
Pourquoi les fictions américaines cartonnent en France ? Parce qu’elles sont bonnes,
en tout cas elles sont jugées meilleures que les françaises par les programmateurs qui les
programment ! Du coup la production française s’effondre encore plus et on la regarde
encore moins. Il n’y a pourtant pas de fatalité : les télénovelas brésiliennes cartonnent au
Brésil, les séries britanniques cartonnent au Royaume Uni, les feuilletons turcs cartonnent
en Turquie et même dans tout le Moyen Orient… Les 3 séries qui cartonnent le plus dans 3
pays différents ne sont pas américaines mais turques ! Et je ne parle pas de l’Inde, de la
Chine, l’Allemagne, l’Espagne. La situation française est atypique et paradoxale.
Donc si on ne veut pas que les téléspectateurs en masse s’abonnent en direct à NETFLIX
ou I TUNES pour recevoir directement la dernière saison de Mad Men ou de Grey’s
anatomy, il faut à l’évidence que les diffuseurs français réinvestissent le champ de la
fiction française et européenne : le CNC vient de lancer une concertation avec tous les
acteurs de la fiction dans la foulée du rapport Chevalier.
Ce sujet est très important car il n’est pas seulement artistique ou économique, il est
politique et national. Un pays sans héros nationaux est un pays sans visage. Or
dans la civilisation de l’image, les héros sont aussi ceux de l’image, ceux du cinéma
au sens large. La France ne peut pas se permettre d’abdiquer de sa culture, et doit
au contraire profiter de la TV connectée pour l’exporter partout.
Tous les programmes sont concernés et pas seulement la fiction: l’école française
du documentaire n’a rien à envier à la britannique ! On le voit dans les palmarès des
festivals.
Je n’en dis pas plus car je pense que Bertrand Méheut et Rémy Pflimlin apporteront la
démonstration que la stratégie gagnante est bien celle qui consiste à investir fortement
sur des contenus de qualité, à les préacheter, les coproduire, pour pouvoir rivaliser
avec les standards de qualité américaine auxquels sont habitués nos publics du fait même
que les diffuseurs traditionnels les ont habitués à de tels standards… Malheureusement les
chaînes privés n’ont pas investi beaucoup sur la fiction française en 2010, mais j’ai entendu
comme d’autres Rodolphe Belmer annoncer au dernier MIPTV une stratégie ambitieuse
pour développer des « mégamétrages », en poussant l’audace jusqu’à vouloir distribuer
des séries françaises et européennes sur le territoire américain.