Les nouveaux critères d`exonération fiscale des associations

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Responsabilité civile
des professions réglementées
de conseil
En outre, un contrôle fiscal pesant sur une association ne pose pas seulement, comme dans le
cadre d'une société, un problème d'assiette d'imposition, mais celui du principe même de l'imposition à l'ensemble des impôts commerciaux :
TVA, impôt sur les sociétés et imposition forfaitaire
annuelle, taxe professionnelle et taxe d'apprentissage. Une association peut ainsi basculer d'un
régime de totale exonération à un régime de
total assujettissement.
Brigitte Clavagnier
Les nouveaux
critèr es
d'exonération
fiscale des
associations
L
es associations sont-elles des contribuables privilégiés ou au contraire pénalisés ?
La question était débattue depuis plusieurs
années, sans que les représentants du monde
associatif et de l'administration fiscale parviennent à une solution acceptable de part et
d'autre.
En effet, l'administration fiscale, chargée notamment de veiller au respect du libre jeu de la
concurrence et de lutter contre le "paracommercialisme" de certaines associations, a intensifié les
contrôles fiscaux à leur encontre ces dernières
années.
Or, les critères d'exonération fiscale étaient particulièrement subjectifs, voire politiques, si bien
que le traitement fiscal d'une association dépendait très largement de la seule appréciation d'un
service ou d'un vérificateur. Des décisions parfaitement opposées pouvaient ainsi être retenues
pour des situations objectives semblables, d'un
département ou d'un service à l'autre.
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Les conséquences financières de tels contrôles
sont, dans la plupart des cas, dramatiques :
comment faire face à un redressement en matière de TVA lorsque cette taxe n'a pas été prélevée
sur les usagers (consommateurs finaux) ou n'a
pas été incluse dans le montant des subventions
publiques, et que, par ailleurs la prescription ne
permet même plus de récupérer tous les crédits
de TVA dont l'association aurait pu bénéficier sur
ses investissements ?
Résumé
La nouvelle instruction fiscale propose des critères économiques qui se veulent moins subjectifs qu’auparavant :
- gestion bénévole et désintéressée,
- existence d’une concurrence commerciale,
- modalités d’exploitation de l’activité analysée à travers
quatre critères d’importance décroissante : le produit, le
public concerné, les prix pratiqués, la publicité.
Mais cette instruction comporte de nombreux pièges :
- la gestion bénévole semble être devenue un préalable
à toute exonération
- les associations exerçant à la fois des activités lucratives
et non lucratives auront l’obligation d’isoler les premières
dans un secteur distinct d’activités ou dans une filiale commerciale. Mais les activités lucratives devront demeurer
accessoires et les relations entre l’association avec sa
filiale devront se limiter aux simples liens de l’actionnariat.
Les mesures d’accompagnement, essentiellement l’abandon des contentieux en cours et la possibilité d’interroger
un " correspondant association " dans chaque DDI, constituent un avantage important en permettant aux associations de régulariser leur situation sans encourir un contrôle fiscal rétroactif. Mais cela requiert la présentation d’un
dossier délicat à constituer et la réponse de l’administration n’apportera pas une garantie absolue si la situation
de l’association ou l’état de la concurrence évolue au fil
du temps.
R.F.C. 304 - Octobre 1998
Associations :
nouveau régime fiscal
En outre, l'absence de dépôt des déclarations fiscales, parfois de comptabilité, interdisait l'imputation des déficits ou plaçait l'association en
situation de taxation d'office.
C'est pourquoi, après des années de débats au
sein du Conseil national de la vie associative
notamment, le Premier ministre a pris l'engagement de faire aboutir ce dossier en chargeant M.
Guillaume Goulard, Maître de requête au Conseil
d'Etat, d'établir un rapport visant à clarifier le régime fiscal des associations. Ce rapport devait servir de base à l'élaboration d'une instruction fiscale. Celle-ci vient d'être publiée au Bulletin officiel
des impôts du 15 septembre 1998.
Si la terminologie employée diffère de celle des
précédentes instructions fixant la "doctrine des
œuvres", nous constatons que cette instruction
n'apporte pas de véritables bouleversements
mais redéfinit, en les modernisant, les critères précédemment dégagés par la jurisprudence fiscale, et introduit des nuances et une graduation
dans ces critères.
Sans doute l'apport le plus important réside-t-il
dans les mesures d'accompagnement décidées
par le Gouvernement. En revanche, on peut
regretter que cette instruction n'ait pas été également l'occasion de repréciser certains problèmes fiscaux concernant tout particulièrement
les associations, notamment en ce qui concerne
la TVA sur les subventions.
1RE PARTIE
COMMENTAIRES
DE L'INSTRUCTION
DU 15 SEPTEMBRE 1998
Remarques liminaires :
une méthode d'analyse inversée
Le principe de l'exonération
Abstract
The new tax instruction contains economic criteria that are
supposed to be less subjective than heretofore :
- charitable and disinterested objectives,
- existence of commercial competition,
- management methods of the activity analysed under four
criteria of decreasing importance: the product, the public
concerned, the prices set, advertising.
However, this instruction contains numerous pitfalls :
- the charitable objective seems to have become the precondition for any exemption,
- associations engaged both in profit making and non-profit
making activities will be compelled to segregate the former in
a distinct activity sector, or in a commercial subsidiary. However,
profit-making activities must remain ancillary and the relationship between the association and its subsidiary must be
limited solely to the shareholder link.
The accompanying measures, essentially the abandonment
of litigation in progress and the possibility of questioning a “correspondent association” in each DDI, constitute a significant
advantage by allowing associations to regularise their situation without running the risk of a retro-active tax investigation. But this requires the submission of a case that is delicate to prepare and the reply given by the Administration will
not provide an absolute guarantee should the situation of the
association or the state of the competition change with time.
R.F.C. 304 - Octobre 1998
Deux instructions fiscales fixaient antérieurement
la doctrine administrative :
- l'une en matière de TVA : instruction du 17 mai
1976 (BODGI 3A-7-76),
- l'autre en matière d'impôt sur les sociétés, en
date du 27 mai 1977 (BODGI 4H-2-77).
Ces textes posaient en premier lieu le principe de
l'assujettissement des associations exerçant une
activité économique ou commerciale et, à titre
d'exception, leur exonération si les critères légaux
ou jurisprudentiels étaient respectés.
Aujourd'hui, le principe affirmé est celui de l'exonération : « Les associations et plus généralement
les organismes réputés être sans but lucratif ne
sont pas en principe soumis aux impôts dus par les
personnes exerçant une activité commerciale.......
