Socrate

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Socrate
tente de reconstituer la pensée du Socrate historique[2] .
Pour les articles homonymes, voir Socrates (homonymie).
Sauf précision contraire, les dates de cette page sont
sous-entendues « avant Jésus-Christ ».
Socrate (Σωκράτης)
Alors que Xénophon était jusque-là la principale source
sur la pensée du Socrate historique, le lancement de
la question socratique a été principalement l'œuvre de
Friedrich Schleiermacher. Dans son étude « Ueber den
Werth des Sokrates als Philosophen [La valeur de Socrate
en tant que philosophe] » (1818), Schleiermacher fait remarquer d'une part que Xénophon n'est pas un philosophe
et d'autre part que sa défense de Socrate le conduit à en
faire un philosophe plat et conformiste. Il pense donc
que l'on peut trouver chez Platon les éléments de la véritable pensée de Socrate, tout en proposant de les faire
concorder avec ceux qui sont considérés comme fiables
chez Xénophon. Dans les faits, l'application de la problématique définie par Schleiermacher jusqu'au début du
xxe siècle conduit à un quasi-rejet, voire un rejet complet du témoignage de Xénophon[Note 1] . Il n'y a cependant
pas eu d'accord chez les historiens sur le fait de savoir
qui de Platon, d'Aristote voire d'Aristophane rendait le
mieux compte de la pensée du Socrate historique, même
si Platon avait la préférence du plus grand nombre. Mais
même chez les partisans de Platon, la question de savoir à
quels dialogues se fier n'est pas résolue : l'Apologie de Socrate seule, les dialogues de jeunesse (tous ou seulement
certains), les dialogues apocryphes, voire la totalité des
dialogues[3] . Pour Gregory Vlastos par exemple, le Socrate « historique » est pour l'essentiel le Socrate des dialogues de jeunesse de Platon, les témoignages d'Aristote
et de Xénophon appuyant ce point de vue[4] .
Buste en marbre d'origine romaine (Ier siècle) représentant Socrate, copie d'un bronze perdu (de Lysippe ?).
Socrate (en grec ancien Σωκράτης / Sōkrátēs) est un
philosophe grec du Ve siècle av. J.-C. (né vers -470/469,
mort en -399). Il est connu comme l’un des créateurs de la
philosophie morale. Socrate n’a laissé aucun écrit, mais sa
pensée et sa réputation se sont transmises par des témoignages indirects. Ses disciples Platon et Xénophon ont notablement œuvré à maintenir l'image de leur maître, qui
est mis en scène dans leurs œuvres respectives. Les philosophes Démétrios de Phalère, et Maxime de Tyr dans
sa Neuvième Dissertation[1] ont écrit que Socrate est mort
à l’âge de 70 ans.
Déjà renommé de son vivant, Socrate est devenu l’un des
penseurs les plus illustres de l'histoire de la philosophie.
Sa condamnation à mort et sa présence très fréquente
dans les dialogues de Platon ont contribué à faire de lui
une icône philosophique majeure. La figure de Socrate
a été discutée, reprise, et réinterprétée jusqu'à l'époque
contemporaine. Socrate est ainsi célèbre au-delà de la
sphère philosophique, et son personnage entouré de légendes.
C'est à la fin du xixe siècle qu'est faite une découverte
majeure : celle du caractère fictionnel des dialogues socratiques (logoi sokratikoi)[Note 2] . Les dialogues socratiques sont en effet un genre littéraire, ainsi que l'atteste
Aristote. La mise en scène et le contenu de ces dialogues font une large place à l'invention et ils ne visent
pas à être un témoignage exact de la pensée de Socrate.
Outre Xénophon et Platon, d'autres disciples de Socrate
ont composé des logoi sokratikoi d'après le témoignage
de Diogène Laërce : Antisthène, Eschine de Sphettos,
Phédon d'Élis et Euclide de Mégare[Note 3] . Il y avait donc
probablement autant de portraits de Socrate, figure littéraire, que de disciples se réclamant de lui. Aussi pour
Louis-André Dorion, il faut donc envisager que la question socratique, consistant à vouloir accorder entre eux
des témoignages discordants, est dépassée. Il s’agit davantage d'étudier, dans une perspective philosophique, les
variations sur un même thème socratique au travers des
différents témoignages[5],[6] .
En dépit de cette influence culturelle, très peu de choses
sont connues avec certitude sur le Socrate historique. Les
témoignages le concernant sont souvent discordants, et la
restitution de la vie ou la pensée originelle de Socrate est
une approche sur laquelle les spécialistes ne s’accordent
pas.
1
Sources et « question socratique »
Socrate n'ayant jamais rien écrit, sa vie et sa pensée sont connues principalement par des contemporains
(Aristophane), qui ont parfois été ses disciples comme
Platon et Xénophon, ainsi que par des sources indirectes,
au premier rang desquelles Aristote (né en −384). Ces
sources directes et indirectes ne s’accordent pas toujours
ou sont même contradictoires. Ce qu'on appelle la « question socratique » est le problème qui se pose lorsque l'on La diversité des écoles fondées par les disciples de So1
2
2 BIOGRAPHIE
crate prouve que la figure de ce dernier est extrêmement
complexe : l'école de Platon, l'école cynique d’Antisthène,
l’école de Cyrène d’Aristippe, l’école de Mégare d’Euclide. Il est probable que nous aurions une idée tout à
fait différente de qui était Socrate si l’on avait conservé toute la littérature produite par ces différentes écoles,
en particulier l'ensemble des dialogues socratiques. En
faisant de Socrate le porte-parole de leurs propres doctrines, les socratiques en avaient fait un personnage aux
opinions contradictoires, ainsi que l'avait noté saint Augustin : « chacun prend de ces opinions ce qui lui plaît, et
place le bien final où bon lui semble. […] sur cette question les partisans de Socrate se divisent. Chose inouïe,
et que l'on ne pourrait croire des disciples d'une même
école[Note 4] . »[7],[8] .
2
Biographie
contradictoires. La tradition la plus connue, qui vient de
Platon et Xénophon, le donne pour marié à Xanthippe,
vers −415. Selon une autre tradition, plus douteuse et
remontant à Aristote, Socrate aurait été bigame, marié à Xanthippe et à Myrto, petite-fille d'Aristide le
Juste[Note 7],[11] . Il aurait eu trois enfants de Xanthippe :
Lamproclès, l'aîné selon Xénophon[12] , Sophronisque et
Ménexène, à laquelle la tradition fait une réputation de
mégère[Note 8], . En dépit du physique peu avantageux que
lui prêtent Platon et Xénophon, Socrate est un séducteur
de jeunes gens, au point d'être accompagné par un groupe
d'admirateurs imitant son mode de vie[11],[13] . D’après
une autre tradition, mentionnée par Aristoxène, Socrate
avait une forte inclination pour les femmes[14] Le sexologue Fred Klein place Socrate dans une liste de bisexuels
célèbres dans l'histoire [15] .
Socrate est présenté par Platon comme étant
pauvre[Note 9] , tandis que Xénophon conteste que
l'on puisse le dire pauvre au motif que n'ayant que peu de
besoins Socrate n'avait pas l'utilité d'une grande fortune.
On ne connaît par ailleurs à Socrate pas d'autre activité
que la philosophie[11] . Cependant, ayant servi comme
hoplite durant la guerre du Péloponnèse, il n'était pas
un thète, la plus pauvre des quatre classes, dispensée
du service hoplitique, et sa pauvreté doit sans doute se
comprendre relativement aux jeunes gens riches qui
formaient son entourage[16] .
2.1 Hoplite
Il a été hoplite durant trois campagnes militaires pendant
la guerre du Péloponnèse : celle de Potidée en 431-430,
celle de Délion en 424 et celle d'Amphipolis en 422[17] .
Ce semble être d'ailleurs les seuls déplacements de Socrate hors d'Athènes[18] . Platon le montre comme faisant
preuve d'un courage physique hors du commun[19] : « là [à
Délion] comme à Athènes, il marchait fièrement et avec un
regard dédaigneux[Note 10] , pour parler comme toi, Aristophane. Il considérait tranquillement tantôt les nôtres,
Socrate, ses deux épouses et Alcibiade par Reyer Jacobsz van tantôt l’ennemi, faisant voir au loin, par sa contenance,
Blommendael, peinture sur toile, 210 x 198 cm, XVIIe siècle, qu’on ne l’aborderait pas impunément. Aussi se retira-til sain et sauf, lui et son compagnon ; car, à la guerre,
musée des beaux-arts de Strasbourg.
on n’attaque pas ordinairement celui qui montre de telles
On sait peu de choses sur la vie de Socrate, et la plupart dispositions[Note 11] . »
d'entre elles concernent le procès de −399. Socrate na- Le courage dont il fait preuve n'est pas seulement phyquit vers −469/−470, dans la troisième année de la 77e sique, mais aussi politique, quel que soit le régime. En
olympiade, à la fin des guerres médiques, près d’Athènes, 406, après la bataille des Arginuses, on a décidé, sous
dans le dème d’Alopèce, dème de la tribu d’Antiochide. Il l'influence des démagogues, de juger collectivement les
est le fils de Sophronisque et de Phénarète. Son père était généraux ayant conduit cette bataille, au motif qu'ils n'ont
sculpteur ou tailleur de pierre et sa mère sage-femme. Il pas recueilli les corps des morts. Le hasard veut que Soest toutefois possible que le nom de sa mère (qui signi- crate se trouve être alors prytane et chef de l'assemblée. Il
fie « qui fait apparaître la vertu ») et son métier ne soit est le seul des cinquante prytanes, au péril de sa vie, à s’opqu'une invention destinée à souligner les propos de So- poser à cette procédure illégale : selon la loi athénienne,
crate sur la maïeutique[Note 5],[9] . Socrate avait un demi- c’est en effet un à un, et non collectivement, qu’on poufrère, Patroclès, fils de Chérédème, premier mari de sa vait condamner ces hommes. Son opposition n'empêche
mère[Note 6],[10], .
toutefois pas les généraux d'être condamnés à mort. En
Les renseignements sur sa vie privée sont peu sûrs, voire 404, sous le régime des Trente, il refuse d'obéir à l'ordre
2.3
Procès
3
qui lui est donné d'arrêter un proscrit, Léon de Salamine, est importante, puisque la Pythie de Delphes aurait rélà encore au péril de sa vie[Note 12],[20],[21] .
pondu à son ami d’enfance Chéréphon : « Il n'y a pas
[Note 14]
.
e
Athènes est au v siècle le centre de la vie culturelle et d'homme plus sage que Socrate »
est un lieu de passage obligé pour les personnalités du
temps : l'historien Hérodote, les physiciens Parménide
et Anaxagore, le médecin Hippocrate, les sophistes Protagoras, Gorgias, Hippias, Prodicos[18] , entre autres. On
ignore quelle a été la formation de Socrate. Anaxagore
et Archélaos de Milet lui ont été donnés comme maîtres
par une tradition tardive[Note 13] , mais ce n'est peutêtre qu'une reprise du passage « autobiographique » du
Phédon (96a-99d) : Socrate y déclare avoir étudié les
livres d'Anaxagore. Platon et Xénophon ne donnent en
réalité aucun renseignement clair sur d'éventuels maîtres
de Socrate, Lucien de Samosate explique tout au plus que
Socrate fréquentait les écoles de joueuses de flûte, et prit
quelques leçons chez l'hétaïre Aspasie[22] . Plusieurs passages de Platon le présentent comme disciple du sophiste
Prodicos, mais l'ironie dont fait preuve Socrate à ce sujet
ne donne aucune certitude[23],[24] .
On sait que Socrate passait à certaines occasions plusieurs heures debout et immobile. Platon en a fait une
description dans Le Banquet [Note 15] . La philosophie étant
un mode de vie, il s’agit ici d'un exercice de méditation,
ou « dialogue avec soi-même », pratiqué dans l'Antiquité
par les philosophes. Outre Socrate, Pyrrhon ou Cléanthe
par exemple s’y adonnaient[Note 16],[25] .
2.3 Procès
Article détaillé : Procès de Socrate.
Au printemps 399, cinq ans après la fin de la guerre
du Péloponnèse, un procès pour impiété (graphè asebeias) est intenté à Socrate par trois accusateurs, Anytos,
homme politique de premier plan, et deux comparses,
Mélétos, un poète, et Lycon, obscur orateur. Les chefs
d'accusation sont les suivants : « ne pas reconnaître les
2.2 Son enseignement public
mêmes dieux que l’Etat, […] introduire des divinités nouvelles et […] corrompre la jeunesse »[Note 17],[26] . Sur les
Vers −435, il commença à enseigner, dans la rue, dans les
501 juges, 280 votent en faveur de la condamnation, 221
gymnases, les stades, les échoppes, au gré des rencontres.
de l'acquittement. Invités à proposer une peine, MéléIl parcourait les rues d’Athènes vêtu plus que simplement
tos demande la peine de mort, Socrate demande à être
et sans chaussures, dialoguant avec tous.
nourri au Prytanée, honneur réservé aux citoyens les plus
méritants. Les juges votent alors en faveur de la peine
de mort[27] . Les commentateurs contemporains sont partagés sur l'interprétation à donner à ce procès : les uns
pensent que les chefs d'accusation sont les véritables motifs du procès, les autres qu'ils sont un prétexte et que les
véritables motifs sont de nature politique[28] .
Buste de Socrate
Photographie de Domenico Anderson.
