Le Socrate de Xénophon et la maîtrise de soi
Capsule philosophique
Platon est connu pour avoir écrit des dialogues mettant en scène son maître :
Socrate. Mais un autre témoignage intéressant au sujet de ce dernier nous vient de
Xénophon. Historien et philosophe né vers 430 et mort vers 355 av. J.C., il est l’auteur de
traités dépeignant un Socrate souvent bien différent de celui de Platon. En fait, le Socrate
de Xénophon est avant tout un homme qui fait preuve de « maîtrise de soi » (enkrateia,
en grec), concept tout simplement absent dans les dialogues socratiques de Platon.
L’enkrateia est l’aptitude à maîtriser les besoins
relatifs à la nourriture, la boisson, la sexualité et le
sommeil. Dans les écrits de Xénophon, Socrate fait figure
d’exemple pour ce qui est de la maîtrise de soi, prenant par
exemple un grand plaisir à consommer un peu de pain
lorsqu’il ressent vraiment la faim, alors qu’une personne ne
se maîtrisant pas a l’habitude fâcheuse de manger quelque
nourriture rare et raffinée sans en avoir envie. En outre, la
limitation des besoins doit s’accompagner d’une tolérance
aux souffrances entraînées par l’exposition au froid, à la
chaleur et à la fatigue. Ainsi, Socrate porte le même
manteau été comme hiver, car son corps est résistant aussi
bien à la canicule qu’aux intempéries. Bonne nouvelle :
l’enkrateia s’acquiert. Mais cela n’est pas une tâche facile :
il faut s’y exercer en adoptant un mode de vie ascétique impliquant l’exercice physique et
les travaux extérieurs tels que l’agriculture.
Mais pourquoi est-il si important d’apprendre à se maîtriser? Parce que cela
permet d’atteindre l’autarcie (autarkeia). Cet état d’autosuffisance, de plénitude résultant
du fait qu’on ne souffre d’aucun manque est la clef du bonheur. Or, l’autarcie est d’autant
plus accessible que nos besoins sont modérés. C’est pourquoi si Socrate a peu de
richesses, il ne se dit aucunement pauvre. En effet, ayant très peu de besoins, il sait se
suffire de peu. L’autarcie est une qualité divine, les Dieux n’ayant pas de besoins. La
maîtrise de soi permet donc pour les mortels de ressembler aux Dieux et d’être heureux.
Catherine Guindon, département de philosophie
Bibliographie : XÉNOPHON, Mémorables, tome I (introduction générale et livre I), trad. L.-A. Dorion,
Paris, Les Belles Lettres, 2003.
Image : Xénophon (source : www.praxeology.net/xenophon-bust.bmp)