Ces organismes bénéficient en effet de larges
exonérations fiscales.
Toutefois, si ces organismes exercent des activités
lucratives, ceux-ci doivent être soumis aux impôts
commerciaux afin de garantir le respect du principe d'égalité devant les charges publiques et éviter des distorsions de concurrence » (Introduction
de l'instruction fiscale du 15 septembre 1998).
Néanmoins, même si les associations susceptibles
d'être exonérées demeurent une majorité, cette
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présentation ne doit pas leurrer celles, de plus en
plus nombreuses, qui ont dû rechercher dans
l'exercice d'une activité économique, les moyens
de réaliser ou financer leurs activités.
Le bénévolat posé en préalable
Par ailleurs, l'instruction du 15 septembre 1998
pose un préalable : la gestion de l'association
doit être bénévole et désintéressée, et cela,
semble-t-il, indépendamment de l'exercice par
l'association d'une activité lucrative.
En effet, le schéma d'analyse est désormais le suivant :
« 1) Examiner si la gestion de l'association est
désintéressée ; si la gestion est intéressée, l'organisme est nécessairement soumis aux impôts
commerciaux.
2) Si la gestion est désintéressée, examiner si l'organisme concurrence le secteur commercial.
S'il ne concurrence pas le secteur commercial et
que sa gestion est désintéressée, l'organisme
n'est pas imposable.
3) S'il concurrence le secteur commercial, examiner si l'organisme exerce son activité selon des
modalités de gestion similaires à celles des entreprises commerciales » ;
L'absence de gestion désintéressée laisse présumer le caractère lucratif de l'association indépendamment du fait de savoir si, par l'exercice
d'une activité économique, elle entre dans le
champ d'application des impôts commerciaux.
Dès lors, les associations cultuelles, régies par la loi
de 1905, financées exclusivement par des dons,
seront-elles désormais assujetties aux impôts
commerciaux si les ministres du culte qui les président demeurent rémunérés pour l'exercice de
leur ministère (situation des pasteurs de l'église
protestante, salariés et administrateurs des associations cultuelles) ?
La notion de lucrativité est commune aux
trois impôts commerciaux (TVA-IS-TP)
Désormais, la notion de lucrativité est analysée
de façon identique pour les trois impôts commerciaux. Dès lors, se trouve officialisée la position de
l'administration fiscale refusant de reconnaître
qu'un organisme puisse être lucratif pour l'application des textes relatifs à la TVA et non lucratif
au regard de l'impôt sur les sociétés.
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LES NOUVEAUX CRITÈRES
D'EXONÉRATION FISCALE
DES ASSOCIATIONS
Pourtant, en l'état actuel de la législation française, cette solution ne s'imposait pas. Il existe en
effet une différence entre le champ d'application de la TVA, qui concerne les activités économiques, même réalisées à prix coûtant, et le
champ d'application de l'impôt sur les sociétés
qui concerne les activités ou opérations présentant un caractère lucratif, notion qui implique la
recherche d'un profit.
La méthode de raisonnement proposée par l'instruction fiscale et le plan de cette instruction invitent donc à examiner la question de la lucrativité
de l'association avant même que d'étudier les
éventuelles possibilités d'exonération de TVA et
leurs répercussions en matière d'impôt sur les
sociétés (1).
Néanmoins, cette présentation formelle ne
devrait guère modifier fondamentalement la
situation actuelle. En particulier, les associations
"fermées" rendant des services à leurs membres
peuvent continuer à bénéficier de l'exonération
de TVA prévue à l'article 261-7-1er-a du CGI et de
l'exonération d'impôt sur les sociétés qui en
découle. Ce n'est que si ce texte ne peut leur
être appliqué (en particulier parce que la notion
de membre est contestée) qu'elles devront
démontrer qu'elles répondent aux nouveaux critères d'exonération.
Enfin, on peut remarquer que ces critères demeurent très proches de ceux imposés par l'article 2617-1er-b du CGI aux œuvres à caractère social et
philanthropique : tellement proches que l'administration fiscale n'a pas estimé nécessaire de commenter cet article dans la nouvelle instruction.
Ceci rejoint d'ailleurs parfaitement la position
dégagée par la jurisprudence à la suite de l'arrêt
du Conseil d'Etat du 30 novembre 1973 (2).
L'abandon de la "doctrine des œuvres"
et du terme "utilité sociale" au profit de
critères économiques mettant l'accent
sur la notion de concurrence
Les précédents critères d'exonération fiscale,
réunis sous la dénomination "doctrine des
1. Article 261-7-1er-a, b et c du CGI et article
207-1-5-bis du CGI).
2. Droit fiscal 1974, n° 17-18, comm. 531.
R.F.C. 304 - Octobre 1998
Associations :
nouveau régime fiscal
œuvres", étaient au nombre de cinq. Ils présentaient un caractère cumulatif, même si le dernier,
celui de l' "utilité sociale" était prépondérant. Une
association ne pouvait prétendre au bénéfice de
l'exonération que si les conditions suivantes
étaient respectées :
« - L'activité exercée doit entrer strictement dans
le cadre de l'activité désintéressée de l'association, et contribuer par sa nature et non simplement financièrement à la réalisation de cet
objet.
- La gestion de l'association ne doit procurer
aucun profit matériel ou indirect aux fondateurs,
dirigeants ou membres de cette dernière.
- La réalisation d'excédents de recettes ne doit
pas être systématiquement recherchée.
- Les excédents de recettes, lorsqu'ils existent, doivent être réinvestis dans l'œuvre elle-même.
- L'activité doit présenter une certaine utilité
sociale ».
Le critère fondamental de l'utilité sociale avait
été défini, par le Commissaire du gouvernement
Delmas-Marsalet, de la façon suivante : « Le
caractère social d'une institution ne découle pas
du secteur dans lequel elle exerce son activité
mais bien des conditions dans lesquelles elle
3. Conclusions du Commissaire du Gouvernement
Delmas-Marsalet, Conseil d'Etat 30 novembre 1973,
Droit fiscal 1974, n° 17-18, com. 531).
4. Rapport de la Direction nationale des enquêtes
fiscales, juillet 1987, non publié.
5. Conseil d'Etat, 24 octobre 1979, req. n° 14-820
à 14-822, Droit fiscal 1980, com. n° 18-97 et conclusions du Commissaire du Gouvernement Fabre.
