Vers une TRANSFORMATION DIGITALE de l’industrie agroalimentaire Problématique L’industrie agroalimentaire fait face à une Pour explorer cette question, un groupe d’étudiants multitude de défis dont le principal est de mener de l’INSA Rennes, en collaboration avec notre à bien sa première mission : nourrir la planète. agence, a interviewé une dizaine d’experts du Malheureusement, les crises alimentaires secteur alimentaire en Bretagne, d’octobre à s’enchaînent et l’industrie agroalimentaire est décembre 2014. Ces interviews ont été réalisées dorénavant confrontée à un sentiment de défiance. dans le cadre du module «Cartographie de Dans ce contexte, les entreprises agroalimentaires, Controverses» dispensé dans l’enseignement leur main d’oeuvre, la valeur générée pour un de sciences humaines et sociales. Les travaux territoire, se retrouvent fragilisées. des étudiants (monographie et site web) sont accessibles via le portail mis à disposition par le À l’heure où la transformation digitale1 reconfigure CRI de l’INSA sur le site web de la bibliothèque3 ou les modèles économiques, les industriels de directement sur le site internet digitalagro.insa- l’agroalimentaire sont en droit de se demander rennes.fr4. comment tirer parti des nouvelles technologies numériques. L’étude récente du cabinet Roland Les citations présentes dans ce document sont Berger2 tend à démontrer que les «entreprises toutes extraites du travail des étudiants. Nous les digitales» ont en moyenne une croissance 6 fois félicitons pour la qualité du travail accompli. plus élevée que la moyenne de leur secteur. Ces très bons chiffres questionnent les acteurs du secteur alimentaire sur leur capacité à maintenir des marges bénéficiaires. Mais la question est plus largement de savoir si la maîtrise accrue des technologies numériques permettra aux industries agroalimentaires d’être plus performantes ? Vers une transformation digitale de l’industrie agroalimentaire | MYCHEFCOM 1 La Transformation digitale désigne les évolutions associées à l’intégration de nouvelles technologies, dans le but d’améliorer les performances. 2 Du rattrapage à la transformation : L’aventure numérique, une chance pour la France - http://www.rolandberger.fr/actualites/2014-09-29Aventure_numerique.html 3 http://biblio.insa-rennes.fr/content.php?pid=410646&sid=4241604 4 http://digitalagro.insa-rennes.fr./ 1/7 Un secteur familiarisé avec les technologies L’industrie agroalimentaire recouvre une Les professionnels sont parvenus à intégrer forte diversité (figure 1). Les problématiques rapidement et efficacement des technologies relatives à l’alimentation animale et à l’alimentation complexes pour accroître les rendements, pour humaine sont différentes. Les produits sont, eux augmenter la rentabilité, pour répondre au cadre aussi, très différenciés (brut, élaboré, frais, sec, législatif. Toutes ces innovations industrielles, surgelé). Enfin, les canaux de vente entraînent, eux la formulation, la logistique s’appuient sur aussi, une forte segmentation (vente directe, grande l’informatique. Imaginez la place à la fois discrète distribution, RHD, e-commerce, place de marché, mais néanmoins essentielle de l’informatique sur etc). Ces multiples segmentations donnent parfois la chaîne de production et dans les échanges de l’impression que les maillons n’ont pas le sentiment données avec les distributeurs. Ces éléments nous de faire partie d’une même chaîne. permettent d’affirmer que l’industrie agroalimentaire a déjà connu une première transformation digitale. L’histoire montre comment l’agriculture et l’industrie agroalimentaire se sont modernisées très rapidement en tirant profit d’innovations : technologies industrielles de production, sécurité sanitaire, traçabilité alimentaire, logistique, chimie, génétique, etc. 6 x Les entreprises ayant entamée leur transformation numérique ont une croissance 6 fois plus élevée que les autres entreprises. Étude cabinet Rolland Berger Figure 1 : Diversité du secteur Agroalimentaire Vers une transformation digitale de l’industrie agroalimentaire | MYCHEFCOM 2/7 Valoriser son savoir-faire Pour certains, l’automatisation actuelle de l’industrie Ces enseignes investissent fortement dans est à mettre au bénéfice des enseignes de la grande la relation qu’elles entretiennent avec les distribution. consommateurs finaux de produits et tout Le moteur de la rationalisation c’est la grande distribution. Elle oblige les industries agroalimentaires, même les plus petites à s’automatiser. ‘‘ particulièrement sur les marques de distributeurs qui connaissent une inflation de segmentation6. ‘‘ des volumes de ventes, les enseignes de la grande En Bretagne nous avons surtout du B2B, donc des entreprises assez tributaires des stratégies de la grande distribution. Certains nouveaux acteurs ou certaines petites entreprises