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Historiquement, le système de Currency Board est apparu au dix-neuvième siècle
quand la Banque d’Angleterre souhaitait imposer une souveraineté monétaire dans ses
anciennes possessions territoriales. Dans un tel système, c’est une société privée qui émet,
sans délais ni limites, un numéraire convertible en une devise étrangère à un taux de change
fixe. Cette Caisse d’Emission est alors astreinte statutairement à conserver un volume de
réserves au moins égal à la totalité de la masse monétaire émise et, contrairement à une
traditionnelle, elle ne garantit plus ni la liquidité des banques commerciales ni le contrôle des
flux de capitaux. Avec l’indépendance des colonies, le Currency Board a progressivement
disparu car les nouveaux pays souhaitaient légitimement disposer d’une Banque Centrale
capable d’exécuter ses propres politiques monétaires. Depuis quelques années, il a toutefois
été de nouveau préconisé pour les pays en transition vers une économie de marché ou pour
ceux connaissant des problèmes d’inflation liés à la crédibilité de leur Banque Centrale
[Hanke, 1991]. S’il permet de lutter efficacement contre l’instabilité monétaire et financière,
ce système n’est toutefois pas sans conséquences sur les mécanismes d’ajustement
macroéconomique et sur les marges de manœuvre des gouvernements.
La règle d’émission automatique suppose en effet que la monnaie soit créée
uniquement en contrepartie des réserves figurant à l’actif de la Caisse d’Emission, ce qui rend
impossible les autres sources de création monétaire (créances à l’économie ou à l’Etat). Au
final, la base monétaire est égale aux réserves de change détenues par la Caisse d’Emission et
le volume des liquidités fournies aux banques est entièrement déterminé par les flux de
devises entrants dans le pays. Dans un tel système, les politiques conjoncturelles
traditionnelles s’avèrent donc particulièrement difficile voire impossible à mener. La règle
d’émission automatique interdit toute politique monétaire et les marges de manœuvre en
termes de politique budgétaire sont limitées par l’impossibilité de monétiser les déficits
publics et par un endettement extérieur souvent déjà extrêmement lourd. Au total, dans un tel
système, on mise donc plutôt sur les forces du marché, à travers les variations de prix et de
salaire, que sur l’action de la Banque Centrale ou du gouvernement pour assurer les
ajustements macroéconomiques face à un choc extérieur1. Lorsque l’environnement est
particulièrement instable, comme celui qu’a connu l’Argentine, ces mécanismes d’ajustement
peuvent alors s’avérer extrêmement lourds, notamment sur le marché du travail.
1 Hanke [1998] parle du système de Currency Board comme d’un système auto-équilibrant ne nécessitant pas
l’intervention de l’Etat.