étude des différentes scénographies sur un monologue

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ÉTUDE DES DIFFÉRENTES
SCÉNOGRAPHIES
SUR UN MONOLOGUE
(Extrait de la pièce La Cuisine d'Arnold Wesker)
Au ror e JUAN • TS 2
Année 2006/2007
Lycée Jean Moulin de Pézenas
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SOMMAIRE
Sommaire _________________________________________________________ P 2
Qui suis-je ? _______________________________________________________ P 3
• Présentation personnelle
• Motivations vis-à-vis du théâtre
• Mon parcours
Résumé de la pièce La Cuisine
___________________________________
P4
Introduction au sujet
_____________________________________________
• Pourquoi avoir choisi ce sujet ?
P5
Etudes de différentes scénographies du monologue_____________
P6
• Résumé de la pièce
• Résumé de l'intermède
• Parti pris expressionniste
• Parti pris comique
• Parti pris contemporaine
Pièces vues au théâtre Gramont avec le lycée ___________________ P 14
• Fin de partie, de Samuel Beckett
• Les caprices de Marianne, d'Alfred de Musset
• Jacques le fataliste, de Diderot
• Résumés, impressions
Annexe, texte du monologue de Paul ____________________________ P 16
2
PRÉSENTATION PERSONNELLE
Je suis Aurore Juan, âgée de 17 ans, élève de terminale scientifique. Je pratique le théâtre depuis
l'age de 8 ans.
Le théâtre me donne une seconde vie, une seconde image : je me détache de ma propre
personne, j'oublie les soucis, le regard des autres, je me laisse envahir par un autre personnage.
Aller à un cours de théâtre brise la routine quotidienne ; de plus, les exercices de concentration,
de voix, du corps, les improvisations, m'aident à progresser et à m'épanouir dans ce domaine et
renforce le lien entre tous les participants.
Souvent, à quelques mois de la représentation, le spectacle devient presque un chalenge ; c'est
une véritable compétition entre la troupe et le temps ! Le théâtre m'apporte ce délicieux stress
avant la représentation, et cette unique euphorie après, que demander de plus ?
Durant toutes ces années de théâtre, j'ai pu faire partie de différents ateliers (les compagnies du
théâtre de Pierre à Fouzilhon, La Bas théâtre à Béziers, et aujourd'hui l'option facultative au lycée
de Pézenas), ce qui m'a permis d'observer différentes techniques de travail et différents
comédiens, tous éclectiques. J'ai participé également à différentes colonies théâtre de 1 mois où
l'issue de chacune de ces vacances était de mettre en scène un petit spectacle que l'on
représentait dans différents centres.
Un écrivain, Gilles Moraton a écrit l'Inventaire du Monde à la suite de nos improvisations en
2004 pour qu'on le joue.
Nous avons joué Orphée de Cocteau, et Songe d'une nuit d'été de Shakespeare grâce au
théâtre du lycée, etc…
Ainsi, toutes ces facettes m'ont permis d'apprécier et de continuer à apprécier cet art que je
pratique avec énormément de plaisir.
3
R É S U M É D E L A C U I S I N E (Arnold Wesker)
Comme son nom l'indique, La Cuisine se déroule dans une cuisine d’un grand restaurant, le
Tivoli, avant, pendant, et après l’heure de pointe du midi ou du soir.
Il met en scène un personnel diversifié : femmes de charge, serveuses, marmitons, sauciers,
rôtisseurs, maître d’hôtel, chef et patron, travailleurs émigrés ou non, tous se côtoient ou
s’ignorent, pris dans la routine des grands et petits problèmes de la restauration à bon marché.
Ce qui amène amours, haines, indifférences, violences, amitiés, insolences, alors que la qualité
des plats a moins d’importance que la rapidité du travail dans cette usine de la gastronomie.
