Sélection et utilisation des Incoterms dans les entreprises

publicité
Logistique & Management
Sélection et utilisation des Incoterms dans
les entreprises exportatrices québécoises
Nicolas HIEN
CGI
[email protected]
Gilbert LAPORTE
Chaire de recherche du Canada en distributique, HEC Montréal,
[email protected]
Jacques ROY
Service de l’enseignement de la gestion des opérations et de la logistique, HEC Montréal,
[email protected]
Les Incoterms constituent un langage codifié qui définit précisément les droits et
obligations de l’acheteur et du vendeur dans le cadre d’échanges internationaux.
Toutefois, en dépit de leur importance dans la gestion de la chaîne logistique, ils
n’ont fait l’objet que d’un faible nombre de publications scientifiques. Cet article
vise à brosser un portrait de l’utilisation des Incoterms au Canada et, plus particulièrement au Québec, tout en mettant de l’avant les facteurs environnementaux à la
base de leur sélection.
Définis par le dictionnaire Larousse comme
un ensemble de règles internationales pour
l’interprétation des termes utilisés dans les
contrats de vente avec l’étranger, les Incoterms sont utilisés dans les échanges internationaux pour établir les responsabilités
respectives des parties. Issus de la contraction
de « INternational COmmercial TERMS »,
les Incoterms constituent un ensemble de
règles proposées par la Chambre de Commerce Internationale (ICC). Ils forment un
langage codifié qui définit précisément les
droits et obligations de l’acheteur et du vendeur dans le cadre d’échanges internationaux
(Jimenez, 1998 ; Chevalier, 2000 ; Gooley,
2000 ; Jacquet, 2000). Ils définissent de plus,
de manière uniforme, les points de transfert de
frais et les points de transfert de risque associés à la marchandise (Sriro, 1993 ; Legrand et
Martini, 1999 ; Chevalier, 2000).
Selon Jimenez (1998), les Incoterms permettent de répondre à trois questions fondamenta-
Vol. 14 – N°1, 2006
les : À qui incombe le coût du transport ? À
quel moment le transfert de risque (perte ou
détérioration) est-il effectué ? Qui est responsable des formalités douanières import et
export ? Pour Chevalier (2000), les Incoterms
permettent essentiellement d’offrir une définition précise de l’obligation de livraison du
vendeur, du transfert de risque du vendeur à
l’acheteur, de la répartition des frais entre les
parties et également de la responsabilité des
documents de transport.
Reconnus par les gouvernements, les autorités
légales et les professionnels de la logistique à
travers le monde, les Incoterms n’ont cependant pas un caractère obligatoire et demeurent
un outil à la disposition des entreprises,
qu’elles peuvent théoriquement choisir ou
non de retenir. Toutefois, l’absence d’un Incoterm dans un contrat pose d’importants problèmes pour la détermination de la valeur en
douane de la marchandise, amenant les autorités d’un grand nombre de pays, comme le
79
Logistique & Management
Maroc ou encore l’Algérie, à en exiger l’utilisation, les rendant ainsi quasi-obligatoires
(Chevalier, 2000).
Créée en 1919, la Chambre de Commerce
Internationale publie pour la première fois, en
1936, un ensemble de règles pour l’interprétation des termes commerciaux appelé « Incoterms 1936 ». Des amendements et
modifications ont ensuite été effectués en
1953, 1967, 1976, 1980, 1990 et 2000 afin de
maintenir l’adéquation entre les Incoterms et
les pratiques en cours (ICC, 1990). La dernière révision aux Incoterms, qui date de
2000, propose treize sigles qui sont généralement répartis en quatre familles : Les Incoterms E (EXW), F (FCA, FAS, FOB), C (CPT,
CFR, CIP, CIF) et D (DAF, DES, DEQ, DDU,
DDP). Les trois premières familles sont appelées Incoterms de vente au départ tandis que
les Incoterms du groupe D sont nommés Incoterms de vente à l’arrivée (DeBattista, 1995 ;
Jimenez, 1998 ; Legrand et Martini, 1999 ;
Ramberg, 1999 ; Chevalier, 2000).
L’objectif de cet article est de brosser un portrait de l’utilisation des Incoterms au Canada
et, plus particulièrement au Québec, tout en
mettant de l’avant les facteurs environnementaux à la base de leur sélection. Après une présentation des facteurs environnementaux
pertinents au choix des Incoterms, nous décrivons la méthodologie utilisée ainsi que les
résultats obtenus à partir de l’enquête réalisée
au Québec en 2006. Nous analysons ensuite
l’influence des facteurs environnementaux
sur le choix des Incoterms et concluons avec
des pistes de recherche futures.
Environnement et facteurs
environnementaux
L’étude de l’environnement est au centre de
nombreuses recherches et peut être définie
comme un ensemble de forces auxquelles
l’organisation doit répondre (Lawrence et
Lorsch, 1967 ; Anderson et Paine, 1975), ou
encore comme l’ensemble des facteurs qui
tendent à influencer une organisation (Dill,
1958 ; Aharoni et al., 1978). Dans une étude
portant sur l’impact de la perception de l’environnement par les gestionnaires, Duncan
(1972) montre le rôle prépondérant de l’environnement dans la prise de décision. Ces
résultats sont également validés par Boulton
et al. (1982) et Nicolau (2005) qui montrent
que l’environnement influe directement sur le
processus de prise de décision. Cette assertion
sera à la base des hypothèses de notre étude
qui vise notamment à évaluer l’impact de
l’environnement sur le choix des Incoterms.
Cependant, le contexte international, inhérent
à l’utilisation des Incoterms, tend à influencer
de manière importante la prise de décision.
Par conséquent, compte tenu de l’absence
d’écrits traitant des facteurs ayant un impact
Tableau 1 : Répartition des frais entre le vendeur et l’acheteur selon l’Incoterm retenu.
