La conciliation des traitements médicamenteux à l`entrée : retour d

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Article original
J Pharm Clin 2014 ; 33 (1) : 33-40
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La conciliation des traitements
médicamenteux à l’entrée :
retour d’expérience
dans un établissement chirurgical
Medication reconciliation at admission:
feedback in a surgical hospital
Romain Lecointre, Marie-Pierre Dakessian
Service pharmacie/stérilisation, Clinique du Parc, Lyon, France
<[email protected]>
Résumé. La conciliation des traitements médicamenteux (CTM) vise à prévenir les risques iatrogènes lors du
parcours d’un patient au sein du système de soins. Elle doit mettre en évidence les divergences constatées entre
le traitement personnel du patient et la prescription faite durant son séjour. Objectif : L’objectif de ce travail a
été de réaliser un premier bilan de la mise en place de la CTM au sein d’un établissement à activité chirurgicale
programmée. Matériels et méthodes : Cette étude prospective a été réalisée sur une période de 4 semaines. Tous
les patients entrant pour une hospitalisation complète ont été suivis. Une feuille de recueil de données a été créée
afin de reporter les éléments de la conciliation. Résultats : 109 patients ont été inclus durant la période d’étude.
Les patients âgés de plus de 65 ans représentaient 48 % de la population ; 37,6 % des prescriptions ont présenté
au moins une divergence. Une erreur de prescription non intentionnelle a été mise en évidence dans neuf cas.
Conclusion : Le suivi de l’activité de CTM dans notre établissement retrouve des résultats inférieurs aux principales
données de la littérature. Cette différence s’explique probablement par le caractère d’admission programmée de
nos patients. Néanmoins, les divergences intentionnelles mises en évidence justifient le développement de la
conciliation afin de lutter contre la iatrogénie.
Mots clés : conciliation des traitements médicamenteux, chirurgie, divergence intentionnelle
Abstract. The purpose of medication reconciliation (MR) is to prevent iatrogenic risk during the patient’s transit
in the health care system. This action must bring out difference between list of patient’s home medications and
treatment orders. The aim of this study is to assess the initiation of MR in our private surgical clinic. Materials
and methods: This prospective study was conducted during four weeks. All patients hospitalized were followed.
A dashboard was created in order to collect data. Results: 109 patients were included in our study; 48% of patients
were aged 65 or older; 37.6% of prescriptions had at least one medication variance; 9 unintended errors have been
demonstrated. Conclusion: Medication reconciliation monitoring in our institution shows inferior results compared
to literature. Difference can be explained by medical activity of our clinic. However, unintended variances justify
development of medication reconciliation in order to decrease iatrogenic errors.
Key words: medication reconciliation, surgical, unintended variance
Tirés à part : R. Lecointre
Pour citer cet article : Lecointre R, Dakessian MP. La conciliation des traitements médicamenteux à l’entrée : retour d’expérience dans un établissement
chirurgical . J Pharm Clin 2014 ; 33(1) : 33-40 doi:10.1684/jpc.2014.0270
33
R. Lecointre, M.P. Dakessian
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E
n 2006, l’Organisation mondiale de la santé (OMS)
a diffusé [1] cinq grands projets dans le domaine
de la sécurité des patients.
La conciliation des traitements médicamenteux (CTM)
a été définie comme l’une des priorités à mettre en œuvre
dans le parcours de soins. En effet, cette activité vise à
assurer une « sécurité de la prescription médicamenteuse
aux points de transitions ». Sa finalité est de prévenir les
erreurs iatrogènes pouvant survenir dans le parcours d’un
patient au sein d’un système de soins.
En France, la dernière Enquête nationale sur les événements indésirables liés aux soins (ENEIS) de 2009 a
mis en évidence une fréquence de 6,2 événements indésirables graves pour 1 000 hospitalisations en rapport
avec la prise en charge médicamenteuse. Cela correspond
à un événement tous les cinq jours pour une unité de
soins de 30 lits [2]. Cette étude a également montré une
augmentation de cette moyenne au sein des services de
chirurgie.
Face à ce constat, la CTM s’est peu à peu développée
dans les établissements de santé afin de lutter contre la
iatrogénie médicamenteuse. Pour être pertinente, elle doit
être réalisée, par des professionnels de santé, à des points
jugés « critiques » dans le parcours d’un patient. Il s’agit
de l’admission, d’un transfert et de la sortie.
