Bilan pré-thérapeutique de la carcinose péritonéale des cancers de l'ovaire. Qu'attend le chirurgien ? W Hajlaoui, LS Fournier, C Bensaid, M Brisa, C Lefort, F Lecuru, G Frija Hôpital Européen Georges Pompidou. Paris, France JFR 2008 INTRODUCTION 5ème cancer de la femme et 3ème cause de décès par cancer La survie à 5 ans tous stades confondus est de 35% Le pronostic dépend essentiellement du stade initial et 70 % découvert à un stade avancé avec carcinose La prise en charge repose, en plus d’un traitement standard, sur une chirurgie de réduction tumorale des localisations péritonéales. La chasse aux implants péritonéaux par cœlioscopie est une aventure difficile, délicate et limitée, d’où la nécessité d’une exploration préthérapeutique pour orienter ce geste ; d’autant plus que la cœlioscopie sous-estime la dissémination dans 30 % des cas. En effet, le scanner multicoupe se distingue comme un outil performant permettant la détection de la carcinose, d’en préciser la cartographie et par conséquent de prévoir les difficultés chirurgicales et avancer un staging préliminaire pouvant poser les contres-indications à une exérèse optimale. Les autres moyens d’exploration viendront en complément. ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE DU PERITOINE Définitions: Les cavités péritonéales: A – Cavité sus-mésocolique Les ligaments Les espaces B – Cavité sous-mésocolique Les replis Les espaces Définitions: • Péritoine : séreuse millimétrique, organisée en deux feuillets pariétal et viscéral, recouvrant la majorité des organes intraabdominaux et présentant de nombreuses réflexions. • La cavité péritonéale est une cavité virtuelle contenant 1 à 2 ml de liquide (40 ml chez la femme). • C’est un lieu d’échange avec le milieu sanguin, joue un rôle immunitaire et permet le glissement des viscères. Méso : zone de réflexion du péritoine viscéral contenant la vascularisation de l’organe. Ligament : pas de vascularisation. Epiploon / Omentum: bord libre ne contenant pas un organe. Le mésocôlon transverse partage la cavité péritonéale en étages susmésocolique et sousmésocolique. D’après Netter A – Cavité sus-mésocolique . Les ligaments : Le ligament falciforme, contenant le ligament rond séparant les espaces sous-phréniques droit et gauche. Les ligaments coronaires et les ligaments triangulaires droits et gauches situés sur la face postérieure du foie délimitant l’area nuda. Le ligament hépato-gastrique et le ligament hépato-duodénal = petit omentum. D’après Netter Ligament duodéno-hépatique (contient le tronc porte, l’artère hépatique et la voie biliaire principale) Ligament gastro-hépatique (contient les vaisseaux gastriques gauches) Ligament phrénocolique Les ligaments périspléniques : . Gastro-splénique . Spléno-pancréatique . Phrénico-splénique Gastro-splénique Spléno-pancréatique D’après Netter Les espaces : • sous phrénique droit : sous le dôme hépatique, s’étend jusqu’au ligament coronaire en arrière et le ligament falciforme en dedans, qui le sépare de l’espace sousphrénique gauche. • sous-phrénique gauche : entre le fundus gastrique et le diaphragme. • sous-hépatique : sous la face viscérale du foie, délimité en arrière par les ligaments triangulaires. • l’Arrière Cavité des Epiploons (bourse omentale) : délimité en avant par l’estomac et en arrière par le pancréas, en bas par le mésocôlon transverse. Il communique avec la cavité péritonéale par le foramen épiploïque (de Winslow). D’après Netter Espace sous phrénique droit Espace sous hépatique Espace sous phrénique gauche Arrière cavité des épiploons (bourse omentale) B – Cavité sous-mésocolique Les replis • Mésocôlon transverse : se poursuit latéralement par le ligament phrénico-colique gauche et le ligament duodénocolique à droite. • Mésentère (oblique en bas et à droite : contient l’AMS en haut et les artères iléo-caecales en bas). Il divise la cavité sousmésocolique en 2 régions : . Espace mésentérico-colique droit . Espace mésentérico-colique gauche, qui s’ouvre sur la cavité pelvienne. • Mésosigmoïde • Grand omentum