Sigle
Emballage
Chargement
Conteneurisation
Préacheminement
Formalités
Passage
Transport Assurance
Passage
Formalités Post-achemi- Déchargement
douanières aéroportuaire/ principal transport aéroportuaire / douanières
nement
export
Plate forme de
Plate forme de
import
groupage
groupage
Droits et
Départ
Arrivée
taxes
EXW
V
A
A
A
A
A
A
A
A
A
A
FAS
V
V
V
V
A
A
A
A
A
A
A
FCA
V
V
V
V
A
A
A
A
A
A
A
FOB
V
V
V
V
V/A
A
A
A
A
A
A
CFR
V
V
V
V
V
V
A
A
A
A
A
CPT
V
V
V
V
V
V
A
A
A
A
A
CIF
V
V
V
V
V
V
V
A
A
A
A
CIP
V
V
V
V
V
V
V
A
A
A
A
DAF
V
V
V
V
V
V/A
V /A
A
A
A
A
DES
V
V
V
V
V
V
V
A
A
A
A
DEQ
V
V
V
V
V
V
V
V
A
A
A
DDU
V
V
V
V
V
V
V
V
A
V
A
DDP
V
V
V
V
V
V
V
V
V
V
A
Coût à la charge du vendeur : V - Coût à la charge de l'acheteur : A
Source : Adapté de Chevallier, D., “Incoterms 2000 : tous les mécanismes ”, MOCI, hors série, Paris, 2000.
80
Vol. 14 – N°1, 2006
Logistique & Management
sur le choix des Incoterms, nous nous tournerons vers un domaine connexe de la littérature,
le choix du mode d’entrée dans un marché,
domaine qui présente des caractéristiques
similaires au choix des Incoterms tel que
l’aspect international ou encore l’importance
de bien connaître le marché. En effet, comme
le montrent Legrand et Martini (1999), la
décision quant au choix des Incoterms est
influencée par un certain nombre de facteurs
sensiblement similaires à ceux entrant en
considération dans la décision quant au mode
de pénétration d’un marché étranger. Selon
Calof (1993), le mode d’entrée sur les marchés étrangers est défini comme un arrangement institutionnel permettant à une
entreprise d’utiliser son produit ou son service
dans un pays étranger. Les modes d’entrée
sont divers et variés, citons à ce titre, l’exportation, la franchise, les licences, les acquisitions, les fusions ou encore les co-entreprises
(joint venture) (Rasheed, 2005). De l’abondante littérature sur les composants de l’environnement influençant le choix du mode
d’entrée, plusieurs éléments ressortent de
manières récurrentes. Ainsi, plusieurs auteurs
dont Sanjeev et Sridhar (1992), Brouthers
(1995), Tsé et al. (1997), Pan et Tsé (2000),
Osland et al. (2001) ou encore Rasheed
(2005) considèrent le risque inhérent au pays
comme un facteur fondamental dans le choix
du mode. Par ailleurs, plusieurs autres éléments sont suggérés tels la taille, les ressources et le pouvoir de négociation de
l’organisation (Sanjeev et Sridhar, 1992 ; Pan
et Tsé, 2000 ; Osland et al., 2001) , le degré de
compétitivité et la réglementation du marché
cible (Osland et al., 2001), les caractéristiques
du produit (Sanjeev et Sridhar, 1992 ; Osland
et al., 2001) ainsi que l’expérience à l’international de l’organisation et sa connaissance du
marché cible (Hill et al., 1990 ; Sanjeev et
Sridhar, 1992 ; Pan et Tsé, 2000 ; Osland et al.,
2001).
Sur la base de la recension que nous venons
d’effectuer nous sommes à même de proposer
un premier ensemble de facteurs pertinents au
choix des Incoterms :
• Expérience à l’international.
• Valeur de l’expédition.
• Habitude et politiques de l’organisation.
• Caractéristiques du client.
• Risque-pays.
• Intensité concurrentielle.
• Pouvoir de négociation du client.
• Mode de transport retenu.
Vol. 14 – N°1, 2006
Compte tenu du fait que ces facteurs environnementaux proviennent d’une recension de la
littérature d’un domaine connexe il apparaissait important de les valider. Aussi, nous
étions à la recherche de personnes reconnues
comme spécialistes des Incoterms dans leur
milieu professionnel et ayant une connaissance tant théorique que pratique de ce sujet.
De plus, ces experts devaient provenir de
domaines différents, permettant ainsi d’offrir
une vision multi-facettes d’un même thème et
d’accroître la validité externe de l’étude. Cette
volonté de retenir des experts susceptibles
d’avoir des perspectives différentes s’est
matérialisée par le choix de sept experts, deux
œuvrant dans le secteur du transport international pour le compte de transitaires, deux
dans des organismes gouvernementaux, deux
autres dans des associations professionnelles
axées sur l’exportation et un dans le domaine
académique. Ces experts ont donc été amenés
à valider et compléter la liste des facteurs
environnementaux susceptibles d’influencer
le choix des Incoterms dans le cadre d’entrevues semi-structurées. Ainsi, si l’ensemble
des facteurs sont apparus pertinents, deux facteurs qui n’apparaissaient pas dans la littérature ont presque unanimement été spécifiés
comme indispensable à l’étude : les ressources financières de l’organisation et la réglementation du pays de destination. Ces
facteurs, qui seront explicités plus loin, doivent donc être ajoutés au canevas de recherche
comme éléments de l’environnement.
Ces composants seront maintenant explicités
afin de bien en comprendre la nature, et être
utilisés dans la suite de notre étude.
