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N° 61 - août 2015
LA LETTRE DU CONSEIL
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Discours du Bâtonnier prononcé lors du Banquet de l’Ordre des avocats
du 27 mars 2015
Me Jean-Marc Carnicé
Communications du Bâtonnier
Me Jean-Marc Carnicé
Discours prononcé lors du Concours international de plaidoirie pour les droits de
l’Homme: «Le programme de torture de la CIA»
Me Nicolas Gurtner
Discours prononcé lors du Concours international d’éloquence de la rentrée solen-
nelle du Barreau de Toulouse: «Toulouse or not to loose?»
Me Louis Frédéric Muskens
Le droit humain à l’eau, un concept mal compris?
Me Evelyne Fiechter-Widemann
20ème édition du «Marathon du droit»
Me Philipp Fischer
Libres réflexions sur la médiation et le Barreau
Me Pierluca Degni et Me Guillaume Tattevin
Missions à Bamako, Mali
Me Philippe Currat et Me Arnaud Moutinot
Linnovation radicale ou la promesse d’un nouvel avenir économique
M. Christophe Donay
Le nouveau plan d’utilisation du sol de la Ville de Genève: nouveautés et incertitudes
Me Philippe Cottier
La contribution de l’avocat dans la pérennité et l’instauration de l’Etat de droit
Me Taoufik Ouanes
MAH+ Genève: droit de réponse
Me Philippe Cottier
Admissions à l’Ordre des avocats
SOMMAIRE
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Il incarnait pour nous tous l’avocat par excellence.
Il a porté nos valeurs au plus haut, jusque dans l’élé-
gance de son quotidien.
Elégance du verbe mais aussi des relations humaines.
Il n’était pas seulement un avocat d’une grande intel-
ligence et un orateur d’exception mais aussi et peut-
être surtout un homme de dialogue et de tolérance.
La disparition du Bâtonnier Halpérin a laissé un im-
mense vide dans notre Barreau et dans nos cœurs.
Le Bâtonnier Halpérin a rejoint les grandes voix
éteintes de notre Barreau.
Son Bâtonnat brillant et éclairé a marqué l’histoire de
notre Ordre et nous lui en serons toujours inniment
reconnaissants.
Michel Halpérin s’est battu pour la défense, contre la
gigantesque machine à broyer du pouvoir.
Il ne se taisait pas quand il voyait la justice faire fausse
route, précisément parce qu’il la respectait.
Les avocats n’ont jamais eu de plus grand défenseur
que lui.
Ce soir il nous manque, il est dans nos pensées et
dans nos cœurs et il y restera pour toujours.
Monsieur le Procureur général de la Confédération,
Messieurs les Procureurs fédéraux,
Monsieur le Président du Grand Conseil,
Monsieur le Procureur général,
Monsieur le Conseiller d’Etat,
Messieurs les députés genevois aux Chambres fédé-
rales,
Madame et Messieurs les Juges fédéraux,
Mesdames et Messieurs les Présidents de juridiction,
Mesdames et Messieurs les députés au Grand
Conseil,
Madame la Présidente de la Cour des comptes,
Monsieur le Conseiller administratif de la Ville de Ge-
nève,
Monsieur le Conseiller municipal de la Ville de Genève,
Mesdames et Messieurs les représentants du Pouvoir
judiciaire,
Monsieur le Directeur de la Prison de Champ-Dollon,
Madame la Cheffe de la Police,
Monsieur le Président de la Fédération Suisse des
Avocats,
Monsieur le Président de l’Union internationale des
avocats,
Madame et Messieurs les Bâtonniers des cantons de
Vaud, Fribourg, Neuchâtel, Jura et Valais,
Madame et Messieurs les Bâtonniers des Barreaux
de Paris, Nice, de l’Ain, de Thonon-les-Bains et du
Luxembourg,
Madame et Messieurs les représentants des Bâton-
niers du Barreau amand de Bruxelles, d’Anvers, de
Liège, des Barreaux de Chambéry et de Milan,
Monsieur le Secrétaire général adjoint de la CIB,
Monsieur le Secrétaire général du Barreau pénal inter-
national,
Madame la Présidente d’Avocats Sans Frontières
Suisse,
Monsieur le représentant du Conseil national des bar-
reaux de France,
Madame la Doyenne de la Faculté de droit de Genève,
Monsieur le Président du Conseil de direction de
l’Ecole d’avocature,
Mesdames les Présidentes de l’Association des ju-
ristes progressistes,
Monsieur le Président de la Société de droit et de
législation,
Monsieur le Président de la Chambre des Notaires,
Monsieur le Président de l’Association des clercs,
Monsieur le Président de la Chambre des huissiers
judiciaires,
Monsieur le Premier secrétaire,
Madame la Présidente de la Section des avocats
étrangers,
Madame la Secrétaire générale de l’Ordre,
Madame et Messieurs les Bâtonniers,
Chers Confrères,
Chers Amis,
* * *
Vous êtes très nombreux ce soir.
