Article original J Pharm Clin 2014 ; 33 (1) : 33-40 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 03/06/2017. La conciliation des traitements médicamenteux à l’entrée : retour d’expérience dans un établissement chirurgical Medication reconciliation at admission: feedback in a surgical hospital Romain Lecointre, Marie-Pierre Dakessian Service pharmacie/stérilisation, Clinique du Parc, Lyon, France <[email protected]> Résumé. La conciliation des traitements médicamenteux (CTM) vise à prévenir les risques iatrogènes lors du parcours d’un patient au sein du système de soins. Elle doit mettre en évidence les divergences constatées entre le traitement personnel du patient et la prescription faite durant son séjour. Objectif : L’objectif de ce travail a été de réaliser un premier bilan de la mise en place de la CTM au sein d’un établissement à activité chirurgicale programmée. Matériels et méthodes : Cette étude prospective a été réalisée sur une période de 4 semaines. Tous les patients entrant pour une hospitalisation complète ont été suivis. Une feuille de recueil de données a été créée afin de reporter les éléments de la conciliation. Résultats : 109 patients ont été inclus durant la période d’étude. Les patients âgés de plus de 65 ans représentaient 48 % de la population ; 37,6 % des prescriptions ont présenté au moins une divergence. Une erreur de prescription non intentionnelle a été mise en évidence dans neuf cas. Conclusion : Le suivi de l’activité de CTM dans notre établissement retrouve des résultats inférieurs aux principales données de la littérature. Cette différence s’explique probablement par le caractère d’admission programmée de nos patients. Néanmoins, les divergences intentionnelles mises en évidence justifient le développement de la conciliation afin de lutter contre la iatrogénie. Mots clés : conciliation des traitements médicamenteux, chirurgie, divergence intentionnelle Abstract. The purpose of medication reconciliation (MR) is to prevent iatrogenic risk during the patient’s transit in the health care system. This action must bring out difference between list of patient’s home medications and treatment orders. The aim of this study is to assess the initiation of MR in our private surgical clinic. Materials and methods: This prospective study was conducted during four weeks. All patients hospitalized were followed. A dashboard was created in order to collect data. Results: 109 patients were included in our study; 48% of patients were aged 65 or older; 37.6% of prescriptions had at least one medication variance; 9 unintended errors have been demonstrated. Conclusion: Medication reconciliation monitoring in our institution shows inferior results compared to literature. Difference can be explained by medical activity of our clinic. However, unintended variances justify development of medication reconciliation in order to decrease iatrogenic errors. Key words: medication reconciliation, surgical, unintended variance Tirés à part : R. Lecointre Pour citer cet article : Lecointre R, Dakessian MP. La conciliation des traitements médicamenteux à l’entrée : retour d’expérience dans un établissement chirurgical . J Pharm Clin 2014 ; 33(1) : 33-40 doi:10.1684/jpc.2014.0270 33 R. Lecointre, M.P. Dakessian Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 03/06/2017. E n 2006, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a diffusé [1] cinq grands projets dans le domaine de la sécurité des patients. La conciliation des traitements médicamenteux (CTM) a été définie comme l’une des priorités à mettre en œuvre dans le parcours de soins. En effet, cette activité vise à assurer une « sécurité de la prescription médicamenteuse aux points de transitions ». Sa finalité est de prévenir les erreurs iatrogènes pouvant survenir dans le parcours d’un patient au sein d’un système de soins. En France, la dernière Enquête nationale sur les événements indésirables liés aux soins (ENEIS) de 2009 a mis en évidence une fréquence de 6,2 événements indésirables graves pour 1 000 hospitalisations en rapport avec la prise en charge médicamenteuse. Cela correspond à un événement tous les cinq jours pour une unité de soins de 30 lits [2]. Cette étude a également montré une augmentation de cette moyenne au sein des services de chirurgie. Face à ce constat, la CTM s’est peu à peu développée dans les