysant correctement lévolution de la performance de
l’entreprise.
5.1 Les informations relatives à la performance finan-
cière. La mesure de la performance de lentreprise par le flux
net de trésorerie demeure importante notamment en termes
de communication externe.
Le flux net de trésorerie apparaît de plus en plus comme un
indicateur de performance [6].
Aux États-Unis, selon la norme SFAS 95, publiée en 1987,
le tableau des flux de trésorerie fait partie intégrante des
états financiers communiqués aux tiers.
Au plan international, la norme IAS 7, publiée par I’Inter-
national Accountancy Standards Committee (IASC), fait obli-
gation aux entreprises détablir un tableau des flux de tréso-
rerie et de linclure dans leurs états financiers.
En France, le Plan comptable général (PCG 99) propose
comme modèles de tableau des emplois et ressources les ta-
bleaux de financement fondés sur la variation du fonds de
roulement. Mais dautres modèles peuvent être utilisés.
Lévolution de la doctrine pour imposer ce type de tableau
concerne surtout les comptes consolidés.
Selon lavis de I’OEC ( Ordre des experts-comptables fran-
çais ) de 1997, le tableau de flux de trésorerie devient le seul
Parmi les notions de résultat dexploitation, de valeur ajoutée,
de flux net de trésorerie, ce dernier paraît le moins entaché
par la vision sous-jacente du processus de normalisation.
On saperçoit donc que, classiquement, on appréhende la
performance de lentreprise en s’appuyant sur les comptes
sociaux. Il faut mesurer la performance économique et finan-
cière. Mais cette mesure demeure globale. Il conviendrait de
distinguer la performance par produits par activités. Cette
mesure demeure au plan quantitatif et n’apporte pas assez
une analyse qualitative de lactivité. Pour éviter les conflits
dintérêts généraux, lexpert-comptable recueille des infor-
mations issues de la comptabilité financière mais également
issues de la comptabilité de gestion.
4.3 Méthode de calcul des coûts. Lapproche de la perfor-
mance se fait en premier lieu par la comptabilité analytique.
Il convient de pouvoir connaître la performance produit par
produit, activité par activité.
La comptabilité analytique ouvre un champ d’investiga-
tion important. On peut utiliser la méthode des charges va-
riables et charges fixes dans une logique de court terme.
Dans une logique à moyen ou à long terme, on peut utiliser
la méthode des coûts complets qui permet de distinguer les
charges directes et les charges indirectes. On peut alors dé-
couper lentreprise en centres danalyse et mesurer lactivité
en distinguant les différents centres et pouvoir ainsi faire
des choix opportuns en termes de performance. On effectue
une analyse des différents niveaux de coûts (achats, produc-
tion, distribution). On peut également faire appel à la mé-
thode des coûts partiels. Il faut mettre en évidence les coûts
variables, les cts fixes, le seuil de rentabilité.
Le choix de la méthode n’est pas neutre en termes de poli-
tique industrielle et peut être à lorigine de conflits généraux
dintérêts! Là encore, on peut raisonner activité par activi,
produit par produit, ce qui paraît indispensable pour mesu-
rer la performance de lentreprise. Les tableaux de bord sont
un bon complément d'analyse pour l'expert-comptable.
Tableau de bord opérationnel: les tableaux de bord opération-
nels permettent le suivi des objectifs fixés notamment au
plan stragique.
Tableau de bord prospectif: pour compléter lapproche comp-
table classique en matière dévaluation de la responsabilité
sociale des entreprises qui demeure souvent assez statique, il
faut s’aider de tableaux de bord spécialement aménagés pour
transcrire une approche plus dynamique, plus prospective,
moins globale et plus détaillée. Le tableau de bord peut quant
à lui refléter la dimension humaine des organisations. Ces
tableaux de bord prospectifs peuvent désamorcer des conflits
relatifs à lavenir de lentreprise.
Dans de nombreuses grandes entreprises se développe un
pilotage social de lorganisation, c’est-à-dire un système din-
formation pour mieux gérer les ressources humaines au plan
quantitatif mais également qualitatif. D’après B. Martory en
1999, le pilotage social consiste à fixer des cibles sociales et
économiques à atteindre à court terme (un mois) et à moyen
terme (un à trois ans) et à réguler les écarts enregistrés par
des actions ou des modifications des cibles.
«Dans la négociation avec
les partenaires, le poids des investisse-
ments à mener doit être mesuré
à sa juste valeur pour éviter des conflits
d’intérêts généraux
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Le rôLe de L’expert-comptabLe dans La prévention de confLits d’intérêts généraux
audit en géraL
des demandes en matière de rentabilité financière des action-
naires de lentreprise? Le contrôle de gestion peut être amené
à utiliser de nouveaux outils en fonction des différentes par-
ties prenantes; nous pouvons citer l’Economic value added (EVA).