Cette activité doit permettre la mise en évidence de
divergences intentionnelles ou non intentionnelles entre
le traitement habituel du patient et la prescription hospitalière [3].
Une divergence intentionnelle se caractérise par une
modification volontaire et argumentée de la prescription.
A contrario, un écart non intentionnel avec les données
initiales est une erreur de prescription.
D’autre part, le processus de conciliation s’inscrit dans
le contexte réglementaire actuel dont les objectifs sont
la sécurisation du parcours de soins. En effet, l’arrêté du
6 avril 2011 [4] impose les modalités à mettre en application « afin d’assurer la continuité des soins et garantir la
sécurité du patient ».
De plus, le critère 20.a de la certification de la Haute
autorité de santé précise l’importance de la mise en œuvre
d’actions visant à améliorer le management de la prise en
charge médicamenteuse du patient [5].
Suite à ces différentes constatations, la clinique du Parc
à Lyon a mis en place une activité de conciliation au sein
du département pharmacie depuis avril 2013.
Notre établissement est une structure privée à
but lucratif de 220 lits spécialisée dans la chirurgie
programmée.
L’orthopédie et l’ophtalmologie constituent les deux
principales activités chirurgicales de l’établissement.
Dans la majorité des cas, les patients sont vus en
consultation d’anesthésie avant leur admission programmée. Durant cet entretien, le traitement médicamenteux
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personnel du patient est saisi dans le logiciel de prescription informatique par le médecin.
Avant l’admission du patient, chaque ordonnance
d’admission est validée par l’équipe pharmaceutique
selon la méthodologie de la Société française de pharmacie clinique [6, 7] et les traitements sont fournis à l’unité
de soins de manière nominative.
L’accès au dossier patient permet de réaliser une
conciliation médicamenteuse partielle (puisqu’uniquement basée sur l’ordonnance de ville) en mettant en
rapport les prescriptions des traitements en cours et
la prescription hospitalière. Les ordonnances du patient
sont scannées et accessibles afin de réaliser la validation pharmaceutique. Le Bilan médicamenteux optimisé
(BMO), qui consiste à avoir recours à plusieurs sources
d’information, ne peut pas être réalisé de manière optimale. Cette première étape de conciliation est réalisée en
l’absence du patient au sein de l’établissement, ce qui
prive le pharmacien d’un entretien. En cas d’interrogation
sur un problème constaté, le pharmacien doit attendre
l’admission du patient pour pouvoir poursuivre ses
investigations (interrogatoire patient/entourage, contact
officine. . .).
Au final, toute divergence constatée est notifiée
au prescripteur via l’outil informatique afin de tracer
l’intervention pharmaceutique. Un contact téléphonique
est également entrepris afin de discuter du problème
rencontré.
Les médicaments post opératoires viennent ensuite se
rajouter à la prescription d’admission.
Cette étude a pour but de réaliser un premier bilan
de notre activité après quelques mois de pratique, afin de
pouvoir quantifier et qualifier les divergences rencontrées
lors de la validation des traitements.
Matériels et méthode
Notre étude prospective s’est déroulée sur une période
de quatre semaines. Tous les patients admis en hospitalisation complète ont été inclus dans ce suivi ainsi que les
malades entrant dans un contexte d’urgence chirurgicale.
L’activité de conciliation a été réalisée au moment de
la validation des traitements personnels des entrants. Le
processus relatif à l’activité de conciliation est représenté
sur la figure 1.
Le pharmacien, grâce à l’accès au dossier patient informatisé, pouvait prendre connaissance des médicaments
utilisés au moment de l’admission par le patient.
Les différentes informations utilisées lors de la
conciliation ont été reportées sur une feuille de suivi
(figure 2).
Les éléments recueillis sont les suivants :
– l’identité du patient (non, prénom, âge et sexe) ;
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La conciliation des traitements médicamenteux à l’entrée
Conciliation
Non
Divergence
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Oui
Nature
divergence
Non
intentionnelle
Intentionnelle
Argumentée
Non
argumentée
Contact
médecin
Validation
Intervention
pharmaceutique
Dispensation
Administration
Figure 1. Processus de conciliation.