établissements de santé afin de lutter contre la iatrogénie médicamenteuse. Pour être pertinente, elle doit être réalisée, par des professionnels de santé, à des points jugés « critiques » dans le parcours d’un patient. Il s’agit de l’admission, d’un transfert et de la sortie. Cette activité doit permettre la mise en évidence de divergences intentionnelles ou non intentionnelles entre le traitement habituel du patient et la prescription hospitalière [3]. Une divergence intentionnelle se caractérise par une modification volontaire et argumentée de la prescription. A contrario, un écart non intentionnel avec les données initiales est une erreur de prescription. D’autre part, le processus de conciliation s’inscrit dans le contexte réglementaire actuel dont les objectifs sont la sécurisation du parcours de soins. En effet, l’arrêté du 6 avril 2011 [4] impose les modalités à mettre en application « afin d’assurer la continuité des soins et garantir la sécurité du patient ». De plus, le critère 20.a de la certification de la Haute autorité de santé précise l’importance de la mise en œuvre d’actions visant à améliorer le management de la prise en charge médicamenteuse du patient [5]. Suite à ces différentes constatations, la clinique du Parc à Lyon a mis en place une activité de conciliation au sein du département pharmacie depuis avril 2013. Notre établissement est une structure privée à but lucratif de 220 lits spécialisée dans la chirurgie programmée. L’orthopédie et l’ophtalmologie constituent les deux principales activités chirurgicales de l’établissement. Dans la majorité des cas, les patients sont vus en consultation d’anesthésie avant leur admission programmée. Durant cet entretien, le traitement médicamenteux 34 personnel du patient est saisi dans le logiciel de prescription informatique par le médecin. Avant l’admission du patient, chaque ordonnance d’admission est validée par l’équipe pharmaceutique selon la méthodologie de la Société française de pharmacie clinique [6, 7] et les traitements sont fournis à l’unité de soins de manière nominative. L’accès au dossier patient permet de réaliser une conciliation médicamenteuse partielle (puisqu’uniquement basée sur l’ordonnance de ville) en mettant en rapport les prescriptions des traitements en cours et la prescription hospitalière. Les ordonnances du patient sont scannées et accessibles afin de réaliser la validation pharmaceutique. Le Bilan médicamenteux optimisé (BMO), qui consiste à avoir recours à plusieurs sources d’information, ne peut pas être réalisé de manière optimale. Cette première étape de conciliation est réalisée en l’absence du patient au sein de l’établissement, ce qui prive le pharmacien d’un entretien. En cas d’interrogation sur un problème constaté, le pharmacien doit attendre l’admission du patient pour pouvoir poursuivre ses investigations (interrogatoire patient/entourage, contact officine. . .). Au final, toute divergence constatée est notifiée au prescripteur via l’outil informatique afin de tracer l’intervention pharmaceutique. Un contact téléphonique est également entrepris afin de discuter du problème rencontré. Les médicaments post opératoires viennent ensuite se rajouter à la prescription d’admission. Cette étude a pour but de réaliser un premier bilan de notre activité après quelques mois de pratique, afin de pouvoir quantifier et qualifier les divergences rencontrées lors de la validation des traitements. Matériels et méthode Notre étude prospective s’est déroulée sur une période de quatre semaines. Tous les patients admis en hospitalisation complète ont été inclus dans ce suivi ainsi que les malades entrant dans un contexte d’urgence chirurgicale. L’activité de conciliation a été réalisée au moment de la validation des traitements personnels des entrants. Le processus relatif à l’activité de conciliation est représenté sur la figure 1. Le pharmacien, grâce à l’accès au dossier patient informatisé, pouvait prendre connaissance des médicaments utilisés au moment de l’admission par le patient. Les différentes informations utilisées lors de la conciliation ont été reportées sur une feuille de suivi (figure 2). Les éléments recueillis sont les suivants : – l’identité du patient (non, prénom, âge et sexe) ; J Pharm Clin, vol. 33 n◦ 1, mars 2014 La conciliation des traitements médicamenteux à l’entrée Conciliation