La conciliation des traitements médicamenteux à l`entrée : retour d

Journal Identification = JPC Article Identification = 0270 Date: April 11, 2014 Time: 2:46 pm
Pour citer cet article : Lecointre R, Dakessian MP. La conciliation des traitements médicamenteux à l’entrée : retour d’expérience dans un établissement
chirurgical . J Pharm Clin 2014 ; 33(1) : 33-40 doi:10.1684/jpc.2014.0270 33
Article original
J Pharm Clin 2014 ; 33 (1) : 33-40
La conciliation des traitements
médicamenteux à l’entrée :
retour d’expérience
dans un établissement chirurgical
Medication reconciliation at admission:
feedback in a surgical hospital
Romain Lecointre, Marie-Pierre Dakessian
Service pharmacie/stérilisation, Clinique du Parc, Lyon, France
Résumé. La conciliation des traitements médicamenteux (CTM) vise à prévenir les risques iatrogènes lors du
parcours d’un patient au sein du système de soins. Elle doit mettre en évidence les divergences constatées entre
le traitement personnel du patient et la prescription faite durant son séjour. Objectif : L’objectif de ce travail a
été de réaliser un premier bilan de la mise en place de la CTM au sein d’un établissement à activité chirurgicale
programmée. Matériels et méthodes : Cette étude prospective a été réalisée sur une période de 4 semaines. Tous
les patients entrant pour une hospitalisation complète ont été suivis. Une feuille de recueil de données a été créée
afin de reporter les éléments de la conciliation. Résultats : 109 patients ont été inclus durant la période d’étude.
Les patients âgés de plus de 65 ans représentaient 48 % de la population ; 37,6 % des prescriptions ont présenté
au moins une divergence. Une erreur de prescription non intentionnelle a été mise en évidence dans neuf cas.
Conclusion : Le suivi de l’activité de CTM dans notre établissement retrouve des résultats inférieurs aux principales
données de la littérature. Cette différence s’explique probablement par le caractère d’admission programmée de
nos patients. Néanmoins, les divergences intentionnelles mises en évidence justifient le développement de la
conciliation afin de lutter contre la iatrogénie.
Mots clés : conciliation des traitements médicamenteux, chirurgie, divergence intentionnelle
Abstract. The purpose of medication reconciliation (MR) is to prevent iatrogenic risk during the patient’s transit
in the health care system. This action must bring out difference between list of patient’s home medications and
treatment orders. The aim of this study is to assess the initiation of MR in our private surgical clinic. Materials
and methods: This prospective study was conducted during four weeks. All patients hospitalized were followed.
A dashboard was created in order to collect data. Results: 109 patients were included in our study; 48% of patients
were aged 65 or older; 37.6% of prescriptions had at least one medication variance; 9 unintended errors have been
demonstrated. Conclusion: Medication reconciliation monitoring in our institution shows inferior results compared
to literature. Difference can be explained by medical activity of our clinic. However, unintended variances justify
development of medication reconciliation in order to decrease iatrogenic errors.
Key words: medication reconciliation, surgical, unintended variance
Tirés à part : R. Lecointre
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R. Lecointre, M.P. Dakessian
En 2006, l’Organisation mondiale de la santé (OMS)
a diffusé [1] cinq grands projets dans le domaine
de la sécurité des patients.
La conciliation des traitements médicamenteux (CTM)
a été définie comme l’une des priorités à mettre en œuvre
dans le parcours de soins. En effet, cette activité vise à
assurer une «sécurité de la prescription médicamenteuse
aux points de transitions ». Sa finalité est de prévenir les
erreurs iatrogènes pouvant survenir dans le parcours d’un
patient au sein d’un système de soins.
