corrigé du devoir d0014-2013

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DROIT DES SOCIÉTÉS – CORRIGÉ DU DEVOIR D0014-2013
CORRIGÉ DU DEVOIR D0014-2013
I.
CAS PRATIQUE EXTRAIT D’UN SUJET D’ANNALES -
« SA ESSENTIALS »
DOSSIER 1
1.1
Monsieur Gonod peut-il rester seul membre du directoire ? (2 points)
Le nombre des membres du directoire (personnes physiques dont la mission est d’assurer la
gestion de l’entreprise) est déterminé par les statuts ou par le conseil de surveillance, mais
toujours dans les limites d’une fourchette légalement fixée :
 le nombre de membres du directoire ne peut pas être supérieur à cinq, ni inférieur à
deux ;
 cependant, quand la SA est cotée en bourse, ce nombre de membres peut monter
jusqu’à sept ;
 à l’inverse, lorsque le capital social de la SA est inférieur à 150 000 euros, le
directoire peut n’être composé que d’une seule personne, appelée alors « directeur
général unique ».
Le capital de la SA Essentials est ici de 200 000 euros : il est donc supérieur à la limite
légale de 150 000 euros permettant au directoire de ne comporter qu’un seul membre.
En conséquence, Mr. Gonod ne peut pas rester le seul membre du directoire après le départ
de Mr. Pilibossian. Il faut obligatoirement choisir une deuxième personne pour entrer dans le
directoire à ses côtés.
On signalera également que cette obligation légale est renforcée par la disposition statutaire
prévoyant deux membres pour composer le directoire de la SA Essentials.
1.2.
Monsieur Hubert peut-il être nommé membre du directoire ? ( 2 points)
Les membres du directoire sont nommés par le conseil de surveillance (ou dans les statuts
pour les premiers), pour une durée légale de quatre ans ou pour une durée fixée
statutairement entre deux et six ans ; ils sont rééligibles.
Pour être opposable aux tiers, toute nomination ou cessation des fonctions d'un membre du
directoire en cours de vie sociale doit faire l'objet des formalités de publicité classiques :
annonce dans un journal d'annonces légales, dépôt de l’acte au greffe du tribunal de
commerce du lieu du siège social, inscription modificative au RCS, insertion au BODACC.
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DROIT DES SOCIÉTÉS – CORRIGÉ DU DEVOIR D0014-2013
Les membres du directoire sont obligatoirement des personnes physiques, actionnaires ou
non de la société, qui doivent être civilement capables, mais qui n’ont pas besoin de
disposer de la capacité commerciale.
Ils ne doivent pas avoir été interdits ou déchus du droit d’administrer une société, ni tomber
sous le coup d’une incompatibilité avec la fonction de membre du directoire.
Les membres du directoire sont soumis la limite d’âge légale de 65 ans, sauf clause des
statuts déterminant cette limite (en l’espèce, la limite d’âge est repoussée statutairement à
67 ans, ce qui est tout à fait possible).
En matière de cumul des mandats sociaux, la loi prévoit que, sauf cas particuliers :
 une même personne ne peut pas être à la fois membre du directoire et membre du
conseil de surveillance dans la même société ;
 une même personne ne peut pas exercer plus d'un mandat de membre du directoire
dans les SA ayant leur siège social en France ;
 une même personne ne peut pas cumuler son mandat de membre du directoire dans
une SA avec un mandat de président du conseil d’administration dans une autre SA ;
 en revanche, une même personne peut cumuler son mandat de membre du
directoire dans une SA avec un mandat d’administrateur dans une autre SA ;
 le nombre total de mandats détenus par une personne physique dans des SA ayant
leur siège social sur le territoire français est limité à cinq, tous mandats confondus
(membre du conseil de surveillance, membre du directoire, administrateur).