L’expérience à l’international : Selon Athanassiou et Nigh (2002), l’expérience internationale d’une entreprise est indissociable de
celle de ses gestionnaires, assertion validée
par les travaux de Yasin et al. (2000) qui montrent, dans une étude empirique menée auprès
de 61 gestionnaires, toute l’importance de
l’expérience à l’international pour la réussite
des mandats internationaux. Dès lors, nous
considérerons, dans le cadre de notre étude,
tant l’historique export des organisations à
l’étude que les connaissances des Incoterms
des gestionnaires interrogés.
Valeur de l’expédition : Si le lien entre les
caractéristiques de l’expédidtion et le choix
du mode de transport est clairement établi
(Coyle et al., 2000), nous focaliserons notre
attention sur l’impact de la valeur de l’expédition sur le choix des Incoterms.
81
Logistique & Management
Habitude et politiques de l’organisation :
L’habitude dans un contexte organisationnel
peut être définie comme un schème d’action
récurrent (Karim et Mitchell, 2000). Dans un
travail de recension des écrits traitant des routines dans l’organisation, Becker (2004) identifie plusieurs caractéristiques énoncées dans
la littérature dont la récurrence, la dimension
collective de l’action, soit sa propension à être
effectuée de manière similaire par différents
acteurs d’une organisation, ou encore l’aspect
mécanique de cette action. Dans le cadre du
choix des Incoterms, l’habitude est susceptible d’influencer la prise de décision, certaines entreprises vendant systématiquement
FOB par exemple, simplement car cette habitude est ancrée dans les routines de l’organisation. Par ailleurs, il est indispensable de tenir
également compte des politiques de l’organisation créant potentiellement certaines obligations au niveau des Incoterms.
Caractéristiques du client : Comme nous
l’avons vu précédemment, le partenaire
d’affaires est susceptible d’avoir des conséquences importantes au niveau des décisions
prises dans un contexte international (Erramilli, 1992). Ainsi, dans le cadre du choix des
Incoterms, l’expérience avec le client, ses
antécédents de paiement, sa fiabilité d’un
point de vue global pourrait avoir une
influence. Dans cette optique, Legrand et
Martini (1999) suggèrent de recourir à des
organismes comme la COFACE pour évaluer
le risque client avant de prendre des décisions
d’affaires.
Risque-pays : Selon Rasheed (2005), le
risque-pays est le risque lié à la stabilité économico-politique du pays cible. Nous retrouvons donc ce qu’il nomme le risque général de
stabilité, faisant référence à la viabilité du système politique du pays cible, à l’incertitude
de la durée de possession des actifs dans le
pays compte tenu de la propension du gouvernement à en prendre le contrôle, et le risque de
transfert, défini comme la capacité d’une
entreprise à transférer des capitaux hors du
pays d’accueil. Ces risques, qui apparaissent
particulièrement pertinents dans le processus
de sélection des Incoterms, sont également
considérés par Hill et al. (1990), Erramilli
(1992), et Osland et al. (2001).
Intensité concurrentielle : Cet élément fait
référence au contexte concurrentiel de
l’industrie, particulièrement dans le pays
d’exportation, auquel l’entreprise doit faire
face. Selon Osland et al., (2001), ce composant de l’environnement est fondamental et
82
oriente un grand nombre de décisions prises
par les gestionnaires. En ce qui concerne les
Incoterms, notre étude tentera de déterminer
l’impact du niveau de l’intensité concurrentielle.
Pouvoir de négociation du client : Considéré par Porter (1979) dans son modèle des
forces concurrentielles, le pouvoir de négociation dépend d’un certain nombre de caractéristiques de marché et de l’importance
relative des ventes ou achats d’une organisation par rapport à l’industrie dans laquelle elle
évolue. Ainsi, même si les ressources financières d’une organisation jouent un grand rôle
dans la détermination de son pouvoir de négociation (Palenzela et Bobillo, 1997), nous
nous intéresserons au pouvoir de négociation
comparé, à savoir l’avantage ou le désavantage d’un exportateur sur son acheteur dans le
cadre d’une négociation.
Mode de transport retenu : Comme nous
l’avons vu précédemment, la Chambre de
Commerce, depuis 1953, précise de manière
claire, les modes de transport pouvant être utilisés avec chaque Incoterm. Par conséquent, le
mode de transport influencera, de facto, le
choix de l’Incoterm et devrait donc être considéré dans la prise de décision.
Règlementation du pays de destination :
Ainsi, la réglementation du pays de destination constitue, en pratique, un élément à
considérer. En effet, les autorités douanières
de certains pays, principalement des pays
émergeants, exigent des Incoterms spécifiques. Par exemple, l’exportation vers
l’Algérie devrait être effectuée sur une base
CFR ou CIF tel qu’exigé par les douanes algériennes, l’utilisation d’un autre Incoterm
entraînant d’importants retards et de nombreux problèmes d’ordre administratif. Ces
règlementations visent, d’une part, à faciliter
le calcul de la valeur en douane de la marchandise, sur laquelle sont calculés les droits et
taxes à acquitter et, d’autre part, à contrôler les
entrées et sorties de devises du pays. En effet,
lorsqu’un exportateur vend CIF, le transport
principal dont il a la charge est généralement
effectué par un transporteur du pays d’origine,
mandaté et payé par l’exportateur qui livre la
marchandise jusqu’au port de destination. Le
post-acheminement, c’est-à-dire le transport
du port aux locaux de l’acheteur est donc à la
charge de l’importateur qui fera généralement
affaire avec un transporteur local, rémunéré
dans la devise du pays. Si la vente avait été
effectuée EXW ou DDP, le volume de devise
forte sortant du pays (au profit d’un transpor-
Vol. 14 – N°1, 2006
Logistique & Management
teur international ou de l’exportateur) aurait
été bien plus important que dans le cas d’une
vente CIF. Dès lors, la réglementation des
Incoterms permet de s’assurer de la minimisation de la sortie de devises fortes, enjeu
macro-économique extrêmement important,
particulièrement pour un pays émergent.