En France, la dernière Enquête nationale sur les évé-
nements indésirables liés aux soins (ENEIS) de 2009 a
mis en évidence une fréquence de 6,2 événements indé-
sirables graves pour 1 000 hospitalisations en rapport
avec la prise en charge médicamenteuse. Cela correspond
à un événement tous les cinq jours pour une unité de
soins de 30 lits [2]. Cette étude a également montré une
augmentation de cette moyenne au sein des services de
chirurgie.
Face à ce constat, la CTM s’est peu à peu développée
dans les établissements de santé afin de lutter contre la
iatrogénie médicamenteuse. Pour être pertinente, elle doit
être réalisée, par des professionnels de santé, à des points
jugés «critiques »dans le parcours d’un patient. Il s’agit
de l’admission, d’un transfert et de la sortie.
Cette activité doit permettre la mise en évidence de
divergences intentionnelles ou non intentionnelles entre
le traitement habituel du patient et la prescription hospi-
talière [3].
Une divergence intentionnelle se caractérise par une
modification volontaire et argumentée de la prescription.
A contrario, un écart non intentionnel avec les données
initiales est une erreur de prescription.
D’autre part, le processus de conciliation s’inscrit dans
le contexte réglementaire actuel dont les objectifs sont
la sécurisation du parcours de soins. En effet, l’arrêté du
6 avril 2011 [4] impose les modalités à mettre en applica-
tion «afin d’assurer la continuité des soins et garantir la
sécurité du patient ».
De plus, le critère 20.a de la certification de la Haute
autorité de santé précise l’importance de la mise en œuvre
d’actions visant à améliorer le management de la prise en
charge médicamenteuse du patient [5].
Suite à ces différentes constatations, la clinique du Parc
à Lyon a mis en place une activité de conciliation au sein
du département pharmacie depuis avril 2013.
Notre établissement est une structure privée à
but lucratif de 220 lits spécialisée dans la chirurgie
programmée.
L’orthopédie et l’ophtalmologie constituent les deux
principales activités chirurgicales de l’établissement.
Dans la majorité des cas, les patients sont vus en
consultation d’anesthésie avant leur admission program-
mée. Durant cet entretien, le traitement médicamenteux
personnel du patient est saisi dans le logiciel de prescrip-
tion informatique par le médecin.
Avant l’admission du patient, chaque ordonnance
d’admission est validée par l’équipe pharmaceutique
selon la méthodologie de la Société franc¸aise de pharma-
cie clinique [6, 7] et les traitements sont fournis à l’unité
de soins de manière nominative.
L’accès au dossier patient permet de réaliser une
conciliation médicamenteuse partielle (puisqu’unique-
ment basée sur l’ordonnance de ville) en mettant en
rapport les prescriptions des traitements en cours et
la prescription hospitalière. Les ordonnances du patient
sont scannées et accessibles afin de réaliser la valida-
tion pharmaceutique. Le Bilan médicamenteux optimisé
(BMO), qui consiste à avoir recours à plusieurs sources
d’information, ne peut pas être réalisé de manière opti-
male. Cette première étape de conciliation est réalisée en
l’absence du patient au sein de l’établissement, ce qui
prive le pharmacien d’un entretien. En cas d’interrogation
sur un problème constaté, le pharmacien doit attendre
l’admission du patient pour pouvoir poursuivre ses
investigations (interrogatoire patient/entourage, contact
officine...).
Au final, toute divergence constatée est notifiée
au prescripteur via l’outil informatique afin de tracer
l’intervention pharmaceutique. Un contact téléphonique
est également entrepris afin de discuter du problème
rencontré.
Les médicaments post opératoires viennent ensuite se
rajouter à la prescription d’admission.
Cette étude a pour but de réaliser un premier bilan
de notre activité après quelques mois de pratique, afin de
pouvoir quantifier et qualifier les divergences rencontrées
lors de la validation des traitements.
Matériels et méthode
Notre étude prospective s’est déroulée sur une période
de quatre semaines. Tous les patients admis en hospitali-
sation complète ont été inclus dans ce suivi ainsi que les
malades entrant dans un contexte d’urgence chirurgicale.
