☞ Responsabilité civile des professions réglementées de conseil En outre, un contrôle fiscal pesant sur une association ne pose pas seulement, comme dans le cadre d'une société, un problème d'assiette d'imposition, mais celui du principe même de l'imposition à l'ensemble des impôts commerciaux : TVA, impôt sur les sociétés et imposition forfaitaire annuelle, taxe professionnelle et taxe d'apprentissage. Une association peut ainsi basculer d'un régime de totale exonération à un régime de total assujettissement. Brigitte Clavagnier Les nouveaux critèr es d'exonération fiscale des associations L es associations sont-elles des contribuables privilégiés ou au contraire pénalisés ? La question était débattue depuis plusieurs années, sans que les représentants du monde associatif et de l'administration fiscale parviennent à une solution acceptable de part et d'autre. En effet, l'administration fiscale, chargée notamment de veiller au respect du libre jeu de la concurrence et de lutter contre le "paracommercialisme" de certaines associations, a intensifié les contrôles fiscaux à leur encontre ces dernières années. Or, les critères d'exonération fiscale étaient particulièrement subjectifs, voire politiques, si bien que le traitement fiscal d'une association dépendait très largement de la seule appréciation d'un service ou d'un vérificateur. Des décisions parfaitement opposées pouvaient ainsi être retenues pour des situations objectives semblables, d'un département ou d'un service à l'autre. 44 Les conséquences financières de tels contrôles sont, dans la plupart des cas, dramatiques : comment faire face à un redressement en matière de TVA lorsque cette taxe n'a pas été prélevée sur les usagers (consommateurs finaux) ou n'a pas été incluse dans le montant des subventions publiques, et que, par ailleurs la prescription ne permet même plus de récupérer tous les crédits de TVA dont l'association aurait pu bénéficier sur ses investissements ? Résumé La nouvelle instruction fiscale propose des critères économiques qui se veulent moins subjectifs qu’auparavant : - gestion bénévole et désintéressée, - existence d’une concurrence commerciale, - modalités d’exploitation de l’activité analysée à travers quatre critères d’importance décroissante : le produit, le public concerné, les prix pratiqués, la publicité. Mais cette instruction comporte de nombreux pièges : - la gestion bénévole semble être devenue un préalable à toute exonération - les associations exerçant à la fois des activités lucratives et non lucratives auront l’obligation d’isoler les premières dans un secteur distinct d’activités ou dans une filiale commerciale. Mais les activités lucratives devront demeurer accessoires et les relations entre l’association avec sa filiale devront se limiter aux simples liens de l’actionnariat. Les mesures d’accompagnement, essentiellement l’abandon des contentieux en cours et la possibilité d’interroger un " correspondant association " dans chaque DDI, constituent un avantage important en permettant aux associations de régulariser leur situation sans encourir un contrôle fiscal rétroactif. Mais cela requiert la présentation d’un dossier délicat à constituer et la réponse de l’administration n’apportera pas une garantie absolue si la situation de l’association ou l’état de la concurrence évolue au fil du temps. R.F.C. 304 - Octobre 1998 Associations : nouveau régime fiscal En outre, l'absence de dépôt des déclarations fiscales, parfois de comptabilité, interdisait l'imputation des déficits ou plaçait l'association en situation de taxation d'office. C'est pourquoi, après des années de débats au sein du Conseil national de la vie associative notamment, le Premier ministre a pris l'engagement de faire aboutir ce dossier en chargeant M. Guillaume Goulard, Maître de requête au Conseil d'Etat, d'établir un rapport visant à clarifier le régime fiscal des associations. Ce rapport devait servir de base à l'élaboration d'une instruction fiscale. Celle-ci vient d'être publiée au Bulletin officiel des impôts du 15 septembre 1998. Si la terminologie employée diffère de celle des précédentes instructions fixant la "doctrine des œuvres", nous constatons que cette instruction n'apporte pas de véritables bouleversements mais redéfinit, en les modernisant, les critères précédemment dégagés par la jurisprudence fiscale, et introduit des nuances et une graduation dans ces critères. Sans doute l'apport le plus important réside-t-il dans les mesures d'accompagnement décidées par le Gouvernement. En revanche, on peut regretter que cette instruction n'ait pas été également l'occasion de repréciser certains problèmes fiscaux concernant tout particulièrement les associations, notamment en ce qui concerne la TVA sur les subventions. 1RE PARTIE COMMENTAIRES DE L'INSTRUCTION DU 15 SEPTEMBRE 1998 Remarques liminaires : une méthode d'analyse inversée Le principe de l'exonération Abstract The new tax instruction contains economic criteria that are supposed to be less subjective than heretofore : - charitable and disinterested objectives, - existence of commercial competition, - management methods of the activity analysed under four criteria of decreasing importance: the product, the public concerned, the prices set, advertising. However, this instruction contains numerous pitfalls : - the charitable objective seems to have become the precondition for any exemption, - associations engaged both in profit making and non-profit making activities will be compelled to segregate the former in a distinct activity sector, or in a commercial subsidiary. However, profit-making activities must remain ancillary and the relationship between the association and its subsidiary must be limited solely to the shareholder link. The accompanying measures, essentially the abandonment of litigation in progress and the possibility of questioning a “correspondent association” in each DDI, constitute a significant advantage by allowing associations to regularise their situation without running the risk of a retro-active tax investigation. But this requires the submission of a case that is delicate to prepare and the reply given by the Administration will not provide an absolute guarantee should the situation of the association or the state of the competition change with time. R.F.C. 304 - Octobre 1998 Deux instructions fiscales fixaient antérieurement la doctrine administrative : - l'une en matière de TVA : instruction du 17 mai 1976 (BODGI 3A-7-76), - l'autre en matière d'impôt sur les sociétés, en date du 27 