COURS : Intermédiation financière 2013/2014
Thierry Granger
Notes sur les théories de l’intermédiation financière
et des crises bancaires
7 avril 2014
Table des matières
1 Le modèle de Diamond et Dybvig étendu 4
1.1 Les politiques privées et publiques de stabilité financière . . . 4
1.2 La représentation du bilan bancaire sur deux périodes . . . . 6
1.3 Les deux théories des ruées bancaires . . . . . . . . . . . . . . 9
2 La création de liquidité par les banques 9
2.1 Sous les hypothèses de Diamond et Dybvig, une banque peut
remplacer les dépôts par des actions (Jacklin) . . . . . . . . . 10
2.2 Gorton et Pennacchi : les actions ne sont pas « liquides » (en
asymétrie d’information) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11
2.3 Gorton et Pennacchi : les dettes ou les dépôts sans risque sont
« liquides » (l’information est symétrique) . . . . . . . . . . . 15
2.4 La ruée sur le shadow banking .................. 16
3 Excès de crédit et bulles financières 18
3.1 Le modèle d’Allen et Gale (2000, 2007) . . . . . . . . . . . . . 18
3.2 Quelques exemples historiques de crises provoquées par
l’expansion du crédit . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23
4 Conclusion 25
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Ouvrages de références
Allen F. et Gale D. (2007), Understanding Financial Crises, Clarendon
Lectures in Finance, Oxford University Press.
Etner F. et Granger Th. (2011), Économie Financière, Paris, Economica.
Freixas, X. et Rochet, J.-C. (1997), Microeconomics of Banking, Cam-
bridge, Mass., The MIT Press .
Tirole, J. (2006), The Theory of Corporate Finance, Princeton University
Press..
Articles de synthèse
Gorton, G. et Winton, A. (2003), « Financial Intermediation », in Handbook
of the Economics of Finance, G.M. Constantinides, M. Harris et R.
Stulz (eds.), Elsevier.
Tirole, J. (2011), « Illiquidity and All Its Friends », Journal of Economic
Literature, 49(2), p. 287-325.
3
Nous présentons d’abord le modèle de Diamond et Dybvig « étendu » en
modifiant trois hypothèses : (i) la rentabilité de l’actif à long terme,
de fixe devient aléatoire, (ii) la proportion de retrait des consommateurs
impatients, de fixe devient aléatoire, (iii) il existe des fonds propres. En-
suite nous présentons le modèle de Gorton et Pennacchi (1990) qui permet
de comprendre qu’en proposant des dépôts (ou des dettes à court terme)
sans risque aux consommateurs, une banque crée de la « liquidité » dans un
sens diffèrent et complémentaire de la liquidité comme « assurance » de la
consommation intertemporelle (section 2). Ces deux premières théories per-
mettent de comprendre à la fois la fragilité du système bancaire traditionnel
et du shadow banking.
Dans les sections 3 et 4, nous étudions les effets que peut avoir l’aléa
moral sur le risque de rentabilité des investissements bancaires d’une part,
et sur le risque de liquidité bancaire d’autre part.
1 Le modèle de Diamond et Dybvig étendu
Pour qu’il y ait une ruée au sens de Diamond et Dybvig (D&D), trois
conditions doivent être remplies : la première est que les banques offrent
à leur client un contrat de dépôt où chaque client a un droit de retrait
déterminé en fonction de son dépôt initial, la seconde est que s’applique la
règle du « premier arrivé, premier servi » (service séquentiel), la troisième
est que les prêts soient garantis par un portefeuille commun d’actifs (pool).
Dans ces conditions, si une banque est obligée de liquider son portefeuille
d’actifs à prix bradés, le dernier arrivé risque de ne pas être servi du tout,
ce qui l’incite à se ruer si les autres se ruent.