En l’espèce, Mr. Hubert, le candidat choisi par Mr. Pilibossian pour assurer sa succession au
directoire de la SA Essentials :
 dispose de la capacité civile et n’est a priori pas sous le coup d’une interdiction,
d’une déchéance ou d’une incompatibilité l’empêchant d’administrer une société ;
 est âgé de 62 ans, donc se situe en-dessous de la limite d’âge statutaire ;
 n'est pas actionnaire de la SA Essentials, ce qui n’a pas d’influence sur son futur
statut de membre du directoire ;
 n’est pas membre du conseil de surveillance de la SA Essentials, ce qui l’aurait
empêché de cumuler ce mandat avec celui de membre du directoire dans la même
société ;
 n’est pas membre d’un directoire dans une autre SA ayant son siège social en
France, ce qui l’aurait empêché de cumuler ce mandat avec celui de membre du
directoire dans la société Essentials ;
 est simplement déjà membre du conseil d'administration d'une autre SA, non cotée
en bourse : il ne possède pour l’instant qu'un seul mandat social.
Monsieur Hubert semble ainsi réunir l'ensemble des conditions pour pouvoir faire partie du
directoire de la SA Essentials.
Il n’est pas atteint par la limite d’âge et son mandat d’administrateur dans une autre SA ne
fait pas obstacle à son éventuel mandat de membre du directoire de la société Essentials ; il
n’atteindra alors même pas le nombre limite de cinq mandats sociaux, puisqu’il n’en aura
que deux.
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DROIT DES SOCIÉTÉS – CORRIGÉ DU DEVOIR D0014-2013
Il pourra donc être nommé dans cette fonction par le conseil de surveillance, à la suite de la
démission de Mr. Pilibossian, et cette nomination devra faire l’objet des formalités de
publicité habituelles.
DOSSIER 2
2.1.
Peut-elle cumuler son mandat de membre du conseil de surveillance
avec un contrat de travail ? (2 points)
Un membre du conseil de surveillance peut cumuler un contrat de travail et un mandat social
dans la même société et ce, même si le contrat de travail est postérieur au mandat social,
mais en respectant certaines conditions :
 le contrat de travail doit correspondre à un emploi réel et effectif au sein de la société
(il faut une véritable distinction entre les attributions techniques salariées et celles
relevant du mandat social) ;
 le contrat de travail doit, par définition, être exercé sous un lien de subordination
juridique à l’égard de la société ;
 la fonction salariée doit faire l’objet d’une rémunération distincte de celle
éventuellement perçue au titre du mandat social.
Par ailleurs, le nombre des membres du conseil de surveillance cumulant leur mandat avec
un contrat de travail ne doit pas excéder le tiers des membres en fonction.
En l’espèce, rien ne semble s'opposer par principe à ce que Mme Reichart cumule
désormais son mandat social de membre du conseil de surveillance avec un contrat de
travail en tant qu’ingénieur chimiste dans la même société.
II faudra cependant vérifier :
 que ses compétences professionnelles d’ingénieur chimiste lui permettront de
développer une activité technique différente de celle effectuée actuellement dans le
cadre de son mandat social (ce qui semble être le cas, eu égard à sa qualification
professionnelle) ;
 que le lien de subordination soit bien réel avec la société ;
 que la rémunération qui lui sera versée à titre de salaire corresponde à l'activité
technique et soit différente de celle de son mandat social ;
 et que le numerus clausus ne soit pas atteint (mais il ne semble pas qu’un autre
membre du conseil de surveillance soit titulaire d’un contrat de travail en l’espèce).
2.2.
Quelle est la procédure à suivre pour la conclusion d’un contrat de
travail avec un membre du conseil de surveillance ? (2 points)
Par principe, ce cumul est, sous les conditions de fond examinées ci-dessus, possible. Mais
la procédure est alors soumise à des conditions de forme.