mai 1977 (BODGI 4H-2-77). Ces textes posaient en premier lieu le principe de l'assujettissement des associations exerçant une activité économique ou commerciale et, à titre d'exception, leur exonération si les critères légaux ou jurisprudentiels étaient respectés. Aujourd'hui, le principe affirmé est celui de l'exonération : « Les associations et plus généralement les organismes réputés être sans but lucratif ne sont pas en principe soumis aux impôts dus par les personnes exerçant une activité commerciale....... Ces organismes bénéficient en effet de larges exonérations fiscales. Toutefois, si ces organismes exercent des activités lucratives, ceux-ci doivent être soumis aux impôts commerciaux afin de garantir le respect du principe d'égalité devant les charges publiques et éviter des distorsions de concurrence » (Introduction de l'instruction fiscale du 15 septembre 1998). Néanmoins, même si les associations susceptibles d'être exonérées demeurent une majorité, cette 45 ☞ présentation ne doit pas leurrer celles, de plus en plus nombreuses, qui ont dû rechercher dans l'exercice d'une activité économique, les moyens de réaliser ou financer leurs activités. Le bénévolat posé en préalable Par ailleurs, l'instruction du 15 septembre 1998 pose un préalable : la gestion de l'association doit être bénévole et désintéressée, et cela, semble-t-il, indépendamment de l'exercice par l'association d'une activité lucrative. En effet, le schéma d'analyse est désormais le suivant : « 1) Examiner si la gestion de l'association est désintéressée ; si la gestion est intéressée, l'organisme est nécessairement soumis aux impôts commerciaux. 2) Si la gestion est désintéressée, examiner si l'organisme concurrence le secteur commercial. S'il ne concurrence pas le secteur commercial et que sa gestion est désintéressée, l'organisme n'est pas imposable. 3) S'il concurrence le secteur commercial, examiner si l'organisme exerce son activité selon des modalités de gestion similaires à celles des entreprises commerciales » ; L'absence de gestion désintéressée laisse présumer le caractère lucratif de l'association indépendamment du fait de savoir si, par l'exercice d'une activité économique, elle entre dans le champ d'application des impôts commerciaux. Dès lors, les associations cultuelles, régies par la loi de 1905, financées exclusivement par des dons, seront-elles désormais assujetties aux impôts commerciaux si les ministres du culte qui les président demeurent rémunérés pour l'exercice de leur ministère (situation des pasteurs de l'église protestante, salariés et administrateurs des associations cultuelles) ? La notion de lucrativité est commune aux trois impôts commerciaux (TVA-IS-TP) Désormais, la notion de lucrativité est analysée de façon identique pour les trois impôts commerciaux. Dès lors, se trouve officialisée la position de l'administration fiscale refusant de reconnaître qu'un organisme puisse être lucratif pour l'application des textes relatifs à la TVA et non lucratif au regard de l'impôt sur les sociétés. 46 LES NOUVEAUX CRITÈRES D'EXONÉRATION FISCALE DES ASSOCIATIONS Pourtant, en l'état actuel de la législation française, cette solution ne s'imposait pas. Il existe en effet une différence entre le champ d'application de la TVA, qui concerne les activités économiques, même réalisées à prix coûtant, et le champ d'application de l'impôt sur les sociétés qui concerne les activités ou opérations présentant un caractère lucratif, notion qui implique la recherche d'un profit. La méthode de raisonnement proposée par l'instruction fiscale et le plan de cette instruction invitent donc à examiner la question de la lucrativité de l'association avant même que d'étudier les éventuelles possibilités d'exonération de TVA et leurs répercussions en matière d'impôt sur les sociétés (1). Néanmoins, cette présentation formelle ne devrait guère modifier fondamentalement la situation actuelle. En particulier, les associations "fermées" rendant des services à leurs membres peuvent continuer à bénéficier de l'exonération de TVA prévue à l'article 261-7-1er-a du CGI et de l'exonération d'impôt sur les sociétés qui en découle. Ce n'est que si ce texte ne peut leur être appliqué (en particulier parce que la notion de membre est contestée) qu'elles devront démontrer qu'elles répondent aux nouveaux critères d'exonération. Enfin, on peut remarquer que ces critères demeurent très proches de ceux imposés par l'article 2617-1er-b du CGI aux œuvres à caractère social et philanthropique : tellement proches que l'administration fiscale n'a pas estimé nécessaire de commenter cet article dans la nouvelle instruction. Ceci rejoint d'ailleurs parfaitement la position dégagée par la jurisprudence à la suite de l'arrêt du Conseil d'Etat du 30 novembre 1973 (2). L'abandon de la "doctrine des œuvres" et du terme "utilité sociale" au profit de critères économiques mettant l'accent sur la notion de concurrence Les précédents critères d'exonération fiscale, réunis sous la dénomination "doctrine des 1. Article 261-7-1er-a, b et c du CGI et article 207-1-5-bis du CGI). 2. Droit fiscal 1974, n° 17-18, comm. 531. R.F.C. 304 - Octobre 1998 Associations : nouveau régime fiscal œuvres", étaient au nombre de cinq. Ils présentaient un caractère cumulatif, même si le dernier, celui de l' "utilité sociale" était prépondérant. Une association ne pouvait prétendre au bénéfice de l'exonération que si les conditions suivantes étaient respectées : « - L'activité exercée doit entrer strictement dans le cadre de l'activité désintéressée de l'association, et contribuer par sa nature et non simplement financièrement à la réalisation de cet objet. - La gestion de l'association ne doit procurer aucun profit matériel ou indirect aux fondateurs, dirigeants ou membres de cette dernière. - La réalisation d'excédents de recettes ne doit pas être systématiquement recherchée. - Les excédents de recettes, lorsqu'ils existent, doivent être réinvestis dans l'œuvre elle-même. - L'activité doit présenter une certaine utilité sociale ». Le critère fondamental de l'utilité sociale avait été défini, par le Commissaire du gouvernement Delmas-Marsalet, de la façon suivante : « Le caractère social d'une institution ne découle pas du secteur dans lequel elle exerce son activité mais bien des conditions dans lesquelles elle 3. Conclusions du Commissaire du Gouvernement Delmas-Marsalet, Conseil d'Etat 30 novembre 1973, Droit fiscal 1974, n° 17-18, com. 531). 4. Rapport de la Direction nationale des enquêtes fiscales, juillet 1987, non publié. 