À propos du premier chef d'accusation, la question s’est
posée de savoir ce qu'on reprochait exactement à Socrate : être athée, donc de ne pas croire tout court aux
dieux, ou être impie, c'est-à-dire de ne pas honorer les
dieux d'Athènes. Platon[Note 18] et Xénophon[Note 19] le
présentent comme s’il se défendait contre une accusation
d'asébie, ce qui contredirait l'accusation d'introduire de
nouvelles divinités. Ses disciples ne présentent jamais Socrate comme un athée, mais, même si Socrate ne croit pas
aux fables des poètes sur les dieux, il n'est pas non plus
présenté comme un impie, et ce dernier point ne suffit pas
à lui seul à comprendre la raison de ce procès pour cette
forme d'impiété. La possibilité même d'un procès pour
asébie à Athènes à cette date n'est pas assurée. Un décret
à ce sujet, datant du début de la guerre du Péloponnèse,
est mentionné par Plutarque et aurait visé Périclès à travers Anaxagore[Note 20] . Mais son authenticité ou le fait
qu'il soit toujours en vigueur en 399 sont discutés[28] .
Le chef d'accusation relatif à l'introduction de nouvelles
divinités (daimonia) est mis en relation par Platon et XéIl enseignait, ou plus exactement questionnait, gratuite- nophon avec le « signe divin » (daimonion semeion) de
ment — contrairement aux sophistes, qui enseignaient la Socrate. Dans Les Nuées d'Aristophane, Socrate est prérhétorique moyennant une forte rétribution. L'année 420 senté comme un « physicien », substituant aux anciens
4
3
PLACE DE SOCRATE DANS LA PHILOSOPHIE ANTIQUE
dieux des entités telles que les Nuées, la Langue ou le
Vide. Mais le signe divin de Socrate n'apparaît nulle part
dans la pièce et il est possible que ce chef d'accusation
soit la manifestation d'une certaine jalousie des Athéniens
envers ce qui pouvait apparaître comme une faveur des
dieux à l'égard de Socrate[28] .
L'accusation de corrompre la jeunesse est liée par Platon
à celle d'impiété. Mais pour Louis-André Dorion, ce lien
paraît superficiel et le véritable motif serait d'ordre politique. Cette accusation est par ailleurs mise en relation
avec la pratique de l’elenchos[Note 21] . La révélation en public de l'ignorance de certains, se croyant savants, par Socrate et les jeunes gens qui l'imitaient, ainsi que l'influence
que l'on attribuait au philosophe sur certains de ses disciples, Alcibiade[29],[30] , Charmide, Critias, considérés
comme ayant trahi la démocratie athénienne, ont clairement pu donner aux Athéniens l'idée que Socrate corrompait la jeunesse. La récente loi d'amnistie de −403,
votée après le rétablissement de la démocratie, explique
sans doute pourquoi le procès intenté à Socrate n'est pas
ouvertement politique. Dès les environs de −393, le sophiste Polycrate d'Athènes publie un pamphlet, Accusation de Socrate, attaquant le philosophe sur le plan politique, auquel Xénophon répond dans ses Mémorables[28] .
Pour Gregory Vlastos, le fait de ne pas avoir de croyances
orthodoxes (l'« impiété ») n'était pas à soi seul un motif
pour être condamné. La véritable raison de la condamnation de Socrate tient au « caractère agressif de sa mission
publique », c'est-à-dire qu'il se sentait obligé de débattre
avec tout un chacun dans les rues d'Athènes, pouvant donner par là la fausse idée qu'il enseignait à ses disciples à
ne pas respecter la religion traditionnelle[31] .
2.4
Mort
Jacques-Louis David, La mort de Socrate (1787), conservé au
Metropolitan Museum of Art de New York.
Un mois s’écoula entre la condamnation de Socrate et
sa mort, pendant lequel il resta enchaîné dans la prison
des Onze. Ses amis le visitaient et s’entretenaient avec lui
quotidiennement. Deux dialogues de Platon sont censés
se dérouler pendant cette période, le Criton et le Phédon.
Le jour venu, Socrate boit le poison létal, la cigüe, en
présence d'Apollodore de Phalère, Criton et son fils Critobule, Hermogène, Épigénès, Eschine, Antisthène, Ménéxène, son cousin Ctésippos de Péanie, et quelques
anonymes[32] .
En choisissant de mourir, Socrate affirme la primauté de
la vertu sur la vie : la vie du corps est subordonnée à
la pensée. Cet événement est à l'origine du platonisme
dans lequel le Bien est supérieur à toute chose. En ce sens
philosopher est un exercice spirituel d'apprentissage de la
mort : « c'est donc un fait […] que les vrais philosophes
s’exercent à mourir et qu'ils sont, de tous les hommes,
ceux qui ont le moins peur de la mort[Note 22] . » Il s’agit
dans le platonisme de mourir en son corps, ses passions
et son individualité, pour s’élever à l'universalité de la
pensée. Cette idée de la philosophie comme apprentissage de la mort se retrouve ensuite dans une bonne partie
de la philosophie occidentale : chez les stoïciens ou chez
Montaigne[33] par exemple, mais aussi chez des antiplatoniciens comme les épicuriens ou Heidegger[34] .
3 Place de Socrate dans la philosophie antique
Il existait avant Socrate des individus réputés pour être
sages (sophoi), faisant preuve de sophia (c’est-à-dire de
sagesse, de savoir, ou de savoir-faire)[35],[Note 23] . Ces
sages, maîtres de vérité ou de sagesse, représentent une
sorte d'aristocratie, tandis que les sophistes, qui affirment
pouvoir enseigner le savoir à tous contre paiement, sont
le versant démocratique de la sagesse. En s’opposant
aux uns et aux autres, Socrate est le premier philosophe
(philo-sophos), tel que le définit pour la première fois
Platon dans le Banquet, c'est-à-dire celui qui est non
sage, mais qui désire (philein) la sagesse, sachant qu’il
ne sait rien. Individu inclassable, il provoque chez les
autres le bouleversement de soi-même d’une façon irrationnelle. Cette remise en question de l’individualité
se trouve dépassée dans le dialogue entre un individu
et un autre, dialogue fondé sur la raison, pour atteindre
l’universalité[36],[37] . Par la suite, pour toutes les écoles
philosophiques de l'Antiquité, la figure du sage est avant
tout un idéal. Et toutes, à l'exception de l'épicurisme, s’accordent pour reconnaître que Socrate, celui qui ignore
qu'il est sage, est une incarnation de cet idéal[38] .
Par la suite, une tradition a fait de Thalès de Milet le
« premier philosophe », tandis qu'une autre tradition,
remontant à Platon, Xénophon et Aristote, fait de Socrate le « père de la philosophie ». Thalès serait en effet le premier à attribuer aux phénomènes naturels des
causes matérielles et non surnaturelles, alors que Socrate
serait le premier à consacrer la réflexion philosophique
aux affaires humaines, et non plus à l'étude de la nature. Cette tradition en vigueur chez les Anciens d'un Socrate comme père de la philosophie est à l’origine chez
les Modernes de la désignation des philosophes qui l'ont
5
précédé (ou qui sont parfois ses contemporains) comme
« présocratiques ». Elle est aussi à l'origine de l'idée selon laquelle Socrate est le « fondateur de la science morale »[Note 24] . Mais c'est surtout l'exemplarité de sa vie et
de sa mort au service de la philosophie qui en fait le père
de celle-ci[39] .
ses enfants Critobule, Hermogène, Epigène et Ctésippe ;
Spintharos, père d'Aristoxène[Note 26] ; Hermogène, Lysanias de Sphettos, père d'Eschine de Sphettos ; Coriscos de
Scepsis, père de Nélée de Scepsis. L’un de ses disciples,
Euclide de Mégare, en −405, fonda la première école des
« Petits socratiques » : le mégarisme. En −400, un autre
L'idée du cosmopolitisme est attribuée à Socrate par disciple, Antisthène, a fondé la deuxième école des « PePlutarque[40] : l'idée de patrie lui serait étrangère, même tits socratiques » : le cynisme. L’année suivante, Aristippe
fonda la troisième école : le cyrénaïsme. L’acmé de Sosi Socrate a toujours gardé une tendresse pour sa ville nacrate
est contemporaine de la mort d’Anaxagore[43] .
tale.
3.1
Socrate et les sophistes
4 Le Socrate d'Aristophane
Les sophistes se placent sans doute dans la continuité de
l'école éléatique. En effet, pour l'éléate Parménide, il y
a identité entre l'être et le discours. Mais pour Parménide, l'être a la primauté et c'est lui qui assure que le
discours peut être vrai. Les sophistes traitent eux aussi
du problème des rapports entre l'être et le discours, mais
opèrent un renversement : c'est désormais le discours qui
a la primauté. Ce qui conduit à deux positions sophistiques : celle de Gorgias, pour qui il n’y a pas d'être, et
celle de Protagoras, pour qui n'importe quel discours peut
donner une existence à n'importe quel être[41] .
Socrate est en accord avec Parménide sur le fait qu'il
existe un Être unique, existant indépendamment du discours et supérieur à lui. Mais il accorde cependant aux
sophistes qu'il existe aussi une multitude d'autres êtres,
qui peuvent se montrer illusoires et trompeurs, en relation
avec le discours. Contrairement aux sophistes, Socrate est
cependant le premier à penser que ces êtres existent aussi
en dehors du discours, préservant ainsi la possibilité d'un
discours vrai, qui ne varie pas en fonction de la subjectivité de chacun. Socrate est ainsi à l'origine en philosophie
de la notion de concept, ouvrant par là le chemin aux idées
platoniciennes[41] .
3.2
Disciples et continuateurs
Parmi ses élèves, sept sont d'après Diogène Laërce
considérés comme particulièrement importants. Ce sont
Antisthène, Eschine de Sphettos, Platon, Xénophon,
Euclide de Mégare, Aristippe de Cyrène et Phédon d'Élis.
Tous, sauf peut-être Aristippe, ont écrit des dialogues socratiques. Ce sont des fictions littéraires dans lesquelles
des sujets philosophiques font l'objet d'un débat « à la
manière » de Socrate. Seuls nous sont parvenus en entier
des dialogues de Platon, du Pseudo-Platon (anciennement
attribués à Platon mais qui n'ont pas été écrits par lui) et
de Xénophon[42] .
Illustration des Nuées, dans les Emblemata de Johannes Sambucus, 1564.
Les plus anciens témoignages sur Socrate se trouvent
dans la comédie attique. Outre Aristophane, qui a raillé
Socrate dans sa pièce Les Nuées, au moins quatre auteurs s’en sont pris à Socrate dans leurs comédies :
Amipsias, Téléclidès, Callias et Eupolis. D'après les fragments conservés, Socrate y apparaît comme le type caricatural de l’« intellectuel », pauvre et affamé. Ces fragments n'ont pas d'intérêt du point de vue philosophique,
mais on peut en conclure que Socrate était un personnage connu dans l'Athènes de la fin du ve siècle. Lorsque
Aristophane remporte le troisième prix aux Grandes
Dionysies avec les Nuées en 423, le deuxième prix revient
à Amipsias avec sa pièce Konnos, qui est le nom du professeur de cithare de Socrate[44] .
Le portrait de Socrate dans Les Nuées d'Aristophane, de
fait le seul témoignage datant du vivant même de Socrate, est en complète contradiction avec celui de Platon et Xénophon sur plusieurs points. C'est notamment
le cas pour les trois chefs d'accusation du procès de SoIl eut d'autres disciples, dont Apollodore et son frère crate en −399 : ne pas croire aux dieux de la cité et
Aïantodore ; Isocrate, pendant une courte période ; les remplacer par des divinités nouvelles, et corrompre
Cébès, Chéréphon, son ami d'enfance et assistant ; la jeunesse, chefs d’accusation qui sont anticipés dans la
Ménexène, Simmias, , Métrodore[Note 25] , Alcibiade dès pièce. Aristophane contredit aussi Platon et Xénophon
−431, Charmide, Critias, Théétète d'Athènes, Criton et en présentant Socrate par exemple comme donnant des
6
5 LE SOCRATE DE PLATON
leçons contre paiement, afin d'apprendre à faire triompher le Raisonnement injuste sur le Raisonnement juste ;
comme étudiant la physique et les causes matérielles des
phénomènes ; ou encore comme étant le maître d'une
école[45] . Aristophane a peut-être cherché à faire la caricature de l'intellectuel, en lui donnant le nom d'un personnage connu, en l'occurrence Socrate, mais sans viser la
personne elle-même. Le personnage de Socrate serait ainsi composé d'éléments appartenant à plusieurs groupes :
l'étude de la nature aux philosophes dits présocratiques,
les leçons de rhétorique contre paiement aux sophistes,
ou encore certains aspects de l'« école » tel le secret aux
pythagoriciens. Cette explication a cependant le défaut de
ne pas rendre compte de ce qui est spécifiquement « socratique » dans le personnage des Nuées. Une autre hypothèse serait que le Socrate d'Aristophane est bien un personnage historique, mais qu'il correspond à une époque
de la vie de Socrate que n'ont connue ni Platon - né en
−428[46] - ni Xénophon - né en −430[47] - encore enfants. Cela concorderait avec certains témoignages, dont
celui de Diogène Laërce[48] qui font de Socrate un élève
d'Anaxagore et d'Archélaos ainsi qu'avec un passage du
Phédon (95e-99d) de Platon considéré parfois comme
« autobiographique » : Socrate se serait ainsi à une époque
de sa vie consacré à des recherches sur la nature (phusis).
