88 | La Lettre du Psychiatre • Vol. V - n° 4-5 - juillet-octobre 2009
Résumé
On pense aujourd’hui que les déficits cognitifs affectent environ 80 % des patients souffrant de schizo-
phrénie. Toutefois, de nombreuses études indiquent que les déficits rencontrés diffèrent souvent d’un
patient à l’autre. Pour cette raison, le programme RECOS propose des modules d’entraînement ciblés pour
leur remédiation. Avant la remédiation, les patients sont évalués au moyen d’une large batterie de tests
qui déterminent le module auquel ils participeront. Des résultats préliminaires indiquent une amélioration
pour les modules entraînés supérieure à celle des modules non entraînés. On constate cependant une
amélioration à certains tests correspondant aux modules non entraînés, ce qui suggère un effet de trans-
fert d’apprentissage. Ces résultats nécessitent confirmation. Dans cette optique, une étude franco-suisse
vise à valider le programme RECOS en le comparant à la
cognitive remediation therapy
développée par
A. Delahunty et T. Wykes, et déjà validée.
Mots-clés
Schizophrénie
Remédiation cognitive
Répercussions
fonctionnelles
Psychoéducation
Highlights
Today, it is believed that
cognitive disorders concern
about 80% of all patients
with schizophrenia. However,
numerous studies show that
cognitive deficits greatly
differ from one schizophrenic
patient to another. Conse-
quently, the RECOS program
contains targeted training
modules for their reme-
diation. Before treatment,
patients are evaluated with a
large battery of tests in order
to determine in which of the
five specific training modules
they would participate. Prelimi-
nary results showed a greater
improvement in the modules
for which training had taken
place compared with those
where no training had taken
place. Since, an improvement
was observed in both types of
modules, indicating a learning
transfer effect. Since these
results still need confirmation,
a multicentre research study in
France and in Switzerland aims
to validate the RECOS cogni-
tive remediation program, by
comparing it to
cognitive reme-
diation therapy
, developed by
A. Delahunty and T. Wykes, and
already validated.
Keywords
Schizophrenia
Cognitive remediation
Functional outcome
Psychoeducation
en évoquant les différentes fonctions cognitives
évaluées par la batterie RECOS.
L’objectif principal d’un programme de rééducation
cognitive est d’améliorer la situation du patient dans
sa vie quotidienne. Le questionnaire “Évaluation des
répercussions fonctionnelles” (ERF) a ainsi été déve-
loppé dans le but de mesurer les conséquences dans
la vie quotidienne des domaines cognitifs déficitaires,
évalués préalablement par la batterie neuropsycho-
logique. Un patient qui présente des déficits aux tests
mesurant la mémoire verbale devra, par exemple,
nous indiquer s’il présente des difficultés à mémo-
riser ce que les gens lui disent (les consignes de son
employeur, les prescriptions de son médecin, etc.).
La cotation se fait en fonction des réponses données
par le patient et également selon le comportement
observé au cours de l’entretien (pour la mémoire
verbale, cela pourrait se traduire, par exemple, par
une difficulté à mémoriser le contenu de l’entre-
tien). Le choix du module d’entraînement se fait
non seulement en fonction de l’évaluation cognitive,
mais aussi en fonction des réponses données à l’ERF.
Psychoéducation
et définition d’objectifs
Au terme de la phase évaluative, la séance psycho-
éducative se déroule en présence du médecin et/ou du
clinicien référent et, si possible, d’un ou de plusieurs
proche(s) du patient. Plusieurs travaux récents souli-
gnent les effets bénéfiques des séances de psycho-
éducation pour les patients souffrant de psychose :
réduction du taux de rechute, augmentation de la
compliance au traitement, réduction du sentiment
de culpabilité de la famille et diminution du stress
lié aux symptômes.
Cette séance permet également de discuter des
objectifs individualisés poursuivis durant la phase
de remédiation. Ces objectifs sont définis en lien
avec les répercussions fonctionnelles des troubles
cognitifs observés. Ils font l’objet d’un accord entre
le thérapeute et le patient et figurent sur le contrat
de participation signé lors de la séance suivante. Ils
sont rediscutés régulièrement avec le patient lors
de la phase de remédiation proprement dite et sont
évalués au terme du programme.
Phase de remédiation
Chaque module d’entraînement propose des exer-
cices “papier-crayon” et des exercices informatisés2.
Les séances papier-crayon permettent au patient
– avec l’aide de son thérapeute – de développer
les stratégies les plus efficaces pour faire face au
problème posé. Ces stratégies sont ensuite appli-
quées par le patient au cours des exercices sur ordi-
nateur. Il s’agit de séances individuelles qui ont lieu
une à deux fois par semaine en présence du théra-
peute. Un travail à domicile est également effectué
une fois par semaine et son contenu fait l’objet d’une
discussion entre le patient et son thérapeute. Il est
généralement en lien direct avec les préoccupations
de chacun des participants. Ces séances à domicile
sont importantes, car elles favorisent le transfert
des compétences acquises en séance.
Au cours du programme, les patients sont amenés à
verbaliser, catégoriser, organiser et planifier. Les stra-
tégies de résolution de problèmes sont également
sollicitées, dans la mesure où elles permettent de
contrer la tendance des patients les plus déficitaires
à persévérer dans leur fonctionnement.
Résolution de problèmes
Les stratégies de résolution de problèmes visent à
développer une progressive autonomie du patient
face aux problèmes qu’il rencontre dans sa vie quoti-
dienne. Dans le cadre de la remédiation cognitive,
cette technique a pour objectif d’explorer un large
éventail de stratégies possibles et de sélectionner
celles qui se révèlent les plus pertinentes pour faire
face à un problème donné. Les étapes suivantes sont
proposées :
Définir le problème. Les objectifs visés et les
obstacles pour y parvenir sont exprimés par le
patient. Le thérapeute s’assure que les éléments
importants du problème posé sont pris en compte et
exprimés clairement. Il est possible que cette phase
2
Ces exercices ont été initialement conçus par la société Scientific
Brain Training (SBT) établie à Villeurbanne (France). Nous avons
collaboré avec cette société pour les rendre compatibles avec les
objectifs fixés par le programme RECOS.