6. Tribunal administratif de Lyon, 22 janvier 1997,
Juris-Associations n° 154/1997, p. 10.
7. Cour administrative d'appel Paris, 19 décembre
1989, req. n° 426, Société du Salon d'automne,
Juris Associations, n° 47/1990, p. 29.
8. Cour administrative d'appel de Nancy, 7
novembre 1996, n° 94 NC 00833, Association
Synthèse.
9. Cour administrative d'appel de Nantes, 1er juin
1994, Association "Echappement libre", Juris
Associations n° 110/1994, p. 10.
10. Cour administrative d'appel de Nancy, 4 février
1993, n° 91-249, R.J.F. 51/93, n° 637.
R.F.C. 304 - Octobre 1998
l'exerce. Tout secteur d'action socio-économique,
qu'il s'agisse de la santé, de l'éducation, de la culture, ou demain, de la protection de l'environnement, peut, en effet, donner lieu à la fois à des
activités lucratives et à des activités sociales » ;
Néanmoins, il s'agissait de « pallier les insuffisances
de l'économie de marché :
- en fournissant, dans des conditions nécessairement désintéressées, des services qui ne sont pas
assurés par le marché faute d'être rentables,
- ou en pourvoyant aux besoins de ceux que le
marché délaisse parce que leurs ressources trop
modestes n'en font pas des clients intéressants »...
...c'est-à-dire les catégories les plus défavorisées,
"les laissés pour compte de la croissance économique" (3).
L'utilité sociale rejoignait la notion développée
par Jacques Delors du "tiers secteur". Il s'agissait
d'une notion philosophique, si ce n'est politique.
Mais l'évolution socio-économique rendait cette
notion très subjective, difficilement cernable.
Ainsi, la jurisprudence, après s'être limitée, dans
un premier temps, à une notion sociale au sens
strict, c'est-à-dire la satisfaction des plus "élémentaires nécessités" (l'administration fiscale se référant à la notion de service public (4)) a admis que
« assurer à des personnes, même relativement
aisées, un service facturé en dessous de son prix
de revient et que les exigences du profit ne leur
permettraient pas de se procurer dans le secteur
commercial existant », présentait bien une utilité
sociale (5).
De même, le tribunal administratif de Lyon a jugé
que si une association « réservait sa résidence à
l'hébergement de cadres, allocataires des
caisses de retraite fondatrices de l'association,
cette circonstance n'est pas de nature à établir
son caractère lucratif » (6).
La jurisprudence a également reconnu une utilité
sociale à l'organisation d'activités purement culturelles (7), à l'organisation de spectacles (8), à l'organisation de formations (9), ou encore à une
cafétéria et un magasin dans un hôpital psychiatrique (10).
Désormais, la nouvelle instruction invite à prendre
en compte quatre critères, d'ordre décroissant
(règle des "4 P") : le produit proposé par l'organisme, le public visé, les prix pratiqués et la publicité réalisée.
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☞
Si le terme "utilité sociale" est abandonné, deux
critères continuent à recouvrir cette notion qui
subsiste en fait : le "produit" et le "public" visé (voir
ci- après). Ainsi, il convient avant tout d'apprécier
si un organisme susceptible de concurrencer les
entreprises, exerce son activité dans des conditions similaires à celles d'une entreprise commerciale. Il s'agit donc de l'abandon d'une notion
subjective, "politique", au profit de critères objectifs (... mais en sera-t-il ainsi ?) mettant en évidence la notion de concurrence.
Cette nouvelle orientation s'inscrit d'ailleurs parfaitement dans la logique européenne, cette
même logique qui réglemente, par exemple,
l'octroi d'aides économiques aux entreprises
(alors que les subventions aux œuvres d'intérêt
général peuvent être librement accordées).
Tout autre concept, dans cette perspective, était
difficilement envisageable.
C'est aussi la raison pour laquelle la nouvelle
instruction pose pour principe que les associations qui exercent leur activité au profit d'entreprises sont, dans tous les cas, imposables aux
impôts commerciaux (11), quand bien même
elles ne réaliseraient pas des profits pour ellesmêmes.
Analyse des critères d'exonération
L'analyse des critères d'exonération implique une
démarche en 3 étapes :
■ Etape 1 : La gestion de l'organisme est-elle désintéressée ?
Si oui : passer à l'étape 2
Si non : l'association est imposable aux impôts
commerciaux
■ Etape 2 : L'organisme concurrence-t-il une entreprise ?
Si oui : passer à l'étape 3
Si non : l'organisme est exonéré des impôts commerciaux
LES NOUVEAUX CRITÈRES
D'EXONÉRATION FISCALE
DES ASSOCIATIONS
Le critère de la gestion strictement
bénévole et désintéressée
Le caractère fondamental, bien qu'insuffisant, de
ce critère est réaffirmé mais connaît quelques
assouplissements.
L'affirmation des principes précédents
La définition de la gestion bénévole et désintéressée reprend celle de l'article 261-7-1er-d du
code général des impôts. Les dirigeants de l'association ne doivent donc avoir aucun avantage
direct ou indirect dans les résultats de l'exploitation. Sont concernés aussi bien les dirigeants de
droit que les dirigeants de fait.
Comme par le passé, sont pris en compte non
seulement les rémunérations perçues par les dirigeants, mais aussi les avantages perçus, par
exemple, à travers une filiale ou par personne
interposée. En principe, le fait de cumuler un
emploi salarié au sein de l'association et un mandat d'administrateur suffit à remettre en cause
cette condition.
Des mesures d'atténuation
Cependant l'administration fiscale apporte des
assouplissements à cette règle :
■ Bien entendu, le strict remboursement, au franc
le franc, des frais engagés pour le compte de l'association est possible.
■ En outre, il est admis que le caractère désintéressé de la gestion de l'association ne soit pas
remis en cause si la rémunération brute mensuelle totale versée à un dirigeant n'excède pas les
3/4 du SMIC. Par rémunération, il convient d'entendre le versement d'argent ou l'octroi de tout
autre avantage (honoraires, loyers, etc). Ce seuil
n'inclut pas les remboursements de frais, mais il
concerne non seulement les "les indemnités de
fonction" qui pourraient être versées aux administrateurs mais aussi la rémunération d'une activité professionnelle effective, au sein de l'organisme.
■ Etape 3 : L'organisme exerce-t-il son activité dans
des conditions similaires à celle d'une entreprise ?
(règle des "4 P")
Si oui : l'organisme est imposable aux impôts
commerciaux
Si non : il est exonéré
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11. Cf. Conseil d'Etat, 27 novembre 1987, req. n°
47042 et 47043, "Syndicat des pâtes alimentaires".