Cependant le personnage d'Aristophane est avant tout
considéré comme un sophiste, et aucun autre témoignage
ne permet de confirmer que Socrate l'ait été. Le débat
entre spécialistes sur l'interprétation à donner au Socrate
d'Aristophane n'est pas tranché[49] .
5
Le Socrate de Platon
Pour Gregory Vlastos, il existe chez Platon deux philosophes portant le nom de Socrate, pratiquant deux philosophies opposées. Le premier Socrate apparaît dans les
dialogues de jeunesse de Platon : l’Apologie de Socrate, le
Charmide, le Criton, l’Euthyphron, le Gorgias, l’Hippias
mineur, le Ion, le Lachès, le Protagoras et le livre I de
la République, qui sont tous des dialogues réfutatifs, et
qui sont suivis de dialogues de transition, l’Euthydème,
l’Hippias majeur, le Lysis, le Ménexène et le Ménon. Le
second Socrate apparaît dans un deuxième groupe de dialogues, ceux de la période intermédiaire de Platon : le
Cratyle, le Phédon, le Banquet, la République (livres II à
IX), le Phèdre, le Parménide, le Théétète[Note 27] . Platon
chercherait dans le premier groupe de ses dialogues à
rendre compte de la philosophie du Socrate historique,
tandis que dans le second groupe, Socrate devient le
porte-parole de sa propre philosophie. Vlastos identifie
ainsi dix points sur lesquels le Socrate des dialogues de
jeunesse est en opposition avec celui des dialogues de
la période intermédiaire : la philosophie du premier par
exemple est seulement morale, tandis que le second « est
aussi un métaphysicien, un épistémologue, un philosophe
de la science, un philosophe du langage, ainsi qu'un philosophe de la religion, de l'éducation et de l'art. Son do-
maine est une encyclopédie complète de la philosophie
en tant que science »[50] .
5.1 Oracle de Delphes et mission divine
« Sa mission est d’ordre religieux et mystique, au sens où
nous prenons aujourd’hui ces mots ; son enseignement, si
parfaitement rationnel, est suspendu à quelque chose qui
semble dépasser la pure raison. »
Henri Bergson, Les Deux Sources de la morale et de la
religion, chap. I, 1932.
L'oracle de Delphes est au commencement de la vie philosophique de Socrate. Ainsi qu'il le raconte dans l’Apologie
de Platon (21a), la Pythie répond à son ami Chéréphon,
venu l'interroger à ce sujet, que Socrate est le plus sage
des hommes. Socrate, cherche à résoudre l'énigme de
la Pythie : sachant qu'il ne sait rien, comment peut-il
être plus sage que ceux qui sont réputés savoir ? Il interroge donc hommes politiques, poètes, artisans : dans
tous les cas, ils se révèlent doublement ignorants, croyant
connaître ce qu'ils ne savent pas et ne sachant pas qu'ils
sont ignorants. Socrate est donc bien le plus sage des
hommes, puisqu'il ne croit pas savoir ce qu'il ne sait
pas[51] .
Seuls les dieux détiennent le véritable savoir (sophia), le
philosophe étant celui qui désire (philein, désirer) ce savoir. Or tout un chacun peut être philosophe. Aussi, parce
que le dieu de Delphes a cité son nom, Socrate pense avoir
pour mission de révéler aux hommes leur ignorance et de
se préoccuper plutôt de leur âme que de leur corps ou
de leurs biens matériels, afin qu'ils s’améliorent. Mais cet
oracle à lui seul ne suffit pas à expliquer que Socrate pense
être investi d'une mission. C'est en réalité à plusieurs reprises que l'ordre d'interroger les citoyens d'Athènes lui a
été donné : « c'est le dieu qui m'a prescrit cette tâche par
des oracles, par des songes et par tous les moyens dont
un dieu quelconque peut user pour assigner à un homme
une mission à remplir[Note 28] . » La relation entre la philosophie et la religion, soit que la première soit subordonnée à la seconde, soit qu'elle soit autonome par rapport à
la religion, est l'un des importants problèmes posés dans
l'interprétation de la philosophie socratique[51],[52] .
5.2 Piété de Socrate
Les croyances de Socrate sont celles de son temps.
Le problème posé à la raison par l'existence du surnaturel est résolu par des penseurs présocratiques dont
Anaximandre, Démocrite, Anaxagore, sans que ceux-ci
nient ouvertement son existence. Dans le cadre de leur
« science de la nature » - physiologia - la notion de nature
comprend tout ce qui est, sans laisser de place au surnaturel. Et s’il existe une entité appelée « dieu », elle désigne
5.4
Ignorance et ironie
l'intelligence, naturelle, qui ordonne le cosmos[53] . Le juron préféré de Socrate est « Par le chien »[54] , et se rapporte au dieu égyptien Anubis[55] ; il jure également par le
platane ou l'oie[56] . Idoménée de Lampsaque avait dépeint
Socrate comme rhéteur sous des traits peu amènes. En
outre il accusait clairement Eschine de Sphettos d'avoir
publié sous son nom les propres ouvrages de Socrate que
possédait sa femme, Xanthippe[57] .
En dépit du portrait qu'en fait Aristophane, Socrate ne
se préoccupe pas de physiologia, ni de cosmologie. Son
seul domaine de recherche est celui de la philosophie morale. Tout comme les philosophes ioniens, il rationalise les
dieux : mais les dieux de Socrate ne sont pas des dieux
naturalisés, ce sont des dieux moraux (et surnaturels). Le
principe essentiel de sa théologie morale est que le dieu
est bon, et qu'il n’est donc la cause que du bien : « Or
le dieu est réellement bon, et c’est ce qu’il faut dire qu’il
est ? […] Le dieu, […] puisqu’il est bon, ne peut pas non
plus être la cause de toutes choses […] ; pour celles qui
sont bonnes, il ne faut pas chercher d’autre cause que lui,
tandis que pour les mauvaises il faut chercher d’autres
causes que le dieu[Note 29] . » Dans la religion traditionnelle, les dieux, objets d'un culte officiel, peuvent agir
en bien comme en mal, à l'image de Héra poursuivant
Héraclès de sa vindicte. À cet égard, les dieux exclusivement moraux de Socrate justifient l'accusation qui lui est
faite lors de son procès de substituer aux dieux de l'État
de nouvelles divinités[58] .
7
de deux interprétations opposées. L'une, soutenue par
Gregory Vlastos, défend la souveraineté et l'autonomie
de la raison : si le daimonion lui avait donné un ordre que
Socrate aurait estimé contraire à la raison, il aurait refusé d'obéir. Cela n'arrive certes jamais chez Platon, mais
si Socrate avait été placé dans la situation d'Abraham, à
qui Dieu ordonne de sacrifier son fils Isaac, la foi n'aurait
pu l'emporter sur la raison[61] . Au contraire, pour LouisAndré Dorion, la raison est subordonnée aux ordres du
signe divin : Socrate cherche à les interpréter rationnellement, mais ne les remet jamais en cause, pas davantage qu'il ne remet en cause l'oracle de Delphes faisant
de lui l'homme le plus savant. Ce n'est cependant pas un
comportement irrationnel. Le dieu seul détient une authentique sagesse et ne peut qu'être toujours rationnel. En
obéissant aux ordres de son signe ou de l'oracle, Socrate
partage de façon fugitive une rationalité infiniment supérieure à la rationalité humaine[60] .
C'est à partir du IIe siècle apr. J.-C., avec Plutarque,
Maxime de Tyr et Apulée, que le signe divin (daimonion)
de Socrate devient un « démon » (daimon), être intermédiaire entre les dieux et les hommes[60] .
5.4 Ignorance et ironie
Pour Socrate, « la piété consiste à faire l'œuvre d'un dieu
au profit des êtres humains », selon Vlastos. Aussi la réponse de l'oracle de Delphes engage-t-elle Socrate sur la
voie qui fait de lui un « philosophe des rues ». Les signes
envoyés par les dieux ne pouvant être interprétés qu'à la
lumière de la raison, et Socrate étant le plus sage, il est
donc de son devoir d'engager les Athéniens à perfectionner leur âme[59] .
5.3
Le signe divin (to daimonion)
Ce qui est couramment appelé le « démon[Note 16] » de
Socrate est en réalité chez Platon « le signe divin » (to
daimonion, sous-entendu semeion). Ce signe se manifeste
depuis l'enfance de Socrate sous la forme d'une voix qui,
dit-il, « me détourne toujours de ce que je me propose de
faire, mais ne m'y pousse jamais[Note 30] ». Ces interdictions concernent souvent des actions sans intérêt du point
de vue moral, mais sont parfois plus fondamentales : c'est
ainsi le cas de l'interdiction de faire de la politique. Le
signe divin ne donnant jamais ses raisons, c'est à Socrate
d'en interpréter les motivations. Dans le cas de la politique, Socrate pense qu'il aurait fini par y perdre la vie, ce
qui l'aurait empêché de poursuivre sa mission au service
du dieu, philosopher en harcelant les citoyens d'Athènes, « Tout ce que j'apprends ici, c'est que je ne sais rien. Merci Socrate ! » Graffiti, Regenstein Library (en), Université de Chicago.
à l'image d'un taon attaché à un cheval[60] .
La relation entre les interventions du signe et les inter- Socrate est donc paradoxalement le plus savant, selon
prétations rationnelles qu'en donne Socrate fait l'objet l'oracle de Delphes, bien que lui-même se dise ignorant.
8
5 LE SOCRATE DE PLATON
Cette ignorance est affirmée à de nombreuses reprises
dans les dialogues platoniciens[Note 31] et est l'une des caractéristiques les plus originales du Socrate de Platon
par rapport au Socrate de Xénophon. Elle est la même
que celle que Socrate révèle chez ses interlocuteurs : elle
a trait aux sujets les plus importants, qui relèvent de
l'éthique. Certains de ses interlocuteurs perçoivent cette
ignorance comme une feinte. En effet si Socrate ne sait
pas, il ne peut répondre aux questions, ce qui lui permet
de se placer dans la position de celui qui interroge, tandis
qu'à l'inverse celui qui affirme savoir, ou croit savoir, doit
nécessairement répondre[62] .
C'est ce qu'on appelle l'« ironie socratique », laquelle est
en fait une double feinte : d'une part Socrate feint de ne
pas savoir, et d'autre part il feint de croire que son interlocuteur sait. Aussi Socrate affirme ne pas avoir de disciples
et ne pas enseigner : « Je n'ai jamais, en effet, été le maître
de personne[Note 32] ». Il se met au contraire à la place de
celui qui cherche à apprendre d'autrui. Ainsi, au livre I de
la République, Thrasymaque a bien compris l'attitude de
Socrate : « voilà l'ironie ordinaire de Socrate. Ne l'avaisje pas dit tout à l'heure que tu ne voudrais pas répondre,
que tu plaisanterais à ta manière, et t'arrangerais pour ne
faire aucune réponse à mes questions. […] Voilà, dit-il,
le grand secret de Socrate : Il ne veut rien enseigner, et il
va de tous les côtés apprenant des autres, sans en savoir
aucun gré à personne[Note 33] . » Mais désireux de faire étalage de son savoir, Thrasymaque ne peut cependant s’empêcher de tomber dans le piège tendu par Socrate et de
révéler l'étendue de son ignorance[62] .
Que l'ignorance affichée par Socrate soit un leurre se
trouve confirmé par le fait qu'à de nombreuses autres reprises il affirme avoir des connaissances en matière de
morale. Ainsi dit-il par exemple, « je vous répète que ce
ne sont pas les richesses qui donnent la vertu, mais que
c'est de la vertu que proviennent les richesses[Note 34] ».
Certaines de ces connaissances sont d'origine divine, car
seuls les dieux savent véritablement. Mais la plupart du
temps, elles ne peuvent être attribuées aux dieux. Si
l'ignorance qu'il affiche est bien une feinte, c'est que Socrate est bien le plus savant des hommes, conformément
à ce qu'a déclaré la Pythie. Cependant ce savoir n'est jamais clairement exposé dans les dialogues de Platon, notamment en ce qui concerne la nature du bien, source
de toute connaissance sur les autres vertus. Se présenter
comme ignorant permet en effet à Socrate d'engager ses
interlocuteurs à faire pour eux-mêmes la recherche de la
connaissance[63] .
5.5
Elenchos et connaissance de soi
L'elenchos (grec ἔλεγχος), ou « réfutation », est un
mode d'argumentation grâce auquel un questionneur (Socrate) vise à réfuter un répondant, en lui démontrant
qu'il se contredit. Cette réfutation a une structure bien
précise[64] :
1. L'interlocuteur de Socrate soutient une thèse ;
2. Socrate amène son interlocuteur à lui accorder des
prémisses ;
3. Socrate montre, avec l'assentiment de son interlocuteur, que ces prémisses entraînent une thèse
contraire à la thèse initialement défendue ;
4. Socrate affirme alors que la première thèse est
fausse, et la seconde vraie.
Du point de vue de la logique, l'elenchos présente une difficulté : Socrate ne démontre en réalité pas que la première thèse est fausse et la seconde vraie, mais qu'il y a
incompatibilité entre les prémisses et la première thèse.