Figure 1 : Canevas de recherche
Ressources financières de l’organisation :
Ce second facteur environnemental ajouté par
les experts concerne la capacité de l’organisation à financer l’exportation. Ainsi, si l’entreprise dispose d’un important fond de
roulement elle sera plus encline à accepter une
vente à l’arrivée (Incoterm D) dans laquelle
elle doit défrayer les coûts de transport, coûts
répercutés dans le prix de vente et donc recouvré généralement à 30, 60 ou même 90 jours.
Par conséquent, une entreprise ayant des problèmes de fonds de roulement devrait laisser
les frais de transport à la charge de l’acheteur
et opter pour l’Incoterm EXW.
Méthodologie
L’objectif de cette recherche est de brosser
un portrait de l’utilisation des Incoterms
dans les entreprises exportatrices et de
mieux comprendre les éléments à la base de
leur sélection.
Notre population cible est constituée des
entreprises exportatrices québécoises. Nous
avons donc retenu un échantillon de convenance pour l’envoi du questionnaire. En utilisant la base de données d’Industrie Canada
et en retenant les entreprises situées au Québec et ayant une activité export, nous avons
pu obtenir les coordonnées électroniques
des responsables export de 1487 entreprises. Sur ces 1487 adresses électroniques,
1308 se sont avérées valides, 179 courriels
n’ayant donc pu être expédiés et ce, soit
parce que la compagnie avait déposé son
bilan ou encore que l’adresse de courriel de
la personne ressource n’était plus fonctionnelle.
Résultats
Utilisation des Incoterms dans les
entreprises exportatrices
En premier lieu nous constatons que pour 95
% des entreprises, la sélection des Incoterms
s’effectue à l’interne (voir figure 3). Les 5 %
restants, qui laissent, en tout temps (3 %) ou
par moment (2 %), la responsabilité du choix
des Incoterms à un intervenant externe, sont
uniquement des entreprises de moins de 100
employés et de moins de 15 millions de chiffre
d’affaires. Ces résultats démontrent la nécessité, pour les exportateurs, de disposer à
l’interne des compétences en terme d’Incoterms.
Figure 2 : Répartition des entreprises en fonction du choix
des Incoterms
Sur les 1308 responsables de l’exportation
contactés, 135 ont complété le questionnaire, pour un taux de réponse de 10,32 %.
Plus précisément, selon les statistiques du
logiciel Question Pro™, 181 personnes ont
commencé à répondre au questionnaire sans
arriver à son terme et 149 personnes ont uniquement cliqué sur le lien, lu la lettre
d’introduction et les avis de conformité du
Comité d’éthique de la recherche de HEC
Montréal et n’ont répondu à aucune question.
Vol. 14 – N°1, 2006
83
Logistique & Management
Figure 3 : Fréquence d’utilisation des Incoterms
Figure 4 : Fréquence d’utilisation de chaque Incoterm
Par ailleurs, en ce qui concerne la fréquence
d’utilisation des Incoterms (voir figure 4),
nous constatons que 67 % des répondants en
font une utilisation intensive, dans l’ensemble
de leurs contrats d’exportation, 6 % les utilisent dans près de la moitié de leurs contrats
d’exportation, 11 % de manière ponctuelle et
16 % ne les utilisent jamais.
En ce qui concerne les entreprises utilisant les
Incoterms dans leur contrat d’exportation,
nous avons tenté d’en dresser un portrait plus
détaillé en nous interrogeant sur l’utilisation
de chacun des treize Incoterms. Ainsi, tel que
présenté à la figure 5, les Incoterms FOB et
EXW demeurent les plus utilisés, suivis par
CIF. Plus précisément, 65 % des répondants
emploient fréquemment FOB, 85 % utilisant
cet Incoterm fréquemment ou ponctuellement. En ce qui concerne EXW, une majorité
(55 %) y a recours de manière fréquente ou
ponctuelle, proportion qui tombe à 47 % pour
l’Incoterm CIF. Après ces trois Incoterms, ce
sont les Incoterms de vente à l’arrivée DDU et
DPP qui sont les plus fréquemment utilisés,
respectivement 26 % et 25 % de manière fréquente ou ponctuelle. Suivent ensuite FCA et
CFR dont l’utilisation est fréquente ou ponctuelle dans 22 % des cas.
Par ailleurs, la variété des Incoterms utilisés
est relativement faible. En effet, six Incoterms
sur les treize disponibles ne sont presque pas
employés au Québec, soit près de la moitié de
l’étendue de l’outil. Ainsi 89 % des entreprises n’utilisent jamais ou rarement l’Incoterm
CIP, chiffre qui monte à 90 % pour CPT et 92
% pour l’Incoterm FAS.
Mais les trois Incoterms de vente à l’arrivée,
DAF, DEQ et DES sont les plus délaissés par
les exportateurs québécois. Seulement quatre
entreprises sur 100 utilisent fréquemment ou
ponctuellement l’Incoterm DES, 92 % ne s’en
servant jamais. Si DEQ n’est également que
très peu utilisé, 97 % ne l’employant jamais
ou rarement, c’est l’Incoterm DAF qui
demeure le moins usité, 1 % seulement l’utilisant ponctuellement, 99 % ne l’utilisant
jamais ou rarement.
Cette propension à n’utiliser qu’une faible
variété de la gamme des Incoterms provient
sans nul doute d’un manque de connaissance
de cet outil de la part des entreprises ou d’une
emphase trop faible au moment de la négociation. En effet, sur une échelle de Likert à sept
niveaux, les entreprises ont, en moyenne, évalué à 4,37 leur connaissance des Incoterms
(voir tableau 2) alors que le niveau d’importance a été évalué à 5,47. L’écart type de 1,72
84
Vol. 14 – N°1, 2006
Logistique & Management
révèle des écarts à la moyenne relativement
importants, tendant à montrer l’hétérogénéité
des connaissances concernant les Incoterms.
