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7S121
Ann Dermatol Venereol
2005;132:7S120-7S126
Ulcère de jambe
d’apparition progressive. La lipodermatosclérose ou « botte
sclérodermiforme » peut survenir à la suite de plusieurs épi-
sodes d’hypodermite aiguë ou se constituer d’emblée, insi-
dieusement. Le mollet est dur, la peau est scléreuse, souvent
pigmentée et impossible à pincer réalisant au maximum une
véritable guêtre rétractile sclérodermiforme.
Associé aux troubles trophiques, un œdème d’origine vei-
neuse peut être présent. Dans le cas du syndrome postphlébi-
tique ancien, cet œdème de jambe devient chronique et dur.
CONTEXTE CLINIQUE
L’ulcère veineux concerne le plus souvent la femme d’environ
70 ans, présentant un surpoids dans 30 p 100 des cas. L’inter-
rogatoire rapporte la présence de symptômes fonctionnels et
physiques témoignant d’une insuffisance veineuse essentielle
ou post-thrombotique : lourdeurs et tensions douloureuses de
jambe, aggravées par la station prolongée debout ou assise,
œdème vespéral. En cas de syndrome postphlébitique, les an-
técédents avérés de thromboses manquent souvent et il faut
savoir rechercher à l’anamnèse des circonstances favorisantes
comme un alitement prolongé, une intervention orthopédique
au membre inférieur, des grossesses multiples.
EXAMEN CLINIQUE
La recherche des varices des membres inférieurs se fait sur le
patient debout par l’inspection et par la palpation. L’examen
recherche aussi une ankylose de l’articulation tibio-tarsienne.
Explorations paracliniques
L’échographie Doppler des veines des membres inférieurs re-
cherche les éléments suivants :
– l’existence ou non d’un reflux significatif (durée > 1 s) sur
les troncs veineux superficiels (veines saphènes), au niveau
des crosses de ces veines et au niveau des veines perforantes ;
– l’existence ou non d’un reflux significatif sur les troncs
veineux profonds, lié le plus souvent à un syndrome postphlé-
bitique, ou parfois à une incontinence primitive ;
– un syndrome obstructif profond, plus rare, témoin d’un
processus thrombotique ancien et mal reperméabilisé.
Traitement de l’ulcère veineux non compliqué
TRAITEMENT DE LA PLAIE ELLE-MÊME
Il comporte trois phases (voir paragraphe « soins infirmiers de
l’ulcère de jambe ») : la phase de détersion, la phase de bour-
geonnement et la phase de réépidermisation. La validité de la
prophylaxie antitétanique doit être vérifiée.
MESURES HYGIÉNO-DIÉTÉTIQUES
Il faut lutter contre la sédentarité et un régime adapté permet-
tra de corriger un surpoids éventuel. Inversement, une dénu-
trition (albuminémie < 30 g/L) pouvant être à l’origine d’un
retard de cicatrisation devra être corrigée. L’hygiène locale
doit être parfaite.
MOYENS PHYSIQUES DE LUTTE CONTRE L’ŒDÈME
La contention est obligatoire et doit être, quel que soit le sys-
tème choisi, de haut niveau (35 mmHg à la cheville). Elle peut
être élastique ou non, fixe ou amovible. Elle s’oppose au reflux
par un effet mécanique au cours de la marche et contribue à
lutter contre l’œdème.
La contention élastique est la plus utilisée. Elle devra être
portée en permanence le jour et mise en place avant le lever.
Elle fait appel aux bandages, aux chaussettes ou aux collants
élastiques. Elle est contre-indiquée en cas d’index de pres-
sion systolique < 0,55 (voir plus loin) ou de pression distale
< 50 mmHg à la jambe.
La surélévation d’environ 10 cm des pieds du bas du lit fa-
cilite le retour veineux pendant le sommeil.
La marche quotidienne, ainsi que des séances de kinésithé-
rapie destinées à mobiliser l’articulation tibio-tarsienne sont
des compléments thérapeutiques nécessaires pour la vidange
de la pompe veineuse du mollet et de la semelle veineuse
plantaire.
CHIRURGIE
La chirurgie des veines superficielles consiste en un éveinage,
le plus souvent stripping-crossectomie éventuellement com-
plété de phlébectomie. Elle est d’autant plus indiquée que le
reflux est long, le calibre des varices important et le sujet jeu-
ne. Il peut aussi s’agir de la ligature de varices nourricières de
l’ulcère et/ou de perforantes incontinentes. Une crossecto-
mie seule sous anesthésie locale peut aussi être réalisée en
cas de contre-indication à l’anesthésie générale.
La chirurgie des veines superficielles est contre-indiquée
s’il existe un syndrome obstructif sur les voies veineuses pro-
fondes.
Tableau I. – Physiopathologie de l’ulcère veineux au niveau
microcirculatoire (donnée à titre indicatif).
Théorie du piégeage leucocytaire : ralentissement du flux
microcirculatoire avec activation des leucocytes au niveau
de l’endothélium capillaire et relargage de cytokines (dont le TNF-D),
de leucotriènes, d’enzymes protéolytiques, de radicaux superoydes,
responsables d’hyperperméabilité capillaire et de souffrance capillaire
et tissulaire.
Théorie du manchon de fibrine péricapillaire : distension du lit capillaire
avec fuite de fibrinogène qui se polymérise en formant un manchon
de fibrine péricapillaire et une barrière à la diffusion des nutriments
et de l’O2.
Hyperperméabilité capillaire, d’où hémoconcentration capillaire,
accentuation de la viscosité sanguine et microthromboses
responsables d’une raréfaction capillaire.
Autres mécanismes : inactivation de facteurs de croissance
responsables du maintien de l’intégrité tissulaire, surcharge secondaire
du réseau lymphatique aggravant les lésions, dégradation de la matrice
extracellulaire par des métalloprotéinases. La raréfaction capillaire,
quel que soit le mécanisme invoqué, est responsable d’une ischémie
microcirculatoire localisée et de l’ulcère veineux.