Plus de 800.
Jamais vous n’avez été aussi nombreux.
Et votre présence compte beaucoup pour moi.
Je l’accueille comme un signe de soutien, un geste
d’amitié.
Grâce à vous je suis un Bâtonnier heureux.
Pour celui qui aime être courtisé, le Bâtonnat est un
moment de jouissance.
Il l’est pour moi aussi, mais pour d’autres raisons.
Ce qui m’a particulièrement touché pendant cette
première année de Bâtonnat, c’est la conance qu’on
m’a témoignée.
Dans les conits, personnels ou professionnels, vous
pouvez compter sur moi pour être discrètement
médiateur ou simplement condent et vous aider à
résoudre les situations délicates auxquelles vous
pourriez être confrontés.
C’est mon activité quotidienne depuis que j’ai initié
mon Bâtonnat.
Je veux être particulièrement attentif à cet aspect de
DISCOURS DU BATONNIER PRONONCE LORS DU BANQUET DE
L’ORDRE DES AVOCATS LE 27 MARS 2015
Me Jean-Marc Carnicé
* * *
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ma mission.
Les affaires que j’ai gagnées m’ont fait plaisir.
Celles que j’ai conciliées m’ont rempli de bonheur.
* * *
Certains m’ont approché pour me dire leur inquiétude
face à la dégradation de notre image dans l’opinion.
Nous serions impopulaires.
Rien de nouveau cependant.
Voilà des millénaires que notre profession fait l’objet
de critiques.
Les avocats ne seraient que des mercenaires habités
par le goût de l’argent et un désir de gloire personnel.
Ils seraient au service des criminels et des nantis.
Les gens confondent malheureusement souvent dé-
fense et complicité.
Ils voudraient qu’on assiste les innocents et ne nous
pardonnent pas de nous occuper des autres.
Un institut a réalisé un sondage sur la cote d’amour
des professions.
En tête viennent les pompiers parce qu’ils sauvent
les animaux.
Ensuite les vétérinaires parce qu’ils les soignent.
Les médecins – qui ne soignent que les hommes –
viennent évidemment bien après.
Les avocats sont pratiquement les derniers de la
liste...
Pourtant lorsqu’on demande aux gens quelle pro-
fession ils voudraient voir leurs enfants exercer, ils
répondent d’abord: avocat!
Quel paradoxe!
Et quelle injustice!
James Fazy disait: «il est plus facile de critiquer les
avocats que de s’en passer».
La défense de notre image nécessite de communi-
quer, de réagir tout le temps et partout.
L’Ordre est présent chaque fois qu’il le faut dans les
médias.
Cela est nécessaire mais pas sufsant.
Ce qui importe plus que tout, c’est la nécessité de
défendre et faire vivre nos valeurs.
Et nos valeurs c’est aussi notre engagement, sou-
vent désintéressé et discret, pour la communauté.
Les avocats se mobilisent pour des actions béné-
voles de toutes sortes.