Influence des facteurs
environnementaux sur le choix
des Incoterms
Dans le cadre de notre recherche nous avons
retenu les dix facteurs environnementaux suivants susceptibles d’influencer la sélection
des Incoterms :
• expérience à l’international,
• valeur de l’expédition,
• habitude et politiques de l’organisation,
• ressources financières de l’organisation,
• pouvoir de négociation du client,
• mode de transport retenu,
• caractéristiques du client,
• risque-pays,
• intensité concurrentielle,
• réglementation du pays de destination.
La figure 6 présente un regroupement par
famille des Incoterms choisis par les répondants dans huit situations différentes. Comme
nous le constatons, lorsque la valeur monétaire de l’expédition est élevée, 32 % des
exportateurs retiendront l’Incoterm EXW soit
départ usine, 36 % utiliseront un Incoterm de
la famille F, 24 % laisseront les frais du trans-
Tableau 2 : Connaissance et importance des Incoterms dans les entreprises exportatrices et écart avec leur secteur d’activité
(réponses des entreprises exportatrices basées sur une échelle de Likert à 7 niveaux)
Moyenne
Écart type
Connaissance des Incoterms
4,37
1,72
Importance des Incoterms
5,47
1,67
Écart de connaissance entre l’entreprise et son secteur d’activité
0,24
1,183
Écart d’importance consacré entre l’entreprise et son secteur d’activité
0,05
0,85
port principal à la charge de l’acheteur avec un
Incoterm du groupe C et seulement 8 % utiliseront un Incoterm de vente à l’arrivée. Dans
le cas d’une expédition de faible valeur, les
exportateurs seront plus enclins à effectuer
des ventes à l’arrivée (14 %), réduisant donc la
proportion de vente EXW (25 %). Il apparaît
donc que la valeur de l’expédition influence le
choix des Incoterms en augmentant la propension des exportateurs à assurer le transport de
la marchandise jusqu’aux locaux des clients
lorsqu’il s’agit d’une expédition à faible
valeur, et en les amenant à vendre EXW, FCA,
FAS ou FOB, laissant ainsi la charge et la responsabilité du transport principal à l’acheteur,
lorsque la valeur de cette expédition est
importante. Ces préférences démontrent, là
encore, la vision que les entreprises exportatrices ont des Incoterms, c’est-à-dire un
moyen de gérer le risque.
Figure 5 : Choix des Incoterms dans huit contextes spécifiques
Vol. 14 – N°1, 2006
85
Logistique & Management
Cette propension à utiliser les Incoterms pour
gérer les risques est encore plus marquée au
regard de la gestion du risque client. En effet,
dans le cas d’une exportation destinée à un
client ayant de bons antécédents de paiement
avec l’organisation, 10 % des entreprises tendront à vendre EXW, 39 % utiliseront un Incoterm de la famille F, 29 % un Incoterm de la
famille C et 22 % un Incoterm de vente à
l’arrivée. Dans le cas d’un client à risque ou
d’un nouveau client, la proportion de vente
EXW passe à 48 %, le recours à des Incoterms
F passe à 35 %, 16 % utilisant des Incoterms C
contre seulement 1 % des Incoterms de la
famille D. Ainsi, lorsque le risque de paiement
est faible, 51 % des exportateurs tendront à
assurer la charge du transport principal alors
que seulement 17 % tendront à le faire en cas
de clients à risque.
Par ailleurs, il est intéressant de constater que
le choix des Incoterms dans un contexte de
clients à risque est sensiblement similaire à
celui effectué dans un contexte de pays à
risque. En effet, dans le cas d’une exportation
vers un pays reconnu pour présenter un risque
de guerre élevé ou un haut degré de corruption
des autorités douanières, les entreprises
exportatrices tendront à retenir majoritairement (55 %) l’Incoterm EXW, 31 % utiliseront des Incoterms F, 10 % des Incoterms du
groupe C et seulement 4 % des Incoterms D.
Ainsi, à l’image du risque-client, le
risque-pays, dans 87 % des cas, se traduit par
une volonté de laisser le transport principal à
la charge de l’acheteur.
Un autre facteur tend à avoir une influence
significative sur le choix des Incoterms :
l’intensité concurrentielle du pays de destination. Ainsi, la figure 6 nous montre que dans
un contexte de forte concurrence, les exportateurs sont amenés à augmenter leur offre de
Tableau 3 : Relation entre la fréquence d’utilisation des Incoterms et
la considération des différents éléments de l’environnement
Valeur p
V de Cramer
0,011*
0,360
Valeur de l’expédition
0,138
0,290
Habitude et politiques de l’organisation
0,756
0,204
Ressources financières de l’organisation
0,472
0,243
Pouvoir de négociation du client
0,763
0,202
Mode de transport retenu
0,666
0,219
Caractéristiques du client
0,383
0,252
Risque-pays
0,509
0,236
Intensité concurrentielle
0,662
0,217
Réglementation du pays de destination
0,790
0,198
Éléments de l’environnement
Expérience à l’international
* Significatif à p = 0,05
86
service en assumant le transport principal. En
effet, seulement 17 % utiliseront l’Incoterm
EXW, alors que 28 % tendront à assumer non
seulement le coût mais également les risques
inhérents au transport par le biais de l’utilisation d’un Incoterm du groupe D. Cet élément
est cohérent avec les tendances identifiées par
Biederman (2000) qui montrait que les clients
exigent de plus en plus le recours aux Incoterms DDU ou DDP.