5. Conseil d'Etat, 24 octobre 1979, req. n° 14-820 à 14-822, Droit fiscal 1980, com. n° 18-97 et conclusions du Commissaire du Gouvernement Fabre. 6. Tribunal administratif de Lyon, 22 janvier 1997, Juris-Associations n° 154/1997, p. 10. 7. Cour administrative d'appel Paris, 19 décembre 1989, req. n° 426, Société du Salon d'automne, Juris Associations, n° 47/1990, p. 29. 8. Cour administrative d'appel de Nancy, 7 novembre 1996, n° 94 NC 00833, Association Synthèse. 9. Cour administrative d'appel de Nantes, 1er juin 1994, Association "Echappement libre", Juris Associations n° 110/1994, p. 10. 10. Cour administrative d'appel de Nancy, 4 février 1993, n° 91-249, R.J.F. 51/93, n° 637. R.F.C. 304 - Octobre 1998 l'exerce. Tout secteur d'action socio-économique, qu'il s'agisse de la santé, de l'éducation, de la culture, ou demain, de la protection de l'environnement, peut, en effet, donner lieu à la fois à des activités lucratives et à des activités sociales » ; Néanmoins, il s'agissait de « pallier les insuffisances de l'économie de marché : - en fournissant, dans des conditions nécessairement désintéressées, des services qui ne sont pas assurés par le marché faute d'être rentables, - ou en pourvoyant aux besoins de ceux que le marché délaisse parce que leurs ressources trop modestes n'en font pas des clients intéressants »... ...c'est-à-dire les catégories les plus défavorisées, "les laissés pour compte de la croissance économique" (3). L'utilité sociale rejoignait la notion développée par Jacques Delors du "tiers secteur". Il s'agissait d'une notion philosophique, si ce n'est politique. Mais l'évolution socio-économique rendait cette notion très subjective, difficilement cernable. Ainsi, la jurisprudence, après s'être limitée, dans un premier temps, à une notion sociale au sens strict, c'est-à-dire la satisfaction des plus "élémentaires nécessités" (l'administration fiscale se référant à la notion de service public (4)) a admis que « assurer à des personnes, même relativement aisées, un service facturé en dessous de son prix de revient et que les exigences du profit ne leur permettraient pas de se procurer dans le secteur commercial existant », présentait bien une utilité sociale (5). De même, le tribunal administratif de Lyon a jugé que si une association « réservait sa résidence à l'hébergement de cadres, allocataires des caisses de retraite fondatrices de l'association, cette circonstance n'est pas de nature à établir son caractère lucratif » (6). La jurisprudence a également reconnu une utilité sociale à l'organisation d'activités purement culturelles (7), à l'organisation de spectacles (8), à l'organisation de formations (9), ou encore à une cafétéria et un magasin dans un hôpital psychiatrique (10). Désormais, la nouvelle instruction invite à prendre en compte quatre critères, d'ordre décroissant (règle des "4 P") : le produit proposé par l'organisme, le public visé, les prix pratiqués et la publicité réalisée. 51 ☞ Si le terme "utilité sociale" est abandonné, deux critères continuent à recouvrir cette notion qui subsiste en fait : le "produit" et le "public" visé (voir ci- après). Ainsi, il convient avant tout d'apprécier si un organisme susceptible de concurrencer les entreprises, exerce son activité dans des conditions similaires à celles d'une entreprise commerciale. Il s'agit donc de l'abandon d'une notion subjective, "politique", au profit de critères objectifs (... mais en sera-t-il ainsi ?) mettant en évidence la notion de concurrence. Cette nouvelle orientation s'inscrit d'ailleurs parfaitement dans la logique européenne, cette même logique qui réglemente, par exemple, l'octroi d'aides économiques aux entreprises (alors que les subventions aux œuvres d'intérêt général peuvent être librement accordées). Tout autre concept, dans cette perspective, était difficilement envisageable. C'est aussi la raison pour laquelle la nouvelle instruction pose pour principe que les associations qui exercent leur activité au profit d'entreprises sont, dans tous les cas, imposables aux impôts commerciaux (11), quand bien même elles ne réaliseraient pas des profits pour ellesmêmes. Analyse des critères d'exonération L'analyse des critères d'exonération implique une démarche en 3 étapes : ■ Etape 1 : La gestion de l'organisme est-elle désintéressée ? Si oui : passer à l'étape 2 Si non : l'association est imposable aux impôts commerciaux ■ Etape 2 : L'organisme concurrence-t-il une entreprise ? Si oui : passer à l'étape 3 Si non : l'organisme est exonéré des impôts commerciaux LES NOUVEAUX CRITÈRES D'EXONÉRATION FISCALE DES ASSOCIATIONS Le critère de la gestion strictement bénévole et désintéressée Le caractère fondamental, bien qu'insuffisant, de ce critère est réaffirmé mais connaît quelques assouplissements. L'affirmation des principes précédents La définition de la gestion bénévole et désintéressée reprend celle de l'article 261-7-1er-d du code général des impôts. Les dirigeants de l'association ne doivent donc avoir aucun avantage direct ou indirect dans les résultats de l'exploitation. Sont concernés aussi bien les dirigeants de droit que les dirigeants de fait. Comme par le passé, sont pris en compte non seulement les rémunérations perçues par les dirigeants, mais aussi les avantages perçus, par exemple, à travers une filiale ou par personne interposée. En principe, le fait de cumuler un emploi salarié au sein de l'association et un mandat d'administrateur suffit à remettre en cause cette condition. Des mesures d'atténuation Cependant l'administration fiscale apporte des assouplissements à cette règle : ■ Bien entendu, le strict remboursement, au franc le franc, des frais engagés pour le compte de l'association est possible. ■ En outre, il est admis que le caractère désintéressé de la gestion de l'association ne soit pas remis en cause si la rémunération brute mensuelle totale versée à un dirigeant n'excède pas les 3/4 du SMIC. Par rémunération, il convient d'entendre le versement d'argent ou l'octroi de tout autre avantage (honoraires, loyers, etc). Ce seuil n'inclut pas les remboursements de frais, mais il concerne non seulement les "les indemnités de fonction" qui pourraient être versées aux administrateurs mais aussi la rémunération d'une activité professionnelle effective, au sein de l'organisme. ■ Etape 3 : L'organisme exerce-t-il son activité dans des conditions similaires à celle d'une entreprise ? (règle des "4 P") Si oui : l'organisme est imposable aux impôts commerciaux Si non : il est exonéré 52 11. Cf. Conseil