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PRÉFACE |
La conception d’un point de vente requiert une
démarche de design global, consistant à établir le
positionnement commercial, stratégique d’une
enseigne ou d’une marque par le biais d’un pro-
jet créatif, original et innovant en termes à la fois
de graphisme, d’architecture, d’aménagements, de
merchandising et d’ambiance de magasin.
La vitrine (du latin populaire vitrinus, « verre »), pre-
mier média du point de vente puisque cet espace
aménagé derrière la vitre du magasin est visible
depuis l’extérieur, fait partie intégrante de cette
réflexion globale.
LA VITRINE DANS L’HISTOIRE
De tous temps, la vitrine a été conçue comme un
outil de séduction commerciale. Au Moyen Âge
déjà, la boutique, ouverte sur la rue, ménage une
vitrine sur le rebord d’une fenêtre, sur une planche
élargie appelée « étal », qui deviendra l’étalage.
Mais ce n’est qu’au xviie siècle que l’on voit appa-
raître les devantures vitrées. Leur architecture se
compose de boiseries sculptées, l’éclairage est déjà
travaillé et les premières « présentations de pro-
duits » y sont installées.
Dans les années 1830, les éclairages au gaz se déve-
loppent, et grâce à la qualité de transparence du
verre obtenue dès la fin du siècle précédent, les
vitrines illuminent les rues, comme en témoigne
Émile Zola dans Pot-Bouille (1882) : « Sur le pavé noir
et boueux, les vitrines claires des magasins fraîche-
ment décorés, flambant de gaz, jettent des carrés
de vive lumière. »
Les grands travaux du Second Empire favorisent
l’élargissement des trottoirs. Parallèlement, les
progrès techniques permettent d’augmenter les
dimensions des vitrages. Les vitrines deviennent
alors de plus en plus imposantes, elles sont
claires et lumineuses, propices à créer le désir, le
rêve et la magie. Les concepteurs des vitrines des
grands magasins comme des boutiques des pas-
sages débordent d’imagination pour présenter les
nouveaux produits et inciter les chalands à entrer.
Dès 1870, l’industrie permet de développer de très
grandes dimensions de vitrages. Il est donc possible
d’ouvrir au maximum les boutiques situées en rez-
de-chaussée.
Plus tard, l’Art nouveau utilise pour les vitrines
des glaces biseautées et des plaques de verre pour
dessiner des courbes et des contrecourbes. Les
années 1930 apportent davantage de sobriété dans
le décor, mais les vitrines occupent parfois toute la
longueur de la façade du magasin, intégrant même
la porte d’entrée, donnant ainsi à voir tout l’inté-
rieur. Le magasin de chaussures Bally dessiné par
Robert Mallet-Stevens, modifié depuis, était un des
exemples de ces grandes vitrines dépouillées en
saillie sur la façade.
Au cours du xxe siècle, les tendances s’affrontent,
entre les petites vitrines fermées avec allèges, ban-
deaux et stores pour les magasins de luxe, et les
grandes vitrines transparentes et ouvertes pour les
magasins populaires.
Aujourd’hui, la prise en compte des aspects mar-
keting, dans le cadre d’une démarche de design
global, oriente différemment les choix décoratifs.
La vitrine véhicule les valeurs et le positionnement
d’une enseigne ou d’une marque en lui donnant du
sens et de la cohérence. Elle est un vecteur de com-
munication qui transmet une identité, une image,
diffuse des messages, porte des évènements, des
lancements de produits, etc.
Leur renouvellement est permanent, en fonction
des saisons, des promotions ou de la présenta-
tion de nouvelles marchandises. Cette évolution
témoigne d’une créativité remarquable, souvent
digne d’une œuvre d’art.
LE LÈCHE-VITRINE
ET L’ACTE D’ACHAT
Le terme populaire de « lèche-vitrine » est né au milieu
du xxe siècle. Alain Rey dans son Dictionnaire culturel en
langue française le définit ainsi : « Action de flâner en
regardant les étalages. » Il a pour synonymes « chalan-
dage », ou encore « magasinage » au Canada.
Certes, on ne « lèche pas » une vitrine, mais il s’agit là
d’une façon de dire qu’on peut convoiter son contenu
avec la force de nos désirs d’enfant. Notre fascination
pour la vitrine elle-même joue un rôle primordial
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