Mais le point important est que l'elenchos a une visée
morale : « la réfutation est la plus grande et la plus efficace des purifications[Note 35] », elle est destinée à faire
honte à l'individu de ses fausses connaissances, préalable
indispensable à la vraie connaissance de la vertu. La réfutation porte en effet non pas sur des opinions indifférentes, mais sur des opinions auxquelles l'interlocuteur
de Socrate croit, et sur des sujets importants : à ce titre,
elles engagent son existence. C'est la raison pour laquelle
l'individu réfuté peut se trouver plongé dans la plus grande
confusion. Ménon, dans le dialogue de Platon du même
nom, compare les effets de la réfutation, pratique pourtant rationnelle, telle que l'exerce Socrate, aux effets des
incantations d'un sorcier : « tu m'as véritablement ensorcelé par tes charmes et tes maléfices : c'est au point
que j'ai la tête remplie de doutes. […] Si, expatrié dans
quelque autre ville, tu te livrais aux mêmes pratiques, tu
ne tarderais pas à être arrêté comme sorcier[Note 36],[64] . »
La réfutation a ainsi pour finalité de mettre en accord les
opinions d'un individu avec sa façon de vivre. Son importance est telle que, dans l'Apologie de Platon, vivre en
philosophe, c'est précisément pratiquer cette réfutation,
sur soi-même et sur les autres : pour Socrate, « une vie
sans examen ne vaut pas la peine d'être vécue[Note 37] ».
Tous les maux ayant leur origine dans l'ignorance, la
mort est encore préférable à la perspective de ne plus
philosopher[64] .
La pratique de l'elenchos est par conséquent liée à la
connaissance de soi. Dans deux passages des dialogues de
Platon, Socrate donne une interprétation de la maxime
gravée sur le fronton du temple d'Apollon à Delphes,
Connais-toi toi-même : dans le Charmide (167 a) et dans
le Premier Alcibiade. Dans le Charmide, est affirmé la nécessité du rapport à autrui pour se connaître soi-même.
Laissée à elle-même, l'âme peut se faire des illusions sur
la réalité de ses connaissances, et seule la pratique de
l'elenchos peut dissiper ces illusions. Dans le Premier Alcibiade, la connaissance de soi est en rapport avec la théorie
de la tripartition des biens : biens de l'âme, biens du corps
et biens extérieurs. Le savoir est un bien de l'âme et lui
seul permet de faire bon usage des autres biens[65] .
5.6
Paradoxes socratiques
Bien que Socrate considère que la pratique de la réfutation soit un bienfait pour autrui, cette pratique, consistant à révéler leur ignorance en public, a conduit à rendre
nombre de ses interlocuteurs hostiles à son égard. Elle est
ainsi sans doute l'une des principales causes du procès de
Socrate. De ce point de vue, l'elenchos est un échec. C'est
peut-être la raison pour laquelle elle disparaît presque entièrement des dialogues de Platon après le Ménon, et le
Socrate de La République souligne les dangers pour la
philosophie de son usage sans retenue par les jeunes gens :
« Après avoir maintes fois réfuté les autres, et été maintes
fois réfutés eux-mêmes, ils en arrivent vite à ne plus rien
croire du tout de ce qu'ils croyaient auparavant ; et par là
eux-mêmes et la philosophie tout entière se trouvent discrédités dans l'opinion publique[Note 38],[66] . »
5.6
Paradoxes socratiques
Dans le domaine de l'éthique, on appelle « paradoxes socratiques » un certain nombre de points de vue défendus
par Socrate et allant à l'encontre de l'opinion communément admise (para = contre ; doxa = opinion). Le plus
connu de ces paradoxes est celui selon lequel la vertu est
une science. Les principaux paradoxes socratiques sont en
outre les suivants : nul ne fait le mal volontairement, les
vertus sont une, subir l'injustice est préférable à la commettre, et « il ne faut […] pas répondre à l’injustice par
l’injustice ni faire du mal à aucun homme, quoi qu’il nous
ait fait[Note 39] »[67] .
9
Le paradoxe selon lequel la vertu est une connaissance
a pour conséquence le paradoxe selon lequel nul ne fait
le mal volontairement. En effet si lorsque l'on sait ce
qu'est le bien, on ne peut agir autrement que selon le
bien, alors faire le mal ne peut être que le fruit de
l'ignorance. Prétendre faire le mal en sachant ce qu'est
le bien, c'est en réalité pour Socrate ignorer ce qu'est le
véritable bien. « L'éthique de Socrate est donc résolument intellectualiste (L.-A. Dorion). » Socrate conteste
l'opinion commune selon laquelle on peut faire le mal
sous l'effet d'affections irrationnelles. Le savoir possède
de lui-même une force impérative. Aussi Socrate nie-t-il
la possibilité de l'akrasia (absence de maîtrise de soi). Le
savoir induit infailliblement la maîtrise de soi (en) (enkrateia), laquelle est par conséquent sans utilité en tant que
faculté autonome. Sur ce point le Socrate des dialogues
de jeunesse de Platon s’oppose au Socrate de Xénophon,
chez lequel la maîtrise de soi, et non le savoir, est le fondement de la vertu. Mais il s’oppose aussi au Socrate de
la République. La théorie platonicienne de l'âme tripartite (en) implique en effet la possibilité de l'akrasia. Platon reconnaît par conséquent l'utilité de la maîtrise de soi
(plus précisément la maîtrise des plaisirs du corps) en tant
qu'auxiliaire du savoir et de la raison[Note 42],[69] .
Dans l'esprit des contemporains de Socrate, les vertus
sont distinctes les unes des autres, aussi peut-on avoir certaines vertus et ne pas posséder certaines autres. Or pour
Socrate, on ne peut avoir une vertu sans les avoir toutes
à la fois. En effet, toutes les vertus ont une même origine : la connaissance du bien et du mal. Un homme ne
peut pas être à la fois bon sous l'angle d'une certaine vertu et mauvais sous l'angle d'une autre. Les spécialistes ne
5.6.1 La vertu-science
s’accordent pas sur la question de savoir si l'unité des verSelon l'opinion répandue chez les Grecs, la vertu était tus entraîne leur identité (toutes les vertus ont une seule
un don naturel ou divin, ou encore pouvait s’acquérir définition) ou leur inséparabilité (chaque vertu a une dé[70]
au moyen de l'exercice. Mais pour Socrate, la vertu est finition différente des autres) .
[Note 40]
une connaissance
, c'est-à-dire que savoir ce qu'est
la vertu est suffisant pour être vertueux et à l'inverse
que pour être vertueux, il est nécessaire de savoir ce 5.6.2 Contre la loi du talion
qu'est la vertu[Note 41] . Ce paradoxe est né de la comparaison avec les savoirs techniques, comme la médecine, Faire du mal à ses ennemis était admis et même valorisé
l'architecture, etc. En effet pour Socrate, de même que dans la morale grecque, selon les principes définis par la
l'étude de la médecine permet d'être médecin, savoir ce loi du talion, à condition de la faire dans le respect de la
qu'est la vertu permet d'être vertueux : ce qui vaut pour loi publique. Selon cette loi, celui qui a commis un tort ou
la technique vaut aussi pour la politique ou l'éthique. Il un dommage doit en subir un équivalent par compensaexiste cependant des différences entre le savoir technique tion. L'acceptation de cette loi dans la morale vient de la
et le savoir moral. Premièrement, une personne dispo- confusion qu'elle opère entre la vengeance qu'elle autorise
sant d'un savoir technique peut décider de rater volontai- d'une part et les notions de rétribution, de légitime dérement une action liée à ce savoir, alors qu'il est impos- fense et de punition d'autre part. Faire la différence entre
sible d'être injuste si l'on sait ce qu'est la justice. Deuxiè- la vengeance et la punition, « l'une des plus considérables
mement, le savoir moral est supérieur au savoir tech- découvertes conceptuelles jamais faites par l'humanité »
Vlastos, est un mérite qu'il faut attribuer
nique. Aussi sur le plan politique Socrate rejette l'idée selon Gregory
[Note 43]
Protagoras
. Malgré cette distinction, Protagoras
à
d'une cité technocratique. Il est partisan d'une cité dans
ne
remet
toutefois
pas
en cause le fait que la vengeance
laquelle l'ensemble des activités seraient subordonnées
[71]
.
soit
moralement
acceptable
à une connaissance architectonique, la connaissance du
bien et du mal. Troisième différence, contrairement au Socrate est le premier à considérer, par le raisonnement,
savoir technique, Socrate a des doutes sur le fait que la la loi du talion comme moralement inacceptable. Il énuvertu puisse être l'objet d'un enseignement[68] .
mère les principes, au nombre de cinq, qui sont le fonde-
10
5 LE SOCRATE DE PLATON
ment de son raisonnement dans le Criton[72] .
« Socrate : [1] On ne doit donc jamais commettre d'injustice. [...] [2] On ne doit donc pas
non plus répondre à l’injustice par l’injustice,
puisqu’il n’est jamais permis d’être injuste. —
Criton : Il est clair que non. — Socrate : [3]
Et faire du mal, Criton, le doit-on, ou non ?
— Criton : Non, assurément, Socrate. — Socrate : [4] Mais rendre le mal pour le mal,
cela est-il juste, comme on le dit communément, ou injuste ? — Criton : Non, cela n’est
pas juste. — Socrate : [5] C’est qu’entre faire
du mal aux gens et être injuste il n’y a pas de
différence[Note 44] . »
5.7
Éros socratique
« Il tourna vers moi un regard d'une expression indicible
[…], alors, mon noble ami, j'aperçus ses formes sous son
manteau, je me sentis brûler, transporté hors de moi… »
— Socrate, dans le Charmide[Note 45] .
Socrate est entouré par de nombreux jeunes gens, « qui
prennent plaisir à [l]'entendre examiner les gens[Note 46] »
et à le voir révéler leur ignorance. Socrate exerce sur
ces jeunes gens, qu'il a eux aussi soumis au procédé de
l'elenchos (ou réfutation), une véritable fascination : leur
ignorance révélée est en effet perçue comme un manque
et provoque un désir pour le bien et le savoir, désir qui
se fixe sur la personne de Socrate. Aussi sa tâche estelle d'entretenir le désir chez ces jeunes gens, pour les
amener à progresser sur le chemin de la connaissance
et de la vertu, tout en refusant que cette relation amoureuse se fixe sur sa personne, étant lui-même ignorant.
C'est le sens à donner au passage du Banquet dans lequel
Alcibiade raconte la façon dont Socrate est resté insensible à ses avances[Note 47] . Alors que dans la relation homosexuelle traditionnelle, l'homme mûr tient le rôle de
l'amant (erastês), et l'adolescent celui de l'aimé (paidika), Socrate renverse les rôles. S'il feint dans un premier
temps d'être l'amant, ce sont ensuite les adolescents qui
sont à sa poursuite, ainsi que le déclare Alcibiade : « je
ne suis pas le seul qu'il a ainsi traité : il en a fait autant
à Charmide, fils de Glaucon, à Euthydème, fils de Dioclès, et à nombre d'autres, qu'il trompe en se donnant
comme amant, tandis qu'il prend plutôt le rôle du bienaimé que de l'amant[Note 48] . » Platon et Xénophon ont
par ailleurs livré trois entretiens avec ces jeunes gens qui,
après avoir été réfutés, s’attachent à Socrate : Alcibiade,
dans le Premier Alcibiade, Charmide, dans le dialogue de
Platon du même nom, Euthydème, dans les Mémorables
(IV 2) de Xénophon[73],[Note 49] .
Beauté en tant que forme, alors que « ce qu[e Socrate]
aime dans un beau garçon, c'est… un beau garçon ». Le
contact physique est chose habituelle dans l'éros platonicien, et se fait avec passion ; chez Socrate au contraire
le contact se limite à la vue et à l'esprit. La satisfaction
du désir n'est pas permise et chez Socrate et chez Platon, mais pour des raisons différentes. La motivation est
métaphysique chez Platon : il faut autant que possible séparer l'âme du corps, unis dans cette vie, pour mettre fin
au cycle des réincarnations, et le plaisir sexuel fait obstacle à cette séparation. Chez Socrate en revanche, la raison en est morale : l'orgasme n'est pas condamné en tant
que tel, mais seulement en tant que plaisir égoïste, dans
le cadre de la relation pédérastique, de l'homme plus âgé,
nullement partagé par le plus jeune[74] .
Si Socrate était attiré comme tous les Grecs par les
hommes, d'un point de vue théorique cependant il ne faisait pas de différence entre les hommes et les femmes,
ces dernières n'étant pas jugées par nature inférieures aux
premiers. Socrate était en cela moins misogyne que ses
contemporains. Mais en pratique, Socrate jugeait que le
dialogue avec une femme n'était pas possible. Aussi lorsqu'il s’entretient avec ses amis de l'immortalité de l'âme,
dans le Phédon, peu de temps avant de mourir, il demande
que l'on renvoie sa femme Xanthippe chez elle[75] .
« Socrate : Quels sont donc, Diotime, ceux qui philosophent, si ce ne sont ni les savants ni les ignorants ?