d'Etat, 27 novembre 1987, req. n° 47042 et 47043, "Syndicat des pâtes alimentaires". R.F.C. 304 - Octobre 1998 Associations : nouveau régime fiscal ■ L'association peut recourir à une main d'œuvre salariée sous réserve que les rémunérations allouées correspondent à un travail effectif et ne soient pas excessives eu égard à l'importance des services rendus. De même, les salariés peuvent être membres de l'organisme employeur à titre personnel. En revanche, ils ne peuvent devenir dirigeant de droit ou de fait de l'association. Il est cependant admis qu'ils puissent participer au conseil d'administration, dès lors qu'ils ne représentent pas plus du quart des membres du conseil (limite admise par le Conseil d'Etat pour les associations reconnues d'utilité publique) mais à condition qu'ils y figurent en qualité de représentants élus des salariés dans le cadre d'un accord concernant la représentation du personnel. Cette dernière condition apparaît contestable. En effet, n'aboutit-elle pas à créer une nouvelle instance représentative du personnel au sein de l'association ? Telle n'était d'ailleurs pas la philosophie de certaines associations qui souhaitaient associer leurs salariés aux délibérations du conseil d'administration mais insistaient sur un engagement de leur part en qualité de membre et d'administrateur, distinct des fonctions de salarié. Enfin, les représentants des salariés ne peuvent exercer des fonctions au sein du bureau. Cette réserve est également conforme à la doctrine du Conseil d'Etat à l'égard des associations reconnues d'utilité publique. L'organisme concurrence une entreprise C'est peut être sur ce point que la nouvelle instruction fiscale apporte les précisions les plus intéressantes. Elle invite à une analyse assez fine de cette notion en appréciant la situation de l'association vis-à-vis des organismes lucratifs exerçant la même activité, dans le même secteur : « L'appréciation de la concurrence ne s'effectue donc pas en fonction de catégories générales d'activités (spectacles, tourisme, activités sportives...) mais à l'intérieur de ces catégories. Ainsi, les activités de tourisme s'adressant aux enfants ne présentent pas un caractère identique à celles qui s'adressent aux étudiants ou aux familles... Il n'y a pas non plus concurrence entre un organisme qui organise des spectacles de variétés musicaux et un théâtre. Enfin, un organisme lucratif ou non, dont l'activité consiste R.F.C. 304 - Octobre 1998 en l'enseignement d'une discipline sportive, ne fait, a priori, pas de concurrence à un autre organisme qui se borne à donner en location le matériel nécessaire à l'exercice de ce sport ». En définitive, la question qu'il convient de se poser est de savoir si le public peut indifféremment s'adresser à une structure non lucrative ou commerciale. Cet élément s'apprécie en fonction de la situation géographique de l'organisme. Il ne suffit donc plus que la concurrence soit potentielle pour qu'une association encoure un assujettissement. Des conditions de gestion similaires à celles d'une société commerciale Le fait qu'une association intervienne dans un domaine d'activités où des entreprises commerciales sont également présentes ne conduit pas ipso facto à son assujettissement. Il est tenu compte de son utilité sociale, de l'affectation des excédents, des conditions dans lesquelles le service est accessible, des méthodes auxquelles l'organisme a recours pour exercer son activité. Quatre critères sont retenus pour apprécier ces conditions. Ces critères n'ont pas tous la même valeur. Ainsi, le critère de la publicité ne peut à lui seul conclure à l'assujettissement. A l'inverse, le critère de l'utilité sociale ("produit" et "public") et de l'affectation des excédents sont fondamentaux. L'utilité sociale : "produit" et "public" ■ Le produit « Est d'utilité sociale, l'activité qui tend à satisfaire un besoin qui n'est pas pris en compte par le marché ou l'est de façon peu satisfaisante ». Cette définition correspond à la définition du Commissaire du Gouvernement Delmas-Marsalet. L'administration fiscale, suivant en cela le rapport Goulard, n'a pas repris la proposition du milieu associatif visant à accorder "une reconnaissance d'utilité sociale" permettant d'obtenir une exonération fiscale. Cet agrément aurait été délivré par un organisme collégial. Si les difficultés de mise en œuvre d'une telle procédure ont conduit à y renoncer, l'administration fiscale reconnaît néanmoins que les agréments 53 ☞ délivrés par certaines administrations qui prennent en compte la nature du besoin à satisfaire et les conditions dans lesquelles un organisme est susceptible d'y répondre, peuvent être des indices permettant d'apprécier l'utilité sociale de celui-ci. ■ Le public visé Il n'est plus question, dans la nouvelle instruction, de public socialement défavorisé, mais de « personnes justifiant l'octroi d'avantages particuliers au vu de leur situation économique et sociale (chômeurs, personnes handicapées notamment...) ». Ce critère ne doit pas s'entendre seulement des seules situations de détresse physique ou morale. L'affectation des excédents Il n'est pas interdit à une association de réaliser des excédents de recettes. L'administration fiscale admet qu'il s'agit du reflet d'une gestion saine et prudente. La précédente instruction interdisait la recherche systématique d'excédents de recettes et un Commissaire du Gouvernement estimait qu'une association devait être à la limite du sous-équilibre financier ! Cependant, l'association ne doit pas accumuler les excédents en vue de les placer. Ceux-ci doivent être destinés au financement de projets dans le cadre de son objet non lucratif. Le critère du "prix" Ce critère est rempli dans trois circonstances qui rejoignent les conditions imposées par l'article 261-7-1er-b du Code général des impôts exonérant de TVA les œuvres à caractère social et philanthropique : - les tarifs sont homologués par l'autorité administrative, - ils sont nettement inférieurs à ceux pratiqués par le secteur marchand, - ils sont modulés en fonction de la situation sociale des bénéficiaires. Les méthodes utilisées : "la publicité" La publicité est un indice de lucrativité. Néanmoins, l'administration fiscale admet que ne remettent pas en cause ce critère : - les campagnes d'appel à la générosité publique, 54 LES NOUVEAUX CRITÈRES D'EXONÉRATION FISCALE DES ASSOCIATIONS - les informations diffusées par l'association aux personnes ayant déjà bénéficié de ses prestations ou qui en ont exprimé la demande, notamment par