– la durée de séjour et le motif chirurgical d’entrée ;
– le nombre de lignes du traitement médicamenteux
personnel ;
– le support de prescription présent dans le dossier et la
lisibilité de ce dernier ;
– le nombre de médicaments prescrits à l’admission ;
– les divergences médicamenteuses constatées ;
– les investigations menées pour réaliser le processus en
cas de divergence.
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Une analyse rétrospective des « divergences médicamenteuses constatées » a été réalisée afin de suivre
l’intervention pharmaceutique réalisée. Les informations
relatives à l’identité du patient permettent une interrogation de l’outil informatique des prescriptions réalisées
durant le séjour d’un patient.
Le support de prescription du traitement personnel
nous a semblé être un élément important à prendre en
compte.
35
R. Lecointre, M.P. Dakessian
FICHE DE
CONCILIATION
Nom :
CTM :
Prénom :
Proactive
Age :
Rétroactive
Sexe :
Liste des médicaments
Nombre de lignes : ……..
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• Ordonnance dactylographiée scannée et lisible
• Ordonnance dactylographiée scannée et non lisible
• Ordonnance manuelle scannée lisible
• Ordonnance manuelle scannée non lisible
• Fiche de consultation d’anesthésie
• Aucun document accessible
Remarque (durée du séjour, spécialité, autres…) :
Prescription à l’entrée
Nombre de lignes : ……..
Liste des médicaments non repris par rapport au traitement habituel :
Divergence sur les médicaments retranscrits :
OUI
NON
Nature :
Ressource en cas de problème :
Ressource en interne :
Pharmacie
Patient
Traitement personnel
Courrier
Remarques :
Figure 2. Fiche de conciliation.
En effet, lors de la consultation médicale, les ordonnances sont scannées par la secrétaire afin que celles-ci
soient intégrées au dossier d’anesthésie. La lisibilité,
notamment des ordonnances manuscrites, peut poser un
problème dans l’identification, le dosage ou la posologie
d’un médicament. Ces dysfonctionnements peuvent avoir
des répercussions sur la continuité de la prise en charge
en cas d’erreur de lecture.
L’item « fiche de consultation anesthésie » correspond à un support interne informatique dédié aux
médecins anesthésistes de l’établissement. Ce document
contient de nombreux éléments (identité patient, type
d’intervention, antécédents, données physiologiques, élé-
36
ments pour l’intubation, traitements. . .) notés lors de la
consultation.
En l’absence d’ordonnance scannée, ce support peut
servir parfois de document d’aide pour connaître les médicaments. Le traitement personnel y est souvent retranscrit
à titre informatif. Ce document ne correspond pas à une
ordonnance pour la prescription des médicaments.
La CTM est majoritairement proactive au sein de notre
organisation. Pour rappel, une analyse proactive implique
que le prescripteur possède, au moment de la prescription, l’ordonnance de ville du patient. Ce qui est le cas
dans notre organisation, car le patient doit obligatoirement venir en consultation d’anesthésie avec tous les
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La conciliation des traitements médicamenteux à l’entrée
éléments permettant de connaître son historique médicamenteux.
Certaines situations particulières (urgence, reprise. . .)
peuvent entraîner une conciliation rétroactive de la part
du pharmacien. En effet, dans une situation d’urgence, le
patient ne possède pas forcément tous les éléments permettant de rechercher son historique médicamenteux. La
prescription médicale est souvent réalisée en l’absence de
données pertinentes. Le rôle du pharmacien est alors de
réaliser une investigation poussée afin d’établir le traitement du patient pris à domicile. Ce mode de validation
est également pratiqué lors des admissions programmées
en dehors des horaires d’ouverture de la pharmacie.
La « liste des médicaments non reconduits » a permis
d’étudier les molécules non prescrites à l’admission. Cette
liste correspond aux médicaments non repris par rapport
au traitement personnel du patient.
Enfin, lorsqu’une divergence non intentionnelle était
constatée par le pharmacien, l’information était transmise au prescripteur qui effectuait la visite du soir. En
effet, notre organisation fait que le médecin prescripteur
du traitement initial n’est pas obligatoirement celui qui
suit le patient pendant l’intervention chirurgicale et son
séjour.
Un anesthésiste « de garde » effectue chaque soir une
visite des opérés de la journée et passe également dans les
unités de soins. Par conséquent, c’est ce médecin qui est
le contact privilégié en cas de problème sur le traitement
d’un patient.
