
excessifs d’alcool. En 2007, la cirrhose alcoolique représen-
tait la première cause de mortalité imputable à l’alcool en
France, responsable de 9 000 à 10 000 décès.
Selon l’Agence française de biomédecine, on dénombrait,
en 2008, 1 011 greffes hépatiques, dont 27 % pour
cirrhose alcoolique. C’est la première indication de trans-
plantation hépatique (TH) en France et la deuxième en
Europe et aux États-Unis.
“
En 2008, 1 011 greffes hépatiques
dont 27 % pour cirrhose alcoolique
”
Dès 1983, la TH a été reconnue par la conférence du NIH
(National Institutes of Health) comme une indication dans la
prise en charge des cirrhoses alcooliques, chez des patients
abstinents et présentant des critères cliniques péjoratifs.
Selon l’ELTR (registre européen de transplantation
hépatique), de 1988 à 2008, 33 % des TH pour cirrhose
et 21 % des TH toutes causes confondues avaient pour
indication principale la cirrhose alcoolique. Ces chiffres
révèlent l’évolution des mentalités, puisque la cirrhose
alcoolique représentait seulement 4,6 % des indications
en 1983. Cette évolution a été possible grâce aux résultats
probants de la TH pour cirrhose alcoolique.
Ainsi, la survie à 5 ans chez les patients atteints de cirrhose
alcoolique décompensée est supérieure à 70 % s’ils sont
transplantés, alors qu’elle est inférieure à 20 % en
l’absence de transplantation. Dès 1988, Starzl et al. [1]
ont montré que les survies à 1 et 3 ans des patients trans-
plantés pour cirrhose alcoolique du foie étaient compara-
bles à celle de patients transplantés pour cirrhose non
alcoolique. Ces résultats ont été confirmés à maintes
reprises et étendus à la survie à 5 ans qui demeurait
identique [2, 3]. Les taux de survie chez les patients trans-
plantés pour cirrhose alcoolique sont respectivement de
79 % à 3 ans, de 74 % à 5 ans, de 61 % à 8 ans et de
56 % à 10 ans. La Conférence de consensus française, qui
s’est tenue à Lyon en 2005, a d’ailleurs validé « la cirrhose
alcoolique comme une indication de la TH au même
titre que les autres cirrhoses. ». Malgré ces données, il
existe encore des réticences à proposer la TH pour cirrhose
alcoolique. Dans cette revue, quatre points majeurs seront
développés :
–les spécificités du bilan pré-TH chez le patient porteur
d’une cirrhose alcoolique ;
–la prévalence, les facteurs de risque et les conséquences
d’une rechute de la maladie alcoolique après TH ;
–l’émergence des cancers de novo après TH pour cirrhose
alcoolique ;
–la place que pourrait prendre la TH dans l’hépatite
alcoolique aiguë résistante au traitement conventionnel.
Spécificités du bilan
de prétransplantation hépatique
chez un patient cirrhotique alcoolique
Chez les patients atteints de cirrhose alcoolique, l’intoxica-
tion alcoolique chronique peut entraîner des atteintes
extrahépatiques, qui doivent être cherchées au cours
du bilan prégreffe. L’inscription de ces malades en liste
d’attente de TH est possible, comme spécifié par la confé-
rence de consensus de 2005, après « un bilan prégreffe
particulièrement attentif à la recherche des lésions liées
à une toxicité alcoolique, voire alcoolo-tabagique, extrahé-
patique, tels les cancers et états précancéreux ORL,
bronchiques, œsophagiens, une affection cardiovasculaire
et respiratoire ».
“
L’intoxication alcoolique chronique peut
entraîner des atteintes extra-hépatiques
”
Les autres organes ou systèmes que le foie pouvant être
affectés par une intoxication alcoolique chronique sont le
pancréas, les reins, le cœur et le système nerveux.
Une pancréatite chronique calcifiante évoluée entraîne
des douleurs abdominales chroniques, un diabète et une
dénutrition importante, qui devront être pris en compte en
pré-TH. De plus, il faut être particulièrement vigilant aux
séquelles possibles d’une poussée de pancréatite aiguë :
abcès, thrombose des vaisseaux splanchniques, adhérences
qui peuvent compliquer la procédure chirurgicale lors de la
TH. La prévalence de l’adénocarcinome du pancréas est
plus élevée chez les patients alcooliques, même si cela
est surtout lié à l’intoxication tabagique. L’exclusion avec
certitude d’un processus tumoral pancréatique nécessite
un bilan morphologique exhaustif en pré-TH.
Le système nerveux, central et périphérique peut être
également touché. L’encéphalopathie de Gayet Wernicke
et le syndrome de Korsakoff résultent d’une carence
en thiamine (vitamine B1). La consommation excessive
chronique d’alcool entraîne un déficit en thiamine, du fait
d’un manque d’apport, d’une diminution de l’absorption
digestive et d’une mauvaise intégration cellulaire de cette
vitamine. Le traitement consiste en une compensation
parentérale en thiamine, mais la récupération en cas de
syndrome de Korsakoff est minime voire nulle. Cette
démence alcoolique, touchant des sujets dès l’âge de
35-40 ans, contre-indique la TH. Ces troubles neurolo-
giques sont difficilement mis en évidence quand il existe
un état d’encéphalopathie hépatique chronique, fréquent
en cas d’hépatopathie au stade terminal. Une neuropathie
alcoolique périphérique se traduit par des crampes, des
douleurs, une faiblesse musculaire pouvant mener à une
impotence avec difficultés de la marche. Toutefois, elle ne
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HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive
vol. 17 n
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4, juillet-août 2010
Transplantation pour cirrhose alcoolique
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