l'intermédiaire d'organismes sociaux. La publicité, à l'inverse des simples informations, est destinée à capter un public analogue à celui des entreprises du secteur concurrentiel : vente de catalogues en kiosque, diffusion de messages publicitaires payants dans les journaux, à la radio, location de panneaux publicitaires, utilisation de réseaux de commercialisation, participation à des foires ou salons dont les exposants sont principalement des professionnels... Rappel des cas d'exonérations légales Cette nouvelle doctrine n'a bien entendu pas pour effet de supprimer les cas d'exonération légale accordée à certaines associations. L'instruction apporte, à cet égard, quelques précisions notamment en ce qui concerne l'exonération des associations rendant des services à leurs membres (article 261-7-1er-a - du CGI). Les associations, dont la gestion est strictement bénévole et désintéressée, qui rendent des services à caractère social, éducatif, culturel ou sportif à leurs membres sont exonérées de TVA, ainsi que d'impôt sur les sociétés, de taxe professionnelle et de taxe d'apprentissage (article 2061-5e- bis du CGI). Cette exonération vise les seuls services rendus à des membres, à l'exclusion des tiers. L'instruction confirme la doctrine antérieure et la jurisprudence refusant de considérer comme membres des personnes qui acquittent une cotisation pour bénéficier des services de l'association sans avoir la possibilité (statutairement ou de fait) d'assister aux assemblées générales, d'être électeur et éligible au conseil d'administration. Seules sont donc considérées comme membres, au sens fiscal du terme, les personnes qui sont en mesure d'exercer leurs droits statutaires. A cet effet, selon l'instruction, elles doivent être convoquées individuellement aux assemblées générales. Si l'on comprend la logique d'une telle recommandation, elle risque de pénaliser financièrement les grandes associations. Par ailleurs, une convocation par le biais d'une insertion dans R.F.C. 304 - Octobre 1998 Associations : nouveau régime fiscal le bulletin de liaison de l'association adressé à chacun des membres sera-t-elle considérée comme une convocation individuelle ? - le régime fiscal des organismes gérant dans un but d'insertion sociale et professionnelle des unités de production, S'agissant des mineurs, seule la condition d'adhésion est exigée mais leurs droits à l'assemblée générale seront exercés par leur représentant légal. - le problème des associations exerçant à la fois des activités lucratives et non lucratives. En revanche, les ayants droits des membres (conjoints) ne sont pas eux-mêmes considérés comme membres. Les services rendus par une union d'associations aux adhérents de ces propres membres bénéficient de l'exonération (article 261-7-1er-a du CGI). Mais l'on peut s'interroger sur la portée réelle de la restriction suivante : « les personnes morales qui adhèrent à une association ne sont pas considérées comme des membres pour l'application des exonérations fiscales ». La justification avancée est que ces personnes morales ne sont pas les bénéficiaires directs des prestations, qui sont en réalité rendues à leur personnel. Elle semble donc viser les entreprises et faire référence à l'arrêt du Conseil d'Etat du 20 juillet 1990 : "Association pour l'action sociale" concernant les services de médecine du travail. Mais l'instruction n'a-t-elle pas, par avance, réglé définitivement la question en précisant qu'en toute hypothèse, les associations qui exercent leur activité au profit d'entreprises sont, dans tous les cas, imposables aux impôts commerciaux ? Autre précision apportée par l'instruction : les associations dites "fermées" ne peuvent faire de la publicité en particulier auprès du public, alors que s'agissant des associations ouvertes, ce critère ne constitue pas à lui seul un motif d'assujettissement. Pour les autres cas d'exonération, tant en matière de TVA que d'impôt sur les sociétés ou de taxe professionnelle, l'administration fiscale n'apporte aucune précision complémentaire par rapport au régime antérieur. Dispositifs particuliers Deux points méritent également une attention particulière : 12. Instruction 29 janvier 1974, BODGI 3A-3-74). R.F.C. 304 - Octobre 1998 Régime fiscal des structures d'insertion par le travail Certaines associations ou entreprises exercent une activité commerciale par nature, de production et de vente, mais dans le but de favoriser l'insertion sociale et professionnelle de personnes handicapées physiques ou mentales ou inadaptées ou encore connaissant des difficultés particulières d'emploi. Cela vise particulièrement les ateliers protégés, les centre d'aide par le travail, les entreprises d'insertion. Les associations intermédiaires quant à elles doivent pour fonctionner justifier d'un agrément qui leur permet également de bénéficier d'une exonération d'imposition. A noter que si les CAT sont généralement gérés par des associations médico-sociales, il n'en va pas de même des ateliers protégés et des entreprises d'insertion. Ces dernières, constituées à l'origine sous la forme associative, sont en effet très nombreuses à avoir opté pour la forme commerciale en raison de nombreux contrôles fiscaux subis par l'association ayant abouti à un assujettissement et afin de favoriser leur reconnaissance par les professionnels et obtenir leur immatriculation au registre du commerce et des sociétés ou au registre des métiers. Les motifs des contrôles fiscaux portaient généralement sur les points suivants : - les tarifs pratiqués, compte tenu du surcoût engendré par l'absence de rentabilité des personnes employées, n'étaient pas sensiblement inférieurs, voire étaient supérieurs, à ceux pratiqués par les entreprises commerciales ; - les clients des CAT, ateliers protégés et entreprises d'insertion n'appartenaient pas eux-mêmes à des catégories socialement défavorisées. Les ateliers protégés et les CAT, les groupements d'aveugles et de handicapés pouvaient néanmoins bénéficier d'une exonération prévue à l'article 261-7-3e du CGI sous réserve d'un agrément du Ministre chargé du Travail et de l'Emploi (12). Les entreprises d'insertion ne bénéficiaient pas de ce dispositif d'exonération. 