L’activité de conciliation a été réalisée au moment de
la validation des traitements personnels des entrants. Le
processus relatif à l’activité de conciliation est représenté
sur la figure 1.
Le pharmacien, grâce à l’accès au dossier patient infor-
matisé, pouvait prendre connaissance des médicaments
utilisés au moment de l’admission par le patient.
Les différentes informations utilisées lors de la
conciliation ont été reportées sur une feuille de suivi
(figure 2).
Les éléments recueillis sont les suivants :
l’identité du patient (non, prénom, âge et sexe) ;
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La conciliation des traitements médicamenteux à l’entrée
Conciliation
Intervention
pharmaceutique
Administration
Intentionnelle
Non
intentionnelle
Nature
divergence
Divergence
Contact
médecin
Validation
Dispensation
Oui
Argumentée Non
argumentée
Non
Figure 1. Processus de conciliation.
la durée de séjour et le motif chirurgical d’entrée ;
le nombre de lignes du traitement médicamenteux
personnel ;
le support de prescription présent dans le dossier et la
lisibilité de ce dernier ;
le nombre de médicaments prescrits à l’admission ;
les divergences médicamenteuses constatées ;
les investigations menées pour réaliser le processus en
cas de divergence.
Une analyse rétrospective des «divergences médi-
camenteuses constatées »a été réalisée afin de suivre
l’intervention pharmaceutique réalisée. Les informations
relatives à l’identité du patient permettent une interro-
gation de l’outil informatique des prescriptions réalisées
durant le séjour d’un patient.
Le support de prescription du traitement personnel
nous a semblé être un élément important à prendre en
compte.
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R. Lecointre, M.P. Dakessian
FICHE DE
CONCILIATION
Nom : Prénom :
Proactive
Age :
Rétroactive
Sexe :CTM :
Liste des médicaments
Nombre de lignes : ……..
Ordonnance dactylographiée scannée et lisible
Ordonnance dactylographiée scannée et non lisible
Ordonnance manuelle scannée lisible
Ordonnance manuelle scannée non lisible
Fiche de consultation d’anesthésie
Aucun document accessible
Remarque (durée du séjour, spécialité, autres…) :
Prescription à l’entrée
Nombre de lignes : ……..
Liste des médicaments non repris par rapport au traitement habituel :
Divergence sur les médicaments retranscrits : OUI NON
Nature :
Ressource en cas de problème :
Ressource en interne :
Pharmacie Patient Traitement personnel Courrier
Remarques :
Figure 2. Fiche de conciliation.
En effet, lors de la consultation médicale, les ordon-
nances sont scannées par la secrétaire afin que celles-ci
soient intégrées au dossier d’anesthésie. La lisibilité,
notamment des ordonnances manuscrites, peut poser un
problème dans l’identification, le dosage ou la posologie
d’un médicament. Ces dysfonctionnements peuvent avoir
des répercussions sur la continuité de la prise en charge
en cas d’erreur de lecture.
L’item «fiche de consultation anesthésie »corres-
pond à un support interne informatique dédié aux
médecins anesthésistes de l’établissement. Ce document
contient de nombreux éléments (identité patient, type
d’intervention, antécédents, données physiologiques, élé-
ments pour l’intubation, traitements...) notés lors de la
consultation.
En l’absence d’ordonnance scannée, ce support peut
servir parfois de document d’aide pour connaître les médi-
caments. Le traitement personnel y est souvent retranscrit
à titre informatif. Ce document ne correspond pas à une
ordonnance pour la prescription des médicaments.
La CTM est majoritairement proactive au sein de notre
organisation. Pour rappel, une analyse proactive implique
que le prescripteur possède, au moment de la prescrip-
tion, l’ordonnance de ville du patient. Ce qui est le cas
dans notre organisation, car le patient doit obligatoire-
ment venir en consultation d’anesthésie avec tous les
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La conciliation des traitements médicamenteux à l’entrée
éléments permettant de connaître son historique médi-
camenteux.