La cuisine, à chaque service, est prise de folie. Les passions s’attisent et se déchaînent sous la
pression d’un horaire, semblable à celui de Charlot dans “Les temps modernes”. Les acteurs de
cette “grande” cuisine, véritable pyramide sociale, sont à l’image du monde. Un monde qui se
construit pour mieux se déchirer. Un monde où disparaît tout esprit de solidarité, toute
conscience politique, toute notion d’une société de progrès humain.
Ecrite dans les années 70 par Arnold Wesker, auteur engagé qui a contribué au renouveau du
théâtre anglais, La Cuisine est une pièce prémonitoire devenue malheureusement d’actualité.
Arnold Wesker s'est servi d'une cuisine, lieu où il a lui-même travaillé, pour représenter sa
vision du monde : "Le monde a bien pu être une scène pour Shakespeare, mais pour moi c'est
une cuisine"
RESUME DE L'INTERMEDE (contexte du monologue) :
L'intermède se déroule pendant la pause entre le midi et le soir, dans la cuisine du restaurant. Il
met en scène différents protagonistes hétéroclites du personnel. Certains s'activent, d'autres
sont amorphes, et tous discutent sur des sujets variés. Les protagonistes sont divers : ils ont tous
des professions différentes, certaines sont jeunes, d'autres vieux ; certains travaillent sans
relâche, d'autres ont fini leur service ; certains sont calmes, d'autres nerveux. Certains sont issus
de l'immigration, d'autres non. Ainsi, ces différences font naître des conflits, des discussions
engagées ou originales, et c'est un peu la vision du monde d'Arnold Wesker qui se dégage de à
la fin de l'interlude de ce melting pot.
C'est un pâtissier nommé Paul, le narrateur de ce monologue. Il explique, indigné et pensif, à ses
collègues et amis, une anecdote qui lui est arrivée, concernant sa divergence vis-à-vis d'un voisin
chauffeur de bus qui a un comportement égoïste et des raisonnements simplistes.
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INTRODUCTION AU SUJET
Les spectacles vus m'ont montré que les metteurs en scènes avaient une très grande liberté
pour leur choix de parti pris et de mise en scène pour l'adaptation de la pièce.
Par exemple, dans Les caprices de Marianne, Jean Louis Benoît a fait le choix d'un décor réaliste,
mobile, pour dégager une ambiance romantique. Mais il aurait très bien pu jouer ça dans une
ambiance contemporaine, noire, pour montrer les côtés de la "tragédie amoureuse" et de
l'arbitraire de la pièce de Musset.
Ce choix ne doit pas être pris à la légère car c'est cette mise en scène qui fait l'essence de la
représentation théâtrale : elle canalise et lie le talent et l'énergie des comédiens d'une part.
D'autre part, avec une scénographie particulière, c'est d'elle que nous parvient le produit fini,
avec le ressenti et les émotions.
Dans le cadre de l'atelier théâtral, nous avons tenté de jouer différentes scènes de la pièce
d'Arnold Wesker (cf
cf le résumé)
résumé car Stéphane (notre comédien intervenant) voulait nous faire
travailler "l'activité" (c'est-à-dire demeurer toujours en activité : celle d'un cuisinier, tout en
jouant).
Or, je me suis intéressée à un monologue (situé dans "l'intermède", cf le résumé)
résumé : et j'ai
commencé à me questionner sur les différentes scénographies que l'on pouvait mettre en
scène.
Ainsi, par le biais de croquis, de références cinématographiques, de références à l'art, de
références à des personnages cultes, je me suis mise dans la peau de plusieurs metteurs en
scène qui aimeraient monter ce monologue sur les planches.
Bien sûr, par manque de moyens financiers, de comédiens, bref, pour de pures questions de
réalisabilité, je ne jouerai pas l'un des partis pris que j'ai imaginés lors de l'épreuve de mon bac.
Ils m'auront juste permis à explorer mon monologue de façon plus profonde (et à prendre
conscience par la même occasion des raisons qu'avait Arnold Wesker d'écrire sa pièce ainsi).