55 ☞ La nouvelle instruction élargit donc le bénéfice d'une exonération à l'ensemble des organismes ayant pour objet l'insertion ou la réinsertion économique ou sociale de personnes qui ne pourraient être assurées dans les conditions du marché, sous les réserves suivantes : - l'activité ne pourrait pas être assurée durablement par une entreprise lucrative en raison des charges qu’implique l'embauche de ces personnes (adaptation des postes de travail, faible productivité...), - les opérations commerciales réalisées doivent être indissociables de l'activité non lucrative en contribuant par nature et non pas seulement financièrement à l'objet social de l'organisme, - celui-ci ne doit pas faire prévaloir la recherche d'un profit, - sa gestion doit être désintéressée. Selon leur forme juridique, toutes les entreprises d'insertion ne seront pas concernées. Régime fiscal des associations exerçant à la fois des activités lucratives et des activités non lucratives Comme les précédentes, la nouvelle instruction fiscale admet qu'une association puisse à la fois exercer une activité non lucrative et une activité commerciale. Néanmoins, les activités commerciales doivent être dissociables de l'activité principale non lucrative par leur nature. L'activité non lucrative doit demeurer prépondérante d'une façon significative. L'activité commerciale ne doit pas, en effet, orienter l'ensemble de l'activité de l'association. L'imposition peut être limitée aux seules opérations lucratives à condition que celles-ci soient isolées, soit au sein d'un secteur distinct d'activité, soit au sein d'une filiale, notamment commerciale. La constitution de secteurs distincts d'activités 56 LES NOUVEAUX CRITÈRES D'EXONÉRATION FISCALE DES ASSOCIATIONS d'une simple tolérance administrative, admise par l'instruction du 27 mai 1977 précitée en ce qui concerne l'impôt sur les sociétés, et l'instruction du 30 octobre 1975 (14) en ce qui concerne la taxe professionnelle. Le Conseil d'Etat a jugé que cette doctrine est opposable à l'administration fiscale (15). Mais encore faut-il d'une part l'invoquer ! - à défaut, l'association risque d'être imposable sur ses bénéfices, quelle que soit leur origine, qu'ils proviennent de l'activité commerciale ou de l'activité non lucrative (16) - et d'autre part avoir mis en place des secteurs comptables distincts permettant d'isoler dans chacun de ces secteurs les recettes et les dépenses qui s'y rapportent. Mais à la différence des précédentes instructions, il semble désormais que ce ne soit plus un choix mais bien une obligation. Les obligations comptables qui en découlent sont donc très importantes, d'autant plus que la plupart des associations n'ont pas encore mis en place de comptabilité analytique. L'administration fiscale attire par ailleurs l'attention sur deux points : • Il appartiendra à l'association d'opérer une exacte répartition des charges entre les deux secteurs de façon à ne pas diminuer le résultat imposable de l'activité commerciale en lui imputant des charges incombant à l'activité non lucrative. • Les critères appliqués pour opérer cette sectorisation, en matière de TVA, d'impôt sur les sociétés et de taxe professionnelle, spécialement en ce qui concerne la répartition d'éléments d'imposition communs, doivent respecter une certaine cohérence. 13. Article 242 B de l'annexe II au CGI et instruction du 16 décembre 1976, 18 février 1998 et 27 janvier 1992 ; Instruction du 8 septembre 1994. La constitution de secteurs comptables distincts est déjà une obligation en matière de TVA, dès lors que l'association exerce à la fois des activités taxables et non taxables. Cela détermine les droits à récupération de la TVA sur les opérations assujetties (13). 14. BODGI 6E-7-75. En matière d'impôt sur les sociétés et de taxe professionnelle, cette possibilité de sectoriser résultait 16. En ce sens, Conseil d'Etat 9 novembre 1990, req. n° 88.226; Droit fiscal 1991, n° 11, comm. 573, et Juris Associations n° 54/1991, p. 29 et s.). 15. Conseil d'Etat 27 novembre 1987, Req. n° 47042 et 47043). R.F.C. 304 - Octobre 1998 Associations : nouveau régime fiscal L'optimisation fiscale en matière de TVA pourrait alors avoir des répercussions pénalisantes en ce qui concerne la taxe professionnelle. le que soit la part de capital social détenue par celle-ci (elle admet ainsi la constitution d'une EURL dont le capital serait détenu à 100 % par l'association). La filialisation commerciale Les mêmes réserves évoquées à propos de la constitution de secteurs distincts d'activité s'appliquent bien évidemment. Rappelons qu'une association, de par son statut juridique d'organisme sans but lucratif, ne peut pas juridiquement se transformer en société commerciale. En revanche, elle peut constituer une filiale commerciale (SARL ou EURL dont l'association est l'associé unique, SA, coopérative et UES, société civile, à l'exclusion d'une société en nom collectif ou d'une société en commandite qui requiert la qualité de commerçant, ou d'une société par action simplifiée). La filialisation commerciale faisait peser à ce jour un risque fiscal important pour les associations alors que ce régime a le mérite de la clarté. En effet, l'administration fiscale avait tendance à considérer que le fait, pour une association, d'exercer une activité commerciale à travers une filiale traduisait en soi une démarche lucrative, rendant l'association passible des impôts commerciaux. Le risque était d'autant plus important si l'association était majoritaire dans le capital social. En outre, selon une réponse ministérielle, les relations qu'une association pouvait entretenir avec ses filiales ne devaient pas excéder les liens financiers de l'actionnariat. Le caractère non lucratif de l'association pouvait ainsi être remis en cause si les relations avec la filiale comportaient, notamment, une complémentarité commerciale, une répartition de clientèle ou des échanges de service (17). L'instruction fiscale reconnaît et même encourage la possibilité pour une association d'isoler au sein d'une filiale ses activités commerciales, quel- 17. Réponse ministérielle à M. Laguilhon, JO 15 juillet 1996, Ass. Nat., quest. et rép., p. 3831. 18. Conseil d'Etat 25 mars 1987, n° 41707, RJF 6/87 n° 616. 19. Conseil d'Etat 20 juillet 1988, n° 54601 et 54 644, RJF 10/88, n° 1073. 