Les données collectées ont été ensuite analysées
et les divergences ont été classées en fonction de la
nomenclature du « Dictionnaire français de l’erreur médicamenteuse » [8].
Sur notre population, 53 patients (48 %) avaient plus
de 65 ans et comptaient en moyenne 4,39 médicaments
[+/- 3,16].
Le support ayant permis de réaliser la CTM a été majoritairement une ordonnance scannée dactylographiée
(41 %) disponible dans le dossier patient informatique.
Les autres supports de prescription sont présentés sur
la figure 3.
À noter que tous ces documents présentaient une
lisibilité suffisante pour permettre une relecture sans
ambiguïté.
Pour les CTM ayant été réalisées en l’absence de
support directement accessible (8 %), la validation de
la prescription a nécessité un temps supplémentaire. Le
pharmacien a alors consulté le dossier papier accessible
dans l’unité de soins afin de retrouver un support permettant de connaître le traitement du patient. Dans tous les
cas, la source d’information a été recueillie à partir des
documents présents dans le service de soins.
Une divergence a été constatée entre le traitement
à l’entrée et la prescription en ville dans 41 situations
(37,6 %).
8%
41 %
37 %
Résultats
Notre étude a inclus au total 109 patients du 15 juillet au
11 août 2013. La moyenne d’âge de notre population était
de 62,7 ans [48,1-77,3] avec un ratio femme/homme de
1,36.
Soixante-huit pour cent des patients ont été admis
pour une chirurgie orthopédique, 17 % pour un acte
chirurgical ophtalmique et 10 % pour de la chirurgie esthétique. Le reste des patients a subi une intervention d’autres
spécialités chirurgicales.
La durée d’hospitalisation était de 3,96 jours [1,576,35]. La CTM a été réalisée dans 84 % des validations
dans une situation proactive.
En moyenne, chaque patient avait une ordonnance à
l’entrée comportant 3,8 médicaments [0,98–6,62] avec des
extrêmes allant de 0 à 12 produits par patient. La prescription rédigée à l’entrée comportait 3,01 médicaments
[+/- 2,03].
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0%
0%
14 %
Ordonnance
dactylographiée
scannée et lisible
Ordonnance
dactylographiée
scannée et non lisible
Ordonnance
manuelle scannée lisible
Ordonnance
manuelle scannée
non lisible
Fiche de
consultation d’anesthésie
Aucun
support
Figure 3. Répartition des supports de prescription.
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R. Lecointre, M.P. Dakessian
Deux types de divergences ont été mises en évidence :
– les intentionnelles (32 soit 78 %) qui correspondent à
des arrêts de traitement justifiés ;
– les non intentionnelles qui sont des erreurs de prescription. Cela correspond à 9 divergences soit 22 %.
Notre étude a ainsi mis en évidence :
– 4 erreurs de dose ;
– 2 erreurs de posologie ;
– 2 erreurs de médicament ;
– 1 erreur de forme galénique.
Toutes ces divergences non intentionnelles ont été suivies d’une modification de la prescription initiale. Le détail
de ces erreurs est résumé dans le tableau 1.
Les divergences intentionnelles sont représentées par
les traitements pris à domicile et que le médecin n’a pas
jugé opportun de poursuivre pendant l’hospitalisation.
Au cours de notre étude, 95 spécialités médicamenteuses ont été arrêtées à l’entrée. La répartition des
différentes classes thérapeutiques est présentée sur la
figure 4. À noter que la classe « autres » regroupe
les médicaments d’importance thérapeutique moindre
dont l’utilisation peut être discutée (veinotoniques, vasculoprotecteurs, vitamines et éléments minéraux. . .) et
qui ne sont pas disponibles au livret thérapeutique de
l’établissement.
Les antalgiques sont les traitements les plus fréquemment arrêtés à l’entrée des patients.
9%
2%
29 %
10 %
9%
35 %
6%
Anticoagulants
Autres
Antisécrétoires
Antidiabétiques
Anxiolytiques/
Antidépresseurs
Antalgiques
Antihypertenseurs
Figure 4. Classe thérapeutique des médicaments non reconduits à l’entrée du
patient.
Tableau 1. Détail des divergences non intentionnelles constatées.