Quelles pourraient être trois approches de partis pris et de mise en scène totalement
différentes pour ce monologue ?
Dans un premier temps, je montrerai un parti pris EXPRESIONNISTE. En effet, ayant pris
connaissance de Métropolis du grand cinéaste expressionniste allemand Fritz Lang, de grands
points communs sur les thèmes exploités (le progrès, l'exploitation des employés) m'ont sauté
aux yeux et j'ai voulu rapprocher, mélanger, un peu de ces 2 œuvres. J'essaierai d'exploiter
ensuite le parti pris COMIQUE de La Cuisine, car Arnold Wesker a rassemblé des gens aux
origines différentes, ce qui peut amener à des situations cocasses, traitées des fois avec légèreté.
Et je terminerai avec une mise en scène CONTEMPORAINE, plus engagée : car ne l'oublions
pas, d'origine juive, lui-même immigré, ayant personnellement connu des conditions précaires
de cuisinier, l'auteur dénonce implicitement dans son monologue des problèmes de société plus
qu'actuels.
Bien sûr, il existe de nombreuses justifications face à une scénographie particulière : chacun a sa
propre sensibilité. Ainsi, lorsque je justifie mon choix par un tel élément du décor (par
exemple), c'est ma propre vision, ma propre imagination, mais chacun pourrait le concevoir
différemment : toutes les portes sont ouvertes !
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ÉTUDE DES DIFFÉRENTES SCÉNOGRAPHIES
1) PARTI PRIS EXPRESSIONNISTE
L'expressionnisme
expressionnisme est un mouvement artistique apparu au début du XXe siècle, ayant touché
de multiples domaines artistiques : la peinture, l'architecture, la littérature, le théâtre, le cinéma,
et la musique, etc.
L'expressionnisme tend à déformer la réalité pour inspirer au spectateur une réaction
émotionnelle. Les représentations sont souvent basées sur des visions angoissantes, déformant
et stylisant la réalité pour atteindre la plus grande intensité expressive
Ainsi, quand on regarde le cinéma expressionniste allemand du début du siècle, notamment les
ouvriers opprimés de Métropolis, de Fritz Lang, on peut immédiatement rapprocher ces
derniers des cuisiniers de La Cuisine. En outre, Paul, le narrateur du monologue en question,
finit par se questionner sur l'existence : "et quand je regarde autour de moi, et je vois tout, la
cuisine, et les usines, et ces tours énormes, et tous ces gens dedans, je me dis merde !", "où tout
cela va finir ?".
Ainsi, ne peut-on pas tourner ce monologue, d'une façon sombre et fataliste, d'une manière
presque sur jouée, afin de mettre l'accent sur l'oppression et la soumission dues au travail à la
chaîne, et à la déshumanisation engendrée par le progrès ?
< Dans Métropolis, Fritz Lang met en image des
ouvriers automates, qui n'ont plus de valeur en tant
qu'individu
Chaplin, Dans les Temps Modernes, dénonce
lui aussi de façon plus légère les mauvais côtés
de l'industrialisation sur l'individu >
< Des peintres comme Otto
Dix dénoncent également la
destruction de l'individu et
l'homme comme main
d'oeuvre
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LA SCENOGRAPHIE
Décors : Sur le plateau, une multitude de cuisiniers alignés géométriquement, tous devant la
même table, avec les mêmes ustensiles : un peu comme dans un atelier chinois, ou rangés
comme des soldats. Le fond est un grand trompe l'œil, représentant en perspective isométrique,
la continuité de l'atelier de cuisine, avec une fenêtre représentant l'ouverture sur un monde
industriel. On peut aussi faire référence sur cette grande toile de fond, à d'autres tables de
travail situées sur des plateaux en hauteur, pour montrer d'une part le côté "travail à la chaîne",
et d'autre part les effectifs très importants. Je veux faire référence à la construction graphique
très composée et géométrique, typique du cinéma expressionniste, en particulier de Fritz Lang.