20. Cour administrative d'appel de Bordeaux, 19 mars 1996, n° 94-1774, 94-1775, RJF 6/96, n° 720. R.F.C. 304 - Octobre 1998 Par ailleurs, l'administration fiscale reprend l'une des restrictions précédentes, sans l'expliciter : « Dès lors que l'association se borne à percevoir les dividendes de sa filiale, sans prendre aucune part dans la gestion de la société, son caractère non lucratif n'est pas remis en cause du seul fait de la participation qu'elle a prise dans la société ». A contrario, donc, elle pourrait l'être si ses relations avec sa filiale dépasse les "simples liens de l'actionnariat". Qu'entend-on par là ? L'instruction, dans d'autres paragraphes, apporte des précisions : • « Est lucrative une association qui entretient des relations privilégiées avec les organismes du secteur lucratif, qui en retirent un avantage concurrentiel » (cf. § 35). Mais au delà des exemples cités par l'administration fiscale, la jurisprudence en fournit de plus significatifs. Ainsi, ont été assujetties : - une association exploitant un golf par l'intermédiaire d'une société intéressée aux résultats et rémunérant largement les dirigeants de l'association (18) ; - une association gérant avec une société une agence matrimoniale ayant pour but d'organiser des réunions entre ses membres et les clients de la société. Il avait pu être relevé une confusion de gestion et de patrimoine entre les deux organismes (19). • Est lucrative l'association ayant pour but exclusif ou principal de fournir des débouchés à une entreprise ou d'exercer une activité complémentaire de celle d'une entreprise du secteur lucratif dans laquelle un dirigeant de l'organisme aurait, directement ou indirectement, des intérêts (cf. § 9). En tout état de cause, les dirigeants des deux organismes doivent donc être distincts. Ainsi, a été assujettie une association gérant des installations sportives louées à une société ayant pour associés trois de ses dirigeants, alors que les recettes de la société commerciale étaient constituées uniquement des loyers versés par l'association (20). 57 ☞ Par ailleurs, le rapport Goulard évoque l'hypothèse des associations jouant le rôle d'une "holding". Si l'association se comporte comme une "holding de gestion", elle confère un caractère lucratif à l'ensemble de son activité. Si elle se comporte en "holding pure", se bornant à percevoir des dividendes, sans prendre aucune part à la gestion de la société, le caractère non lucratif de l'association n'est pas remis en cause d'un point de vue fiscal. En conclusion, l'administration fiscale n'a pas encore vraiment clarifié le statut fiscal d'une association qui filialise une activité commerciale, mais elle en a admis le principe et reconnaît que chaque situation doit faire l'objet d'une analyse au cas par cas. Mais attention aux conséquences d'une intensification des liens entre l'association et sa filiale. 2DE PARTIE LES MESURES D'ACCOMPAGNEMENT Ces mesures d'accompagnement constituent certainement le point le plus important de la réforme de la fiscalité des associations. Elles sont destinées d'une part à permettre aux associations de bonne foi d'interroger l'administration fiscale sur le régime applicable à leurs activités sans encourir un contrôle fiscal rétroactif, et d'autre part à mettre un terme aux nombreux contentieux en cours. Ce dispositif n'est pas compris dans le texte de l'instruction mais a été annoncé d'une part dans un communiqué du Premier Ministre, et d'autre part lors d'une conférence de presse tenue par Christian Sautter, Secrétaire d’Etat au Budget, le 15 septembre 1998. Enfin, des mesures seront proposées lors du vote de la prochaine loi de finances. L'abandon des poursuites et contentieux en cours Le Premier Ministre a annoncé l'abandon des redressements en cours relatifs aux associations de bonne foi. Selon les informations communi- 58 LES NOUVEAUX CRITÈRES D'EXONÉRATION FISCALE DES ASSOCIATIONS quées, cette mesure devrait concerner non seulement les contrôles qui sont toujours au stade de la procédure de redressement devant l'administration fiscale, mais également les procédures en cours devant les juridictions administratives (tribunaux administratifs, cours administrations d'appel et même Conseil d'Etat). Selon les indications de M. Sautter, ne seront pas considérées comme de bonne foi les associations qui auront utilisé cette forme juridique sciemment pour exercer des activités para-commerciales ou illicites. On remarque qu'il ne fait appel à la notion de "mauvaise foi" justifiant l'application de pénalités de 40 % ou 80 % si le contribuable s'est rendu coupable de manœuvres frauduleuses. En l'absence de telles manœuvres, la mauvaise foi peut être établie en raison de l'importance, la nature et la fréquence des rehaussements ou lorsque le contribuable ne pouvait normalement ignorer les insuffisances, inexactitudes ou omissions qui lui sont reprochées. Ces sanctions fiscales étaient rarement appliquées à l'encontre d'associations. Il ne se réfère pas non plus à la notion de fraude fiscale, délit sanctionnant une personne coupable de s'être frauduleusement soustraite à l'impôt. Telle que formulée, la réserve du Secrétaire d'Etat peut donc apparaître plus large que la notion fiscale ou pénale. Reste à savoir comment sera appréciée l'intention des dirigeants de l'association. L'octroi d'un délai de 6 mois permettant aux associations de se conformer aux nouvelles dispositions Un délai de 6 mois, du 1er octobre au 31 mars 1999, est accordé aux associations, notamment celles exerçant une activité commerciale, afin de régulariser leur situation sans encourir le risque d'un contrôle fiscal rétroactif. Celles qui le souhaitent pourront interroger, dans chaque département, le correspondant "association" des services fiscaux qui définira leur régime fiscal. Pour ce faire, les associations devraient être invitées à répondre à un questionnaire. S'il estime au vu des éléments de réponse communiqués que l'association doit être exonérée, sa R.F.C. 304 - Octobre 1998 Associations : nouveau régime fiscal position sera opposable à l'administration lors d'un contrôle fiscal postérieur. Néanmoins, pour que cette prise de position du "correspondant association" ait pleine valeur, encore faut-il, d'une part, que celle-ci ait exposé tous les éléments de la situation. La réponse à ce questionnaire risque donc d'être un exercice délicat ; il conviendra en particulier de bien "peser ses mots" car, si l'instruction apporte certaines réponses, demeure encore une large marge de subjectivité. D'autre part, l'association doit être également en mesure de démontrer que sa situation n'a pas changé depuis l'établissement de la réponse du "correspondant association". Or, ce point est plus qu'aléatoire, en premier lieu parce que l'association est un groupement "vivant", "évolutif", qui peut créer de nouvelles activités s'inscrivant dans un cadre concurrentiel. Par ailleurs, le secteur lucratif peut s'intéresser à des activités initiées par des associations, ce qui dès lors, peut remettre en cause le régime d'exonération de ces associations si la règle des "4 