développent en parallèle des circuits B2C. Ces choix stratégiques sont liés à la stratégie globale de l’entreprise distribution interviennent dans la stratégie de leurs Des industriels voient ainsi leurs investissements fournisseurs et certaines remontent la chaîne en fléchés par leurs clients distributeurs. Pour des intégrant des sites de production ou une flotte de grands groupes alimentaires, intégrer un nouveau bateau de pêche. Les distributeurs ont déjà bien système informatique logistique, ou mettre à entamé leur transformation digitale. On peut citer jour un EDI fait parti du lot quotidien. Pour les les caisses automatiques, les scanettes mais PME, ces investissements sont beaucoup plus aussi les services «Drive» qui associent internet, lourds et ils se font généralement en lieu et place smartphone, application web et marketing. Les d’autres investissements. En investissant en trois enseignes Leclerc, Intermarché et Super U priorité dans l’outil de production au détriment de cumulaient à elles seules plus de 2000 drives en l’outil marketing, des PME se retrouvent dans des novembre 20145. situations déséquilibrées, notamment lorsqu’elles parvenues à normaliser les circuits de production de leurs fournisseurs industriels. Par la promesse ‘‘ ‘‘ Les grandes enseignes de la distribution sont essayent de faire vivre leur propre marque face à des produits de marque distributeur (MDD). Vers une transformation digitale de l’industrie agroalimentaire | MYCHEFCOM 5 Linéraire, 308, décembre 2014, p10 6 Moati, P., Mazars, M., Ranvier, M., Le développement des marques de distributeurs et les stratégies des industriels de l’alimentaire. Cahier de Recherche N°242, CREDOC, Décembre 2007,). 3/7 Connaître sa position dans la chaîne de valeur De plus, produisent ou qui transforment est de perdre le lien avec leurs clients finaux de leurs produits (figure 2). En observant les entreprises les plus performantes, on constate que dans un monde de banalisation des produits industriels, la valeur ajoutée s’acquiert auprès du client par la valorisation de son savoirfaire et par le service. Or, comme le fait remarquer l’un des experts interviewé : Beaucoup de TPE et de PME en Bretagne n’ont pas forcément le temps et les moyens [...]. Elles n’ont pas le temps de prendre du recul et pas les moyens d’investir dans des solutions. Il existe pourtant des solutions rapides qui ne demandent pas de moyens importants et qui peuvent avoir des retours rapides D’un côté, nombre d’industriels qui vendent de façon quasi exclusive par la MDD investissent dans ‘‘ leur outil de production, au détriment d’un effort commercial visant à pousser leurs propres marques ou à promouvoir leurs capacités industrielles. Mais d’un autre côté, on se rend compte que les ‘‘ Dans l’agroalimentaire, si on regarde bien les phases amonts, les systèmes de production sont connectés. Nous parlons de l’usine du futur, de l’usine hyper connectée. On parle un peu moins de la compréhension, de la lecture du marché et de la manière de l’aborder ‘‘ ‘‘ Le risque essentiel pour les entreprises qui investissements nécessaires pour faire vivre une marque sont moindre dès lors que l’on recourt au marketing digital. Figure 2 : Représentation de la chaîne de valeur agroalimentaire Vers une transformation digitale de l’industrie agroalimentaire | MYCHEFCOM 4/7 Le consommateur au coeur de l’innovation Les industries agroalimentaires reçoivent de Au travers du lien plus direct avec les multiples injonctions à innover de la part de consommateurs que l’industriel construit avec leurs actionnaires ou de prescripteurs. Mais les sa marque, il accroît la compréhension fine de méthodes traditionnelles d’innovation montrent son environnement. Encore une fois, nul besoin actuellement leurs limites. À quoi bon développer d’investir des millions d’euros pour entretenir une de nouveaux produits dont la valeur ajoutée pour le communauté de fidèles. Quelques heures suffisent consommateur est nulle ? À quoi bon développer pour prendre le temps d’écouter ses meilleurs de nouveaux produits qui disparaîtront des linéaires consommateurs. nouveaux produits ont disparu des magasins 3 ans après leur lancement7. ‘‘ On ne peut plus se permettre de faire du marketing à l’ancienne où on innove derrière une paillasse puis on se dit qu’on va essayer de mettre sur le marché. Il y a un réel intérêt et enjeu pour ces industries agroalimentaires d’aller recréer du lien avec le consommateur final qu’elles ont laissé à la distribution. ‘‘ ‘‘ au bout de quelques mois ? En effet, 70 % des Si l’invention peut être le résultat d’un acteur isolé, l’innovation reste un processus collectif. Ce sont les consommateurs qui font de ‘‘ Avec l’imprimante 3D ou les logiciels de simulation l’innovation une réalité. À l’industriel de préparer, de (PLM), le numérique apporte de