Mais aussi à la surindustrialisation et à la déshumanisation des individus comme on peut le voir
dans Les Temps Modernes de Chaplin
Ainsi on montre un univers manichéen, où la productivité a pris le pas sur l'individu.
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Lumières : L'ambiance générale est assez sombre, baignant dans un clair obscur général. A la
manière d'ailleurs des films expressionnistes allemands du début du siècle, comme dans
Métropolis : dans ce dernier, le clair obscur est à la fois utilisé à des fins esthétiques, et à la fois
pour dramatiser la situation.
On peut même utiliser de la fumée synthétique afin de représenter la chaleur des fours en
action, voire le côté apocalyptique du lieu.
Lorsque Paul commence son monologue, une douche de lumière l'éclaire pour le magnifier : il
se différencie de la masse, et le côté surthéatralisé (utilisé d'ailleurs dans le cinéma
expressionniste) souligne le ton dramatique de la situation.
< Dans l'Angélus, le peintre Millet souligne la misère par un
éclairage sombre, clair obscur, laissant apparaître les deux
silhouettes des pauvres
Son : Même s'il est écrit en toutes lettres dans la didascalie au début de l'intermède "le
bourdonnement des fourneaux est à peine audible", je pense exagérer volontairement le son de
ces gros fours en action pour mettre en avant les conditions pénibles de travail. Le cuisinier est
oppressé et est contraint de se fatiguer à communiquer en haussant la voix.
LA MISE EN SCÈNE
Déplacements et attitudes des personnages :
Tous les acteurs présents sur scène font inlassablement les mêmes mimiques de cuisiniers de
façon chorégraphiée, comme des soldats effectuant le même pas. Par exemple, ils peuvent
couper, remuer, jeter, de façon robotisée leur production. Cela montre l'inutilité du travail.
Paul se détache de la masse à la fois par le biais de l'éclairage, mais aussi parce qu'il se situe au
centre du plateau, et parce que c'est alors le seul à parler. Alors qu'il commence la narration de
son monologue, il effectue toujours la même chorégraphie d'automate de ses partenaires. Mais
peu à peu il se laisse envahir par la colère, il mélange dans sa gestuelle son activité robotique et
son ressenti. Le paroxysme de ce détachement peut prendre place lorsqu'il s'écrie : "je dis
merdre, merdre, et merdre", lorsque "la machine s'emballe". Il quitte alors sa table de travail
pour se mettre à genoux et lever les mains au ciel.
Paul cherche désespérément un auditeur durant tout son monologue ; les autres, affairés à leur
tâche, restent impassibles. Cela agrémente un degré de fatalité encore plus important.
Costumes : Les costumes sont tous similaires, toujours dans l'optique de montrer le peu
d'importance accordée à l'humain ; précaires, sobres et sombres. Les cuisiniers sont ainsi des
entités qui servent à travailler. C'est d'ailleurs le cas des ouvriers de Métropolis. Les acteurs
peuvent être maquillés, en ajoutant du noir sur les
yeux ou en fonçant les lèvres, pour faire paraître les
visages plus pâles et usés.
< Décor géométrisé, costumes précaires et simples, tous
les ouvriers oeuvrant à une chorégraphie inutile à
l'unisson, décor grandiose et oppressant : voilà
exactement ce que j'aimerai retranscrire dans ma mise
en scène
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2) PARTI PRIS COMIQUE
"Il y a toujours du tragique dans le burlesque, et du burlesque dans le tragique" disait Ionesco.
Or le message de la pièce est loin d’être purement militant, elle est écrite d'un regard presque
bienveillant et humoristique sur le monde.
Amours, haines, indifférences, violences, amitiés, insolences, tout cela tourne à gros bouillons
dans cette énorme cuisine ; et peut amener à plusieurs conflits cocasses et situations comiques.