R.F.C. 304 - Octobre 1998
Associations :
nouveau régime fiscal
■ L'association peut recourir à une main d'œuvre
salariée sous réserve que les rémunérations allouées
correspondent à un travail effectif et ne soient pas
excessives eu égard à l'importance des services
rendus.
De même, les salariés peuvent être membres de
l'organisme employeur à titre personnel. En
revanche, ils ne peuvent devenir dirigeant de
droit ou de fait de l'association. Il est cependant
admis qu'ils puissent participer au conseil d'administration, dès lors qu'ils ne représentent pas plus
du quart des membres du conseil (limite admise
par le Conseil d'Etat pour les associations reconnues d'utilité publique) mais à condition qu'ils y
figurent en qualité de représentants élus des salariés dans le cadre d'un accord concernant la
représentation du personnel.
Cette dernière condition apparaît contestable.
En effet, n'aboutit-elle pas à créer une nouvelle
instance représentative du personnel au sein de
l'association ? Telle n'était d'ailleurs pas la philosophie de certaines associations qui souhaitaient
associer leurs salariés aux délibérations du conseil
d'administration mais insistaient sur un engagement de leur part en qualité de membre et d'administrateur, distinct des fonctions de salarié.
Enfin, les représentants des salariés ne peuvent
exercer des fonctions au sein du bureau. Cette
réserve est également conforme à la doctrine du
Conseil d'Etat à l'égard des associations reconnues d'utilité publique.
L'organisme concurrence une entreprise
C'est peut être sur ce point que la nouvelle instruction fiscale apporte les précisions les plus intéressantes.
Elle invite à une analyse assez fine de cette
notion en appréciant la situation de l'association
vis-à-vis des organismes lucratifs exerçant la
même activité, dans le même secteur :
« L'appréciation de la concurrence ne s'effectue
donc pas en fonction de catégories générales
d'activités (spectacles, tourisme, activités sportives...) mais à l'intérieur de ces catégories.
Ainsi, les activités de tourisme s'adressant aux
enfants ne présentent pas un caractère identique à celles qui s'adressent aux étudiants ou
aux familles... Il n'y a pas non plus concurrence
entre un organisme qui organise des spectacles
de variétés musicaux et un théâtre. Enfin, un
organisme lucratif ou non, dont l'activité consiste
R.F.C. 304 - Octobre 1998
en l'enseignement d'une discipline sportive, ne
fait, a priori, pas de concurrence à un autre organisme qui se borne à donner en location le matériel nécessaire à l'exercice de ce sport ».
En définitive, la question qu'il convient de se
poser est de savoir si le public peut indifféremment s'adresser à une structure non lucrative ou
commerciale.
Cet élément s'apprécie en fonction de la situation géographique de l'organisme.
Il ne suffit donc plus que la concurrence soit
potentielle pour qu'une association encoure un
assujettissement.
Des conditions de gestion similaires à
celles d'une société commerciale
Le fait qu'une association intervienne dans un
domaine d'activités où des entreprises commerciales sont également présentes ne conduit pas
ipso facto à son assujettissement. Il est tenu
compte de son utilité sociale, de l'affectation des
excédents, des conditions dans lesquelles le service est accessible, des méthodes auxquelles
l'organisme a recours pour exercer son activité.
Quatre critères sont retenus pour apprécier ces
conditions.
Ces critères n'ont pas tous la même valeur. Ainsi,
le critère de la publicité ne peut à lui seul conclure à l'assujettissement. A l'inverse, le critère de
l'utilité sociale ("produit" et "public") et de l'affectation des excédents sont fondamentaux.
L'utilité sociale : "produit" et "public"
■ Le produit
« Est d'utilité sociale, l'activité qui tend à satisfaire
un besoin qui n'est pas pris en compte par le marché ou l'est de façon peu satisfaisante ». Cette
définition correspond à la définition du Commissaire du Gouvernement Delmas-Marsalet.
L'administration fiscale, suivant en cela le rapport
Goulard, n'a pas repris la proposition du milieu
associatif visant à accorder "une reconnaissance
d'utilité sociale" permettant d'obtenir une exonération fiscale. Cet agrément aurait été délivré
par un organisme collégial.
Si les difficultés de mise en œuvre d'une telle procédure ont conduit à y renoncer, l'administration
fiscale reconnaît néanmoins que les agréments
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☞
délivrés par certaines administrations qui prennent en compte la nature du besoin à satisfaire
et les conditions dans lesquelles un organisme est
susceptible d'y répondre, peuvent être des
indices permettant d'apprécier l'utilité sociale de
celui-ci.
■ Le public visé
Il n'est plus question, dans la nouvelle instruction,
de public socialement défavorisé, mais de « personnes justifiant l'octroi d'avantages particuliers
au vu de leur situation économique et sociale
(chômeurs, personnes handicapées notamment...) ». Ce critère ne doit pas s'entendre seulement des seules situations de détresse physique
ou morale.
L'affectation des excédents
Il n'est pas interdit à une association de réaliser
des excédents de recettes. L'administration fiscale admet qu'il s'agit du reflet d'une gestion saine
et prudente. La précédente instruction interdisait
la recherche systématique d'excédents de
recettes et un Commissaire du Gouvernement
estimait qu'une association devait être à la limite
du sous-équilibre financier !
Cependant, l'association ne doit pas accumuler
les excédents en vue de les placer. Ceux-ci doivent être destinés au financement de projets
dans le cadre de son objet non lucratif.
Le critère du "prix"
Ce critère est rempli dans trois circonstances qui
rejoignent les conditions imposées par l'article
261-7-1er-b du Code général des impôts exonérant de TVA les œuvres à caractère social et philanthropique :
- les tarifs sont homologués par l'autorité administrative,
- ils sont nettement inférieurs à ceux pratiqués par
le secteur marchand,
- ils sont modulés en fonction de la situation sociale des bénéficiaires.
Les méthodes utilisées : "la publicité"
La publicité est un indice de lucrativité.
Néanmoins, l'administration fiscale admet que ne
remettent pas en cause ce critère :
- les campagnes d'appel à la générosité publique,
54
LES NOUVEAUX CRITÈRES
D'EXONÉRATION FISCALE
DES ASSOCIATIONS
- les informations diffusées par l'association aux
personnes ayant déjà bénéficié de ses prestations ou qui en ont exprimé la demande, notamment par l'intermédiaire d'organismes sociaux.