Type d’erreur
Traitement habituel
Traitement prescrit à l’entrée
Dose
Lamictal® (lamotrigine) 100 mg
Lamictal® (lamotrigine) 50 mg
Dose
Aldactone® (spironolactone) 75 mg
Aldactone® (spironolactone) 25 mg
Dose
Oméprazole 20 mg
Mopral® 10 mg
Dose
Zyloric® (allopurinol) 200 mg
Zyloric® (allopurinol) 100 mg
Forme galénique
Aerius® (desloratidine) comprimé 5 mg
Aérius® (desloratidine) suspension buvable
Posologie
Téralithe® (lithium) 400 mg LP
1,5 comprimé par jour
Téralithe® (lithium) 400 mg LP
2 comprimés par jour
Posologie
Klipal® (codéine/paracétamol)
1 comprimé matin, midi et soir
Klipal® (codéine/paracétamol)
3 comprimés le soir
Médicament
Valsartan/hydrochlorothiazide
160/25 mg
Valsartan 160 mg
Médicament
Clopidogrel 75 mg
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Kardégic® (acide acétylsalicylique) 75 mg
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La conciliation des traitements médicamenteux à l’entrée
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Discussion
Cette étude met en évidence le processus de conciliation médicamenteuse initié dans le cadre de l’activité de
pharmacie clinique.
L’originalité de ce travail repose sur le mode de fonctionnement de notre établissement. La Clinique du Parc de
Lyon est une structure privée accueillant majoritairement
des patients en chirurgie programmée. Peu de données
de la littérature sont disponibles sur la problématique de
l’hospitalisation privée [9]. En revanche, l’activité chirurgicale programmée a fait l’objet de publications [10, 11].
L’impact d’une intervention pharmaceutique en préopératoire, complémentaire de la consultation médicale,
permet de réduire les erreurs médicamenteuses durant
le séjour du patient. Cette valorisation de la conciliation
médicamenteuse n’a pas été évaluée dans notre étude
initiale.
Notre cohorte de patients est suffisamment importante
pour pouvoir étudier les données. Toutefois, ce nombre
de patients admis est inférieur au nombre réel d’entrées.
Cette différence s’explique, d’une part, par le profil de
patients admis et, d’autre part, par l’activité de chirurgie
ambulatoire.
La majorité de nos CTM a été réalisée de manière pro
active.
La « pré-prescription » quelques jours avant l’entrée
du patient permet d’anticiper de nombreux problèmes à
l’origine d’une discontinuité dans le suivi du traitement.
À noter également que l’informatisation du circuit et du
dossier patient permet de réaliser ces analyses pharmaceutiques de manière optimale.
Le pourcentage de divergences non intentionnelles
constaté est de l’ordre de 8 %. Ce chiffre reste inférieur aux
données de littérature [12]. Néanmoins, malgré un faible
taux d’erreur, l’analyse des situations ayant nécessité une
intervention pharmaceutique montre les conséquences
potentiellement graves de ces divergences.
Les médicaments dits « de confort » ou d’intérêt
thérapeutique « mineur » ne sont que très rarement
repris à l’entrée. Par ailleurs, certaines classes thérapeutiques majeures (anticoagulant, antidiabétiques, troubles
digestifs. . .) sont adaptées en fonction des recommandations liées à l’anesthésie et conformes aux directives sur
« la gestion péri-opératoire des traitements chroniques »
émises par la Société française d’anesthésie et réanimation
[13].
Enfin, il est important de noter que les traitements
antalgiques sont réévalués systématiquement à l’entrée du
patient dans le cadre de la protocolisation de la prise en
charge de la douleur.
Les divergences non intentionnelles ne représentent
que 8 % des patients dans notre étude.
J Pharm Clin, vol. 33 n◦ 1, mars 2014
Ce chiffre est très inférieur aux données retrouvées
dans la littérature. Perennes et al. [14], sur une population
de patients de médecine interne, ont mis en évidence près
de 41 % de divergences. La population de cette étude est
néanmoins plus âgée et a plus de lignes de traitement.
Pour Cornish et al. [15], le pourcentage de divergence
reporté est de 53,6 %. Cet écart, par rapport aux données
publiées, peut s’expliquer par le type d’activité chirurgicale de notre établissement.