LA SCENOGRAPHIE
Décors : l'action se passe sur un décor quasiment nu et épuré : une simple table couverte
d'une nappe comme plateau de travail, ce qui donne un côté absurde pour le décor de la
cuisine d'un grand restaurant. On peut ajouter une armoire pleine à craquer d'ustensiles de
cuisine divers, mais aussi pourquoi pas des objets qui n'ont rien à voir avec la cuisine, comme
par exemple une scie ? On fait référence ainsi à un comique décalé afin de donner un ton
saugrenu au monologue.
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Lumières : La lumière n'appuie pas la narration, contrairement à l'expressionnisme elle ne doit
pas magnifier quoi que ce soit. Elle doit être par contre sobre et diffuse, sans fioriture. On peut
toutefois, lors de l'entrée et la sortie de Paul, le suivre d'un projecteur à la manière d'un one
man show.
LA MISE EN SCÈNE
Paul fait son entrée sur scène à la manière d'un one man show. Lorsqu'il se place à son plan de
travail, un fouet peut lui être descendu, comme dans le spectacle de Gad Elmaleh où il reçoit
une guitare. Bien sûr, la finalité du sketch de Gad Elmaleh n'est pas de faire un spectacle
acoustique mais de nous amuser, c'est la même chose pour Paul dont le but n'est pas de
cuisiner !
Ainsi, à la manière de Coluche qui nous fait un sketch "jvais vous raconter une histoire", "alors
c'est l'histoire d'un mec…", Paul s'applique à raconter sa mésaventure qu'il ponctue de
caricatures et d'ironies. Par exemple, quand il retranscrit les propos du conducteur de bus, il
peut changer sa voix et sa posture. Il peut le faire passer pour un "beauf" râleur à la voix grave
"tu as fait cette marche pour la paix, hier ?". Ou il peut surjouer : "les bus n'avancent pas, alors il
faut tuer tout le monde"
Le personnage de Paul : Paul peut être vêtu d'un authentique costume de cuisinier. Mais
encore une fois, le but de ce dernier n'est pas d'être un chef, mais de faire rire… L'attitude de
Paul peut mettre en scène un comique de répétition. Par exemple, il peut couper une carotte,
et à la fin de chaque carotte se tailler le doigt. Ainsi, plusieurs fois cette maladresse effectuée, le
spectateur est amusé à chaque fois qu'il entreprendra de couper un nouveau légume. Il peut
aussi par exemple se montrer maladroit, peu professionnel, se mettre de la farine sur le visage :
cela lui enlève de la crédibilité d'une part en tant que cuisinier, d'autre part en tant que
narrateur.
Tous les ingrédients dont il a besoin se situent dans l'armoire, il les utilise en dépit du bon sens,
formant ainsi une mixture peu appétissante : on peut toucher au comique du dégoûtant.
Paul me fait penser à Eddy Mitchell dans le film de film de Jean Yves Pitoun Cuisine Américaine
où il incarne un chef pâtissier impulsif et sympathique.
^ Eddie Mitchell dans
Ccuisine américaine
^ Le jovial Coluche en scène
^Gad Elmaleh et sa guitare
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3) PARTI PRIS CONTEMPORAIN
On ne peut pas manquer les similitudes entre la vie de l'auteur et la pièce La Cuisine. Par
exemple, Arnold Wesker a passé ses débuts en tant que… Cuisinier, et sa propre expérience
dans la restauration est le thème principal de la pièce. Mais ce qui marque la vie de l'auteur,
autant que ses œuvres, ce sont ses actions engagées, que ce soit son éloge aux diversités
jusqu'aux petites piques à l'encontre du nazisme, présentes dans la pièce de La Cuisine
d'ailleurs.
Hans, Peter, Hassan… sont tous des prénoms à phonétique germanophones. Contexte qui se
passe en Allemagne : Arrêt de bus, marche pour la paix, contexte d'une Allemagne récente.
Quand Paul dit : "Et le plus horrible, c'est qu'il y a un grand mur, un grand mur entre moi et des
millions de gens comme lui", on ne peut s'empêcher de faire le rapprochement avec le mur de
Berlin.