— Diotime : […] ce sont ceux qui sont entre les deux,
et l'Amour est de ceux-là. En effet, la science compte
parmi les plus belles choses ; or l'Amour est l'amour des
belles choses ; il est donc nécessaire que l'Amour soit
philosophe, et, s’il est philosohe, qu'il tienne le milieu
entre le savant et l'ignorant[Note 50] . »
Dans Le Banquet de Platon, Socrate, tel qu'il est décrit
par Alcibiade, est un équivalent d'Éros tel que Socrate en
a auparavant fait le portrait, placé dans la bouche de la
prêtresse Diotime. Éros est en effet « toujours pauvre,
dur, sec, sans souliers […] brave, résolu, […] plein de
ressources, passant sa vie à philosopher, habile sorcier,
magicien, sophiste[Note 51] », et c'est ainsi qu'est Socrate
selon Alcibiade. Mais en assimilant Socrate à Éros, qui
n'est pas un dieu mais un démon, être intermédiaire entre
les dieux et les hommes, c'est aussi une définition du philosophe que propose Platon. Seuls les dieux détiennent
la sagesse, et n'ont pas besoin de philosopher. Les êtres
humains sont des non sages. Parmi ces derniers, les insensés ignorent qu'ils ne sont pas sages, tandis que ceux qui
savent qu'ils ne sont pas sages sont des « philosophes »,
dans une position intermédiaire entre la sophia (sagesse
ou savoir) et l'ignorance. Platon est ainsi le premier dans
l'histoire de la philosophie, au travers du portrait de Socrate en Éros, à faire une distinction radicale entre sagesse
étant une recherche jamais
L'éros socratique se distingue de l'éros platonicien sur et philosophie, cette dernière
[76]
.
aboutie
de
la
première
plusieurs points, bien que tous deux accordent une place
déterminante à l'homoérotisme. Chez Platon, un beau
garçon est aimé parce que sa beauté est l'image de la
5.9
5.8
Maïeutique
Socrate-Silène
11
car j’ai oublié de dire, en commençant, que ses
discours aussi ressemblent parfaitement aux silènes qui s’ouvrent. En effet, malgré le désir
qu’on a d’écouter Socrate, ce qu’il dit paraît,
au premier abord, entièrement grotesque. Les
expressions dont il revêt sa pensée sont grossières comme la peau d’un impudent satyre. Il
ne vous parle que d’ânes bâtés, de forgerons,
de cordonniers, de corroyeurs, et il a l’air de
dire toujours la même chose dans les mêmes
termes ; de sorte qu’il n’est pas d’ignorant et
de sot qui ne puisse être tenté d’en rire. Mais
qu’on ouvre ses discours, qu’on en examine l’intérieur, on trouvera d’abord qu’eux seuls sont
pleins de sens, ensuite qu’ils sont tout divins et
qu’ils renferment les plus nobles images de la
vertu, en un mot, tout ce que doit avoir devant
les yeux quiconque veut devenir un homme de
bien[Note 53] . »
Socrate use de dissimulation avec les autres, tant et si bien
qu'il est lui-même devenu le masque des autres dans les
dialogues socratiques et que le Socrate historique est devenu insaisissable. Ainsi dans ses dialogues, nulle part
Platon ne dit « Je », utilisant la figure de Socrate soit
pour réserver sa véritable doctrine à son enseignement
oral, soit pour la présenter au lecteur avec une certaine
distance[80] .
Buste de Socrate. Copie romaine du iie siècle d'un original grec.
Musée archéologique régional de Palerme.
Ce qui frappe d'abord dans le personnage de Socrate,
c'est qu'il est physiquement laid, laideur proverbiale[77] .
C'est ce qu'évoque Alcibiade dans son éloge de Socrate,
à la fin du Banquet de Platon, en le comparant à un silène ou à un satyre : « Je dis d’abord que Socrate ressemble tout à fait à ces Silènes qu’on voit exposés dans
les ateliers des statuaires, et que les artistes représentent
avec une flûte ou des pipeaux à la main : si vous séparez les deux pièces dont ces statues se composent, vous
trouvez dans l’intérieur l’image de quelque divinité. Je dis
ensuite que Socrate ressemble particulièrement au satyre
Marsyas »[Note 52],[78] . Mais cette laideur, tout comme les
statuettes de silènes cachaient un dieu, n'est qu'une apparence, un masque. De la même façon, avec ses interlocuteurs, Socrate use de la feinte qu'est l'ironie socratique,
destinée à leur faire reconnaître leur ignorance et éventuellement les convertir à la philosophie[79] .
« On ne trouverait personne […] qui approchât en rien de cet homme, de ses discours,
de ses originalités ; à moins de le comparer,
comme j’ai fait, non pas à un homme, mais
aux silènes et aux satyres, lui et ses discours :
Kierkegaard a publié la plus grande partie de son œuvre,
avec l'objectif d'amener son lecteur à comprendre qu'il
n'est pas chrétien, sous divers pseudonymes. Il justifie le
procédé en invoquant Socrate. Pour Nietzsche, la dissimulation est un procédé propre à l'éducateur. Lui aussi
invoque Socrate comme modèle[81] .
5.9 Maïeutique
La maïeutique, l'art d'accoucher, apparaît pour la première fois dans le Théétète (150 b-d), dialogue plutôt
tardif. Socrate, dans une sorte de passage « autobiographique », s’y présente comme un « accoucheur », à
l'image de sa mère sage-femme, à la différence près qu'il
accouche les âmes et non les corps, et les hommes et non
les femmes. La maïeutique est associée dans ce passage
à la déclaration d'ignorance, au fait qu'il n'enseigne rien
à personne et à sa mission divine, trois éléments que l'on
trouve dans les dialogues de jeunesse de Platon. On voit
ici comment Platon a pu faire évoluer le personnage de
Socrate : la maïeutique n'est en effet probablement pas
une caractéristique du Socrate historique, mais une invention de Platon[82] .
Il faut en effet clairement distinguer le Socrate « réfutateur » des dialogues de jeunesse de Platon du Socrate
« accoucheur » : la pratique de la réfutation (elenchos) a
pour but de montrer à celui qui se croit savant qu'il est
en réalité ignorant, alors que la maïeutique a pour objectif de montrer à celui qui se croit ignorant qu'il est en
12
7 LE SOCRATE D'ARISTOTE
réalité savant. Cette complète transformation du personnage de Socrate est peut-être à mettre en relation avec
la théorie platonicienne de la réminiscence, qui apparaît
dans le Ménon et le Phédon : accoucher les âmes serait
alors leur faire se ressouvenir des connaissances qu'elles
avaient avant d'entrer dans un corps[82] .
À noter que l’interprétation selon laquelle la maïeutique
ne serait qu’une invention tardive de Platon projetée a
posteriori sur Socrate ne fait pas l’unanimité. La maïeutique originellement socratique serait bien à l’œuvre dans
certains dialogues de jeunesse de Platon, bien que le mot
maïeutikè ne soit jamais prononcé[83] . Socrate, dans le
Théétète (149a), signale que cette pratique n’était pas censée être connue de tous. Interprété dans son sens littéral,
le Théétète, probablement rédigé vers 369, exposerait l’art
(technè) de Socrate dans sa forme la plus approfondie[84] ,
celle-ci ayant été longtemps dissimulée[85] . Il en découle
que l’accompagnement socratique ne se réduirait pas à
la négativité de la réfutation (elenchos), mais viserait in
fine la production positive de pensées, susceptibles d’être
confirmées par le dialogue (dialegesthai), dès lors qu’elles
résistent à la réfutation. Concernant la datation ancienne
de la maïeutique, les Nuées d’Aristophane composées du
vivant de Socrate (421 av. J.-C.) font allusion, d’une manière certes humoristique néanmoins significative, à un
« avortement » accidentel d’une pensée qu’un disciple aurait « découverte » au sein même du cercle socratique
(Nuées, v. 135-137). Le disciple de Socrate affirme que
ce type de conception (susceptible d’avorter ou non) doit
être rapporté à un culte des Mystères (mystèria) (v. 143).
La dimension « mystérique » de la maïeutique pourrait
expliquer pourquoi Platon a pu attendre 30 ans après la
mort du maître pour la divulguer. Si tel est le cas, la
maïeutique doit être référée à autre chose qu’aux doctrines platoniciennes de la Réminiscence et des Idées —
doctrines d’ailleurs non évoquées dans le Théétète. On
aurait affaire à une pratique impliquant des expériences
beaucoup plus primitives de révélation par enthousiasme,
impliquant une « faveur divine » (theia moira), décrites
par Eschine de Sphettos (Alcibiade) et par Platon (Apologie, Ion, Ménon, Phèdre)[86] . La « révélation inspirée »
du jeune Clinias dans l’Euthydème (289d-291a) au cours
d’un traitement mystérico-maïeutique en est probablement un exemple.
6
Le Socrate de Xénophon
La philosophie du Socrate de Xénophon se distingue
de celle du Socrate de Platon essentiellement en ce
qu'elle s’articule autour de trois notions que sont la
maîtrise de soi (en) (enkrateia), l'endurance (karteria) et
l'autosuffisance (autarkeia)[87] . La maîtrise de soi vis-àvis des plaisirs du corps est une condition nécessaire pour
que l'âme puisse accéder à la vertu, mais aussi pour se
rendre utile à autrui, notamment lorsque l'on exerce un
pouvoir, pour être libre puisque être dominé par ses pas-
sions et ses plaisirs est le pire des esclavages. L'absence de
maîtrise de soi est en outre la première source d'injustice,
puisqu'elle amène à vouloir accaparer les biens d'autrui.
La maîtrise de soi est aussi la source de l'amitié véritable. Elle permet encore d'accéder aux richesses. Sur ce
dernier point, le Socrate de Xénophon diffère nettement
de celui de Platon en ce qu'il s’intéresse aux questions
économiques (dans le sens de la gestion de ses biens domestiques). Elle est également nécessaire pour pratiquer
la dialectique, entendue ici comme la capacité à faire la
différence entre le bien et le mal[88] .
Le témoignage de Xénophon avait été écarté au cours
du xixe siècle dans le cadre de la fameuse question
socratique (en). Cette question est aujourd'hui dépassée, le principal reproche adressé à Xénophon était qu'il
n'était pas vraiment un philosophe. Ce reproche, initié par
l'étude de Schleiermacher, ne datait que du xixe siècle
et sous-tendait une idée de la philosophie à caractère
avant tout critique et spéculatif. Il s’agissait d'un anachronisme : la philosophie dans l'Antiquité était conçue
d'abord comme une manière de vivre[Note 54] et Xénophon
était bien à ce titre philosophe. Le Socrate de Xénophon
a d'ailleurs été considéré comme un véritable philosophe
dans l'Antiquité, en particulier par les stoïciens, et chez
les Modernes par Nietzsche, qui accordait la plus haute
importance aux Mémorables[89] .
7 Le Socrate d'Aristote
Le témoignage d'Aristote est indirect puisqu'il est né
après la mort de Socrate et est assez succinct : trentequatre passages dans les œuvres conservées et quelques
fragments d'œuvres perdues. De plus Aristote ne cherche
pas à rendre compte de la pensée de Socrate, mais utilise celle-ci pour mettre en valeur sa propre pensée. En
outre les dialogues de Platon sont la source d'Aristote et
il est plus utile de se rapporter directement à ceux-ci pour
tenter de connaître la pensée de Socrate. Le témoignage
d'Aristote a cependant pour intérêt d’être le premier à
porter un jugement critique sur l'importance de la pensée de Socrate pour la philosophie[90] .
Pour Aristote, l'apport de Socrate est double : « Aussi,
est-ce à juste titre qu’on peut attribuer à Socrate la découverte de ces deux principes : l’induction et la définition générale ; ces deux principes sont le point de départ
de [la] science[Note 55] . » Il relève de l’épistémologie, et
non de l’éthique, ce qui peut paraître surprenant. Aristote attribue par ailleurs la paternité de la doctrine des
formes intelligibles, effectivement absente des dialogues
de jeunesse de Platon, à ce dernier et non à Socrate.
La théorie des Idées est en effet une réponse au problème posé par la doctrine d'Héraclite selon laquelle
toutes les choses sensibles sont en perpétuel mouvement,
ce qui implique qu'elles sont inconnaissables. Postuler
l'existence des Idées, non sensibles et immuables, permet
dans l'optique de Platon de rendre la connaissance pos-
8.1
Le Socrate de Hegel
13
sible. Aussi Socrate selon Aristote recherchait-il la définition universelle des vertus, mais sans aller jusqu'à faire
de cette définition une essence, contrairement à Platon.
Aristote, en désaccord avec Platon sur l'existence d'Idées
séparées du sensible, loue la position de Socrate sur ce
point. L’essentiel du témoignage d'Aristote est cependant
consacré à réfuter l'un des principaux paradoxes socratiques, selon lequel la vertu est un savoir[91],[92] .
tout en la maintenant. Rappelons également que chez Hegel, l’esprit est vu comme spiritualité d’un peuple ; il se
manifeste à lui-même par l’art, la religion et enfin la philosophie. En Orient, l’esprit est conçu comme substantiel mais inaccessible (c'est le sens des pyramides impénétrables, du Sphinx aux yeux clos…), alors qu'en Occident, l’esprit est souverain mais conçu comme subjectivité consciente d’elle-même : « Les individus sont le lieu
dans lequel l’esprit parle de lui-même ». C'est pourquoi
Deux passages (dont l’un est douteux) critiques sur la vie
même de Socrate peuvent faire penser qu’Aristote est lui- les statues des dieux sont des hommes et que les temples
sont ouverts sur le monde. Ce passage de l’un à l’autre est
même à l'origine d'un courant antisocratique à l'intérieur
de l'école péripatéticienne : Aristoxène de Tarente, l'un auguré dans le mythe par Œdipe et dans la philosophie
par Socrate.
de ses disciples, est ainsi l'auteur d’une Vie de Socrate très
[Note 56],[93]
Ce qu’explique Hegel, c’est que lorsque le Sphinx pose
sévère
.