Dans le système bancaire qui s’est développé dans les années 1990, que
ne connaissait pas Diamond et Dybvig en 1983, les conditions précédentes
s’appliquent aux quasi-dépôts effectués auprès des investisseurs institution-
nels – comme les parts de Money Market Mutual Funds (MMMF), ou les
Asset Backed Commercial Papers (ABCP) émis par des Special Investment
Vehicles (SIV).
1.1 Les politiques privées et publiques de stabilité financière
Comme l’ont montré D&D, les banques sont fragiles à cause de la trans-
formation qu’elles opèrent entre les placements à court terme qu’on y ef-
fectue au passif de leur bilan et les placements qu’elles effectuent à l’actif
de leur bilan. En cas d’un excès de retrait anticipé des dépôts – ou de non
renouvellement d’un financement à court terme – les banques subissent un
« choc de liquidité » qui les obligent à vendre des actifs. Ce choc peut être
micro-économique et ne concerner qu’une banque, ou macro-économique et
concerner plusieurs banques. Dans ce dernier cas, il est alors beaucoup plus
4
grave, puisque tous les banques doivent vendre leurs actifs en même temps
pour trouver de la liquidité. Le « modèle de D&D étendu » que nous pré-
sentons dans cette section a pour but d’expliciter les politiques, de la part
des banques ou des autorités monétaires, qui favorisent la stabilité bancaire
lorsqu’un tel événement se produit.
Toutes ces politiques ont le même but : éviter les ventes d’actif à prix
bradés. Ce sont essentiellement :
1. L’assurance des dépôts : en cas de retrait excessif qui menacerait la
solvabilité de la banque, les déposants peuvent faire appel à un fonds
d’assurance. Ex ante, les déposants n’ont aucun intérêt à se ruer
sur leur banque, puisque leur retrait ne dépend pas de leur ordre
d’arrivée au guichet. L’inconvénient de l’assurance des dépôts est
qu’elle renforce l’incitation des actionnaires, qui bénéficient déjà de la
responsabilité limitée, à prendre des risques excessifs en augmentant
leur levier (ratio dette-dépôt/capital). L’assurance des dépôts a été
introduit aux Etats Unis en 1934 après la Grande dépression.
2. Les réserves : ce sont des actifs de même échéance que le passif, donc
à court ou très court terme. Lorsque les retraits n’excèdent pas les
réserves, il n’est pas utile à la banque de vendre des actifs (plus longs).
L’inconvénient des réserves, comme il apparaîtra dans la présentation
ci-dessous, est que leur rentabilité est faible, voire nulle, augmentant
de ce fait le risque d’insolvabilité bancaire. Une variante radicale de
la politique de réserve est d’obliger les banques à placer tout leurs
dépôts en obligations publiques de même échéance. Cette séparation
était dans l’esprit du Glass Steagall Act adopté également en 1934,
séparant les banques de dépôt et les banques d’investissement. Cette
législation a été abandonnée aux Etats Unis en 1999.
3. Les fonds propres : en cas de retrait excessif, lorsque la banque a
épuisé ses réserves, elle doit vendre des actifs. Soit Lla perte en-
gendrée sur cette vente par rapport à la valeur fondamentale. Si la
valeur des fonds propres est Kavec K > L, la banque n’est pas en
faillite. Sinon, elle l’est. Les fonds propres servent donc d’amortisseur
aux chocs de liquidité sans avoir l’inconvénient des réserves. En esti-
mant que le théorème de Modigliani et Miller, sur la neutralité des
structures financières, est vrai en première analyse, l’augmentation
du financement bancaire par l’émission d’actions n’est pas préjudi-
ciable à la rentabilité économique de l’entreprise. Les ratios de fonds
propres obligatoires ont été imposés dans la plupart des pays sur la
base des conclusions du comité de Bâle I, puis de Bâle II et mainte-
nant de Bâle III de la Banque des règlements internationaux (BRI).
Les Etats Unis avaient adopté, avant la la crise de 2007-2009, une
législation plus contraignante.
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