J'aimerais essayer de faire une représentation du monde rempli de paradoxes et d'inégalités à
travers ce plateau, car Arnold Wesker affirme lui-même : "Le monde a bien pu être une scène
pour Shakespeare, mais pour moi c'est une cuisine"
Dans ce parti pris, je voudrais montrer le côté engagé de la pièce : problèmes d'immigration, de
société, de castes sociales, de tensions politiques ; par le biais d'un décor plus symbolique que
dans le parti pris comique. Ici, il a autant de sens que le discours.
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^Opposition entre le design et la modernité d'une cuisine et la face dévastée de la société
LA SCENOGRAPHIE
Décors : L'espace scénique est divisé en deux parties par un mur. D'un côté l'espace de la
cuisine. De l'autre, un désordre de la rue après une manifestation (pancartes, ordures, graffitis).
Ce mur symbolise la coupure entre la cuisine et le monde extérieur ; mais symbolise
historiquement le mur de Berlin. Enfin, le concept de mur symbolise aussi les différences et les
tensions qu'il y a entre les différents protagonistes de tous horizons.
D'ailleurs, l'idée de melting pot est symbolisée par l'entassement des tabliers des personnages
dans un coin de la cuisine.
Le mobilier de la cuisine est aussi réaliste que possible ; des fours, des hottes, des armoires,
etc… Il existe un paradoxe entre cet univers sophistiqué et l'univers de chaos à droite.
Un gros travail de décoration est à faire sur ce mur ; il doit paraître usé et dégradé, pour
montrer qu'il trône là depuis longtemps, c'est-à-dire l'idée de décalage entre les castes existe
depuis longtemps.
Lumières : Au début du monologue, seule la partie gauche est éclairée par plusieurs spots afin
de donner un effet de profondeur à la cuisine, de fourmillement, d'activité, mais aussi de propre
et moderne. Elle est incolore et éthérée.
Parallèlement, au début du monologue, le côté droit est dans l'obscurité totale (et les spots de
gauche n'éclairent pas cette partie grâce au mur). Au fur et à mesure du monologue de Paul,
une lueur rouge éclaire progressivement cette partie sombre. Et révèle peu à peu un chaos
illustrant, tel un flash back, le concept de manifestation passée. La couleur rouge a une
connotation violente (ce qui est paradoxal pour une manifestation… pour la paix) : le rouge est
grave par essence, et rappelle même les gyrophares des ambulances ou de la police.
La lumière a donc ici un rôle important pour souligner la dégradation du monde à droite et en
opposition un monde chaleureux et superficiel dans la cuisine.
Son : Paul effectue son jeu d'acteur et fait son monologue. Autour de lui, les gens s'agitent,
vaquent à leurs occupations, donc Paul baigne dans une atmosphère sonore de foule.
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LA MISE EN SCÈNE
Déplacements et attitudes des personnages :
On vient de dire qu'autour de Paul, les gens vont et viennent. En effet, les gens travaillent pour
subvenir à leurs besoins, et s'activent dans la cuisine. Certains préparent à manger, d'autres
enfournent des plats, pendant qu'untel joue de la guitare dans un coin. Dans ce cas, on reste
aussi fidèle que possible à la mise en scène qu'indique Arnold Wesker. Des différents
comportements et mouvement des gens, on symbolise la diversité de ces gens et les flux
migratoires. La dynamique de la partie gauche souligne d'autant plus le calme chaotique de la
partie de droite.
Si l'acteur jouant le rôle de Paul était un homme de couleur, son jeu pourrait être différent.
Lorsqu'il indique qu'il encourage son voisin à faire grève, on peut penser à une tentative
d'intégration et de recherche de reconnaissance. De même, le conducteur de bus peut en
vouloir à Paul par motivation raciste. C'est pour cela que cette histoire peut paraître futile, à
moins que ne s'y cache une histoire plus profonde de racisme.