Non Divergence Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 03/06/2017. Oui Nature divergence Non intentionnelle Intentionnelle Argumentée Non argumentée Contact médecin Validation Intervention pharmaceutique Dispensation Administration Figure 1. Processus de conciliation. – la durée de séjour et le motif chirurgical d’entrée ; – le nombre de lignes du traitement médicamenteux personnel ; – le support de prescription présent dans le dossier et la lisibilité de ce dernier ; – le nombre de médicaments prescrits à l’admission ; – les divergences médicamenteuses constatées ; – les investigations menées pour réaliser le processus en cas de divergence. J Pharm Clin, vol. 33 n◦ 1, mars 2014 Une analyse rétrospective des « divergences médicamenteuses constatées » a été réalisée afin de suivre l’intervention pharmaceutique réalisée. Les informations relatives à l’identité du patient permettent une interrogation de l’outil informatique des prescriptions réalisées durant le séjour d’un patient. Le support de prescription du traitement personnel nous a semblé être un élément important à prendre en compte. 35 R. Lecointre, M.P. Dakessian FICHE DE CONCILIATION Nom : CTM : Prénom : Proactive Age : Rétroactive Sexe : Liste des médicaments Nombre de lignes : …….. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 03/06/2017. • Ordonnance dactylographiée scannée et lisible • Ordonnance dactylographiée scannée et non lisible • Ordonnance manuelle scannée lisible • Ordonnance manuelle scannée non lisible • Fiche de consultation d’anesthésie • Aucun document accessible Remarque (durée du séjour, spécialité, autres…) : Prescription à l’entrée Nombre de lignes : …….. Liste des médicaments non repris par rapport au traitement habituel : Divergence sur les médicaments retranscrits : OUI NON Nature : Ressource en cas de problème : Ressource en interne : Pharmacie Patient Traitement personnel Courrier Remarques : Figure 2. Fiche de conciliation. En effet, lors de la consultation médicale, les ordonnances sont scannées par la secrétaire afin que celles-ci soient intégrées au dossier d’anesthésie. La lisibilité, notamment des ordonnances manuscrites, peut poser un problème dans l’identification, le dosage ou la posologie d’un médicament. Ces dysfonctionnements peuvent avoir des répercussions sur la continuité de la prise en charge en cas d’erreur de lecture. L’item « fiche de consultation anesthésie » correspond à un support interne informatique dédié aux médecins anesthésistes de l’établissement. Ce document contient de nombreux éléments (identité patient, type d’intervention, antécédents, données physiologiques, élé- 36 ments pour l’intubation, traitements. . .) notés lors de la consultation. En l’absence d’ordonnance scannée, ce support peut servir parfois de document d’aide pour connaître les médicaments. Le traitement personnel y est souvent retranscrit à titre informatif. Ce document ne correspond pas à une ordonnance pour la prescription des médicaments. La CTM est majoritairement proactive au sein de notre organisation. Pour rappel, une analyse proactive implique que le prescripteur possède, au moment de la prescription, l’ordonnance de ville du patient. Ce qui est le cas dans notre organisation, car le patient doit obligatoirement venir en consultation d’anesthésie avec tous les J Pharm Clin, vol. 33 n◦ 1, mars 2014 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 03/06/2017. La conciliation des traitements médicamenteux à l’entrée éléments permettant de connaître son historique médicamenteux. Certaines situations particulières (urgence, reprise. . .) peuvent entraîner une conciliation rétroactive de la part du pharmacien. En effet, dans une situation d’urgence, le patient ne possède pas forcément tous les éléments permettant de rechercher son historique médicamenteux. La prescription médicale est souvent réalisée en l’absence de données pertinentes. Le rôle du pharmacien est alors de réaliser une investigation poussée afin d’établir le traitement du patient pris à domicile. Ce mode de validation est également pratiqué lors des admissions programmées en dehors des horaires d’ouverture de la pharmacie. La « liste des médicaments non reconduits » a permis d’étudier les molécules non prescrites à l’admission. Cette liste correspond aux médicaments non repris par rapport au traitement personnel du