Les fibres, en tant que composant principal d’une feuille, font l’objet d’un intérêt particulier de
la part du papetier. En effet, selon leurs caractéristiques (longueur, flexibilité, masse linéique…),
les propriétés du papier varient. Ainsi, les fibres longues, dont la longueur dépasse typiquement
1,5 mm, proviennent de résineux et confèrent de bonnes propriétés mécaniques. Les fibres
courtes, qui sont issues de feuillus, conduisent à de meilleures propriétés optiques. “L’art” du
papetier consiste notamment à combiner différents types de fibres afin d’obtenir au meilleur coût
un papier ayant des caractéristiques précises (en termes de grammage, blancheur, propriétés
mécaniques et optiques).
Ce matelas fibreux peut faire à son tour l’objet de différents traitements, visant en général à
accroître les propriétés de surface de la feuille. Une opération fréquente consiste à recouvrir
celle-ci de différents adjuvants (amidon…) ou pigments (kaolin, carbonate de calcium…). Ce type
de traitement, pratiqué sur un ou deux côtés, rend la feuille plus lisse, et donc plus facile à
imprimer (papier “couchés”, et appelés couramment “papiers glacés”). Des opérations méca-
niques (passage entre des rouleaux sous pression…) contribuent si nécessaire à donner à la
feuille un aspect “satiné”.
Typologie de la ressource fibreuse
Les fibres papetières peuvent provenir soit de bois, soit de papiers récupérés (mises en suspen-
sion dans de l’eau, “purifiées” et désencrées, ces fibres peuvent pour une large part être réuti-
lisées pour la production d’une nouvelle feuille). L’utilisation de fibres issues de papier recyclé
est complémentaire de l’utilisation de fibres issues de bois. En effet, certaines sortes de papier
(la terminologie papetière emploie “sorte” pour “type de papier”) ne peuvent être produites qu’à
partir de fibres vierges ; l’augmentation de la consommation de papier nécessite l’apport de
nouvelles fibres ; enfin, le recyclage provoque une dégradation des fibres qui nécessite après
plusieurs cycles que celles-ci soient remplacées.
Les pâtes, qui sont des biens intermédiaires provenant de la transformation du bois, outre les
différences de longueur de fibres, présentent des caractéristiques très différentes selon leur
procédé de fabrication :
— Les pâtes à haut rendement sont formées par le traitement thermique et la désintégra-
tion mécanique de copeaux entre deux disques à dents, séparés de quelques microns, et animés
d’un mouvement relatif. Ce procédé conduit à des fibres qui contiennent l’ensemble des éléments
du bois (cellulose, hémicelluloses, lignine) et présentent donc un fort rendement, proche de
95 % (une tonne de bois écorcé sec permet de fabriquer 950 kg de pâte sèche). En dépit de la
forte consommation d’énergie nécessaire à séparer les fibres du bois, du fait de son rendement,
ce procédé conduit à des pâtes dont le coût de revient est parmi les plus faibles. Ce sont des
pâtes dites “thermomécaniques” (ou TMP) qui sont majoritairement produites en France, elles
sont obtenues par un procédé mettant en œuvre de la vapeur sous pression.
— Les pâtes chimiques (majoritairement produites selon un procédé alcalin dit de type
“kraft”) proviennent de l’action de produits chimiques sur des copeaux (processus dit de
“cuisson”). Cette cuisson du bois sous forte pression en présence de composés sulfatés permet
de dégrader la lignine en conservant la cellulose. Le rendement de ce procédé est de 45-50 %,
la lignine présente dans le bois ne se retrouvant plus que très faiblement dans la pâte. En effet,
la lignine est majoritairement dissoute dans la liqueur de cuisson appelée alors “liqueur noire”.
La combustion de la liqueur noire dans une chaudière de régénération permet de produire une
importante quantité d’énergie. Notons que cette production d’énergie s’effectue en émettant du
carbone biogénique, qui ne contribue pas au réchauffement climatique.
50 Rev. For. Fr. LVI - numéro spécial 2004
PAUL-ANTOINE LACOUR