Costumes : le champ lexical et la syntaxe de l'intermède sont très modernes, comme l'est
d'ailleurs cette pièce. "Marche pour la paix", "merdre", "peut-être seulement, remarque", "ce mec
m'a soutenu", "écoute moi ça".
Ainsi, le contexte de ce parti pris doit rester lui aussi moderne, tout comme les costumes.
Ceux-ci sont donc des habits de cuisiniers actuels. D'ailleurs, les habits des protagonistes
comme Paul, ne sont pas nécessairement des habits de cuisiniers, ce sont peut être des habits
de tous les jours (les protagonistes se sont changés avant ou après leur service), ce qui met
d'autant plus en avant le côté humain des gens (par opposition aux costumes du parti pris
expressionniste).
^ Le Mur de Berlin, symbole politique dans la mise en scène et élément graphique du décor
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LES PIÈCES VUES
Fin de partie,
partie, de Samuel Beckett, mis en scène par Jean Claude Fall.
Résumé : La pièce de Samuel Beckett met en scène quatre personnages handicapés
physiquement (Hamm, Clov, Nagg, et Nell) situés dans un monde indéterminé (entre terre et
mer) ; peut être des rescapés inutiles de l'Apocalypse nucléaire.
Hamm domine les trois autres : ces géniteurs, qui vivent dans des poubelles, et son fils adoptif,
Clov. Ce dernier a décidé de quitter son père ou de le tuer. Mais il n'a pas le courage de le
faire. On peut poser l'hypothèse que cette histoire se passe dans la tête de Hamm : tous les
personnages ont existé mais font juste partie de son imagination. D'ailleurs, il veut toujours se
placer au centre de cette mystérieuse pièce.
A la fin, il semble que Clov quitte définitivement Hamm, on peut donc avoir l'impression,
comme il le répète, que "quelque chose suit son cours".
Mes impressions : La représentation ne m'a pas trop captivée, peut être parce qu'il n'y avait
pas d'intrigue à proprement parler ou que le discours est sans ordre logique, souvent répétitif,
rempli de silences. Le rythme n'y était pas.
Cela dit, la scénographie m'a paru intéressante car des structures délimitaient un espace
(comme nous l'a montré l'intervenant Daniel Fayet, pour la
scénographie de Shopping and Fucking). Cet espace pouvait
représenter le paysage intérieur de Hamm. Ces décors étaient
conçus avec des matériaux gris plus ou moins transparents : la
couleur grise m'a fait penser à la matière grise du cerveau, et la
transparence, à la vision plus ou moins masquée que pouvait
avoir Hamm de l'extérieur. En effet, en dehors de cet espace,
Jean Claude Fall avait dispersé des tas de cendres, qui devaient
faire références aux lendemains du chaos (où tout n'est plus
que ruine).
Les caprices de Marianne,
Marianne, d'Alfred Musset, mis en scène par Jean Louis Benoit.
Résumé : Cette pièce de Musset a été écrite en pleine révolution romantique du XIXe siècle.
L'action se passe à Naples, au XVIe siècle, où une jeune Marianne a fait basculer le cœur de
Celio. Celui-ci, trop timide, envoie son ami Octave à la rencontre de Marianne pour qu'il soit
son intermédiaire. Mais, Octave n'obtient d'autres résultats que d'intéresser la jeune femme en
sa propre faveur. Se voyant offrir un rendez vous, il s'efface pour en faire bénéficier son ami
Celio, mais il le fait ainsi tomber dans un guet-apens mortel tendu par Claudio, le mari jaloux.