patient. Enfin, lorsqu’une divergence non intentionnelle était constatée par le pharmacien, l’information était transmise au prescripteur qui effectuait la visite du soir. En effet, notre organisation fait que le médecin prescripteur du traitement initial n’est pas obligatoirement celui qui suit le patient pendant l’intervention chirurgicale et son séjour. Un anesthésiste « de garde » effectue chaque soir une visite des opérés de la journée et passe également dans les unités de soins. Par conséquent, c’est ce médecin qui est le contact privilégié en cas de problème sur le traitement d’un patient. Les données collectées ont été ensuite analysées et les divergences ont été classées en fonction de la nomenclature du « Dictionnaire français de l’erreur médicamenteuse » [8]. Sur notre population, 53 patients (48 %) avaient plus de 65 ans et comptaient en moyenne 4,39 médicaments [+/- 3,16]. Le support ayant permis de réaliser la CTM a été majoritairement une ordonnance scannée dactylographiée (41 %) disponible dans le dossier patient informatique. Les autres supports de prescription sont présentés sur la figure 3. À noter que tous ces documents présentaient une lisibilité suffisante pour permettre une relecture sans ambiguïté. Pour les CTM ayant été réalisées en l’absence de support directement accessible (8 %), la validation de la prescription a nécessité un temps supplémentaire. Le pharmacien a alors consulté le dossier papier accessible dans l’unité de soins afin de retrouver un support permettant de connaître le traitement du patient. Dans tous les cas, la source d’information a été recueillie à partir des documents présents dans le service de soins. Une divergence a été constatée entre le traitement à l’entrée et la prescription en ville dans 41 situations (37,6 %). 8% 41 % 37 % Résultats Notre étude a inclus au total 109 patients du 15 juillet au 11 août 2013. La moyenne d’âge de notre population était de 62,7 ans [48,1-77,3] avec un ratio femme/homme de 1,36. Soixante-huit pour cent des patients ont été admis pour une chirurgie orthopédique, 17 % pour un acte chirurgical ophtalmique et 10 % pour de la chirurgie esthétique. Le reste des patients a subi une intervention d’autres spécialités chirurgicales. La durée d’hospitalisation était de 3,96 jours [1,576,35]. La CTM a été réalisée dans 84 % des validations dans une situation proactive. En moyenne, chaque patient avait une ordonnance à l’entrée comportant 3,8 médicaments [0,98–6,62] avec des extrêmes allant de 0 à 12 produits par patient. La prescription rédigée à l’entrée comportait 3,01 médicaments [+/- 2,03]. J Pharm Clin, vol. 33 n◦ 1, mars 2014 0% 0% 14 % Ordonnance dactylographiée scannée et lisible Ordonnance dactylographiée scannée et non lisible Ordonnance manuelle scannée lisible Ordonnance manuelle scannée non lisible Fiche de consultation d’anesthésie Aucun support Figure 3. Répartition des supports de prescription. 37 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 03/06/2017. R. Lecointre, M.P. Dakessian Deux types de divergences ont été mises en évidence : – les intentionnelles (32 soit 78 %) qui correspondent à des arrêts de traitement justifiés ; – les non intentionnelles qui sont des erreurs de prescription. Cela correspond à 9 divergences soit 22 %. Notre étude a ainsi mis en évidence : – 4 erreurs de dose ; – 2 erreurs de posologie ; – 2 erreurs de médicament ; – 1 erreur de forme galénique. Toutes ces divergences non intentionnelles ont été suivies d’une modification de la prescription initiale. Le détail de ces erreurs est résumé dans le tableau 1. Les divergences intentionnelles sont représentées par les traitements pris à domicile et que le médecin n’a pas jugé opportun de poursuivre pendant l’hospitalisation. Au cours de notre étude, 95 spécialités médicamenteuses ont été arrêtées à l’entrée. La répartition des différentes classes thérapeutiques est présentée sur la figure 4. À noter que la classe « autres » regroupe les médicaments d’importance thérapeutique moindre dont l’utilisation peut être discutée (veinotoniques, vasculoprotecteurs, vitamines et éléments minéraux. . .) et qui ne sont pas disponibles au livret thérapeutique de l’établissement. Les antalgiques sont les traitements les plus fréquemment arrêtés à l’entrée des patients. 