La psychanalyse!: une
théorie fumeuse en
tabacologie!?
Joël Pacoret
DIU de Tabacologie
Universités de Paris 11 et 12
Année 2009
Joël Pacoret
Psychologue
21, rue du Départ
75014 Paris
01 43 22 58 22 / 06 12 78 15 95
Lieu dʼexercice :
Service de Rééducation Fonctionnelle Cardiaque
Clinique Les Fontaines
54, boulevard Aristide Bruand
77000 Melun
Introduction.
Psychologue de formation psychanalytique, je me suis intéressé, lors des
enseignements du DIU de Tabacologie, aux approches psychothérapeutiques
évoquées par les différents intervenants. Jʼai ainsi pu situer ma pratique dans
les courants de pensée dʼaujourdʼhui. Les explications données aux étudiants
sur les thérapies comportementales et cognitives (TCC) permettaient de se
représenter cette approche. En revanche, lorsque la psychanalyse a été
citée, il nʼétait pas évident dʼen saisir lʼintérêt.
Les différents courants de la psychanalyse en font une théorie complexe,
souple et nuancée, souvent réduite à des concepts caricaturaux. Cette
réduction ne donne pas envie dʼen savoir plus sur cette pratique. Les causes
de ce phénomène sont multiples et font ailleurs lʼobjet dʼabondants débats.
Cependant, dans le cadre de la consultation dʼaide au sevrage tabagique, la
rencontre avec le patient dépendant pose au psychothérapeute des difficultés
que lʼapproche par les TCC ne suffit pas à résoudre. Dans ce face à face,
certains concepts psychanalytiques peuvent fournir une aide au clinicien. Ils
ne sʼopposent pas aux théories cognitives, ils permettent de penser certaines
singularités intrapsychiques et interindividuelles. Dans ce mémoire,
jʼessaierai de rendre ces concepts intelligibles en en situant lʼintérêt pratique.
Je mʼappuierai pour cela sur ma pratique. Ma culture psychanalytique était
insuffisante pour penser, et donc espérer aider, les patients que je
rencontrais en Rééducation Fonctionnelle Cardiaque.
Reçus pour diverses maladies cardiaques (dilatation, pontage, greffe...) ou
vasculaires, jʼétais surpris des tableaux psychologiques quʼils présentaient. A
ce stade post-traumatique précoce, certains semblaient déjà avoir oublié ce
qui venait de leur arriver, comme ces patients qui ne cessent pas de fumer
alors même que les amputations se succèdent. La dépendance nʼétait donc
pas quʼun mot, un concept, mais bien la cause concrète de leur impossibilité
dʼarrêter de fumer. Je suivais en parallèle de ce début de pratique les cours
du DIU. Ils mʼapportaient des outils nouveaux que je mettais en pratique.
Mais je restais sur ma faim de psychanalyste, la richesse des rencontres
avec les patients ne me semblait pas se résumer entièrement aux modèles
cognitifs et comportementaux.
Mais cette question ne me semblait pas avoir été traitée par la psychanalyse,
bien que lʼimage de Freud avec son cigare soit très connue.
Cʼest donc dʼabord avec le livre de Philippe Grimbert “Pas de fumée sans
Freud” que jʼai cherché à comprendre ce qui nʼavait pas pu lui échapper.
Cette première approche du tabagisme par la psychanalyse mʼa beaucoup
appris. Je rappellerai ce que fut sa relation au cigare car elle a profondément
influencé sa théorisation. Freud, fumeur dépendant, a peu écrit sur le
tabagisme. Mais Grimbert nous livre, en creux, ce qui, dans la théorie
psychanalytique elle-même, porte la marque de cette dépendance. Il sʼagit de
comprendre comment la gestation freudienne de la psychanalyse en fait un
outil de choix pour éclairer la dépendance tabagique.
Jʼapprofondirai ensuite cette approche psychanalytique en mʼappuyant sur le
lumineux travail dʼOdile Lesourne “Le grand fumeur et sa passion”.
Psychanalyste de terrain, elle sʼest employée à expliquer les mécanismes
complexes et paradoxaux rencontrés dans le tabagisme, tant dʼun point de
vue collectif que par des études de cas. Elle explore des concepts
psychanalytiques expliquant chronologiquement le développement la
problématique psychique du grand fumeur. Ce paradigme constitue un
corpus théorique un peu abstrait et présuppose une connaissance de la
psychologie. Jʼillustrerai son argumentaire en le rapprochant de notions, de
questions ou dʼexemples rencontrés en consultation de tabacologie.
Ceci me permettra de rappeler quelques idées utiles en consultation de
tabacologie.
La théorie psychanalytique sous dépendance
tabagique.
Freud, penseur dépendant.
Le livre de Philippe Grimbert,"«"Pas de fumée sans freud"» montre comment
le tabagisme et le cancer ont influencé la manière dont est née la théorie
freudienne.
Freud alors “simple” neurologue sʼessaiera à la cocaïne et sʼen trouvera “très
satisfait”, cʼest la peur de lʼaccoutumance qui lʼamènera à arrêter.
Il ne sera pas capable de cet arrêt pour les cigares : Freud fume
pratiquement sans discontinuer. La photo en couverture de nombreuses
parutions des textes de Freud donne le ton : tous ceux qui sʼintéressent au
personnage la connaissent. Elle illustre des idées répandues dans le milieu
psychanalytique. Le cigare serait, dans cet imaginaire collectif, un alter ego
intérieur lors de ses réflexions personnelles, un passage obligé lors des
réunions avec les premiers disciples et pourrait être à lʼorigine de la durée
type de la séance de psychanalyse (45 minutes).
Creusant au-delà de ces image, Grimbert relie la naissance des premiers
concepts à la dépendance de Freud au tabac. Pour cela, il se plonge dans sa
correspondance. En effet, pendant plusieurs années, il écrit quotidiennement
à Fliess et cette relation épistolaire rappelle celle de lʼanalysant avec son
analyste. Grimbert “psychanalyse” donc cette correspondance, très
abondante et très intime. Il la rapproche de la chronologie des élaborations
théoriques, pour montrer à quel point celles-ci sont influencées, souvent
inconsciemment, par le rapport de Freud au tabac.
Ainsi, dans ses lettres, Fliess lui fera toujours remarquer la toxicité de son
tabagisme. On peut retenir trois effets de ce jugement sur la naissance de la
théorie de Freud":
- il déploiera toutes les ruses de lʼanalysant qui veut conserver son symptôme
hors de portée de lʼinterprétation de lʼanalyste. Il tentera même de démontrer
le bien fondé de son habitude pour son travail intellectuel, voire son bénéfice
pour ses troubles cardiaques : cʼest ce quʼil nommera la résistance du
patient à la résolution des ses souffrances.
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