Ainsi, compte tenu du fait que le contexte de
forte concurrence tend à accroître le pouvoir
de négociation du client, il n’est pas étonnant
de retrouver une répartition similaire dans une
situation où le client dispose d’un important
pouvoir de négociation. On constate que 11 %
des entreprises retiendront alors l’Incoterm
EXW, 35 % un Incoterm de la famille F, 30 %
un Incoterm C et 24 % un Incoterm D. Là
encore, cette répartition représente en fait les
exigences du client qui est, dans ce cas, souvent à même d’imposer l’Incoterm compte
tenu de son pouvoir de négociation. A contrario, lorsque l’entreprise exportatrice dispose
d’un pouvoir de négociation important, ses
choix se portent principalement sur l’Incoterm EXW (30 %) et l’Incoterm F (45 %), 18
% seulement retiendront un Incoterm C et 7 %
un Incoterm D. Dès lors, nous constatons que
les entreprises exportatrices privilégieraient
les Incoterms de vente au départ EXW, FAS,
FCA ou FOB mais que les clients préféreraient des livraisons CFR, CPT, CIF, CIP ou
encore des Incoterms de vente à l’arrivée,
mettant de l’avant l’importance de la négociation et du contexte environnemental inhérent à
cette négociation.
Éléments influençant la
considération des facteurs
environnementaux
Par ailleurs, afin de satisfaire la dimension
exploratoire de la recherche, il apparaît
important d’étudier les éléments amenant une
organisation à considérer ou non les Incoterms. Comme nous le constatons au tableau
3, la considération de l’expérience à l’international lors du choix d’un Incoterm est liée à la
fréquence d’utilisation. Ainsi, avec une valeur
p de 0,011, inférieure au seuil de signification
statistique, nous pouvons constater une relation entre les variables, laquelle peut être
considérée comme modérée au regard de la
valeur du V de Cramer (0,360). Cependant, il
semble que la fréquence d’utilisation ne soit
liée à aucune autre variable environnemen-
Vol. 14 – N°1, 2006
Logistique & Management
tale, l’ensemble de leurs valeurs p étant systématiquement supérieure à 0,05.
Par ailleurs, les tests effectués sur les relations
entre la considération de chaque variable
environnementale et la taille de l’organisation
ou son historique export n’ont révélé aucune
relation statistiquement significative. Cela
signifie que le fait de considérer tel ou tel élément de l’environnement ne dépend probablement pas de la taille de l’organisation ou
encore de son historique export. Ainsi, il est
intéressant de remarquer que, contrairement à
la notion selon laquelle les grandes entreprises tendent à considérer davantage les facteurs
environnementaux que les plus petites, il
semble que la taille n’ait pas d’impact à ce
niveau. Il en est de même pour l’historique
export qui pourrait amener une prise de conscience sur la nécessité de considérer les facteurs de l’environnement mais qui semble au
contraire ne pas influer sur le degré de considération des facteurs étudiés.
Si les caractéristiques de l’organisation semblent ne pas avoir d’impacts significatifs sur la
considération des variables environnementales, les facteurs « connaissance des Incoterms » et « importance accordée »
apparaissent, quant à eux, comme des éléments explicatifs de première importance. En
effet, comme en fait foi le tableau 4, la
connaissance des Incoterms est liée à l’expérience à l’international (p = 0,000) et au pouvoir de négociation du client (p = 0,016).
Toutefois, la relation avec l’expérience à
l’international est plus forte qu’avec le pouvoir de négociation du client au regard du
coefficient de corrélation. Plus précisément,
l’analyse du R² nous indique que la connaissance des Incoterms explique respectivement
21,3 % et 5,8 % des variables « expérience à
l’international » et « pouvoir de négociation
du client ». Ainsi, plus la connaissance des
Incoterms est grande, plus les entreprises
exportatrices tendront à considérer leur expérience à l’international et le pouvoir de négociation de leur client lors du choix de
l’Incoterm à retenir.
À l’image de la connaissance des Incoterms,
l’importance accordée constitue un élément
explicatif important de la considération de
plusieurs facteurs environnementaux (tableau
5). Ainsi, il semble que cette variable soit liée
à l’expérience à l’international (p = 0,000), à
la valeur de l’expédition (p = 0,043) ainsi
qu’aux caractéristiques du client (p = 0,0001).
Si ces relations sont d’intensité modérée, nous
constatons que l’importance accordée permet
Vol. 14 – N°1, 2006
Tableau 4 : Relation entre la connaissance des Incoterms et la considération des différents éléments de l’environnement
2
Valeur p
R
0,000*
0,213
Valeur de l’expédition
0,098
0,027
Habitude et politiques de l’organisation
0,096
0,028
Ressources financières de l’organisation
0,726
0,001
Pouvoir de négociation du client
0,016*
0,058
Mode de transport retenu
0,0750
0,001
Caractéristiques du client
0,172
0,019
Risque-pays
0,093
0,028
Intensité concurrentielle
0,122
0,024
Réglementation du pays de destination
0,631
0,002
Éléments de l’environnement
Expérience à l’international
* Significatif à p = 0,05
Tableau 5 : Relation entre l’importance accordée aux Incoterms
et la considération des différents éléments de l’environnement
Valeur p
R²
Expérience à l’international
0,000*
0,212
Valeur de l’expédition
0,043*
0,041
Habitude et politiques de l’organisation
0,816
0,001
Ressources financières de l’organisation
0,392
0,008
Pouvoir de négociation du client
0,109
0,026
Mode de transport retenu
0,553
0,004
Éléments de l’environnement
Caractéristiques du client
0,001*
0,112
Risque-pays
0,103
0,027
Intensité concurrentielle
0,133
0,023
Réglementation du pays de destination
0,134
0,023
* Significatif à p = 0,05
d’expliquer 21,2 % de la considération de
l’expérience à l’international, 11,2 % de la
considération des caractéristiques du client et
4,10 % de la considération de la valeur de
l’expédition.