P" n'est pas remplie. Ainsi que le souligne le rapport Goulard, « Aucun domaine d'activité n'est fermé par avance aux entreprises commerciales. Le principe de la liberté du commerce et de l'industrie s'y oppose. Il est donc concevable, et plutôt heureux, qu'un secteur d'activité découvert et "défriché" par des associations s'ouvre un jour à la concurrence et que ce jour-là les associations soient amenées à payer des impôts si elles sont gérées dans les mêmes conditions que les entreprises commerciales du même secteur. Les associations n'ont le monopole d'aucun secteur, ni la certitude d'y être pour toujours à l'abri de l'impôt ». Enfin, pour les associations créées après le 1er avril 1999, et qui interrogeront l'administration, l'assujettissement aux impôts commerciaux ne prendra effet qu'à la date de réponse de l'administration. Il est probable que les services fiscaux continuent, sur le plan local, à faire preuve d'une certaine sévérité dans leur réponse, préférant, en cas de doute, décider l'assujettissement plutôt que l'exonération. Bien que cette question n'ait pas été évoquée, une telle décision faisant grief peut faire l'objet d'un recours hiérarchique ou contentieux devant les juridictions administratives. R.F.C. 304 - Octobre 1998 Des dispositions législatives Dans le cadre du projet de loi de finances, trois mesures sont proposées au vote des parlementaires : • La possibilité, pour les collectivités locales, d'exonérer totalement de taxe professionnelle les entreprises de spectacles de leur ressort, notamment celles constituées sous la forme associative. Jusqu'à présent, l'exonération n'était possible que dans la limite de 50 %. Cette mesure ne pourra entrer en application effectivement qu'en l'an 2 000 car elle requiert une délibération de l'assemblée délibérante de la collectivité publique avant le 1er juillet pour une entrée en vigueur l'année suivante. Sont concernés, quelle que soit leur forme juridique : - les théâtres nationaux et autres théâtres fixes, - les tournées théâtrales et spectacles d'art dramatique, lyrique ou chorégraphique, - les concerts symphoniques et autres, les chorales, - les théâtres de marionnettes, cabarets artistiques, cafés-concerts, music-halls et cirques, à l'exclusion des établissements où il est d'usage de consommer pendant les séances. Cette mesure catégorielle répond à la vague de contestation provoquée par les contrôles fiscaux plus ou moins systématiques subis ces dernières années par les entreprises du spectacle. • Adaptation de la composition de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires pour les associations. Dans le cadre de la procédure contradictoire, les contribuables ont la possibilité de saisir la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires du différend qui les oppose à l'administration. La composition de cette commission permet à des représentants des contribuables de siéger : il s'agit d'un expertcomptable et de deux représentants désignés par les chambres de commerce ou les chambres des métiers. Les associations affiliées à une fédération organisée pouvaient demander à ce qu'un représentant de cette fédération siège au sein de cette commission (par exemple : l'UNAT pour le secteur du tourisme social, un représentant d'une fédéra- 59 ☞ tion sportive...). Néanmoins, une telle hypothèse demeurait l'exception. La plupart des associations ne bénéficiaient pas d'une représentation adaptée à leur spécificité. Bien plus, les représentants de la CCI siégeant comme représentants des contribuables pouvaient adopter une position d'autant plus rigoureuse qu'ils défendaient en réalité le secteur marchand dont ils sont issus. Il est proposé d'adapter la composition de la commission départementale afin de permettre la représentation du monde associatif sans pour autant exclure la participation des représentants des professionnels. Les représentants des associations seraient deux personnes désignées par les organismes représentatifs du monde associatif et une personne désignée par les chambres de commerce ou les chambres des métiers, dans un souci d'impartialité et de transparence vis-à-vis des entreprises du secteur concurrentiel. Par ailleurs, l'association concernée pourra demander que l'un des représentants du secteur associatif soit remplacé par un expert comptable. • La déduction fiscale des cotisations à titre des dons. Espérons que cela constituera le dernier épisode d'un feuilleton qui finissait par troubler les membres et donateurs des associations. En effet, les particuliers bénéficient d'une réduction d'impôt au titre des versements et dons consentis au profit d'œuvres d'intérêt général ou reconnues d'utilité publique. Dans un premier temps, deux réponses ministérielles contradictoires avaient été publiées quant à la déductibilité des cotisations. Puis l'administra- LES NOUVEAUX CRITÈRES D'EXONÉRATION FISCALE DES ASSOCIATIONS tion avait admis la possibilité de déduire les cotisations à titre de don sous réserve que celles-ci ne comportent pas en fait de contrepartie matérielle (21). En revanche, elle refusait d'admettre la déduction des cotisations lorsqu'il n'était pas possible de distinguer, dans le montant global, la part correspondant à une contrepartie matérielle accordée aux membres (par exemple, abonnement au bulletin interne de l'association) et la part susceptible d'être analysée comme un don. Mais dans la nouvelle édition de la "documentation de base", datée du 20 juillet 1994, mais publiée en 1995, l'administration fiscale est revenue, sans "publicité", sur sa doctrine antérieure en précisant que "la cotisation versée par les membres d'une association ne peut jamais avoir la nature d'un don ouvrant droit à avantage fiscal". Désormais, les cotisations seront assimilées à des dons lorsqu'elles n'ouvrent droit à aucun avantage réel en contrepartie de l'adhésion. Il en sera ainsi, en particulier, lorsque la cotisation n'ouvre droit qu'à la faculté de participer aux délibérations des organes de l'association et de recevoir des informations sur les initiatives engagées et le bilan des actions menées. Une instruction administrative sera prochainement publiée sur le sujet. ✱ ✱ ✱ En conclusion donc, il s'agit là d'une réforme fiscale en demi teinte qui, plus qu'une réponse de fond au problème des associations, constitue une amnistie, dont les effets ne seront pas durables. Brigitte CLAVAGNIER 21. Instruction du 26 février 1988, BODGI, 4 C-288 et 8 mars 1988 5 B 13-88. 60 Avocat au Barreau de Lyon Cabinet Clavagnier-Rivaud R.F.C. 304 - Octobre 1998