Espace mésentérico-colique droit Mésocôlon transverse Mésentère Espace mésentérico-colique gauche •Grand omentum. Replis et culs-de-sac péritonéaux pelviens : . Cul-de-sac de Douglas, . Latéraux et prévésicaux, . Ligament large avec les trois replis. Les espaces : • - Gouttière pariéto-colique droite : communiquant avec l’espace sous-phrénique droit. • - Gouttière pariéto-colique gauche: séparé de l’espace sousphrénique gauche par le ligament phrénico-colique. Voies de dissémination des cancers de l’ovaire Elle se fait par 4 voies : • • • • Infiltration directe péritonéale lymphatique hématogène 1. Infiltration directe, aux organes adjacents : utérus, recto-sigmoïde, grêle et plus rarement la vessie 2. Par voie péritonéale en suivant la cinétique de circulation du liquide péritonéal le long des réflexions . C’est le voie la plus fréquente. Elle est favorisée par l’ascite. Les implants de carcinose siège préférentiellement au niveau: . Des sites de stagnation du liquide péritonéal : le cul de sac de Douglas, la gouttière pariéto-colique droite, la face supérieure du méso-sigmoïde . Des sites immobiles : l’antre gastrique, la région de la valvule iléo-caecale, le ligament de Treitz, le colon recto-sigmoïde . . Des sites de basse pression : l’espace sous phrénique droit . Des zones de résorption du liquide : le grand épiploon Espace sous phrénique dt Carrefour iléo-caecal Cul de sac de Douglas Mésosigmoïde 3. La voie lymphatique : Avec 3 voies de drainage : lomboaortique, ilio-obturatrice et inguinale. Elle peut se faire de façon bilatérale 4. La voie hématogène : survenant tardivement et donne des localisations hépatique, pulmonaire et cérébrale. PRISE EN CHARGE DU CANCER DE L’OVAIRE • • • • Diagnostic positif Bilan d’extension et stadification Traitements Problèmes de la prise en charge Diagnostic positif Repose sur: • L’examen clinique • L’échographie couplée au doppler • Les marqueurs tumoraux (CA-125) • L’IRM pelvienne • L’histologie Bilan d’extension et stadification: Le bilan d’extension repose sur • L’examen clinique • L’imagerie • Et surtout l’examen de la pièce opératoire et données de la cœlioscopie exploratrice avec examen du liquide et des biopsies péritonéales Au terme de ce bilan une stadification est faite le plus souvent selon de la classification de FIGO Traitements: Selon le stade initial, différentes modalités thérapeutiques peuvent être proposées: • Chirurgie de cyto-réduction optimale (définie par un résidu tumoral < 2.1 cm) associant une hystérectomie totale et une résection complète des localisations péritonéales et ganglionnaires • Chirurgie optimale puis chimiothérapie (stade ≥ Ic) • Chimiothérapie néoadjuvante puis tentative de chirurgie Les problèmes de la prise en charge: I.Limites de la chirurgie 1-La cœlioscopie est systématique pour prélèvement histologique et pour la stadification 2-La laparotomie exploratrice sous estime le stade dans 30% (1). Elle est prise en défaut par certaines localisations. ¾ Nécessité d’un moyen d’exploration capable de détecter les lésions aveugles par l’exploration chirurgicale II. Risques d’échec de la chirurgie 1-La chirurgie de cyto-réduction est une technique difficile nécessitant parfois l’intervention de plusieurs spécialités (splénectomie, pleurectomie…) 2-la décision de non résécabilité souvent est prise sur la table opératoire ¾ Nécessité d’un moyen de prévoir la non résécabilité tumorale et les difficultés chirurgicales • Le bilan préthérapeutique actuel du cancer de l’ovaire doit essayer de résoudre ces problèmes en procédant de façon ciblée: 9 Rechercher les localisations secondaires non accessibles à l’exploration chirurgicale 9 Prévoir la difficulté chirurgicale et la non résécabilité. BILAN RADIOLOGIQUE PRETHERAPEUTIQUE • • • • Echographie Tomodensitométrie Imagerie par résonance magnétique Tomographie par émission de positron (TEP) BILAN RADIOLOGIQUE PRETHERAPEUTIQUE L’échographie : Elle a une place centrale dans le diagnostic positif des tumeurs de l’ovaire Son apport dans le bilan d’extension a été décrit