à Œdipe la grande question : « Qui marche à quatre
pattes le matin, à deux pattes le midi et à trois pattes
8 Interprétations modernes et le soir ? », elle lui demande en vérité « Qui est l’esprit ? » (car de même que le Soleil passe du matin au
contemporaines
midi puis au soir, l’esprit se meut de l’Orient à l’Occident) ; ainsi, lorsqu’Œdipe répond « C'est l'homme », il
signifie que « l’esprit est dans l’homme » et c’est pour8.1 Le Socrate de Hegel
quoi le Sphinx meurt, parce qu’elle représente l’Esprit de
La conception de l’immortalité de l’âme de Platon va à l’Orient (où l’esprit est le mystérieux inatteignable pour
l’Esprit de l’Occident
l’encontre de l’esprit tragique. Il semble soutenir la thèse l’homme) et qu’Œdipe représente
[réf. nécessaire]
(où
l’esprit
est
dans
l’homme)
. Œdipe est le
d’un Socrate excécrant la tragédie. Toutefois, Platon utichercheur
de
l’énigme,
d’une
vérité
qui,
une
fois découlise la tragédie dans une autre acception : il en perçoit
verte,
l’entraîne
à
se
crever
les
yeux
(i.e.
fermer
les yeux
la force de fascination et en sent la dimension sacrée. Le
du
corps
pour
ouvrir
ceux
de
l’esprit).
Ainsi,
à
l’image
héros viole la loi mais reste terrifié par son inviolabilité.
d’Œdipe,
«
Socrate
est
le
tournant
de
l’esprit
dans
son inPlaton va donc récupérer cette puissance de fascination
[réf. nécessaire]
tériorité.
»
en montrant que la philosophie accomplit la tragédie : la
vérité de la tragédie est la tragédie de la vérité, de sorte que
Socrate est présenté comme le héros tragique par excellence. « Tel un héros tragique, je vais vers mon destin »
(Phédon.)
Pour Hegel, Socrate est un héros tragique. Il est celui qui
est à lui-même sa propre justification qu’il oppose à celle
de la cité. Le peuple athénien et Socrate sont tous deux
l’innocence qui est coupable et expie sa faute, le conflit
qui en résulte est celui d’un droit qui en affronte un autre
puisqu’il s’agit pour Socrate de substituer à l’oracle la
conscience de soi individuelle. Cette conscience est donc
un nouveau dieu non reconnu. C’est en cela que l’accusation contre la faute capitale de Socrate est entièrement
fondée : puisqu’il est le héros tragique qui a reconnu et
exprimé le principe supérieur de l’esprit. Pour Nietzsche,
le véritable responsable de la mort de la tragédie est Socrate en tant qu’il est le premier nihiliste, ruinant l’esprit
grec de la tragédie : il nie la dimension dionysiaque de la
vie. (cf. Théorie de Nietzsche.)
Dans la philosophie hégélienne, l’ensemble des représentations élémentaires n’est pas d’emblée conscient ; toutefois, l’esprit tend à prendre conscience de lui-même. Pour
cela, il doit sortir de lui-même afin de s’objectiver et ainsi
s’approprier son contenu (par exemple, production d’objets = extériorisation des capacités de l’homme). Ce mouvement dialectique est celui de l’« Aufhebung », c'est-àdire du dépassement de la contradiction en soi/pour soi
Il est celui qui se réclame du γνῶθι σεαυτόν (« Connaistoi toi-même »), inscription qu’on peut d'ailleurs également trouver dans le temple delphique où la pythie avait
annoncé à Socrate qu’il était « le plus sage ». Faisant de
« l’esprit universel unique » un « esprit singulier à l’individualité qui se dessine », Socrate fait de la conscience
intérieure l’instance de la vérité et donc de décision. Il est
ainsi en rupture avec la part d’Orient chez les Grecs. Il est
celui qui affirme que l’esprit est dans l’homme.
Pour Hegel, l’existence du δαίμων signifie que c’est par
son propre discernement que l’homme se décide. Toutefois, si le sujet décide bien par lui-même dans son intériorité, le génie est encore le non-conscient, un extérieur
qui se décide, il n’est pas Socrate lui-même : il est son
oracle. En tant que Socrate est ce tournant de l’esprit dans
son intériorité, le δαίμων occupe précisément le « milieu
entre l’extériorité de l’oracle et la pure intériorité de l’esprit » puisqu’il s’agit, à partir de Socrate, pour l’esprit des
individus de se substituer aux oracles. Il est, de plus, un
état réel, puisque correspondant à des crises de catalepsie
où Socrate connaît un dédoublement de la conscience.
Le δαίμων excède la conscience de soi tout en la provoquant, il reste atopique car s’il est propre à Socrate, ce
dernier ne saurait se l’approprier.
14
8.2
8
INTERPRÉTATIONS MODERNES ET CONTEMPORAINES
Le Socrate de Kierkegaard
8.3 Le Socrate de Nietzsche
« Socrate est le tournant décisif de l’histoire
universelle »
En tant qu’il veut rendre à nouveau possible l’esprit (au
sens hégélien) chrétien comme tel, Kierkegaard se présente lui-même comme le Socrate du christianisme. Il
s’agit pour lui de pratiquer l’ironie socratique à l’encontre
du christianisme (et non pas d’intégrer la théorie de la
réminiscence à la foi chrétienne). Il part en effet du
principe que ce qui constitue l’événement Socrate (au
contraire de ce qui constitue l’événement Christ) est précisément son ironie. Pour Hegel, il advient que l’ironie
soit la marque de la subjectivité, en tant que cette ironie, bien qu’elle soit négative en elle-même, est avant tout
une transition vers la positivité de la subjectivité se décidant par elle-même. Toutefois, bien que Kierkegaard
conçoive cette négativité, il ne reprend pas l’idée de transition, il voit l’ironie comme négativité radicale (car négativité comme vérité), elle est donc proprement paradoxale, c'est-à-dire anti-dogmatique, ce qui restitue à l’individu la possibilité de s’exposer à soi-même. Elle fait advenir l’expérience du non-savoir comme exigence d’une
vérité qu’aucune doctrine ne saurait combler.
— Friedrich Nietzsche, Le Crépuscule des idoles
Friedrich Wilhelm Nietzsche voit en Socrate un cas d’hyperrationnalité provoqué par le désordre des instincts.
Selon Nietzsche, Socrate, pour lutter contre ses violents
désordres intérieurs, avait besoin de s’appuyer sur la raison pour ne pas sombrer complètement. Cette répression
des instincts fait de lui un fanatique de la morale chez qui
« tout (...) est exagéré, bouffon, caricatural ; [et où] tout
est, en même temps, plein de cachettes, d’arrière-pensées,
de souterrains » (Le Crépuscule des idoles). En détruisant
la tragédie, Euripide tout aussi bien que Platon, augurent
pour Nietzsche l’ère nouvelle du nihilisme où l’homme
n’est plus dans l’affirmation de soi mais seulement dans
la justification de soi. C’est le sens de la sophistique, dont
Socrate est le meilleur maître car c’est par elle qu’il ruine
l’esprit grec.
L’oracle de Delphes annonçait que Socrate était « le plus
sage » mais cette sagesse est celle de la recherche du Souverain Bien par le bon sens et le savoir, une sagesse rationnelle qui s’oppose à la sagesse instinctive des Grecs (cette
dynamique de création par un débordement enthousiaste,
par l’intuition du grand, du sublime et du noble). Et c’est
précisément cette sagesse que Socrate condamne en dénonçant l’incapacité des « petits maîtres de la cité » (qui
sont en fait des artistes et politiciens effectifs) à décrire
leur création. Socrate est un esprit faible incapable de
création qui va démolir la Grèce et annoncer le principe
d’une culture nouvelle, celle de la morale platonicienne,
qui renvoie tout à la rationalité. C'est d’ailleurs le sens
de ce δαιμων socratique, uniquement là pour retenir Socrate : il est le signe d’une inversion où l’instinct est restrictif et la morale créatrice, et où il y a perversion de la
relation conscience/instinct.
Socrate est un vide sur lequel se sont édifiées les personnalités et les doctrines, c’est pour cela qu’il est événement ;
toutefois, « Socrate se consacra tellement à l’ironie qu’il
en succomba »[réf. nécessaire] . Ce qui n’empêche pas Kierkegaard de vouloir être le Socrate du christianisme afin de
le vider de son contenu doctrinal et de l’exposer à l’événement Christ et à sa propre spiritualité. C’est en cela
que Kierkegaard affirme que « la ressemblance entre le
Christ et Socrate repose essentiellement sur leur dissemblance »[réf. nécessaire] . En effet, le point commun essentiel
entre le Christ et Socrate est leur statut d’événement de
l’histoire : ils étaient tous deux porteurs d’une vérité qui
n’a pu jaillir d’elle-même au cœur de l’homme. Ils sont
tous les deux porteurs du surgissement de quelque chose Socrate n’est donc pas qu’un sophiste, il est le pire des
d’imprévu, aux conséquences multiples, dont il ne faut pas sophistes, en tant qu’il s’emploie à démolir ses interlocuteurs, il ne s’agrandit qu’en rapetissant l’autre : il
rester tributaire.
Les doctrines philosophiques se posent en effet toujours n’est donc porté que par le ressentiment du faible (que
en référence à Socrate en tant qu’événement, mais par là Nietzsche lie d'ailleurs à sa laideur). Au lieu d’affirmer
même elles rendent Socrate invisible. Il s’agit dès lors d’en le tragique de l’existence, il tente de la contrôler et de la
dégager le concept fondamental : l’ironie. Cette ironie, en justifier par une morale du savoir où le mauvais n’est jatant que négativité radicale et proprement paradoxale, se mais qu’un ignorant. Il fait un « saut mortel dans le drame
constitue alors comme un vide sur lequel s’édifient les per- bourgeois » où l’individu n’a qu’à se justifier sans assumer
sonnalités et doctrines. Elle n’engage pas l’individu dans son destin tragique. Socrate est un pessimiste nihiliste qui
une spiritualité, elle est vide. Le concept de l’événement dégrade la valeur de la vie, sa pusillanimité ne reposant
Christ, au contraire, n’est pas dans l’ironie. Il s’agit d’un que sur une dégradation de la volonté de puissance.
rapport de l’individu à sa spiritualité. Alors qu’avec Socrate il s’agissait d’un pur rapport de négativité, avec le
Christ il s’agit d’une incitation à une autre spiritualité.
Autrement dit, la rencontre avec le christianisme engage
l’individu dans toute sa spiritualité ; dès lors, par rapport
à l’événement, les individus abandonnent leur vie pour la
spiritualité chrétienne.
Nietzsche va même plus loin en montrant que ce Souverain Bien dont Platon se réclame, Socrate le considère
comme étant celui de ne jamais être né. Puisqu’il voit la
vie comme une maladie, il affirmera même à l’orée de sa
mort devoir « un coq à Asclépios ». Parce qu’Asclépios
est le dieu guérisseur, Socrate lui doit un tribut, puisqu’il
le délivre, le guérit de la vie en lui donnant la mort.
9.2
Musique
15
Il dit cette dernière phrase à Criton : « Criton, nous
sommes le débiteur d'Asclépios pour un coq ; eh bien !
payez ma dette, pensez-y »[94], . Nietzsche a donné une
interprétation de cette parole : « Criton, la vie est une
maladie »[95] ; Nietzsche voit en Socrate un philosophe
qui nie le caractère dionysiaque de la vie.
« Socrate voulait mourir : ce ne fut pas
Athènes, ce fut lui-même qui se donna la ciguë,
il força Athènes à la lui donner... »
— Friedrich Nietzsche, Le Crépuscule des idoles
8.4
Le Socrate de Lacan
Rappelons brièvement que chez Lacan, la compréhension du désir passe par l’objet inatteignable que constitue La Chose et qui entraîne l’insatisfaction perpétuelle
du désir. L’analysant cherche quel est l’objet de son désir,
et donc sa complétude ontologique. Le langage étant un
cercle clos, le sujet ne parvient pas à entrevoir la signification des symboles qu’il présente. Or l’analysant pense que
l’analyste sera capable de lui révéler la signification symbolique de ses désirs qu’il exprime par le langage, qu’il
est ce Grand Autre qui détient les clefs du langage. Lacan
pense que l’analyste est alors en mesure de lui faire découvrir que le Grand Autre n’existe pas et qu’il n’y a pas
Parole de Socrate, gravure de Jan Punt, d'après Jean-Baptiste
de signification, son rôle est donc de faire assumer « le Oudry, 1762
manque à être ».
Socrate est donc cet analyste qui au travers de ses dialogues cherche la définition du sens des choses. Certains
croient dès lors qu’il peut avoir ainsi accès au Souverain
Bien (de même que l’analysant croit que l’analyste possède les clefs du langage) alors même que les dialogues
socratiques sont purement aporétiques. Socrate confronte
ses interlocuteurs à leurs propres contradictions, il les
pousse à réfléchir sur leurs représentations pour qu’ils
soient cohérents. Sa position en tant qu’antidogmatique
n’est transitive vers aucun savoir : il s’agit au contraire de
faire comprendre qu’aucun savoir n’est possible. Le but de
l’analyste est de faire comprendre à l’analysant que l’objet
final du désir n’est ni connaissable, ni accessible. Et c'est
en cela que Lacan dit que « Socrate [est le] précurseur de
l’analyse. »[réf. nécessaire]
• François Just Marie Raynouard, Socrate dans le
temple d’Aglaure, poème, 1803 [lire en ligne]
• Louis-Sébastien Mercier, La Maison de Socrate le
sage, comédie, 1809 [lire en ligne]
• Théodore de Banville, Socrate et sa femme, comédie,
1886 [lire en ligne]
Sur Socrate et le livre : « C’est une facétie du destin de
ce personnage, dont on n’a pas d’écrit, que d’être étroitement associé à la richesse cachée du livre », observe
Dominique Sels – puisque Socrate et le livre ont tous deux
reçu la comparaison avec Silène (qui par Platon, qui par
Rabelais)[96] .