5.3 Return on equity et EVA. La définition de la formule de
calcul de l’EVA (indicateur de performance mesurant la créa-
tion de valeur pour lactionnaire obtenue par comparaison du
résultat économique et du coût du capital investi) confirme
cette approche en montrant qu’il ne peut y avoir de rentabi-
lité ni de pérennité pour une entreprise si son résultat écono-
mique ne couvre pas le coût du capital investi.
EVA = résultat prévisionnel net dimpôt – coût du capital
investi.
Le Résultat opérationnel se comprend comme le résultat hors
incidence de la politique financière et hors éléments excep-
tionnels. Le capital investi se comprend quant à lui comme
laddition des capitaux propres et des dettes financières.
Ledit capital permet de financer les actifs de lentreprise nets
des dettes non financières. Cest cette différence qui fonde la
création de valeur. Positive (le résultat économique est supé-
rieur aux coûts des capitaux investis), elle implique une
création de valeur actionnariale. Une EVA négative indique
une destruction de valeur par lentreprise. Le concept de créa-
tion de valeur pour lactionnaire se place plutôt du côté du
bailleur de fonds extérieur; la logique de création de valeur
pour le chef dentreprise qui a une stratégie à long terme pour
lentreprise peut être bien différente.
6. CONCLUSION
Lexpert-comptable joue un rôle primordial dans la préven-
tion des conflits dintérêts généraux. Il permet une saine
gouvernance qui tient compte des aspirations des dif-
rentes parties prenantes. Pour cela, il est à même de fournir
des informations fiables qui peuvent être prospectives au
plan interne en tenant compte de toutes les évolutions au
plan externe.
Il assure donc la communication dinformations perti-
nentes vers les différents partenaires. À ce titre, la comptabi-
lité de gestion demeure un complément indispensable à la
comptabilité financière qui demeure trop générale et bien
peu prospective! Il est un acteur en faveur de la communica-
tion externe. n
choix possible du fait de ses avantages: il facilite la comparai-
son des états financiers des performances entre entreprises,
les flux de trésorerie constituant des indicateurs objectifs
(non affecs par le choix de méthodes comptables) et il in-
forme sur la capacité de lentreprise à générer de la trésore-
rie et sur lincidence de ses décisions dinvestissement et de
financement; il permet une analyse tant rétrospective que
prévisionnelle.
Hervé Stolowy montre que les tableaux de flux de trésorerie
établis suivant la méthode directe (on retrace les différents
encaissements, décaissements) se prêtent facilement à la pré-
vision et permettent de prévoir la performance à venir de
lentreprise. On soulignera que le tableau de flux de trésore-
rie peut soulever parfois quelques difficultés, notamment
dans la répartition entre opérations dexploitation, dinves-
tissement de financement.
Lexpert-comptable doit également apporter ses lumières
concernant la politique dinvestissement et les conséquences
financières de cette dernière.
5.2 Return on investment. La gestion financière en ce
but du 21e siècle doit de plus en plus concilier des intérêts
divergents, intérêts des actionnaires, dune part, et intérêts
des dirigeants, dautre part. Lexpert-comptable est donc
amené à jouer un rôle primordial pour concilier à la fois des
intérêts à moyen terme et à long terme (donner les moyens
financiers de la stratégie de lentreprise pour les années à
venir) et des intérêts à court terme (donner des dividendes à
des actionnaires parfois même à des fonds de pension qui
sont pressés davoir un retour sur investissement). Le di-
lemme suivant apparaît donc: faut-il privilégier la rentabi-
lité financière au détriment de la rentabilité économique ou
bien faut-il privilégier la rentabilité économique et faire fi
Notes: 1) Christian de Lauzainghen, Jean-Louis
Navarro, Dominique Nechelis, Droit comptable,
édition Dalloz, 2004 p. 449. 2) A.-C. Martinet et
E. Reynaud (2001), «Shareholders, stakeholders et
stratégie», Revue Française de Gestion, novembre-
décembre 2001, pp. 12–25. 3) Christine Collette et
Jacques Richard, Les systèmes comptables français
et anglo-saxons, normes IFRS, édition Dunod,
PARIS, 2000 p. 109. 4) Hubert de la Bruslerie, Ana-
lyse financière, information financière, évaluation,
diagnostic, édition Dunod, Paris, 2010 p. 176.
5) Pascal Fabre, Sabine Separi, Guy Solle, Hélène
Charrier, Catherine Thaomas, Management et con-
trôle de gestion, édition Dunod, Paris, 2007 p. 212.
6) Bernard Aphotheloz, Alfred Stettler, Maîtriser
l’information comptable, Presses polytechniques et
universitaires romandes, Lausanne, 2007 p. 184.
«Maintenir les grands équilibres
financiers généraux correspond à une
logique de dirigeant dentreprise
raisonnant à moyen voire à long terme;
la logique des actionnaires orientés
sur le court terme demeure parfois fort
difrente, d un conflit dintérêts!»
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