Mes impressions
impressions : J'ai beaucoup apprécié l'ambiance romantique, retranscrite dans la mise en
scène : le grand portail, paressant infranchissable, soulignait le carcan qui emprisonnait Marianne ;
ou encore le fond abstrait, (un mélange rouge cotonneux blanc) pouvait suggérer les états
d'âme des personnages romantiques : Octave le "débauché passionné", Celio le "torturé calme
et passif". De même, au niveau des éclairages, on avait bien une note romantique : l'action dure
une journée, on passe donc d'une aube claire (avec les reflets de l'arbre au sol, référence
romantique du contact de l'amoureux avec la nature) à une nuit ténébreuse lors de l'assassinat
de Célio (avec son ombre se dessinant sur le sol, qui relève d'un thème jusqu'auboutisme
typique du romantisme : le bien contre le mal).
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Cependant, le parti pris de Jean Louis Benoît n'était pas toutefois de faire une représentation
historique. En effet, les costumes ne sont pas d'époque (par exemple Marianne porte un
pantalon à la manière de George Sand à la fin de la pièce), et on remarque des objets
contemporains sur scène (par exemple un lecteur cd). Il a voulu
mélanger les époques afin de montrer que ce genre de drames
amoureux est intemporel : la jeunesse reste la jeunesse
(passionnée, excessive). Comme nous l'a raconté le metteur en
scène, afin d'avoir un côté réaliste, Jean Louis Benoît a indiqué aux
comédiens de ne pas réciter le texte, mais de le "parler". Il désirait
un aspect fluide pour rendre la représentation plus ancrée dans
notre époque.
Ce sont ces mélanges qui m'ont séduite.
Jacques le fataliste, d'après Diderot (adaptation Yves Lebeau, mise en scène par Yves
Gournelon).
Résumé : L'histoire de Jacques le fataliste raconte le voyage d'un maître et son valet, Jacques,
vers une destination inconnue. Mais ce voyage n'est qu'un prétexte pour laisser ces deux
personnages converser sur des questions philosophiques ("qu'est-ce q'un fou ?"), des souvenirs
(le dépucelage de Jacques), des anecdotes (l'histoire de la blessure de Jacques au genou).
Peu à peu, les deux personnalités se dessinent : Jacques est un valet courageux, intelligent, qui a
le sens de l'initiative, son maître lui apparaît, sous les traits d'un aristocrate oisif ; amorphe, et
irascible ; il sont dépendants mutuellement.
Au final, ces deux protagonistes se rendent dans le château de Degland, qui a élevé le "faux fils
du maître", et où se trouve le premier amour de Jacques : Denise. La pièce se termine sur un
fondu noir où Jacques fait l'hypothèse que son maître se mariera avec Denise, car : "tout est
écrit là-haut".
Mes impressions : Cette pièce m'a démontré que le metteur en scène possède une grande
liberté vis-à-vis du texte théâtral. En effet, dans le roman de Diderot, les deux protagonistes
chevauchent plus ou moins paisiblement, s'arrêtent dans des auberges… Or, Yves Gournelon,
n'a réalisé la scénographie que d'un seul espace (il nous a expliqué que le changement de décor
ne l'intéressait pas) : il n'a pas été totalement fidèle au texte d'Yves Lebeau car à aucun
moment, on ne voit les deux à cheval ou rentrer dans des auberges !
Ainsi, il a trouvé quelques astuces pour faire la différence entre l'extérieur et l'intérieur. Des
coussins étaient accrochés en hauteur : ils symbolisaient les nuages et dès que Jacques racontait
des souvenirs à l'intérieur, ces coussins descendaient pour éclairer le flash back qui se passait
dans une chambre… De même, j'ai beaucoup accroché aux
contraintes imposées par le metteur en scène grâce à la
scénographie : ils jouaient sur une pente (qui peut faire références
aux chemins vallonnés lorsque l'on fait route, ou encore pour
permettre différentes prises de pouvoir). Ainsi, ils se trouvaient en
situation inconfortable, toujours déstabilisées, et il en ressortait
une énergie particulière : seuls les mots, les aidaient à tenir
debout ! C'était en quelque sorte une lutte entre le décor et les
comédiens !
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ANNEXE • LE MONOLOGUE DE PAUL
16
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