9.2 Musique
9
Socrate dans les arts et les lettres
9.1
Littérature
• Jean de La Fontaine, Fables : « Parole de Socrate »,
livre quatre, fable XVII, d'après Phèdre, III, 9
• Friedrich Hölderlin, Sokrates und Alcibiades (de),
poème, 1799
• Giovanni Paisiello, Il Socrate immaginario (it), opéra, 1775
• Erik Satie, Socrate, pièce pour piano et voix, 1918
9.3 Peinture, sculpture
• Jacques-Louis David, La Mort de Socrate, peinture,
1787 (Metropolitan Museum of Art, New-York)
16
10 BIBLIOGRAPHIE
• Brancusi, Socrate, sculpture, 1922 (Museum of Modern Art[97] , New York)
10.1.1 Autres traditions
Certaines traditions hostiles à Socrate fournissent
quelques éléments :
9.4
Cinéma
• Roberto Rossellini, Socrate, 1970
• un pamphlet, intitulé Accusation de Socrate, du sophiste Polycrate, écrit vers 393
• hostilité des Épicuriens (voir Cicéron, Brutus, 85)
10
Bibliographie
Pour une bibliographie détaillée sur le procès et la mort
de Socrate, se reporter à l'article Procès de Socrate.
10.1
Sources
Socrate n’a rien écrit. Il ne reste que des témoignages.
• Socratis et socraticorum reliquiae, collegit, disposuit,
apparatibus notisque instruxit Gabriele Giannantoni
(it), 4 vol., Naples, Bibliopolis, 1990 [compte-rendu]
• Aristophane, Les Nuées. [lire en ligne]
• Tous les dialogues de Platon, excepté les Lois,
mettent en scène Socrate. Dialogues utilisés comme
sources dans cet article : Apologie de Socrate,
Ménon, Théétète, Le Banquet, Sophiste, Lachès,
Gorgias, Protagoras, Hippias mineur, La République,
Criton
• Philodème de Gadara blâme l’ironie socratique comme une forme d’orgueil
• Porphyre de Tyr, Histoire des philosophes, fragments
8 et 9
• Libanios (rhéteur)
10.2 Ouvrages généraux
• Luc Brisson (dir.), Platon : Œuvres complètes,
Éditions Flammarion, 2008 (1re éd. 2006), 2204 p.
(ISBN 978-2081218109).
• Pierre Pellegrin (dir.), Aristote : Œuvres complètes,
Éditions Flammarion, 2014, 2923 p. (ISBN 9782081273160).
• Émile Chambry, Émeline Marquis, Alain Billault et
Dominique Goust (trad. Émile Chambry), Lucien
de Samosate : Œuvres complètes, Éditions Robert
Laffont, coll. « Bouquins », 2015, 1248 p. (ISBN
9782221109021).
• Xénophon, Apologie de Socrate (en grec ancien
Ἀπολογία Σωκράτους) En ligne
• François Châtelet, Histoire de la philosophie, 1 : La
philosophie païenne, Hachette, 1972
• Xénophon, Mémorables (Ἀπομνημονευμάτων). En
ligne .
• Pierre Hadot (préf. Arnold I. Davidson), Exercices
spirituels et philosophie antique, Albin Michel, coll.
« Bibliothèque de l'évolution de l'Humanité », 2002
(1re éd. 1981) (ISBN 978-2-226-13485-1)
• Eschine de Sphettos, fragment 11
• Aristote, Métaphysique, I, 6 et XIII, 4
• Aristote, Éthique à Nicomaque, VI, 3.
• Pierre Hadot, Qu'est-ce que la philosophie antique ?,
Paris, Gallimard, coll. « Folio Essais », 1995 (ISBN
978-2-07-032760-7)
• Emile Bréhier, Histoire de la philosophie, tome I, Pa• Aristoxène de Tarente est le premier à avoir écrit
ris, Félix Alcan, 1926-1927
Vie de Socrate, dont il reste quelques fragments. Il
y eut bon nombre de biographies de Socrate, mais
aucune n'est parvenue intégralement, et il en est de
10.3 Ouvrages et études sur Socrate
même des histoires de la philosophie antique (cfr.
Philodème de Gadara, auteur d’un Sur Socrate).
• (de) Friedrich Schleiermacher, « Ueber den Werth
des Sokrates als Philosophen » (1818), dans Sämmt• De la vertu et du vice (Περὶ ἀρετῆς καὶ κακίας) des
liche Werke, vol. II, 1838, p. 287-308 [lire en ligne]
Œuvres morales de Plutarque
• Nietzsche, La Naissance de la tragédie (1872)
• Cicéron, À Atticus, XIV, 9, I
• Nietzsche, Le Crépuscule des idoles (1888), § Le
• Traité des Devoirs.
problème de Socrate
• Diogène Laërce, Vies, doctrines et sentences des philosophes illustres, Livre II. En ligne ,
• Émile Boutroux, Socrate, fondateur de la science
morale (1883) [lire en ligne]
10.4
Sur le Socrate de Xénophon
• André-Jean Festugière, Socrate, Paris, Flammarion,
1934
• Thomas Deman, Socrate et Jésus, L'Artisan du livre,
1944
17
• Paulin Ismard, L’Événement Socrate, Paris, Flammarion, collection « Au fil de l’histoire », 2013
(compte-rendu sur le site la Vie des idées)
• Jean Humbert, Socrate et les petits socratiques, Paris, 10.4 Sur le Socrate de Xénophon
PUF, 1967
• « Les écrits socratiques de Xénophon », Les Études
• Pierre Hadot, Éloge de Socrate, Paris, Allia, 2007
philosophiques, 2004/2, no 69 [lire en ligne]
(1re éd. 1998) (ISBN 2-911188-83-7)
• Louis-André Dorion, « Socrate et l'utilité de
• Claude Mossé, - 399. Le Procès de Socrate,
l'amitié », Revue du MAUSS, 1/2006, no 27 [lire en
Bruxelles, Complexe, coll. « La mémoire des
ligne]
siècles », 1987 (ISBN 2-87027-201-4)
• Louis-André Dorion, « Le daimonion et la megalê• Francis Wolff, Socrate, Paris, Presses universitaires
goria de Socrate dans l’Apologie de Xénophon », Cade France, coll. « Philosophies », 2010 (1re éd.
hiers des études anciennes, XLV, 2008 [lire en ligne]
1985) (ISBN 978-2-13-040131-5)
• Gregory Vlastos (trad. Catherine Dalimier), Socrate : Ironie et philosophie morale [« Socrates, Ironist and moral philosopher »], Paris, Aubier, coll.
« Philosophie », 1994 (1re éd. 1991), 455 p. (ISBN
2-7007-3341-X)
• (en) Gregory Vlastos (préf. Miles Burnyeat), Socratic Studies, Cambridge University Press, 1994,
152 p. (ISBN 0 521 44213 3)
• (en) Paul Zanker (en), The Mask of Socrates. The
Image of the Intellectual in Antiquity, trad. Alan Shapiro, University of California Press, 1995 (trad. de
Die Maske des Sokrates. Das Bild des Intellektuellen
in der Antiken Kunst, 1995) [lire en ligne]
• (en) Thomas C. Brickhouse et Nicholas D. Smith,
The Philosophy of Socrates, Westview Press, 2000
• « Figures de Socrate », Philosophie antique. Problèmes, renaissances, usages, no 1, 2001 (ISBN 285939-711-6)
• Louis-André Dorion, Socrate, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Que sais-je ? », 2004
(ISBN 2-13-054067-8)
• Leo Strauss, « Le problème de Socrate », Archives
de Philosophie, 2/2007, tome 70 [lire en ligne]
• (en) Donald R. Morrison (dir.), The Cambridge
Companion to Socrates, Cambridge University
Press, 2011
• Louis-André Dorion, L'Autre Socrate. Études sur les
écrits socratiques de Xénophon, Les Belles Lettres,
coll. « L'Âne d'or », 2013
10.5 Ouvrages de vulgarisation
[réf. incomplète]
• Olivier Postel-Vinay, Le Taon dans la cité - Actualité de Socrate, Descartes & Cie, 1994
• Dominique Sels, Les Mots de l'amour arrivent
d'Athènes, vocabulaire de l'amour dans Le Banquet
de Platon, suivi du Portrait de Socrate, étude pour
le plaisir, éditions de la Chambre au Loup, 2008
(ISBN 978-2-9528451-2-0) Lettres classiques. Lexicologie (grec ancien). Précédé d'une préface, suivi d'un portrait de Socrate, d'une postface et d’un
double index (grec–français). Titre référencé dans le
tome 79 de L’Année philologique (APh ; Plato Philosophus – Études).
10.6 Récit pour la jeunesse
• Salim Mokaddem, Socrate est amoureux, Les petits
Platons, 2011
11 Notes et références
• (en) John Bussanich (dir.) et Nicolas D. Smith (dir.),
The Bloomsbury Companion to Socrates, Bloom11.1
sbury, 2013
• (en) Debra Nails, « Socrates », Stanford Encyclopedia of Philosophy, 19 mars 2014 (lire en ligne)
• Gilles Guigues, Recueillement de Socrate. Sur l'âme,
source et principe d'existence, Paris, L'Harmattan,
coll. « Ouverture philosophique », 2014, 208 p.
(ISBN 978-2-343-04651-8)
Notes
[1] Voir Léon Robin, « Les Mémorables de Xénophon et
notre connaissance de la philosophie de Socrate », L’Année philosophique, 1910 [lire en ligne] ; (en) Alfred Edward Taylor (en), Varia Socratica, 1911 [lire en ligne] ;
(en) John Burnet (en), Plato'Phaedo, 1911 [lire en ligne] ;
(de) Heinrich Maier (en), Sokrates, sein Werk und seine
geschichtliche Stellung, 1913 [lire en ligne].
18
[2] Voir Karl Joël, « Der logos sokratikos », Archiv für Geschichte der Philosophie (en), numéro 8, 1895 et numéro 9,
1896.
[3] L'attribution par Diogène Laërce de dialogues socratiques
à d'autres disciples est douteuse.
[4] Saint Augustin, La Cité de Dieu, VIII, 3, trad. L. Moreau,
1854, p. 412-413 [lire en ligne]
[5] Théétète (149a)
[6] Euthydème (297e
[7] Diogène Laërce, Livre II, 26 ; Plutarque, Vies parallèles
[détail des éditions] [lire en ligne], Aristide, 27 ; Athénée,
Deipnosophistes [détail des éditions] [lire en ligne], Livre
XIII XIII.
[8] Xénophon, Le Banquet (Chapitre II, 10)
[9] Platon, Apologie de Socrate [détail des éditions] [lire en
ligne], 23 b
[10] Citation des Nuées, vers 362
[11] Le Banquet, 219 e-221 c, trad. Dacier et Grou. Voir aussi
l'Apologie de Socrate, 28 e, Charmide, 153 a-d, Lachès,
180 b
[12] Platon, Apologie de Socrate [détail des éditions] [lire
en ligne] (32 b-c) ; Mémorables (I, I, 18), Xénophon,
Helléniques [lire en ligne] (I, VII, 15)
[13] Diogène Laërce, II, 16, 19, 23
[14] Platon, Apologie de Socrate [détail des éditions] [lire en
ligne] (21a). Diogène Laërce, Vies, doctrines et sentences
des philosophes illustres [détail des éditions] [lire en ligne]
(II)
11
NOTES ET RÉFÉRENCES
[21] Platon, Apologie de Socrate [détail des éditions] [lire
en ligne], 26b ; Euthyphron, 3b, pour la relation avec
l'impiété, et Platon, Apologie de Socrate [détail des éditions] [lire en ligne] (28 a-b, 39 c-d), pour la relation avec
l’elenchos.
[22] Platon, Phédon, 67 e, trad. Émile Chambry
[23] Une mosaïque dite « des Sages », datant de l’époque sévérienne (193-235) et aujourd'hui conservée au musée national de Beyrouth, associe les Sept Sages à Socrate, autour de la muse Calliope (Frédéric Alpi, « Socrate au Musée », Les Carnets de l'Ifpo, 2013 [lire en ligne]).
[24] Voir Émile Boutroux, Socrate, fondateur de la science morale, 1913.
[25] familier d'Anaxagore, dont il fut également disciple
[26] Musicien et philosophe, premier maître de son fils. Il
cultiva l’amitié de Socrate, d’Archytas de Tarente et
d’Épaminondas
[27] Une dernière période de Platon comprend les dialogues
suivants : le Timée, le Critias, le Sophiste, le Philèbe et les
Lois
[28] Platon, Apologie de Socrate, 33 c, trad. Émile Chambry.