La création d’une nouvelle variable, intitulée
« moyenne de l’environnement », et basée sur
la moyenne de l’ensemble des facteurs environnementaux nous permet de disposer d’une
évaluation agrégée de la considération de
l’environnement. On se base ainsi sur le postulat que chaque facteur environnemental est
d’égale importance. Au regard du tableau 6,
nous constatons que les deux variables que
sont la connaissance des Incoterms et l’importance accordée ont un lien avec la considération moyenne des facteurs environnementaux
(p = 0,049 et p = 0,010), le premier facteur permettant d’expliquer 4,1 % de la considération
de l’environnement, le second permettant
d’en expliquer 6,8 %. Ainsi, de manière générale, plus la connaissance des Incoterms et
l’importance qui leur est consacrée sont
87
Logistique & Management
Tableau 6 : Relation entre la connaissance des Incoterms,
l’importance accordée et la considération moyenne
de l’environnement
Valeur p
R²
Connaissance des Incoterms
0,049*
0,041
Importance accordée aux Incoterms
0,010*
0,068
* Significatif à p = 0,05
grandes plus les entreprises tendent à considérer les facteurs environnementaux dans leurs
décisions quant au choix des Incoterms. Cette
relation est, somme toute, relativement
logique puisqu’une plus grande connaissance
des Incoterms est susceptible de générer une
meilleure compréhension du mode de sélection, amenant les entreprises exportatrices à
tenir compte des facteurs environnementaux
pertinents. En ce qui concerne l’importance
accordée aux Incoterms par l’organisation,
plus cette importance est élevée plus la sélection des Incoterms revêt une importance
élevée et donc plus les facteurs environnementaux étudiés sont susceptibles d’être
considérés.
Discussion
Les Incoterms comme outil
de gestion des risques
Une analyse plus approfondie de l’environnement nous indique que les facteurs les plus
considérés actuellement sont les facteurs
introduisant la notion de risque. En effet, les
facteurs « caractéristiques du client » et
« risque-pays », touchant respectivement les
notions de gestion du risque de paiement et
gestion du risque-pays, sont les deux facteurs
dont les entreprises exportatrices québécoises
tiennent le plus compte lors de la sélection des
Incoterms.
Figure 6 : Incoterms et gestion du risque : deux visions différentes
Ainsi, comme que nous pouvons le voir à la
figure 6, cette vision des Incoterms comme
outil de prévention des risques, que semble
partager la majorité des entreprises exportatrices ainsi que plusieurs experts, peut être
considérée comme une vision élargie des
Incoterms par opposition à la perspective restreinte mise de l’avant par certains experts. En
effet, plusieurs experts et professionnels de
l’exportation considèrent les Incoterms
comme un outil complémentaire et non parfaitement intégré comme dans la perspective
élargie. Dans la perspective restreinte, les
Incoterms assurent exclusivement la gestion
des frais et les transferts de risques, la gestion
du risque de paiement étant effectuée par un
choix approprié de mode de financement
(lettre de crédit, crédit documentaire, etc.)
alors que le risque-pays est géré par la souscription d’assurances auprès d’Exportation et
Développement Canada ou son pendant français la COFACE.
Alors que nous pouvons imaginer un continuum entre les deux perspectives, ce qui peut
amener certaines entreprises à retenir une
vision hybride, il apparaît important de préciser que la perspective élargie semble être la
perspective privilégiée par la majorité des
experts et entreprises exportatrices québécoises.
Les Incoterms et le partage de la maîtrise
du transport
Dans leur choix des Incoterms, les entreprises
québécoises interrogées semblent attribuer
plus d’importance au risque qu’aux avantages
reliés à la maîtrise du transport. Ainsi, comme
on l’a vu à la figure 5, la majorité des exportateurs tendront à assurer la maîtrise du transport principal lorsque le risque de paiement
est faible, alors que seulement 17 % tendront à
le faire en cas de clients à risque. Le même raisonnement s’applique au cas des pays considérés à risque élevé. Ces préférences illustrent
l’importance qu’accordent les entreprises
exportatrices à la gestion du risque dans leur
choix des Incoterms.
Néanmoins, il existe un autre type de risque,
celui associé à la concurrence et à la perte de
clients importants. En effet, on sait que les
clients exigent de plus en plus que leurs fournisseurs prennent en charge le transport en
imposant le recours aux Incoterms du groupe
D. Il n’est donc pas étonnant de constater que
les entreprises exportatrices québécoises
auront davantage tendance à assumer la maîtrise du transport lorsque leurs clients ont un
pouvoir de négociation important et qu’ils
88
Vol. 14 – N°1, 2006
Logistique & Management
sont situés dans des pays où la concurrence est
très forte pour l’exportateur. On assiste donc à
une forme d’arbitrage entre les différents
types de risque illustrés à la figure 6 dans le
processus de sélection des Incoterms.
Conclusion
Cette étude aura permis de dresser un portrait
de l’utilisation et du mode de sélection des
Incoterms au Québec. Ainsi, il apparaît que
les Incoterms EXW et FOB sont les plus utilisés, les entreprises exportatrices québécoises
n’ayant recours en pratique qu’à un faible
nombre d’Incoterms. Cette utilisation d’une
variété limitée d’Incoterms tient sans doute au
niveau insuffisant de connaissance des Incoterms au Québec. En effet, cette étude a
notamment révélé un écart important entre le
niveau de connaissance des Incoterms au
Québec et dans le reste du monde, plus particulièrement en Europe. Ce fossé résulte, en
partie, de la proximité et de l’intensité des
échanges avec les États-Unis, ce qui amène de
nombreuses entreprises à utiliser les termes
commerciaux américains et à confondre ces
derniers avec les Incoterms. Dès lors, au
Canada, le défi est de taille puisque l’émergence des Incoterms est intimement liée au
déclin des termes commerciaux américains.
En effet, pour relever un tel défi, les entreprises devraient privilégier l’utilisation des Incoterms au détriment des termes américains
mais la législation canadienne devrait également être modifiée pour inclure les Incoterms
dans les textes de lois de la douane canadienne
qui font actuellement référence aux termes
issus des « Revised American Foreign Trade
Definitions » de 1941.