Ils s’engagent de façon citoyenne et solidaire et dis-
pensent des services à ceux qui en ont besoin.
Il y a ceux qui défendent les droits de l’Homme. Ceux
qui sont actifs au sein d’associations culturelles ou
environnementales.
Ceux qui s’occupent des familles de détenus ou en-
core du sort des enfants.
L’Ordre vient d’ailleurs de créer une nouvelle Com-
mission des droits de l’enfant, la première de Suisse,
qui a pour objectif de soutenir et former les avocats
qui pratiquent la justice aux côtés des mineurs et de
veiller au respect de la Convention internationale des
droits de l’enfant.
Tout cela mérite du respect et de la considération.
Je souhaite renforcer les actions bénévoles des avo-
cats mais aussi les mettre en valeur, que le public
prenne conscience de notre engagement pour le
bien commun.
Comment mieux le faire qu’en allant à la rencontre
des citoyens?
Nous allons nous rendre plus accessibles et plus
visibles en descendant dans la rue!
C’est le projet de l’Avocat dans la Cité auquel le
Conseil travaille depuis quelques mois.
Pour la première fois, les Genevois pourront béné-
cier d’un entretien gratuit d’environ vingt minutes en
prenant rendez-vous sur le site internet de l’Ordre ou
sans rendez-vous en se présentant spontanément
dans divers lieux de la République.
Cette opération ambitieuse, qui devrait se répéter
chaque année, aura pour point central une tente
dressée en ville.
Mais d’autres consultations juridiques gratuites se-
ront dispensées à la Maison des Avocats, dans les
locaux de la permanence de l’Ordre et dans des mai-
ries en périphérie.
Des animations pédagogiques dans les écoles sont
prévues.
A l’aide de cas pratiques, on expliquera aux écoliers
le rôle du droit dans la société, celui de l’avocat et
aussi le fonctionnement général de la justice.
Je remercie la Ville de Genève, M. Barazzone qui est
avec nous ce soir et qui est l’un des nôtres, et le
Département de l’instruction publique de leur intérêt
pour ce projet.
Tous les avocats seront bénévoles. Je solliciterai une
soixantaine d’entre vous.
Ici aussi, l’Ordre sera pionnier en Suisse.
* * *
Nous ne devons pas avoir peur d’être un Barreau
impliqué et visible parce que nous sommes un Bar-
reau fort.
Une association de référence.
Il faut que cela se sache!
Notre Ordre est le deuxième plus grand de Suisse.
L’Ordre tel que nous le connaissons aujourd’hui fête-
ra ses cent vingt ans en novembre prochain.
Mais la profession est organisée depuis 1712.
Il y avait alors cinquante-et-un avocats à Genève.
L’événement mérite d’être célébré.
J’ai chargé un historien de rédiger un ouvrage sur
l’histoire de l’Ordre et de l’avocat dans la cité depuis
le dix-huitième siècle.
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Ce livre, disponible cet automne, sera destiné aux
avocats mais sera aussi distribué en librairie et pourra
intéresser le grand public.
Je souhaite que le rôle des avocats dans l’histoire de
Genève soit expliqué et mis en valeur.
Je veux que chacun se sente er d’appartenir à notre
Barreau.
Je tiens aussi à ce que l’Ordre intervienne et prenne
position chaque fois qu’un projet de loi touche à un
domaine du droit. Et nous le faisons plus que jamais.
Mais je tiens aussi à notre inuence internationale.
J’ai beaucoup voyagé cette année pour l’Ordre des
Avocats.
Je me suis rendu à Paris, à Madrid, à Barcelone, à
Florence et dans toute la Suisse.
J’ai été représenté à Milan, à Tunis et ailleurs.
Partout j’ai reçu un accueil chaleureux.
En Suisse et à l’étranger, notre Ordre est respecté
et écouté.
J’ai été heureux de constater que notre Barreau a
une réputation atteuse.