Certaines situations particulières (urgence, reprise...)
peuvent entraîner une conciliation rétroactive de la part
du pharmacien. En effet, dans une situation d’urgence, le
patient ne possède pas forcément tous les éléments per-
mettant de rechercher son historique médicamenteux. La
prescription médicale est souvent réalisée en l’absence de
données pertinentes. Le rôle du pharmacien est alors de
réaliser une investigation poussée afin d’établir le traite-
ment du patient pris à domicile. Ce mode de validation
est également pratiqué lors des admissions programmées
en dehors des horaires d’ouverture de la pharmacie.
La «liste des médicaments non reconduits »a permis
d’étudier les molécules non prescrites à l’admission. Cette
liste correspond aux médicaments non repris par rapport
au traitement personnel du patient.
Enfin, lorsqu’une divergence non intentionnelle était
constatée par le pharmacien, l’information était trans-
mise au prescripteur qui effectuait la visite du soir. En
effet, notre organisation fait que le médecin prescripteur
du traitement initial n’est pas obligatoirement celui qui
suit le patient pendant l’intervention chirurgicale et son
séjour.
Un anesthésiste «de garde »effectue chaque soir une
visite des opérés de la journée et passe également dans les
unités de soins. Par conséquent, c’est ce médecin qui est
le contact privilégié en cas de problème sur le traitement
d’un patient.
Les données collectées ont été ensuite analysées
et les divergences ont été classées en fonction de la
nomenclature du «Dictionnaire franc¸ais de l’erreur médi-
camenteuse »[8].
Résultats
Notre étude a inclus au total 109 patients du 15 juillet au
11 août 2013. La moyenne d’âge de notre population était
de 62,7 ans [48,1-77,3] avec un ratio femme/homme de
1,36.
Soixante-huit pour cent des patients ont été admis
pour une chirurgie orthopédique, 17 % pour un acte
chirurgical ophtalmique et 10 % pour de la chirurgie esthé-
tique. Le reste des patients a subi une intervention d’autres
spécialités chirurgicales.
La durée d’hospitalisation était de 3,96 jours [1,57-
6,35]. La CTM a été réalisée dans 84 % des validations
dans une situation proactive.
En moyenne, chaque patient avait une ordonnance à
l’entrée comportant 3,8 médicaments [0,98–6,62] avec des
extrêmes allant de0à12produits par patient. La pres-
cription rédigée à l’entrée comportait 3,01 médicaments
[+/- 2,03].
Sur notre population, 53 patients (48 %) avaient plus
de 65 ans et comptaient en moyenne 4,39 médicaments
[+/- 3,16].
Le support ayant permis de réaliser la CTM a été majo-
ritairement une ordonnance scannée dactylographiée
(41 %) disponible dans le dossier patient informatique.
Les autres supports de prescription sont présentés sur
la figure 3.
À noter que tous ces documents présentaient une
lisibilité suffisante pour permettre une relecture sans
ambiguïté.
Pour les CTM ayant été réalisées en l’absence de
support directement accessible (8 %), la validation de
la prescription a nécessité un temps supplémentaire. Le
pharmacien a alors consulté le dossier papier accessible
dans l’unité de soins afin de retrouver un support permet-
tant de connaître le traitement du patient. Dans tous les
cas, la source d’information a été recueillie à partir des
documents présents dans le service de soins.
Une divergence a été constatée entre le traitement
à l’entrée et la prescription en ville dans 41 situations
(37,6 %).
8 %
0 %
0 % 14 %
37 %
41 %
Ordonnance
dactylographiée
scannée et lisible
Ordonnance
dactylographiée
scannée et non lisible
Ordonnance
manuelle scannée lisible
Ordonnance
manuelle scannée
non lisible
Fiche de
consultation d’anesthésie
Aucun
support
Figure 3. Répartition des supports de prescription.
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