La publicité, à l'inverse des simples informations,
est destinée à capter un public analogue à celui
des entreprises du secteur concurrentiel : vente
de catalogues en kiosque, diffusion de messages
publicitaires payants dans les journaux, à la radio,
location de panneaux publicitaires, utilisation de
réseaux de commercialisation, participation à
des foires ou salons dont les exposants sont principalement des professionnels...
Rappel des cas
d'exonérations légales
Cette nouvelle doctrine n'a bien entendu pas
pour effet de supprimer les cas d'exonération
légale accordée à certaines associations.
L'instruction apporte, à cet égard, quelques précisions notamment en ce qui concerne l'exonération des associations rendant des services à
leurs membres (article 261-7-1er-a - du CGI).
Les associations, dont la gestion est strictement
bénévole et désintéressée, qui rendent des services à caractère social, éducatif, culturel ou
sportif à leurs membres sont exonérées de TVA,
ainsi que d'impôt sur les sociétés, de taxe professionnelle et de taxe d'apprentissage (article 2061-5e- bis du CGI).
Cette exonération vise les seuls services rendus à
des membres, à l'exclusion des tiers.
L'instruction confirme la doctrine antérieure et la
jurisprudence refusant de considérer comme
membres des personnes qui acquittent une cotisation pour bénéficier des services de l'association sans avoir la possibilité (statutairement ou
de fait) d'assister aux assemblées générales,
d'être électeur et éligible au conseil d'administration.
Seules sont donc considérées comme membres,
au sens fiscal du terme, les personnes qui sont en
mesure d'exercer leurs droits statutaires. A cet
effet, selon l'instruction, elles doivent être convoquées individuellement aux assemblées générales. Si l'on comprend la logique d'une telle
recommandation, elle risque de pénaliser financièrement les grandes associations. Par ailleurs,
une convocation par le biais d'une insertion dans
R.F.C. 304 - Octobre 1998
Associations :
nouveau régime fiscal
le bulletin de liaison de l'association adressé à
chacun des membres sera-t-elle considérée
comme une convocation individuelle ?
- le régime fiscal des organismes gérant dans un
but d'insertion sociale et professionnelle des unités de production,
S'agissant des mineurs, seule la condition d'adhésion est exigée mais leurs droits à l'assemblée
générale seront exercés par leur représentant
légal.
- le problème des associations exerçant à la fois
des activités lucratives et non lucratives.
En revanche, les ayants droits des membres
(conjoints) ne sont pas eux-mêmes considérés
comme membres.
Les services rendus par une union d'associations
aux adhérents de ces propres membres bénéficient de l'exonération (article 261-7-1er-a du CGI).
Mais l'on peut s'interroger sur la portée réelle de
la restriction suivante : « les personnes morales qui
adhèrent à une association ne sont pas considérées comme des membres pour l'application des
exonérations fiscales ». La justification avancée
est que ces personnes morales ne sont pas les
bénéficiaires directs des prestations, qui sont en
réalité rendues à leur personnel. Elle semble donc
viser les entreprises et faire référence à l'arrêt du
Conseil d'Etat du 20 juillet 1990 : "Association pour
l'action sociale" concernant les services de
médecine du travail. Mais l'instruction n'a-t-elle
pas, par avance, réglé définitivement la question
en précisant qu'en toute hypothèse, les associations qui exercent leur activité au profit d'entreprises sont, dans tous les cas, imposables aux
impôts commerciaux ?
Autre précision apportée par l'instruction : les
associations dites "fermées" ne peuvent faire de la
publicité en particulier auprès du public, alors que
s'agissant des associations ouvertes, ce critère ne
constitue pas à lui seul un motif d'assujettissement.
Pour les autres cas d'exonération, tant en matière de TVA que d'impôt sur les sociétés ou de taxe
professionnelle, l'administration fiscale n'apporte
aucune précision complémentaire par rapport
au régime antérieur.
Dispositifs particuliers
Deux points méritent également une attention
particulière :
12. Instruction 29 janvier 1974, BODGI 3A-3-74).
R.F.C. 304 - Octobre 1998
Régime fiscal des structures d'insertion
par le travail
Certaines associations ou entreprises exercent
une activité commerciale par nature, de production et de vente, mais dans le but de favoriser l'insertion sociale et professionnelle de personnes handicapées physiques ou mentales ou
inadaptées ou encore connaissant des difficultés
particulières d'emploi.
Cela vise particulièrement les ateliers protégés,
les centre d'aide par le travail, les entreprises d'insertion. Les associations intermédiaires quant à
elles doivent pour fonctionner justifier d'un agrément qui leur permet également de bénéficier
d'une exonération d'imposition.
A noter que si les CAT sont généralement gérés
par des associations médico-sociales, il n'en va
pas de même des ateliers protégés et des entreprises d'insertion. Ces dernières, constituées à l'origine sous la forme associative, sont en effet très
nombreuses à avoir opté pour la forme commerciale en raison de nombreux contrôles fiscaux
subis par l'association ayant abouti à un assujettissement et afin de favoriser leur reconnaissance
par les professionnels et obtenir leur immatriculation au registre du commerce et des sociétés ou
au registre des métiers.
Les motifs des contrôles fiscaux portaient généralement sur les points suivants :
- les tarifs pratiqués, compte tenu du surcoût
engendré par l'absence de rentabilité des personnes employées, n'étaient pas sensiblement
inférieurs, voire étaient supérieurs, à ceux pratiqués par les entreprises commerciales ;
- les clients des CAT, ateliers protégés et entreprises d'insertion n'appartenaient pas eux-mêmes
à des catégories socialement défavorisées.
Les ateliers protégés et les CAT, les groupements
d'aveugles et de handicapés pouvaient néanmoins bénéficier d'une exonération prévue à l'article 261-7-3e du CGI sous réserve d'un agrément
du Ministre chargé du Travail et de l'Emploi (12). Les
entreprises d'insertion ne bénéficiaient pas de ce
dispositif d'exonération.
55
☞
La nouvelle instruction élargit donc le bénéfice
d'une exonération à l'ensemble des organismes
ayant pour objet l'insertion ou la réinsertion économique ou sociale de personnes qui ne pourraient être assurées dans les conditions du marché, sous les réserves suivantes :
- l'activité ne pourrait pas être assurée durablement par une entreprise lucrative en raison des
charges qu’implique l'embauche de ces personnes (adaptation des postes de travail, faible
productivité...),
- les opérations commerciales réalisées doivent
être indissociables de l'activité non lucrative en
contribuant par nature et non pas seulement
financièrement à l'objet social de l'organisme,
- celui-ci ne doit pas faire prévaloir la recherche
d'un profit,
- sa gestion doit être désintéressée.
