Dossier thématique
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La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue - Vol. X - nos 1-2 - janvier-février 2007
possible d’individualiser les patients fragilisés pour lesquels
un traitement spécifi que de la tumeur n’est pas justifi é, mais qui
doivent recevoir un traitement symptomatique optimal, et les
patients sans comorbidités ni dépendance qui sont candidats à un
traitement actif de leur maladie. A priori, ce traitement actif doit
être le traitement standard, c’est-à-dire celui qui serait proposé
aux patients les plus jeunes. La décision est souvent plus diffi cile
à prendre pour les patients “vulnérables” présentant une ou deux
comorbidités ou dépendants pour les activités instrumentales de
la vie quotidienne. Chez ces patients, la déci sion thérapeutique
dépendra de l’espérance de vie : un traitement antitumoral est
indiqué si l’espérance de vie du patient est liée au cancer et que
la tolérance prévisible au traitement est bonne.
Au terme de ce bilan initial, la stratégie thérapeutique la plus
adaptée au patient doit être décidée dans le cadre d’une discus-
sion multidisciplinaire.
CHIRURGIE
Chez les patients opérables et en bon état général, la chirurgie
reste le seul trai tement potentiellement curateur et doit être
proposée quand elle est réalisable.
Alors que l’on considère que les patients âgés sont habituelle-
ment moins bien pris en charge que les patients plus jeunes, il
est important de noter que des améliorations ont été observées
et que la proportion de patients âgés de plus de 75 ans opérés
à visée curative est passée de 57,5 à 72,1 % entre les périodes
1976-1987 et 1988-1999 dans le département de la Côte d’Or
(4). Cela s’explique essentiellement par une amélioration du
stade tumoral en raison d’un diagnostic plus précoce.
Les modalités techniques de la chirurgie du cancer colorectal
chez les sujets âgés sont identiques à celles des patients plus
jeunes et doivent impérativement suivre les règles de la chirurgie
carcinologique.
La principale caractéristique de la chirurgie des cancers colo-
rectaux chez ces patients âgés reste l’augmentation du risque
de survenue d’une complication au cours de la période péri-
opératoire. Bien que le risque de mortalité postopératoire ait
fortement diminué au cours des vingt dernières années (5), une
revue de la littérature a montré que la mortalité postopératoire
augmentait avec l’âge et était multipliée par 6,2 chez les patients
âgés de plus de 85 ans (6). Le risque de mortalité postopératoire
est majoré, passant de 5 à 20 % en cas de chirurgie en urgence, ce
qui est plus fréquemment le cas chez les sujets âgés que chez les
patients jeunes, et par l’existence d’au moins deux comorbidités
associées. Dans une étude rétrospective française, la mortalité
d’une chirurgie élective n’était pas plus élevée chez les patients âgés
de plus de 80 ans que chez les patients plus jeunes, mais elle était
plus importante en cas de résection colo rectale en urgence (7).
La chirurgie des cancers du rectum est réalisable chez des
patients âgés en bon état général. La mortalité et la morbidité
de l’intervention étaient comparables à celles observées chez
des patients plus jeunes avec une survie spécifi que identique
dans une population sélectionnée (8).
CHIMIOTHÉRAPIE ADJUVANTE
Chez les patients âgés, des modifi cations pharmacologiques et
pharmacocinétiques peuvent modifi er la tolérance et l’effi cacité
de la chimiothérapie, et la sensibilité des tissus normaux à la
toxicité des drogues est majorée (diminution des réserves de
cellules souches hématopoïétiques et muqueuses, diminution
du potentiel de régénération des villosités intestinales), rendant
indispensable une surveillance particulièrement attentive afi n de
traiter rapidement les complications et d’adapter le traitement.
En raison de ce risque de toxicité plus important et en l’absence
de données prospectives concernant la tolérance et l’effi cacité de
la chimiothérapie dans cette population, la place de la chimio-
thérapie dans la prise en charge des cancers digestifs des patients
âgés de plus de 75 ans a longtemps été controversée (9).
Les données épidémiologiques montrent que les patients âgés
sont sous-traités et n’ont pas bénéfi cié, contraire ment aux patients
plus jeunes dont le pronostic s’est amélioré au cours des vingt-
cinq dernières années, des progrès thérapeutiques récents liés au
développement de protocoles de chimiothérapie plus effi caces.
Cela est particulièrement vrai pour la chimiothérapie adjuvante.
Ainsi, 4,9 % des patients âgés de plus de 75 ans et ayant une tumeur
colique de stade II opérée à visée curative ainsi que 24,4 % de
ceux ayant une tumeur de stade III ont reçu une chimiothérapie
adjuvante au cours de la période 1997-1998 en Côte d’Or (4).
Ces valeurs étaient respectivement de 47,3 % et 86,1 % chez les
patients âgés de moins de 65 ans (4). La proportion de patients
âgés de plus de 75 ans recevant une chimiothérapie adjuvante
après exérèse d’un cancer du côlon de stade III était de 26 % dans
une série de l’hôpital Bichat (Paris) (10). Des résultats compara-
bles ont été observés aux Pays-Bas (11). Cette attitude n’est pas
justifi ée par les données des études qui suggèrent un bénéfi ce de
la chimiothérapie adjuvante chez les patients âgés. Deux études
réalisées à partir des bases de données de population du système
d’assurance médical nord-américain (Medicare) ont retrouvé un
gain de survie chez les patients âgés de plus de 65 ans et traités par
chimiothérapie à base de 5-fl uoro-uracile (5-FU) après résection
d’un adénocarcinome colique de stade III (12, 13). Les données
concernant les patients âgés de plus de 75 ans ne sont toutefois
pas détaillées dans ces études.
Une méta-analyse portant sur les données individuelles de
506 patients âgés de plus de 70 ans, dont seulement 23 étaient
âgés de plus de 80 ans, inclus dans 7 essais prospectifs de phase III,
comparant une chimiothérapie à base de 5-FU en bolus à une
chirurgie seule, a montré que les patients âgés de plus de 70 ans
bénéfi ciaient autant que les sujets plus jeunes de la chimiothérapie
adjuvante, tant en ce qui concerne la survie sans récidive que
la survie globale. À l’exception des leucopénies, liées à l’admi-
nistration du 5-FU en bolus, les eff ets indésirables n’étaient pas
plus fréquents chez les patients les plus âgés (14).
Depuis la publication des résultats de l’étude MOSAIC, une
chimiothérapie adjuvante par FOLFOX4 est le nouveau standard
après exérèse des tumeurs de stade III. Les résultats d’une analyse
poolée portant sur les données individuelles de 3 743 patients
inclus dans 4 essais thérapeutiques (dont MOSAIC) suggèrent