nouvelles convaincre, de former et d’éduquer les acteurs à méthodes d’innovation. L’attrait principal du digital l’aide d’un message adapté. s’affranchir des intermédiaires marketing : panel ou étude consommateur. Le numérique permet à toute marque de développer et de renforcer le lien direct avec les consommateurs. La connaissance des ‘‘ Avec le digital on est plus proche des consommateurs, on a plus de retours donc on essaye d’intégrer cela dans la conception. Il y a une dimension de distance au marché qui se raccourcit. ‘‘ en termes d’innovation repose dans la capacité à consommateurs est accrue et il devient plus facile de les impliquer dans le processus d’innovation des produits et des services. De nouvelles recettes sont élaborées, des services complémentaires sont évalués. Vers une transformation digitale de l’industrie agroalimentaire | MYCHEFCOM 7 Étude TNS Sofres - http://www.themavision.fr/jcms/ rw_338523/innovations-peu-delus-dans-la-duree 5/7 Le digital pour développer ses ventes Une enquête réalisée auprès de 100 entreprises La prospection commerciale peut se construire au de l’agroalimentaire dans l’ouest relève que 80 travers de contenus diffusés sur un blog, sur les disposent d’un site web. réseaux sociaux et par l’emailing. Aujourd’hui, les sites web des acteurs de l’agroalimentaire servent, dans un premier temps, à assurer une présence sur le web. Dans un second temps à communiquer. Ces mêmes sites web ‘‘ Sur le volet marketing, ce ne sont pas des investissements importants. Il faut une volonté et un suivi. On ne peut pas se dire je fais un site web et c’est réglé... [...]. Ce qui compte c’est que cela s’inscrive dans une stratégie et que le dirigeant y croit et s’y investisse. ‘‘ Beaucoup d’entreprises ont un site internet. C’est la première marche. ‘‘ ‘‘ pourraient contribuer au processus d’innovation, Si l’architecture des acteurs de la GMS est servir à prospecter, à vendre, à optimiser l’efficacité relativement simple avec une dizaine de grandes de la force de vente et à piloter l’entreprise par la enseignes, la structuration de la RHD est bien donnée. plus complexe avec sa distribution et une myriade de petits établissements et le marché de l’export ‘‘ est vaste et diversifié. Pour rentrer dans une ‘‘ Le digital peut avoir un impact sur comment je fais mon produit, ce que je mets dedans, mais surtout comment je le fais et comment je le vends. stratégie de prescription, les industriels recrutent des conseillers culinaires, mais malgré toute leur bonne volonté, ces conseillers culinaires sont en Certains industriels ont compris l’enjeu de la incapacité de connaître et de visiter les plus de transformation numérique. Leur présence sur 200 000 restaurants présents en France. Ils sont internet sert à reprendre la relation avec le client, à aussi souvent limités dans leur capacité à toucher valoriser une marque, à démontrer un savoir-faire le consommateur. et répondre aux nouveaux comportements d’achat. Vendre ses produits sur internet ne veut pas Dans ce contexte d’ultra segmentation de la forcément dire faire du e-commerce. clientèle et des prospects, des logiciels de suivi de la relation client (CRM) semblent essentiels. Vers une transformation digitale de l’industrie agroalimentaire | MYCHEFCOM 6/7 Conclusion Pour un secteur en crise, le digital constitue une opportunité réelle de changement. Nous venons d’esquisser rapidement les problèmes que soulève une stratégie trop dépendante de la grande distribution et qui mène à la «guerre des prix». Pour beaucoup d’acteurs, le modèle actuel de production et de distribution des produits alimentaires est en fin de course. Pour les industriels, l’avenir passe par la création de valeur. Cette création de valeur peut prendre différentes formes en plus du marketing ou des services associés. Le digital constitue une ressource clé pour opérer un changement de mentalité, tant auprès des équipes dirigeantes que des collaborateurs. Il est l’opportunité de réviser les certitudes. Le digital offre de nouvelles armes pour rebattre les cartes, et renégocier la répartition de la richesse au sein de la chaîne de valeur agroalimentaire. Les acteurs de la chaîne détiennent par le digital, une merveilleuse opportunitée de valoriser leur savoir-faire pour répondre aux attentes et aux comportements de leurs clients. Les outils utilisés en marketing digital permettent d’industrialiser le processus d’attraction de ses futurs clients, cette méthodologie est appelée l’inbound marketing. Vous n’êtes peut-être pas (encore) leader sur votre secteur. Pourquoi ne pas commencer par l’être sur le digital ? Vers une transformation digitale de l’industrie agroalimentaire | MYCHEFCOM 7/7 mychefcom.com Bureaux 4 Mail François Mitterrand 35000 Rennes Tél. +33 9 70 80 55 30 Siège social 20 bis rue Louis Philippe 92299 Neuilly-sur-Seine