et reste limité Sa sensibilité dans la détection des implants péritonéaux est de 69% Elle est toujours confronté aux difficultés techniques relatives aux gaz digestifs, à la mauvaise échogénicité ainsi que les zones peu accessibles telles les régions sous phréniques et la surface hépatique. A B Echographie abdominale chez une patiente porteuse d’un cancer de l’ovaire montrant une ascite (A) et un "gâteau épiploïque« (B) Tomodensitométrie : • • • • Technique Sémiologie Plan d’analyse Valeur diagnostique Technique : Le bilan de carcinose ne peut être optimal qu’avec un scanner multicoupe pour obtenir des reconstructions de qualité indispensables à l’étude. •Patiente à jeun de 3 heures •Opacification digestive par voie haute •Acquisition hélicoïdale sans et avec injection de produit de contraste (quantité :120 cc ;débit : 3 cc/sec ) au temps portal (60 sec). •Reconstructions axiale, coronale et sagittale d’épaisseur < 3mm avec étude avec ciné view sur console dédiée Sémiologie : La carcinose péritonéale en scanner peuvent avoir plusieurs formes : • Nodules ou masses • Plaques • Infiltration ou épaississement • Ascite Nodules plaques Lésions calcifiées du gâteau omental et nodule calcifié de la gouttière pariétocolique droite seconadaire à un cancer ovarien mucineux. Certaines localisations prennent des aspects particuliers: • Épiploon: Gâteau épiploïque • Surface du foie ou de la rate: scaloping • Mésentère: nodule stellaire • Anses grêles: occlusion Vue coelioscopique Carcinose au niveau du grand omentum= "Gâteau épiploïque" TEP: Hyperfixation du grand omentum scaloping Nodule de carcinose du mésocolon et du colon droits Occlusion mécanique du grêle sur carcinose péritonéale secondaire à un cancer de l’ovaire Analyse tomodensitométrique dans le bilan d’extension d’un cancer de l’ovaire : • Règles générales • Les localisations contre-indiquant une cytoréduction optimale • Les localisations aveugles à l’exploration chirurgicale • Proposition d’un mode de présentation des résultats •Règles générales Cette analyse doit tenir compte : •De l’anatomie du péritoine •De la physiopathologie de la dissémination carcinomateuse •Des localisations susceptibles de déterminer le choix thérapeutique Elle doit s’aider obligatoirement par des reconstructions multiplanaires orientées Idéalement une grille récapitulative doit être remplie. Cette grille est à établir avec le chirurgien selon les habitudes de l’équipe. Harpeet K et al: Multidetector CT of peritoneal carcinomatosis from ovarian cancer. Radiographics 2003; 23: 687-701 Les localisations contre-indiquant une cyto-réduction optimale (1,5,6) La sensibilité et la spécificité du scanner dans la détection des cancers inopérables est respectivement de76% et 99% . ¾Lésions péritonéales de plus de 2 cm . Hile hépatique . Scissure hépatique (ligament falciforme) . Lit vésiculaire . Ligaments gastro-hépatique et gastro-splénique . L’arrière cavité des épiploons . Les coupoles diaphragmatiques (péritoine pariétal) . Le dôme hépatique (péritoine viscéral) . La plèvre . La racine du mésentère ¾L’atteinte ganglionnaire . Espace inframédiastinal postérieur . L’axe cœliaque . Chaînes lombo-aortiques sus-mésocoliques ¾Autres : . Métastase hépatique . Envahissement de la paroi pelvienne Nodule de carcinose sur le ligament falciforme Coupole au-dessus du foie gauche Coupole diaphragmatiq ue droite Hile hépatique Adénopathie lombo-aortique sus-rénale Métastase hépatique. (Noter la masse surrénalienne) Nodules de carcinose au niveau du lit vésiculaire et l’espace de Morrison Localisations non détectables par l’exploration chirurgicale (3) : • diaphragme • hile splénique • estomac • la racine du mésentère • les ganglions para-aortiques sus-rénaux Nodule de la paroi gastrique Nodule du hile splénique Proposition de tableau à remplir au décours d’un bilan tomodensitométrique d’un cancer de l’ovaire: (A: Atteinte, N: Non atteinte, mettre ? si doute) A N Estomac Mésocolon gauche Ligament gastrosplénique Colon gauche Ascite Coupole droite Coupole gauche Surface