Économie internationale

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Ministère des Affaires Étrangères et Européennes 2010-2011
Préparation au Concours interne de Secrétaire des Affaires Étrangères
Économie internationale
D. GLAYMANN (UPEC)
CORRIGÉ DU GALOP N°2 LE TEMPS DES POLITIQUES CONJONCTURELLES EST‐IL RÉVOLU POUR LES PAYS DE LA ZONE EURO ? Termes‐clés :  Les politiques conjoncturelles = politiques budgétaires et monétaires, s’inscrivant dans la courte durée de façon à orienter les équilibres macroéconomiques. Politiques de relance et politiques restrictives selon la conjoncture. Politiques d’inspiration keynésienne largement utilisées dans les pays d’Europe occidentale, dont ceux de l’actuelle zone euro, durant les années 1950‐1980.  Les pays de la zone euro : il s’agit actuellement de 17 des 27 pays membres de l’Union européenne (Allemagne, Autriche, Belgique, Chypre, Espagne, Estonie, Finlande, France, Grèce, Irlande, Italie, Luxembourg, Malte, Pays‐Bas, Portugal, Slovaquie et Slovénie). Il sont soumis à des règles communes en matière budgétaire et adoptent une politique monétaire dont la conduite est assurée par la Banque Centrale Européenne.  Le temps est‐il révolu ? : Cette formulation fait référence au renoncement assez large aux politiques conjoncturelles intervenu depuis une trentaine d’années en Europe dans le cadre de la réorientation des politiques économiques des années 1980 et de la construction européenne. Problématique : La question qui est posée renvoie à deux débats : l’un concerne la légitimité des politiques conjoncturelles, l’autre porte sur la possibilité de leur mise en œuvre par les gouvernements des pays de la zone euro Le premier aspect conduit à débattre de l’efficacité des politiques conjoncturelles face aux déséquilibres ou aux équilibres non optimaux auxquels conduisent les mécanismes de marché. Ce débat renvoie largement à la controverse entre économistes keynésiens et néoclassiques contemporains (écoles monétariste, de l’offre et du Public Choice), avec en toile de fond le basculement qui intervient dans le courant des années 1970 et qui va conduire à un recul de l’intervention de l’État dans l’économie. Le deuxième aspect interroge la situation spécifique des pays de la zone euro dans lesquels la politique monétaire, l’un des deux grands leviers des politiques conjoncturelles, relève désormais de la Banque centrale européenne alors que la politique budgétaire, l’autre grand levier, reste aux mains des gouvernements et des parlements nationaux tout en étant encadrée par le Pacte de croissance et de stabilité. Le Policy mix largement pratiqué durant les années 1960‐70 n’est donc plus une option sauf à envisager de le mettre en place à une échelle européenne. Proposition de corrigé du plan I – Couramment mises en œuvre en Europe occidentale durant les 30 Glorieuses, les politiques conjoncturelles ont vu leur efficacité et leur légitimité contestées durant les années 1970‐1980 Les politiques conjoncturelles étaient un outil privilégié des États d’Europe occidentale dans une période de croissance rapide où le keynésianisme était la réponse adoptée face aux risques menaçant les équilibres macroéconomiques. A/ Les politiques conjoncturelles ont constitué un outil contracyclique largement utilisé par les États durant la période fordiste. 1. La logique : agir dans le court terme au moyen d’instruments souples aux effets rapides (politiques monétaire et budgétaire) pour influencer le niveau des équilibres macroéconomiques (croissance, emploi, prix, commerce extérieur). 2. Les mécanismes : l’action plus ou moins combinée (Policy mix) sur les recettes ou les dépenses publiques et sur le crédit de manière à faire varier la masse monétaire, donc la demande (de biens de consommation finale et d’investissement) afin d’influencer le niveau de la production, de l’emploi et des prix à travers différents mécanismes, notamment le multiplicateur d’investissement. 3. L’inspiration : l’analyse keynésienne du circuit économique donnant une place centrale à la demande effective. 4. L’expérience historique : dans la foulée du New Deal de Roosevelt, ces politiques ont fait face aux tendances de court terme au ralentissement ou à l’échauffement économiques lors de la reconstruction et de la croissance exceptionnelle des 30 glorieuses, notamment en Europe. B/ La stagflation des années 1970 a débouché sur un recul des politiques conjoncturelles mises en accusation par les économistes ultralibéraux. 1. Les politiques conjoncturelles de relance et de rigueur s’avèrent inefficaces face à la montée simultanée du chômage et de l’inflation (cf. l’échec des politiques menées en France de 1975 à 1982). 2. Les économistes monétaristes vont au‐delà d’un constat d’inefficacité et accusent les politiques d’inspiration keynésienne d’avoir généré et d’aggraver la crise. Ils recommandent l’adoption de politiques de l'offre. 