[29] Platon, La République [détail des éditions] [lire en ligne],
Livre II, 379 b, trad. Émile Chambry
[30] Platon, Apologie de Socrate, 30 e-31 d, trad. Émile Chambry
[31] Platon, Apologie de Socrate, 20 c, e, 21 b, d, 23 a-b, 29 b,
Euthyphron, 5 a-c, 15 c - 16 a, Charmide, 165 b-c, 166 c-d,
Lachès, 186 b-e, 200 e, Hippias mineur, 372, b, e, Hippias
majeur, 286 c-e, 304 d-e, Lysis, 212 a, 223 b, Gorgias,
509 a, Ménon, 71 a-b, 80 d, 98 b, Le Banquet, 216 d, La
République, I, 337 d-e, 354 c, Théétète, 150 c, 210 c
[32] Platon, Apologie de Socrate, 33 a. Voir aussi 19 d
[15] Platon, Le Banquet, 175 a-b, 220 c-d. Voir aussi
Favorinus, dans Aulu-Gelle, Nuits Attiques, L II, ch. 1
[33] Platon, La République, I, 337 a-338 b, trad. Victor Cousin,
1833
[16] Au xixe siècle un pionnier de la psychiatrie, Louis Francisque Lélut, interprète ces faits comme symptômes de
crise de catalepsie (immobilité) ou d'aliénation mentale
(le « démon » de Socrate comme hallucination auditive).
Voir Du démon de Socrate : spécimen d’une application de
la science psychologique à celle de l’histoire, Paris, 1856
[lire en ligne]
[34] Platon, Apologie de Socrate, 30 b, trad.
[17] Xénophon, Apologie de Socrate, 10, trad. Pierre
Chambry ; 'Apologie de Socrate, 24 b-c ; Xénophon,
Mémorables, I, 1 ; Diogène Laërce, Vies, doctrines et
sentences des philosophes illustres [détail des éditions]
[lire en ligne], II, 40.
[38] Platon, La République, VII, 539 b-d, trad. Robert Baccou
[lire en ligne]
[18] Platon, Apologie de Socrate [détail des éditions] [lire en
ligne], 26 b-28a
[19] Xénophon, Mémorables, Livre I (1, 5)
[20] Plutarque, Vies parallèles [détail des éditions] [lire en
ligne], Périclès, XXXII, 2
[35] Platon, Sophiste, 230 b-e, trad. Émile Chambry
[36] Platon, Ménon, 80 a-b, trad. Émile Chambry
[37] Platon, Apologie de Socrate, 38 a, trad. Émile Chambry.
Voir aussi 28 e, 29 c-d, 30 b-c.
[39] Platon, Criton, 49 c-d. Trad. E. Chambry
[40] Voir : Platon, Lachès, 194d, Gorgias, 460b-c, Protagoras,
349d - 361b, Hippias mineur, 375d-e, République, livre I,
350d
[41] La vertu (en grec arétè) d'une chose « est ce qui lui permet d'accomplir au mieux sa fonction » (Wolff 2010, p.
69). Platon : « chaque chose s’acquitte bien de sa fonction par sa vertu propre, et mal par le vice contraire » (La
République, I, 353 c, trad. R. Baccou)
11.2
Références
19
[42] Platon, La République, IV, 430 e-431 b
[7] Hadot 1995, p. 47-48
[43] Platon, Protagoras, 324 a-b
[8] Dorion 2004, p. 123-124
[44] Platon, Criton, 49 b-c
[9] Dorion 2004, p. 7
[45] Platon, Charmide, 155 c-e, trad. Émile Chambry.
[10] 20
[46] Platon, Apologie de Socrate, 23 c, trad. Émile Chambry.
[11] Dorion 2004, p. 8-10.
[47] Cette attitude est mise en relation, au XXe siècle, avec le
principe de chasteté du psychanalyste, qui en est directement inspiré et qui le transpose du cadre philosophique au
cadre thérapeutique. Jacques Lacan édifie sa théorie du
transfert sur ce passage du Banquet. (Jacques Lacan, Le
ressort de l’amour, un commentaire du Banquet de Platon,
in Le Séminaire, livre VIII, Le Transfert, séminaire donné en 1960-1961, éd. du Seuil, 1991, p. 29-199). J. Lacan
compare Alcibiade courtisant en vain Socrate à John Kennedy qui tenterait d'attirer sans succès le romancier Henry
Miller dans son lit.
[12] Xénophon, Mémorables, II, 2
[48] Platon, Le Banquet, 222 b, trad. Émile Chambry.
[17] Dorion 2004, p. 7-8
[49] De nos jours, le couple Socrate-Alcibiade est reconnu par
certains auteurs comme un exemple de relation éducative
teintée d'homoérotisme et de désir : Muriel Briancon, Ces
élèves en difficulté scolaire qui se disent d'abord curieux du
maître, p. 58 ; Cécile Ladjani, « Où sont les maîtres ? » in
Maîtres et disciples, Études 6/2009 (Tome 410), p. 809816 (lire en ligne sur Cairn.info).
[13] Wolff 2010, p. 128
[14] Kenneth J. Dover, Homosexualité grecque (en), trad.
Suzanne Saïd, La Pensée sauvage, « Bibliothèque
d'ethnopsychiatrie », 1982, p. 190.
[15] The Bisexual Option, Arbor House, 1978, rééd. 1993, p.
136).
[16] Mossé 1987, p. 64-65
[18] Wolff 2010, p. 18-19
[19] Mossé 1987, p. 65-66
[20] Wolff 2010, p. 10-11.
[21] Dorion 2004, p. 8.
[50] Platon, Le Banquet, 204 a-b, trad. Émile Chambry.
[22] Lucien de Samosate 2015, p. 664.
[51] Platon, Le Banquet, 203 c-d, trad. Émile Chambry.
[23] Gilbert Romeyer-Dherbey, Les Sophistes, PUF, coll.
« Que sais-je ? », p. 57
[52] Modèle:PlaBa 215a-b
[53] Le Banquet, 221d-e, trad. Dacier et Grou [lire en ligne]
[54] Sur la philosophie comme « manière de vivre », voir
Hadot 1995
[55] Métaphysique, M 4, 1078b 27-30, trad. Pierron et Zévort,
1840 [lire en ligne]
[24] Dorion 2004, p. 10-11.
[25] Hadot 1995, p. 273
[26] Lucien de Samosate 2015, p. 163, note 2.
[27] Mossé 1987, p. 89, 95-99, 112-114
[28] Dorion 2004, p. 11-16
[56] Il n'en reste que des fragments. Voir : Théodoret de Cyr,
Thérapeutique des maladies helléniques, XII, 61-65 (Socrate colérique), Plutarque, De la malignité d'Hérodote,
856c (Socrate « sans éducation, ignorant et débauché »)
[lire en ligne], Diogène Laërce, II, 19 (Socrate, mignon
d'Archélaos) et II, 20 (Socrate spéculateur) [lire en ligne]
11.2
Références
[29] Isocrate dément dans son Éloge de Busiris qu'Alcibiade fut
son élève
[30] Isocrate, Éloge de Busiris, IX [lire en ligne].
[31] Vlastos 1994, p. 398-404
[32] Mossé 1987, p. 115-116 et 125-126
[1] VIII
[33] « Que philosopher, c'est apprendre à mourir », Les Essais,
I, 20
[2] Dorion 2004, p. 17
[34] Hadot 2002, p. 48-54
[3] Dorion 2004, p. 18-21
[35] Hadot 1995, p. 39-45
[4] Vlastos 1994, p. 74-76 et 130-150
[36] Hadot 1995, p. 49-60
[5] Dorion 2004, p. 21-25
[37] Hadot 2002, p. 41
[6] Luc Brisson, Louis-André Dorion, « Pour une relecture
des écrits socratiques de Xénophon », Les Études philosophiques, 2/2004, n° 69, p. 137-140 [lire en ligne]
[38] Hadot 1995, p. 339
[39] Dorion 2004, p. 3-4
20
[40] Plutarque, Du bannissement ou de l'exil, XII : « Mais
Socrate disait encore mieux, qu'il ne pensait être ni
d'Athènes, ni de la Grèce, mais du monde, comme qui dirait Rhodien ou Corinthien » (trad. Amyot).
[41] Jean-Paul Dumont, « Socrate et les sophistes », dans
La Philosophie antique, Presses universitaires de France,
« Que sais-je ? », 1962, rééd. 2002, p. 30-31 et 35-37.
11
NOTES ET RÉFÉRENCES
[70] Dorion 2004, p. 88-89
[71] Vlastos 1994, p. 251-263
[72] Vlastos 1994, p. 270
[73] Dorion 2004, p. 89-93.
[74] Vlastos 1994, p. 59-61.
[42] Klaus Döring, dans Morrison 2011, p. 24-26.
[43] Histoire de la philosophie, article « Les Présocratiques »
par Clémence Ramnoux, Tome I : p. 414 (1969)
[44] Dorion 2004, p. 27
[45] Dorion 2004, p. 28-30
[75] Eva Cantarella, Selon la nature, l'usage et la loi. La Bisexualité dans le monde antique, trad. Marie-Domitille
Porcheron, La Découverte, « Textes à l'appui », 1991, p.
90-91.
[76] Hadot 1995, p. 74-84
[46] Lucien de Samosate 2015.
[77] Lucien de Samosate 2015, p. 478.
[47] Lucien de Samosate 2015, p. 115.
[78] trad. Dacier et Grou [lire en ligne]
[48] Diogène Laërce, Vies, doctrines et sentences des philosophes illustres [détail des éditions] [lire en ligne] Livre
II, 19
[79] Hadot 2007, p. 9-15
[49] Dorion 2004, p. 31-35
[81] Hadot 2007, p. 17-21
[50] Vlastos 1994, p. 70-75, chapitre 2 : « Socrate contre Socrate chez Platon »
[82] Dorion 2004, p. 66-69
[51] Dorion 2004, p. 39-42
[52] Dorion 2004, p. 69-71
[53] Vlastos 1994, p. 220-222
[54] Diogène Laërce, Vies, doctrines et sentences des philosophes illustres [détail des éditions] [lire en ligne] : Livre
VII
[80] Hadot 2007, p. 13-17
[83] Julius Tomin, « “Socratic midwifery” », Classical Quarterly, no 37, I, 1987, p. 97-102.
[84] Alfred Edward Taylor, Varia Socratica, Oxford, 1911, p.
149 sq.
[85] Jean-Luc Périllié, “Oralité et maïeutique socratique”, in
Oralité et Écriture chez Platon (dir. Jean-Luc Périllié),
Bruxelles, Ousia, 2011 (ISBN 978-2-87060-158-7), p.
121 à 152
[55] Gorgias, Éd. Arléa (p. 58)
[56] Lucien 2015, p. 289
[57] Diogène Laërce, Vies, doctrines et sentences des philosophes illustres [détail des éditions] [lire en ligne] (III, 36)
[58] Vlastos 1994, p. 224-232
[59] Vlastos 1994, p. 241-247
[86] Jean-Luc Périllié, Mystères socratiques et traditions orales
de l’eudémonisme dans les dialogues de Platon, Sankt
Augustin, Academia Verlag, 2015, 524 p. (ISBN 978-389665-665-0, lire en ligne), p. 230 sq.
[87] Dorion 2004, p. 102-103.
[88] Dorion 2004, p. 103-109.
[60] Dorion 2004, p. 72-76
[89] Dorion 2004, p. 95
[61] Vlastos 1994, p. 388-391
[90] Dorion 2004, p. 114-115
[62] Dorion 2004, p. 43-45
[91] Vlastos 1994, p. 130-136
[63] Dorion 2004, p. 47-55
[92] Dorion 2004, p. 116-120
[64] Dorion 2004, p. 55-61
[93] Dorion 2004, p. 120-122
[65] Dorion 2004, p. 61-63
[94] Platon, Phédon (118a)
[66] Dorion 2004, p. 63-65
[67] Dorion 2004, p. 76-77
[95] Le gai savoir (340 : Socrate mourant)
[68] Dorion 2004, p. 77-84
[96] Dominique Sels, Les Mots de l’amour arrivent d’Athènes,
éd. de la Chambre au Loup, p. 210
[69] Dorion 2004, p. 84-88
[97] Socrates, sur le site du MoMA.
12.2
Liens externes
12
Annexes
12.1
Articles connexes
• Hannah Arendt
• Aristote
• Dialectique
• Ignorance
• Sören Kierkegaard
• Michel de Montaigne
• Friedrich Nietzsche
• Socratiques : Andocide (v. −440 ~ v. −392) —
Phédondès
• Platon
• Sage
• Sophiste
12.2
Liens externes
• Notices d'autorité : Fichier d'autorité international
virtuel • International Standard Name Identifier •
Union List of Artist Names • Bibliothèque nationale de France (données) • Système universitaire de documentation • Bibliothèque du Congrès
• Gemeinsame Normdatei • Bibliothèque nationale
de la Diète • Bibliothèque nationale d'Espagne •
WorldCat
• [Vidéo] Les Publications universitaires, saison 3 :
Que peut-on réellement savoir sur Socrate ?, entretien
avec Louis-André Dorion, Canal Savoir, 9 octobre
2012
•
Portail de la philosophie antique
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21
22
13
13
13.1
SOURCES, CONTRIBUTEURS ET LICENCES DU TEXTE ET DE L’IMAGE
Sources, contributeurs et licences du texte et de l’image
Texte
• Socrate Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Socrate?oldid=136299665 Contributeurs : Athymik, Francis, Luca Masters, Ryo, Didup,
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