hépatique Hile hépatique Lit vésiculaire Scissure hépatique Espace sous hépatique ACE Mésocolon droit Ganglions pelviens droits Ganglions pelviens gauches Colon droit Epiploon sus mésocolique Epiploon sous méso-colique Gouttière pariétocolique D Mésentère Ganglions lomboaortiques sous rénaux Anses grêles Sigmoïde Rectum Gouttière pariétocolique G Vessie Surface splénique Mésocolon transverse Paroi pelvienne Hile splénique Colon transverse Ganglions lomboaortiques susrénaux Métastase viscérale Localisation extraabdominale Variante de la veine rénale gauche Valeur du scanner multicoupe : Avantage : La technologie multicoupe permet : ¾L’exploration d’un grand volume au cours d’un temps bref ¾Des reconstructions multiplanaires d’excellente qualité nécessaires pour l’étude des surfaces péritonéales complexes ¾La réalisation de coupes fines permettant la détection d’implants infracentimétriques ¾L’analyse interactive et la navigation sur volume ¾Une excellente sensibilité, spécificité, VPP et VPN estimées respectivement à 76%, 99%, 94%, 96% dans la détection des tumeurs non opérables (6) Limites : ¾Ne détecte pas la miliaire carcinomateuse ¾Ne permet pas de définir la nature de la carcinose : rétractile, nodulaire, plane ou diffuse, hémorragique L’imagerie par résonance magnétique : •L’IRM reste le meilleur moyen pour la caractérisation lésionnelle et le bilan d’extension locale. •Certaines précautions peuvent aider pour optimiser l’examen : Un jeune de trois heures, l’administration des antipéristaltiques, l’opacification digestive par du contraste négatif et l’injection de produit de contraste. •Elle est plus performante que le scanner pour la détection des implants de taille inférieure à 1 cm surtout en l’absence d’ascite (1). •L’imagerie de diffusion semble être une technique très prometteuse dans ce domaine TEP / TEP-CT: • L’apport du TEP corps entier, moyennant le 18FDG, dans la stadification est controversé. • Il présente une faible sensibilité (58%) pour la détection de la carcinose • Sa faible résolution empêche la détection des lésions < 1cm • Enfin, il semble être un outil complémentaire dans le bilan d’extension des cancers de l’ovaire. TEP-TDM 18 FDG Localisations métastatiques hépatiques Foyers de carcinose Absence de fixation pulmonaire Absence de fixation osseuse Conclusion : Le scanner multicoupe est actuellement l’examen de référence dans le bilan préthérapeutique des cancers de l’ovaire Il permet, en parallèle avec la cœlioscopie exploratrice, un staging préopératoire précis permettant de poser les contre-indications d’une chirurgie d’exérèse optimale et de prévoir les difficultés opératoires. Il requiert cependant, pour être optimal, une technique rigoureuse, une analyse méthodique qui tient compte de physiopathologie de la maladie et les possibilités techniques cœlioscopique et chirurgicale. Les autres techniques restent complémentaires dans ce bilan. Références: 1. Paula J. Radiologic staging of ovarian carcinoma with pathologic corrélation; Radiographics 2004; 24: 225-246 2. Bats A S, Barranger E. Mise au point sur les cancers de l’ovaire. Journal de Gynécologie Obstétrique et Biologie de la Reproduction 2008 Vol 37:64-68 3. Harpeet K et al: Multidetector CT of peritoneal carcinomatosis from ovarian cancer. Radiographics 2003; 23: 687-701 4. Coakley et al: Peritoneal metastases: Detection with CT in patients with ovarian cancer. Radiology 2002; 223: 495-499. 5. Taîeb S, Ceugnart L, Chevalier A: Le scanner multibarrettes: un outil indispensable au bilan d’extension des cancers de l’ovaire.. Imagerie de la femme 2005 ; 15 : 219-27. 6. Pomel C, Jardon K, Balleyguier C. Ce qu’attend le chirurgien du radiologue dans le prise en charge du cancer de l’ovaire. Imagerie de la femme 2005 ; 15 : 235-9 7. Véron-piot S et al. Carcinose péritonéale : comment, quoi et où chercher ? Feuillet de radiologie 2007 ; 47, n4, 260-268 8. Demeo JH. Anatomic CT demonstration of the peritoneal spaces, ligaments and mesenteries: Normal and pathologic process. Radiographics 1995; 15: 755-770