
cependant, liée au paiement des cotisations sociales par les travailleurs concernés. Pour contourner la difficulté
de cerner l’ampleur du phénomène informel dans notre pays, les deux auteurs abordent l’activité informelle
dans ses différents aspects, en faisant le distinguo entre l’emploi informel qui “se caractérise par la non-
affiliation de la personne occupée à une caisse de Sécurité sociale” et l’emploi dans le secteur informel qui, lui,
se définit par “les caractéristiques de l’unité économique dans laquelle travaille la personne”. Charmes et
Remaoun se penchent notamment sur les enquêtes emploi de l’Office national des statistiques (ONS), qui ont
été menées de 2003 à 2013, dont les résultats apportent des éclairages insuffisants, selon eux.
Que disent ces chiffres ?
Ils révèlent qu’en l’espace de 11 ans, la population affiliée à une caisse de Sécurité sociale a augmenté de 74%,
alors que la population occupée globale s’est accrue seulement de 61,4%. Pour les deux économistes, l’emploi
informel a connu globalement une réduction dans cette période, passant de 46,6% de la population occupée
totale en 2003 à 42,4% en 2013. Les tableaux qu’ils présentent dans leur étude du BIT montrent aussi
l’importance de l’emploi informel en 2006, qui a atteint les 53,1%, avant de se stabiliser autour de 50%
jusqu’en 2011, puis de chuter à 41,8% en 2012 et à 42,4% en 2013. Et alors que le taux d’emploi informel non
agricole est en augmentation de plus de 12 points sur les dix dernières années, ils signalent “une forte
augmentation” du taux d’emploi informel non agricole chez les femmes, qui est passé de 36,4% en 2009 à
42,5% en 2010 et à 47,2% en 2011.
Les deux spécialistes se tournent ensuite vers d’autres statistiques, celles de la population immatriculée à la
Cnas (salariés permanents ou non permanents, ainsi que les apprentis) et celle des non-salariés affiliés à la
Casnos (indépendants, employeurs et aides familiaux).
Au passage, ils témoignent de la difficulté liée aux “concepts de l’activité économique et de l’emploi” qui les
pousse alors à recourir aux comparaisons avec la Cnas et la Casnos et aux comparaisons ONS/Casnos et à
découvrir que plus de 2/3 de la population salariée sont affiliéw à la Cnas et à peine 1/6 des non-salariés est
réellement affilié à la Casnos.
Beaucoup de petits vendeurs ambulants sur le trottoir
L’appréhension du secteur informel repose surtout, d’après Charmes et Remaoun, sur la connaissance du
nombre d’entreprises et de celui des employeurs et des indépendants. Dans ce cadre, ils constatent qu’en
2011, le secteur informel représentait 30% de l’emploi non agricole, selon le critère de taille 0-4 salariés, et
35,2% selon le critère de taille 0-9 salariés. Plus loin, ils nous apprennent que plus de 60% de ces entreprises
informelles n’exercent pas leurs activités dans un local ou un établissement commercial : 41% exercent de
façon ambulante ou itinérante, sur le trottoir ou sur un marché, 22,3% à domicile et 20,1% sur un chantier. Par
ailleurs, 94,8% de ces entreprises n’ont aucune forme d’enregistrement et 94,7% ne versent aucune sorte
d’impôt ou de taxe (hormis la TVA, mais en tant que consommateur final des matières ainsi achetées), tandis
que 88,1% ne tiennent aucune forme de comptabilité (ou très rudimentaire). Confrontés à ceux rapportés par le
recensement économique 2011, ces chiffres confirment “la très forte proportion d’activités s’exerçant hors de
locaux ou établissements commerciaux”, se traduisant par une nuée de petits vendeurs ambulants, sans
localisation fixe, en attestant aussi de “la façon plus ou moins dissimulée” avec laquelle les établissements (de
manufacture ou de services) opèrent : absence d’enseignes, fermeture des portes et des rideaux.
Travail au noir des femmes dans la manufacture et l’habillement
D’autres précisions sont apportées par les auteurs de l’étude du BIT, comme la concentration de personnes
travaillant seules où 90,6% des personnes physiques ne payent pas vraiment d’impôt : 26,2% “n’en payent
pas”, 2,2% “sont exonérées” et 62,2% “payent un impôt forfaitaire”. Concernant l’emploi dans le secteur
informel, on apprend que, pour l’année 2011, près des deux tiers de l’emploi sont constitués par l’auto-emploi
(63,9% d’employeurs et indépendants, auquel s’ajoutent 2,4% d’aides familiaux). L’emploi dans ce secteur
(informel) est constitué de 31% par des activités commerciales, de 29% par les activités de construction, de
21,8% par des activités de services (hors commerce) et de 18,1% par des activités manufacturières. De plus, les
branches les plus rongées par l’informel sont l’habillement (80%),