La consultation d’anesthésie est l’occasion de synthétiser les traitements médicamenteux pris par le patient et
de rédiger la prescription d’entrée.
L’analyse de ces erreurs non intentionnelles montre
néanmoins une gravité potentiellement importante pour
le patient. Cet élément justifie la conciliation afin de lutter
contre la iatrogénie médicamenteuse.
Les erreurs de dose et de forme galénique peuvent
être liées à l’outil informatique en cours de développement au sein de la clinique (Osoft® ). Comme le souligne
la récente étude de Charpiat et al. [16], la prescription
informatique peut générer de manière involontaire des
erreurs aux conséquences cliniques parfois graves.
Le retour des prescripteurs sur ces erreurs imputables
à l’outil de prescription pointe la difficulté de saisie
du médicament par le logiciel lors de la rédaction de
l’ordonnance d’entrée.
En effet, notre support fournit la liste complète des
spécialités disponibles. Les produits du livret thérapeutique sont uniquement identifiés par un icône de couleur.
Bien souvent, le prescripteur choisit le premier dosage
de la liste pour une spécialité et rajoute un commentaire.
Mais, ces erreurs de posologie représentent un risque
majeur pour le patient.
Notre étude présente des biais qui peuvent prêter à
discussion.
Tout d’abord, nous utilisons une seule source de
données pour réaliser les CTM contrairement aux recommandations du protocole standard’5 qui en préconise
au moins trois. Il s’agit de l’ordonnance du patient présente dans son dossier informatique. La recherche active
d’informations sur les traitements du patient doit mobiliser
plusieurs professionnels.
Le développement de l’activité de pharmacie clinique
depuis le début de l’année 2013 dans l’établissement va
permettre à l’équipe pharmaceutique de pouvoir rencontrer les patients dans les unités de soins. Ce contact avec le
malade ou son entourage permettra d’affiner l’historique
médicamenteux.
Parmi les autres pistes de réflexion, nous envisageons
d’avoir recours au Dossier pharmaceutique développé
dans les pharmacies de ville.
De nombreuses structures hospitalières ont recours à
cette source de données afin de connaître le traitement
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R. Lecointre, M.P. Dakessian
délivré par la pharmacie « référente » du patient [17].
Néanmoins, cet outil représente un coût d’investissement
et les données transmises sont limitées.
Le contact téléphonique est également une piste qui
sera développée.
D’autre part, notre étude ne s’est pas intéressée à
la problématique de l’automédication ou de la prise
de produits type homéopathie ou phytothérapie par
exemple.
Les données recueillies ne concernent que les traitements prescrits. Les habitudes médicamenteuses parallèles ne sont donc pas prises en compte. Mais néanmoins,
ce biais semble être limité au sein de notre structure car
tous les médicaments (et produits apparentés) sont systématiquement « confisqués » par le personnel infirmier au
moment de l’admission et séquestrés.
Un autre biais de notre étude est l’absence de
traçabilité dans le dossier patient concernant la justification de l’arrêt d’un traitement chronique. Cette
information serait intéressante à avoir afin de comprendre
les stratégies de prise en charge médicamenteuse. Hormis
certaines classes thérapeutiques (antalgiques, anticoagulants), une discussion « médicopharmaceutique » serait
à envisager lors de l’arrêt de certains traitements chroniques.
Conclusion
Cette étude nous a permis de faire un premier bilan de
notre activité de conciliation des traitements. Les résultats obtenus sont inférieurs aux données publiées, mais
cohérents avec notre mode de prise en charge des
patients. Le développement de la conciliation va se poursuivre avec l’ouverture récente d’un service d’accueil
d’urgence traumatologique. La recherche de l’historique
du traitement et des habitudes médicamenteuses sera
alors une réalité à laquelle le pharmacien devra participer.
D’autre part, cette activité s’inscrit dans une démarche de
sécurisation du circuit du médicament aux points critiques
du parcours patient.
L’implication pharmaceutique dans les unités de soins
doit apporter aux équipes une complémentarité dans la
prise en charge médicamenteuse des patients.
La prochaine étape de notre suivi va être de mesurer
le bénéfice de la conciliation auprès des professionnels
(médecins et personnels soignants) de l’établissement.
Liens d’intérêts : Les auteurs déclarent ne pas avoir de
lien d’intérêt en rapport avec cet article.
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