Selon leur forme juridique, toutes les entreprises
d'insertion ne seront pas concernées.
Régime fiscal des associations exerçant
à la fois des activités lucratives et
des activités non lucratives
Comme les précédentes, la nouvelle instruction fiscale admet qu'une association puisse à la fois
exercer une activité non lucrative et une activité
commerciale. Néanmoins, les activités commerciales doivent être dissociables de l'activité principale non lucrative par leur nature. L'activité non
lucrative doit demeurer prépondérante d'une
façon significative. L'activité commerciale ne doit
pas, en effet, orienter l'ensemble de l'activité de
l'association.
L'imposition peut être limitée aux seules opérations lucratives à condition que celles-ci soient
isolées, soit au sein d'un secteur distinct d'activité, soit au sein d'une filiale, notamment commerciale.
La constitution de secteurs distincts d'activités
56
LES NOUVEAUX CRITÈRES
D'EXONÉRATION FISCALE
DES ASSOCIATIONS
d'une simple tolérance administrative, admise
par l'instruction du 27 mai 1977 précitée en ce qui
concerne l'impôt sur les sociétés, et l'instruction
du 30 octobre 1975 (14) en ce qui concerne la taxe
professionnelle.
Le Conseil d'Etat a jugé que cette doctrine est
opposable à l'administration fiscale (15). Mais
encore faut-il d'une part l'invoquer ! - à défaut,
l'association risque d'être imposable sur ses
bénéfices, quelle que soit leur origine, qu'ils
proviennent de l'activité commerciale ou de
l'activité non lucrative (16) - et d'autre part avoir
mis en place des secteurs comptables distincts
permettant d'isoler dans chacun de ces secteurs les recettes et les dépenses qui s'y rapportent.
Mais à la différence des précédentes instructions,
il semble désormais que ce ne soit plus un choix
mais bien une obligation. Les obligations comptables qui en découlent sont donc très importantes, d'autant plus que la plupart des associations n'ont pas encore mis en place de comptabilité analytique.
L'administration fiscale attire par ailleurs l'attention sur deux points :
• Il appartiendra à l'association d'opérer une
exacte répartition des charges entre les deux
secteurs de façon à ne pas diminuer le résultat
imposable de l'activité commerciale en lui imputant des charges incombant à l'activité non
lucrative.
• Les critères appliqués pour opérer cette sectorisation, en matière de TVA, d'impôt sur les sociétés et de taxe professionnelle, spécialement en
ce qui concerne la répartition d'éléments d'imposition communs, doivent respecter une certaine cohérence.
13. Article 242 B de l'annexe II au CGI et instruction du 16 décembre 1976, 18 février 1998 et 27
janvier 1992 ; Instruction du 8 septembre 1994.
La constitution de secteurs comptables distincts
est déjà une obligation en matière de TVA, dès
lors que l'association exerce à la fois des activités
taxables et non taxables. Cela détermine les
droits à récupération de la TVA sur les opérations
assujetties (13).
14. BODGI 6E-7-75.
En matière d'impôt sur les sociétés et de taxe professionnelle, cette possibilité de sectoriser résultait
16. En ce sens, Conseil d'Etat 9 novembre 1990,
req. n° 88.226; Droit fiscal 1991, n° 11, comm. 573,
et Juris Associations n° 54/1991, p. 29 et s.).
15. Conseil d'Etat 27 novembre 1987, Req. n°
47042 et 47043).
R.F.C. 304 - Octobre 1998
Associations :
nouveau régime fiscal
L'optimisation fiscale en matière de TVA pourrait
alors avoir des répercussions pénalisantes en ce
qui concerne la taxe professionnelle.
le que soit la part de capital social détenue par
celle-ci (elle admet ainsi la constitution d'une
EURL dont le capital serait détenu à 100 % par
l'association).
La filialisation commerciale
Les mêmes réserves évoquées à propos de la
constitution de secteurs distincts d'activité s'appliquent bien évidemment.
Rappelons qu'une association, de par son statut
juridique d'organisme sans but lucratif, ne peut
pas juridiquement se transformer en société commerciale. En revanche, elle peut constituer une
filiale commerciale (SARL ou EURL dont l'association est l'associé unique, SA, coopérative et UES,
société civile, à l'exclusion d'une société en nom
collectif ou d'une société en commandite qui
requiert la qualité de commerçant, ou d'une
société par action simplifiée).
La filialisation commerciale faisait peser à ce jour
un risque fiscal important pour les associations
alors que ce régime a le mérite de la clarté. En
effet, l'administration fiscale avait tendance à
considérer que le fait, pour une association,
d'exercer une activité commerciale à travers une
filiale traduisait en soi une démarche lucrative,
rendant l'association passible des impôts commerciaux. Le risque était d'autant plus important si l'association était majoritaire dans le capital social.
En outre, selon une réponse ministérielle, les relations qu'une association pouvait entretenir avec
ses filiales ne devaient pas excéder les liens financiers de l'actionnariat.
Le caractère non lucratif de l'association pouvait
ainsi être remis en cause si les relations avec la
filiale comportaient, notamment, une complémentarité commerciale, une répartition de clientèle ou des échanges de service (17).
L'instruction fiscale reconnaît et même encourage la possibilité pour une association d'isoler au
sein d'une filiale ses activités commerciales, quel-
17. Réponse ministérielle à M. Laguilhon, JO 15
juillet 1996, Ass. Nat., quest. et rép., p. 3831.
18. Conseil d'Etat 25 mars 1987, n° 41707, RJF
6/87 n° 616.
19. Conseil d'Etat 20 juillet 1988, n° 54601 et 54
644, RJF 10/88, n° 1073.
20. Cour administrative d'appel de Bordeaux, 19
mars 1996, n° 94-1774, 94-1775, RJF 6/96, n° 720.
R.F.C. 304 - Octobre 1998
Par ailleurs, l'administration fiscale reprend l'une
des restrictions précédentes, sans l'expliciter :
« Dès lors que l'association se borne à percevoir
les dividendes de sa filiale, sans prendre aucune
part dans la gestion de la société, son caractère
non lucratif n'est pas remis en cause du seul fait
de la participation qu'elle a prise dans la société ».