Celle d’incarner l’esprit de Genève.
Et l’esprit de Genève c’est notre vocation unique
pour les droits de l’Homme.
L’Ordre est de plus en plus engagé dans l’assistance
et le soutien aux avocats menacés dans l’exercice de
leur profession ici et partout.
Nous avons envoyé une mission d’observation en
Chine, reçu des avocats africains, soutenu des
défenseurs des droits de l’Homme partout dans le
monde.
* * *
Si le Barreau de Genève est écouté à l’étranger, c’est
parce que notre Cité a un attachement profond, vis-
céral, ancien et reconnu dans le monde entier à la
liberté d’expression et aux autres droits fondamen-
taux.
C’est notre histoire qui l’explique.
Mais soyons vigilants!
Gardons à l’esprit qu’aucun pays, même le nôtre,
n’est à l’abri d’une érosion parfois subtile des droits
fondamentaux.
Cela est aussi valable en matière judiciaire.
A l’heure où les débats politiques s’enveniment à
propos de la Convention Européenne des Droits de
l’Homme, où certains irresponsables – y compris au
gouvernement – suggèrent qu’il serait judicieux de
dénoncer cette convention, battons-nous aussi pour
protéger nos droits fondamentaux et conserver les
mécanismes qui protègent nos libertés.
La CEDH a renforcé l’état de droit en Suisse.
Elle permet également un regard extérieur sur le sys-
tème légal de notre pays.
Enn la Suisse, présente à Strasbourg, contribue au
respect des droits fondamentaux dans le reste du
monde.
Veillons à ce que la Suisse reste un pays ouvert et
ne s’isole pas davantage sur la scène internationale.
L’Ordre se battra contre l’inscription dans la Consti-
tution de la primauté du droit national et pour la
défense des droits humains parce que c’est notre
devoir d’avocat qui l’exige.
* * *
Et puisque je viens de parler du devoir de résistance
de l’avocat, permettez-moi de vous dire un mot de
notre serment.
Il devrait se limiter aux qualités qui gurent au rang de
principes essentiels de notre profession.
Soit honneur, dignité, conscience, indépendance et
humanité.
Ce sont les cinq vertus cardinales de l’avocat.
Les méconnaître constituerait une faute profession-
nelle.
L’honneur de l’avocat c’est sa dignité morale, son
intégrité mais aussi sa forme toujours irréprochable.
La dignité c’est sans doute l’élégance que doit mani-
fester en toute circonstance l’avocat et sa probité.
C’est aussi un comportement qui traduit ce senti-
ment, une allure dans les manières qui inspire le res-
pect.
La conscience de l’avocat c’est son engagement de
défendre tout le monde, de ne jamais se taire sans
autre limite que la loi et les règles de la déontologie.
L’avocat ne doit des comptes qu’à sa seule conscience.
L’indépendance, c’est d’abord la liberté.
Liberté de parole et de comportement que personne
n’a le droit de restreindre.
Quant à la notion d’humanité, elle est importante et
gure dans peu de serments.
Il s’agit d’un vrai sentiment de bienveillance, de com-
passion envers les autres.
Or notre serment ne s’arrête malheureusement pas à
ces cinq engagements.
Nous avons aussi promis ou juré de respecter la loi et
de ne jamais nous écarter du respect dû aux Tribu-
naux et aux Autorités.
Ce sont des évidences qui induisent l’idée d’une
forme de soumission aux autorités.
Les magistrats méritent bien entendu notre respect.
Mais cette partie du serment doit être supprimée.
Les qualités humaines et professionnelles sufsent.
Notre serment ne doit plus être celui d’un auxiliaire de
justice mais celui d’un véritable acteur et sa modica-
tion nous donner toute notre place dans la cité.
* * *
Je ne veux pas terminer sans adresser aux jeunes
avocats un message positif: vous n’avez rien à
craindre de l’avenir.
N’écoutez pas ceux qui vous disent que c’était mieux
avant et que la profession est morte.
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