3. La logique néo‐classique selon laquelle c’est le niveau des profits qui détermine celui de la production et de l’emploi et qui permet d’équilibrer les marchés (cf. le « théorème de Schmidt ») a conduit à un large renoncement aux interventions conjoncturelles de l’État depuis les années 1980. 4. L’ouverture internationale des économies européennes constitue un autre obstacle à la mise en œuvre de politiques conjoncturelles nationales qui risquent plus qu’il y a 50 ans de se heurter à la contrainte extérieure (cf. la relance française de 1981). En dépit des succès en matière de désinflation, le marché du travail jamais redevenu optimal et la récente crise financière ont montré les limites de la régulation par le marché. Mais, un recours renouvelé aux politiques conjoncturelles semble compliqué pour les pays de la zone Euro. II ‐ Le recul de l’intervention économique de l’État et l’architecture de la zone euro qui ont réduit la possibilité pour les pays membres d’utiliser des politiques conjoncturelles actives sont questionnés par la crise récente. Le reflux de l’action conjoncturelle des pouvoirs publics qui a été amorcé sous l’influence des critiques des économistes libéraux à leur égard avant d’être institutionnalisé au sein de l’Union économique européenne limitant les prérogatives tant monétaires que budgétaires des pays membres a conduit à s’interroger sur un possible retour aux politiques conjoncturelles contracycliques. A/ La construction de la zone euro limite très fortement la possibilité des États membres de mener des politiques conjoncturelles 1. La politique monétaire présente deux obstacles au retour vers un usage conjoncturel national : d’une part, c’est la BCE qui la pilote et elle n’est donc plus une prérogative nationale ; d’autre part, elle poursuit un objectif central de stabilité de la monnaie et des prix qui s’inspire de la logique monétariste et s’oppose donc à des politiques proactives. 2. La politique budgétaire demeure du ressort des États, mais elle est très strictement encadrée par le Pacte de stabilité et de croissance qui limite le déficit budgétaire à 3% du PB. 3. Un Policy mix est donc impossible à mettre en œuvre à l’échelle nationale puisque les gouvernements nationaux ne disposent plus des deux leviers nécessaires. Le retour à des politiques conjoncturelles même renouvelées pour tenir compte du nouveau contexte économique international apparaît donc impossible pour les pays de la zone euro alors même que beaucoup d’entre eux sont en butte à différents déséquilibres économiques. B/ Des politiques conjoncturelles nationales pourraient pourtant être opportunes face aux problèmes que rencontrent de nombreux pays européens 1. La politique monétaire de la BCE n’est pas nécessairement adaptée à la situation de chaque pays membre de la zone euro dans la mesure où les cycles économiques n’y sont pas identiques comme le montrent le mouvement des prix ou l’évolution de l’emploi. 2. La situation budgétaire est elle aussi très différente d’un pays à l’autre et d’une période à une autre et la contrainte pesant sur les déficits budgétaires peut s’avérer inadéquate. 3. La crise financière récente a révélé les limites de cette situation : la BCE a dû céder aux injonctions de plusieurs États membres en faveur d’un relâchement de sa politique de taux d’intérêt cependant que d’un commun accord, les pays de la zone euro s’exonéraient des contraintes en matière budgétaire (s’autorisant à dépasser la limite des 3% de déficit budgétaire et de 60% de la dette publique). Un semblant de politique conjoncturelle a donc été mis en œuvre pour faire face à la récession de 2008‐2009. Comment la situation actuelle peut‐elle évoluer ? C/ S’il s’impose le besoin de politiques conjoncturelles peut conduire à l’éclatement de la zone euro ou à la création d’un gouvernement économique commun aux pays membres. 1. Première hypothèse : l’orthodoxie libérale continue à s’imposer et à empêcher le recours à des politiques conjoncturelles actives dans les pays membres de la zone euro au risque que certains pays ne soient amenés à la quitter par choix ou par contrainte. 2. Deuxième hypothèse : le besoin de revenir à des politiques conjoncturelles s’impose et conduit les pays de la zone euro à mettre un terme à cette construction jugée finalement inefficace. 3. Troisième hypothèse : un accord se fait entre les responsables des pays membres de la zone euro, de la BCE et de l’UEM pour mettre en place une structure (parfois qualifiée de « gouvernement économique ») dotée de moyens conjoncturels, ce qui suppose le transfert de ressources budgétaires des nations vers l’Union et une concertation régulière. Conclusion Les pays de la zone euro n’ont plus les moyens de recourir à des politiques conjoncturelles. Il semble néanmoins que le besoin d’y revenir soit de plus en plus ressenti, ce qui appelle des évolutions pouvant passer par différents scenarii. Les caprices de l’économie européenne et mondiale pourraient pousser les décideurs et les opinions publiques à trancher le problème dans les années à venir. 
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