A contrario, donc, elle pourrait l'être si ses relations avec sa filiale dépasse les "simples liens de
l'actionnariat". Qu'entend-on par là ?
L'instruction, dans d'autres paragraphes, apporte
des précisions :
• « Est lucrative une association qui entretient des
relations privilégiées avec les organismes du secteur lucratif, qui en retirent un avantage concurrentiel » (cf. § 35). Mais au delà des exemples cités
par l'administration fiscale, la jurisprudence en
fournit de plus significatifs. Ainsi, ont été assujetties
:
- une association exploitant un golf par l'intermédiaire d'une société intéressée aux résultats et
rémunérant largement les dirigeants de l'association (18) ;
- une association gérant avec une société une
agence matrimoniale ayant pour but d'organiser
des réunions entre ses membres et les clients de la
société. Il avait pu être relevé une confusion de gestion et de patrimoine entre les deux organismes (19).
• Est lucrative l'association ayant pour but exclusif
ou principal de fournir des débouchés à une entreprise ou d'exercer une activité complémentaire de
celle d'une entreprise du secteur lucratif dans
laquelle un dirigeant de l'organisme aurait, directement ou indirectement, des intérêts (cf. § 9).
En tout état de cause, les dirigeants des deux
organismes doivent donc être distincts. Ainsi, a
été assujettie une association gérant des installations sportives louées à une société ayant pour
associés trois de ses dirigeants, alors que les
recettes de la société commerciale étaient
constituées uniquement des loyers versés par l'association (20).
57
☞
Par ailleurs, le rapport Goulard évoque l'hypothèse des associations jouant le rôle d'une "holding".
Si l'association se comporte comme une "holding
de gestion", elle confère un caractère lucratif à
l'ensemble de son activité. Si elle se comporte en
"holding pure", se bornant à percevoir des dividendes, sans prendre aucune part à la gestion
de la société, le caractère non lucratif de l'association n'est pas remis en cause d'un point de
vue fiscal.
En conclusion, l'administration fiscale n'a pas
encore vraiment clarifié le statut fiscal d'une
association qui filialise une activité commerciale,
mais elle en a admis le principe et reconnaît que
chaque situation doit faire l'objet d'une analyse
au cas par cas. Mais attention aux conséquences d'une intensification des liens entre l'association et sa filiale.
2DE PARTIE
LES MESURES
D'ACCOMPAGNEMENT
Ces mesures d'accompagnement constituent
certainement le point le plus important de la
réforme de la fiscalité des associations. Elles sont
destinées d'une part à permettre aux associations de bonne foi d'interroger l'administration fiscale sur le régime applicable à leurs activités
sans encourir un contrôle fiscal rétroactif, et
d'autre part à mettre un terme aux nombreux
contentieux en cours.
Ce dispositif n'est pas compris dans le texte de
l'instruction mais a été annoncé d'une part dans
un communiqué du Premier Ministre, et d'autre
part lors d'une conférence de presse tenue par
Christian Sautter, Secrétaire d’Etat au Budget, le
15 septembre 1998. Enfin, des mesures seront proposées lors du vote de la prochaine loi de
finances.
L'abandon des poursuites
et contentieux en cours
Le Premier Ministre a annoncé l'abandon des
redressements en cours relatifs aux associations
de bonne foi. Selon les informations communi-
58
LES NOUVEAUX CRITÈRES
D'EXONÉRATION FISCALE
DES ASSOCIATIONS
quées, cette mesure devrait concerner non seulement les contrôles qui sont toujours au stade de
la procédure de redressement devant l'administration fiscale, mais également les procédures en
cours devant les juridictions administratives (tribunaux administratifs, cours administrations d'appel
et même Conseil d'Etat).
Selon les indications de M. Sautter, ne seront pas
considérées comme de bonne foi les associations qui auront utilisé cette forme juridique
sciemment pour exercer des activités para-commerciales ou illicites.
On remarque qu'il ne fait appel à la notion de
"mauvaise foi" justifiant l'application de pénalités
de 40 % ou 80 % si le contribuable s'est rendu coupable de manœuvres frauduleuses. En l'absence
de telles manœuvres, la mauvaise foi peut être
établie en raison de l'importance, la nature et la
fréquence des rehaussements ou lorsque le
contribuable ne pouvait normalement ignorer les
insuffisances, inexactitudes ou omissions qui lui
sont reprochées. Ces sanctions fiscales étaient
rarement appliquées à l'encontre d'associations.
Il ne se réfère pas non plus à la notion de fraude
fiscale, délit sanctionnant une personne coupable de s'être frauduleusement soustraite à l'impôt.
Telle que formulée, la réserve du Secrétaire d'Etat
peut donc apparaître plus large que la notion fiscale ou pénale.
Reste à savoir comment sera appréciée l'intention des dirigeants de l'association.
L'octroi d'un délai de 6 mois
permettant aux associations
de se conformer
aux nouvelles dispositions
Un délai de 6 mois, du 1er octobre au 31 mars
1999, est accordé aux associations, notamment
celles exerçant une activité commerciale, afin
de régulariser leur situation sans encourir le risque
d'un contrôle fiscal rétroactif.
Celles qui le souhaitent pourront interroger, dans
chaque département, le correspondant "association" des services fiscaux qui définira leur régime fiscal. Pour ce faire, les associations devraient
être invitées à répondre à un questionnaire. S'il
estime au vu des éléments de réponse communiqués que l'association doit être exonérée, sa
R.F.C. 304 - Octobre 1998
Associations :
nouveau régime fiscal
position sera opposable à l'administration lors
d'un contrôle fiscal postérieur.
Néanmoins, pour que cette prise de position du
"correspondant association" ait pleine valeur,
encore faut-il, d'une part, que celle-ci ait exposé
tous les éléments de la situation. La réponse à ce
questionnaire risque donc d'être un exercice délicat ; il conviendra en particulier de bien "peser
ses mots" car, si l'instruction apporte certaines
réponses, demeure encore une large marge de
subjectivité.
D'autre part, l'association doit être également
en mesure de démontrer que sa situation n'a pas
changé depuis l'établissement de la réponse du
"correspondant association". Or, ce point est plus
qu'aléatoire, en premier lieu parce que l'association est un groupement "vivant", "évolutif", qui
peut créer de nouvelles activités s'inscrivant
dans un cadre concurrentiel. Par ailleurs, le secteur lucratif peut s'intéresser à des activités initiées par des associations, ce qui dès lors, peut
remettre en cause le régime d'exonération de
ces associations si la règle des "4 P" n'est pas remplie.
