
Le professeur Olivier Moréteau, Directeur du Center of Civil Law Studies, a accueilli les
participants, rappelant que le Law Center avait reçu deux étudiantes finissant leurs études de droit à
Port-au-Prince durant l’année 2010-2011, dont une qui a obtenu le LL.M., s’engageant à cette occasion
dans la coopération avec Haïti. Il a remercié la Ville de Lafayette (représentée par M. Philippe Gustin,
Directeur du Centre international, et Christophe Pilut), la Ville de Suresnes (représentée par Jean-Louis
Testud, adjoint au maire, délégué aux actions et relations internationales), l’Association Les Anneaux de
la Mémoire (représentée par Me Chotard, avocate au Barreau de Nantes), et le Dr. Aldy Castor, pour
leur soutien à l’organisation de la présente conférence. Il a aussi remercié Anne Pérocheau et Anne-
Sophie Roinsard, Master juriste trilingue de l’Université de Nantes, stagiaires au CCLS, qui ont aidé à la
traduction et rédigé le présent compte-rendu.
1. Intervention du Professeur Winston Riddick, Southern University Law Center, « La propriété privée
des biens immobiliers en Louisiane et en Haïti »
Le droit à la propriété privée a été énoncé pour la première fois par la Magna Carta de 1215, il
garantit aux individus la jouissance de leurs biens sans être menacés d’expropriation ou de confiscation
abusive. La Charte (article 55) et le préambule de la Déclaration des Droits de l’Homme (article 17) des
Nations Unies font également référence à ce droit fondamental.
L’exposé entend démontrer que le développement économique du pays, et par conséquent le
recul de la pauvreté, l’accroissement des possibilités d’éducation et l’accès aux services de santé
publique, ne peuvent se faire sans une véritable garantie des droits de propriété de chacun. Il faut noter
que le séisme a non seulement frappé le territoire, avec des dommages estimés à 7,9 milliards de
dollars, mais aussi l’économie du pays, puisque le PIB a chuté de 120% entre 2009 et 2010. Par ailleurs,
les investissements étrangers en Haïti sont parmi les plus faibles au niveau mondial.
En Louisiane comme en Haïti, il existe trois types de propriété : commune, publique et privée.
Mais à la différence de la Louisiane, il n’est pas possible de déterminer avec exactitude quelles
propriétés du territoire haïtien sont publiques. Toutefois on estime que la proportion de terres
appartenant à l’État se situe entre ⅔ et ¾ du territoire.
Cela s’explique par le fait qu’en Louisiane, le système a été modifié après la vente du territoire
par la France aux États-Unis : les nouvelles autorités en place ont procédé à l’inventaire et à la
répartition des propriétés de l’État à des personnes privées. Ces titres de propriété ont été enregistrés
grâce au système de « Land Patent » (registre public) et constituent depuis lors la preuve officielle de la
possession d’une propriété. Ce système n’a pas pu être mis en place en Haïti du fait d’un manque de
moyens, et l’enregistrement auprès des notaires a perduré. Cette dispersion des titres de propriété,
aggravée suite au séisme, pose difficulté pour la reconstruction du pays.
Hernando de Soto, dans son ouvrage The Mystery of Capital, a estimé que 68% des citadins et
97% des ruraux en Haïti vivent sur des propriétés dont le titre n’est pas juridiquement établi. En effet,
les procédures légales mises en place étaient irréalisables en raison du coût, des délais excessifs et du
faible niveau d’éducation. Ainsi, il faut accomplir environ 200 formalités pour devenir propriétaire et on
estime qu’un citoyen haïtien doive y consacrer 35% de sa vie (sachant que le processus d’acquisition
dure en moyenne 19 ans et que l’espérance de vie dans le pays est de 50 ans).