9% 2% 29 % 10 % 9% 35 % 6% Anticoagulants Autres Antisécrétoires Antidiabétiques Anxiolytiques/ Antidépresseurs Antalgiques Antihypertenseurs Figure 4. Classe thérapeutique des médicaments non reconduits à l’entrée du patient. Tableau 1. Détail des divergences non intentionnelles constatées. Type d’erreur Traitement habituel Traitement prescrit à l’entrée Dose Lamictal® (lamotrigine) 100 mg Lamictal® (lamotrigine) 50 mg Dose Aldactone® (spironolactone) 75 mg Aldactone® (spironolactone) 25 mg Dose Oméprazole 20 mg Mopral® 10 mg Dose Zyloric® (allopurinol) 200 mg Zyloric® (allopurinol) 100 mg Forme galénique Aerius® (desloratidine) comprimé 5 mg Aérius® (desloratidine) suspension buvable Posologie Téralithe® (lithium) 400 mg LP 1,5 comprimé par jour Téralithe® (lithium) 400 mg LP 2 comprimés par jour Posologie Klipal® (codéine/paracétamol) 1 comprimé matin, midi et soir Klipal® (codéine/paracétamol) 3 comprimés le soir Médicament Valsartan/hydrochlorothiazide 160/25 mg Valsartan 160 mg Médicament Clopidogrel 75 mg 38 Kardégic® (acide acétylsalicylique) 75 mg J Pharm Clin, vol. 33 n◦ 1, mars 2014 La conciliation des traitements médicamenteux à l’entrée Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 03/06/2017. Discussion Cette étude met en évidence le processus de conciliation médicamenteuse initié dans le cadre de l’activité de pharmacie clinique. L’originalité de ce travail repose sur le mode de fonctionnement de notre établissement. La Clinique du Parc de Lyon est une structure privée accueillant majoritairement des patients en chirurgie programmée. Peu de données de la littérature sont disponibles sur la problématique de l’hospitalisation privée [9]. En revanche, l’activité chirurgicale programmée a fait l’objet de publications [10, 11]. L’impact d’une intervention pharmaceutique en préopératoire, complémentaire de la consultation médicale, permet de réduire les erreurs médicamenteuses durant le séjour du patient. Cette valorisation de la conciliation médicamenteuse n’a pas été évaluée dans notre étude initiale. Notre cohorte de patients est suffisamment importante pour pouvoir étudier les données. Toutefois, ce nombre de patients admis est inférieur au nombre réel d’entrées. Cette différence s’explique, d’une part, par le profil de patients admis et, d’autre part, par l’activité de chirurgie ambulatoire. La majorité de nos CTM a été réalisée de manière pro active. La « pré-prescription » quelques jours avant l’entrée du patient permet d’anticiper de nombreux problèmes à l’origine d’une discontinuité dans le suivi du traitement. À noter également que l’informatisation du circuit et du dossier patient permet de réaliser ces analyses pharmaceutiques de manière optimale. Le pourcentage de divergences non intentionnelles constaté est de l’ordre de 8 %. Ce chiffre reste inférieur aux données de littérature [12]. Néanmoins, malgré un faible taux d’erreur, l’analyse des situations ayant nécessité une intervention pharmaceutique montre les conséquences potentiellement graves de ces divergences. Les médicaments dits « de confort » ou d’intérêt thérapeutique « mineur » ne sont que très rarement repris à l’entrée. Par ailleurs, certaines classes thérapeutiques majeures (anticoagulant, antidiabétiques, troubles digestifs. . .) sont adaptées en fonction des recommandations liées à l’anesthésie et conformes aux directives sur « la gestion péri-opératoire des traitements chroniques » émises par la Société française d’anesthésie et réanimation [13]. Enfin, il est important de noter que les traitements antalgiques sont réévalués systématiquement à l’entrée du patient dans le cadre de la protocolisation de la prise en charge de la douleur. Les divergences non intentionnelles ne représentent que 8 % des patients dans notre étude. J Pharm Clin, vol. 33 n◦ 1, mars 2014 Ce chiffre est très inférieur aux données retrouvées dans la littérature. Perennes et al. [14], sur une population de patients de médecine interne, ont mis en évidence près de 41 % de divergences. La population de cette étude est néanmoins plus âgée et a plus de lignes de traitement. Pour Cornish et al. [15], le pourcentage de divergence reporté est de 53,6 %. Cet écart, par rapport aux données publiées, peut s’expliquer par le type d’activité chirurgicale de notre établissement. La consultation d’anesthésie est l’occasion de synthétiser les traitements médicamenteux pris par le patient et de rédiger la prescription