Ainsi que le souligne le rapport Goulard,
« Aucun domaine d'activité n'est fermé par
avance aux entreprises commerciales. Le principe de la liberté du commerce et de l'industrie
s'y oppose. Il est donc concevable, et plutôt
heureux, qu'un secteur d'activité découvert et
"défriché" par des associations s'ouvre un jour à
la concurrence et que ce jour-là les associations soient amenées à payer des impôts si elles
sont gérées dans les mêmes conditions que les
entreprises commerciales du même secteur. Les
associations n'ont le monopole d'aucun secteur, ni la certitude d'y être pour toujours à l'abri
de l'impôt ».
Enfin, pour les associations créées après le 1er
avril 1999, et qui interrogeront l'administration,
l'assujettissement aux impôts commerciaux ne
prendra effet qu'à la date de réponse de l'administration.
Il est probable que les services fiscaux continuent,
sur le plan local, à faire preuve d'une certaine
sévérité dans leur réponse, préférant, en cas de
doute, décider l'assujettissement plutôt que l'exonération. Bien que cette question n'ait pas été
évoquée, une telle décision faisant grief peut faire
l'objet d'un recours hiérarchique ou contentieux
devant les juridictions administratives.
R.F.C. 304 - Octobre 1998
Des dispositions législatives
Dans le cadre du projet de loi de finances, trois
mesures sont proposées au vote des parlementaires :
• La possibilité, pour les collectivités locales,
d'exonérer totalement de taxe professionnelle les
entreprises de spectacles de leur ressort, notamment celles constituées sous la forme associative.
Jusqu'à présent, l'exonération n'était possible que
dans la limite de 50 %. Cette mesure ne pourra
entrer en application effectivement qu'en l'an
2 000 car elle requiert une délibération de l'assemblée délibérante de la collectivité publique
avant le 1er juillet pour une entrée en vigueur l'année suivante.
Sont concernés, quelle que soit leur forme juridique :
- les théâtres nationaux et autres théâtres fixes,
- les tournées théâtrales et spectacles d'art dramatique, lyrique ou chorégraphique,
- les concerts symphoniques et autres, les chorales,
- les théâtres de marionnettes, cabarets artistiques, cafés-concerts, music-halls et cirques,
à l'exclusion des établissements où il est d'usage
de consommer pendant les séances.
Cette mesure catégorielle répond à la vague de
contestation provoquée par les contrôles fiscaux
plus ou moins systématiques subis ces dernières
années par les entreprises du spectacle.
• Adaptation de la composition de la commission départementale des impôts directs et des
taxes sur le chiffre d'affaires pour les associations.
Dans le cadre de la procédure contradictoire, les
contribuables ont la possibilité de saisir la commission départementale des impôts directs et des
taxes sur le chiffre d'affaires du différend qui les
oppose à l'administration. La composition de
cette commission permet à des représentants
des contribuables de siéger : il s'agit d'un expertcomptable et de deux représentants désignés
par les chambres de commerce ou les chambres
des métiers.
Les associations affiliées à une fédération organisée pouvaient demander à ce qu'un représentant de cette fédération siège au sein de cette
commission (par exemple : l'UNAT pour le secteur
du tourisme social, un représentant d'une fédéra-
59
☞
tion sportive...). Néanmoins, une telle hypothèse
demeurait l'exception. La plupart des associations ne bénéficiaient pas d'une représentation
adaptée à leur spécificité. Bien plus, les représentants de la CCI siégeant comme représentants
des contribuables pouvaient adopter une position d'autant plus rigoureuse qu'ils défendaient
en réalité le secteur marchand dont ils sont issus.
Il est proposé d'adapter la composition de la
commission départementale afin de permettre la
représentation du monde associatif sans pour
autant exclure la participation des représentants
des professionnels. Les représentants des associations seraient deux personnes désignées par les
organismes représentatifs du monde associatif et
une personne désignée par les chambres de
commerce ou les chambres des métiers, dans un
souci d'impartialité et de transparence vis-à-vis
des entreprises du secteur concurrentiel.
Par ailleurs, l'association concernée pourra
demander que l'un des représentants du secteur
associatif soit remplacé par un expert comptable.
• La déduction fiscale des cotisations à titre des
dons.
Espérons que cela constituera le dernier épisode
d'un feuilleton qui finissait par troubler les
membres et donateurs des associations. En effet,
les particuliers bénéficient d'une réduction d'impôt au titre des versements et dons consentis au
profit d'œuvres d'intérêt général ou reconnues
d'utilité publique.
Dans un premier temps, deux réponses ministérielles contradictoires avaient été publiées quant
à la déductibilité des cotisations. Puis l'administra-
LES NOUVEAUX CRITÈRES
D'EXONÉRATION FISCALE
DES ASSOCIATIONS
tion avait admis la possibilité de déduire les cotisations à titre de don sous réserve que celles-ci
ne comportent pas en fait de contrepartie matérielle (21). En revanche, elle refusait d'admettre la
déduction des cotisations lorsqu'il n'était pas possible de distinguer, dans le montant global, la
part correspondant à une contrepartie matérielle accordée aux membres (par exemple, abonnement au bulletin interne de l'association) et la
part susceptible d'être analysée comme un don.
Mais dans la nouvelle édition de la "documentation de base", datée du 20 juillet 1994, mais
publiée en 1995, l'administration fiscale est revenue, sans "publicité", sur sa doctrine antérieure en
précisant que "la cotisation versée par les
membres d'une association ne peut jamais avoir
la nature d'un don ouvrant droit à avantage fiscal".
Désormais, les cotisations seront assimilées à des
dons lorsqu'elles n'ouvrent droit à aucun avantage réel en contrepartie de l'adhésion. Il en sera
ainsi, en particulier, lorsque la cotisation n'ouvre
droit qu'à la faculté de participer aux délibérations des organes de l'association et de recevoir
des informations sur les initiatives engagées et le
bilan des actions menées. Une instruction administrative sera prochainement publiée sur le
sujet.
✱
✱
✱
En conclusion donc, il s'agit là d'une réforme fiscale en demi teinte qui, plus qu'une réponse de
fond au problème des associations, constitue
une amnistie, dont les effets ne seront pas
durables.
Brigitte CLAVAGNIER
21. Instruction du 26 février 1988, BODGI, 4 C-288 et 8 mars 1988 5 B 13-88.
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Avocat au Barreau de Lyon
Cabinet Clavagnier-Rivaud
R.F.C. 304 - Octobre 1998
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