Par ailleurs, il nous apparaîtrait pertinent de
mener une étude similaire à l’échelle européenne où la connaissance des Incoterms est
plus grande. Il serait, en effet, intéressant de
comparer les pratiques et d’analyser les différences dans l’utilisation de cet outil tout en
vérifiant s’il existe également, en Europe, un
lien entre la sélection des Incoterms et la performance à l’exportation.
Bibliographie
Aharoni Y., Maimon Z., Segev Z., (1978),
Performance and Autonomy in Organizations: Determining Dominant Environmental
Components, Management Science, vol. 24,
n°9, p.949-959.
Vol. 14 – N°1, 2006
Anderson C., Paine F., (1975), Managerial
Perceptions and Strategic Behaviour, Academy of Management Journal, vol. 18, n°4,
p.811-823.
Athanassiou N., Nigh D., (2002), The Impact
of the Top Management Team’s International
Business Experience on the Firm’s Internationalization: Social Networks at Work, Management International Review, vol. 42, n°2,
p.157-181.
Becker M., (2004), Organizational Routines:
a Review of the Literature, Industrial and
Corporate Change, vol. 13, n°4, p.643-677.
Boulton W., Lindsay W., Franklin S., Rue L.,
(1982), Strategic Planning: Determining the
Impact of Environmental Characteristics and
Uncertainty, Academy of Management Journal, vol. 25, n°3, p. 500-509.
Brouthers K., (1995), The Influence of International Risk on Entry Mode Strategy in the
Computer Software Industry, Management
International Review, vol. 35, n°1, p.7-28.
Calof J., (1993), The Impact of Size on Internationalization, Journal of Small business
Management, vol. 31, n°4, p.60-69.
Chambre de Commerce Internationale,
(2000), Incoterms 2000 : Règles internationales pour l’interprétation des termes commerciaux, ICC Publishing, brochure n°560, 200
pages, Paris.
Chevalier D., (2000), Incoterms 2000 : Tous
les mécanismes, MOCI, hors série, 50 pages,
Paris.
Coyle J., Bardi E., Novack A., (2000), Transportation, South-Western College Publishing,
5e edition, 512 pages, Cincinnati.
Debattista C., (1995), Incoterms in Practice,
ICC publishing, 184 pages, Paris.
Dill W., (1958), Environment as an Influence
on Managerial Autonomy, Administrative
Science Quarterly, vol. 2, n°4, p. 409-443.
Erramilli K., (1992), Influence of Some
External and Internal Environmental Factors
on Foreign Market Entry Mode Choice in Service Firms, Journal of Business Research, vol.
25, n°4, p. 263-276.
Gooley T., (2000), Incoterms 2000: What the
Changes Mean to you, Logistics Management
and Distribution Report, vol. 39, n°1, p.49.
89
Logistique & Management
Hill C., Hwang P., Chan W., (1990), An Eclectic Theory of the Choice of International Entry
Mode, Strategic Management Journal, vol.
11, n°2, p.117-128.
Palenzuela V., Bobillo A. (1999), Transaction
Costs and Bargaining Power: Entry Mode
Choice in Foreign Markets, Multinational
Business Review, vol. 7, n°1, p.62-75.
International Chamber of Commerce, (1990),
The Revised Incoterms: Key Features, International Trade Forum, vol. 26, n°2, p. 4-30.
Pan Y., Tse D., (2000), The Hierarchical
Model of Market Entry Modes, Journal of
International Business Studies, vol. 31, n°4,
p. 535.-553.
Jacquet L., (2000), Connaître et employer les
Incoterms dans Incoterms 2000 : Tous les
mécanismes, MOCI, hors série, 50 pages,
Paris.
Jimenez G., (1998), Incoterms Questions and
Answers, ICC Publishing, 166 pages, Paris.
Karim S., Mitchell W., (2000), Path-dependent and Path-breaking Change; Reconfiguring
Business
Resources
Following
Acquisitions in the U.S Medial Sector,
1978-1995, Strategic Management Journal,
vol. 21, p.1061-1081.
Lawrence P., Lorsch J., (1967), Organization
and Environment, Harvard Business School,
Boston.
Legrand G., Martini H., (1999), Management
des opérations de commerce international,
Dunod, 4e édition, 423 pages, Paris.
Nicolau J., (2005), Valuing the Business Environment on a Daily Basis, European Journal
of Operational Research, vol. 164, n°1,
p. 217-224.
Osland G., Taylor C., Zou S., (2001), Selecting International modes of entry and expansion, Marketing Intelligence & Planning,
vol. 19, n°3, p.153-161.
90
Porter M., (1980), Competitive Strategy:
Techniques for Analyzing Industries and
Competitors, Free Press, 396 pages,
New-York.
Rasheed H., (2005), Foreign Entry Mode and
Performance: The Moderating Effects of
Environment, Journal of Small Business
Management, vol. 43, n°1, p. 41-54.
Sanjeev A., Sridhar R., (1992), Choice of
Foreign Market Entry Mode: Impact of
Ownership, Location and Internalization Factors, Journal of International Business Studies, vol. 23, n°1, p.1-27.
Sriro A., (1993), Incoterms – a Quick Reference, East Asian Executive Reports, vol. 15,
n°9, p. 21-23.
Tsé D., Pan Y., Au K., (1997), How MNCs
Choose Entry Modes and Form Alliances:
The China experience, Journal of International Business Studies, vol. 28, n°4,
p. 779-805.
Yasin M., Nartin J., Czuhry A., (2000), An
Empirical Investigation of International Project Management Practices: The Role of International Experience, Project Management
Journal, vol. 31, n°2, p. 20-30.
Vol. 14 – N°1, 2006
Téléchargement