d’entrée. L’analyse de ces erreurs non intentionnelles montre néanmoins une gravité potentiellement importante pour le patient. Cet élément justifie la conciliation afin de lutter contre la iatrogénie médicamenteuse. Les erreurs de dose et de forme galénique peuvent être liées à l’outil informatique en cours de développement au sein de la clinique (Osoft® ). Comme le souligne la récente étude de Charpiat et al. [16], la prescription informatique peut générer de manière involontaire des erreurs aux conséquences cliniques parfois graves. Le retour des prescripteurs sur ces erreurs imputables à l’outil de prescription pointe la difficulté de saisie du médicament par le logiciel lors de la rédaction de l’ordonnance d’entrée. En effet, notre support fournit la liste complète des spécialités disponibles. Les produits du livret thérapeutique sont uniquement identifiés par un icône de couleur. Bien souvent, le prescripteur choisit le premier dosage de la liste pour une spécialité et rajoute un commentaire. Mais, ces erreurs de posologie représentent un risque majeur pour le patient. Notre étude présente des biais qui peuvent prêter à discussion. Tout d’abord, nous utilisons une seule source de données pour réaliser les CTM contrairement aux recommandations du protocole standard’5 qui en préconise au moins trois. Il s’agit de l’ordonnance du patient présente dans son dossier informatique. La recherche active d’informations sur les traitements du patient doit mobiliser plusieurs professionnels. Le développement de l’activité de pharmacie clinique depuis le début de l’année 2013 dans l’établissement va permettre à l’équipe pharmaceutique de pouvoir rencontrer les patients dans les unités de soins. Ce contact avec le malade ou son entourage permettra d’affiner l’historique médicamenteux. Parmi les autres pistes de réflexion, nous envisageons d’avoir recours au Dossier pharmaceutique développé dans les pharmacies de ville. De nombreuses structures hospitalières ont recours à cette source de données afin de connaître le traitement 39 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 03/06/2017. R. Lecointre, M.P. Dakessian délivré par la pharmacie « référente » du patient [17]. Néanmoins, cet outil représente un coût d’investissement et les données transmises sont limitées. Le contact téléphonique est également une piste qui sera développée. D’autre part, notre étude ne s’est pas intéressée à la problématique de l’automédication ou de la prise de produits type homéopathie ou phytothérapie par exemple. Les données recueillies ne concernent que les traitements prescrits. Les habitudes médicamenteuses parallèles ne sont donc pas prises en compte. Mais néanmoins, ce biais semble être limité au sein de notre structure car tous les médicaments (et produits apparentés) sont systématiquement « confisqués » par le personnel infirmier au moment de l’admission et séquestrés. Un autre biais de notre étude est l’absence de traçabilité dans le dossier patient concernant la justification de l’arrêt d’un traitement chronique. Cette information serait intéressante à avoir afin de comprendre les stratégies de prise en charge médicamenteuse. Hormis certaines classes thérapeutiques (antalgiques, anticoagulants), une discussion « médicopharmaceutique » serait à envisager lors de l’arrêt de certains traitements chroniques. Conclusion Cette étude nous a permis de faire un premier bilan de notre activité de conciliation des traitements. Les résultats obtenus sont inférieurs aux données publiées, mais cohérents avec notre mode de prise en charge des patients. Le développement de la conciliation va se poursuivre avec l’ouverture récente d’un service d’accueil d’urgence traumatologique. La recherche de l’historique du traitement et des habitudes médicamenteuses sera alors une réalité à laquelle le pharmacien devra participer. D’autre part, cette activité s’inscrit dans une démarche de sécurisation du circuit du médicament aux points critiques du parcours patient. L’implication pharmaceutique dans les unités de soins doit apporter aux équipes une complémentarité dans la prise en charge médicamenteuse des patients. La prochaine étape de notre suivi va être de mesurer le bénéfice de la conciliation auprès des professionnels (médecins et personnels soignants) de l’établissement. 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