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DROIT DES SOCIÉTÉS – CORRIGÉ DU DEVOIR D0014-2013
Les articles L. 225-86 et suivants du Code de commerce prévoient la procédure applicable
aux conventions directes ou indirectes conclues entre une société et l'un des membres de
son conseil de surveillance.
Toutes les conventions ne font pas nécessairement l'objet d’une procédure spéciale. II y a
des conventions qui sont interdites et d'autres qui sont libres. Mais celles qui sont
réglementées sont soumises à un contrôle à plusieurs degrés.
1. Rôle du conseil de surveillance
 Le membre du conseil de surveillance intéressé par une convention réglementée est
tenu tout d’abord d'en informer le conseil dès qu'il en a connaissance.
 Il faut alors l’autorisation préalable de la convention par le conseil de surveillance,
sans que l’intéressé ne puisse prendre part au vote.
2. Rôle du CAC
 Le ou les CAC sont informés par le président du CS de la convention en question.
 Ils doivent établir un rapport spécial sur cette convention autorisée par le CS.
3. Rôle de l’AG
 Un vote de l'assemblée générale des actionnaires, après audition du rapport spécial
des CAC, doit approuver définitivement la convention.
 L’intéressé, s’il est actionnaire, ne peut pas prendre part au vote.
Valerie Reichart, membre du conseil de surveillance, pourra cumuler son mandat social avec
un contrat de travail à condition de respecter la procédure des conventions réglementées.
 Pour cela, elle devra aviser le conseil de surveillance de son souhait, afin qu'il donne
son autorisation ; elle ne pourra alors pas voter à cette délibération.
 Le président du CS avertira le ou les CAC de la société, qui établiront un rapport
spécial sur ce projet de contrat.
 Ensuite, l'assemblée des actionnaires devra approuver le contrat de travail, après
prise de connaissance du rapport des CAC et, là encore, l’intéressée ne pourra pas
prendre part au vote.
Si les deux organes (CS et AG) acceptent sa demande, elle pourra alors cumuler les deux
fonctions.
DOSSIER 3
3.1.
Quelles sont les caractéristiques des actions de préférence ? (2 points)
Lors de la constitution de la société (dans les statuts) ou au cours de son existence (par
l’assemblée générale extraordinaire), il peut être créé des « actions de préférence », avec
ou sans droit de vote, c'est-à-dire des actions assorties de droits particuliers de toute nature
par rapport aux autres actions, à titre temporaire ou permanent (art. L. 228-11 C. com.)
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DROIT DES SOCIÉTÉS – CORRIGÉ DU DEVOIR D0014-2013
Ces titres de capital restent des actions, soumis au régime général des actions. Mais ils se
distinguent par les prérogatives qui y sont attachées (avantages exorbitants du droit
commun, politiques ou financiers, à titre temporaire ou permanent) par rapport aux actions
ordinaires.
Les termes « actions de préférence » regroupent désormais les actions de priorité, les
actions à dividende prioritaire sans droit de vote, les certificats d'investissement et les
certificats de droit de vote.
Leurs caractéristiques – notamment les avantages pécuniaires ou politiques auxquelles elles
donnent droit – sont laissées à la liberté de l’émetteur. Ces actions de préférence et leurs
caractéristiques doivent alors être prévues, soit par les statuts au départ de la société, soit
par l’acte qui les crée (en cas d’augmentation de capital, par exemple).
Les « préférences » qu’elles accordent peuvent être financières ou politiques. Les actions de
préférence peuvent ainsi conférer à leurs titulaires :
 des droits privilégiés patrimoniaux ou extrapatrimoniaux ;
 des droits de vote différents de ceux attachés aux actions ordinaires.
a.
Les droits au bénéfice pouvant être attachés aux actions de préférence
La création d'actions de préférence a souvent pour objectif de permettre à leurs titulaires de
recevoir une part de bénéfice supérieure à celle attribuée aux actions ordinaires.
Principalement, c’est donc le droit à un dividende majoré pour les actionnaires qui les
possèdent. C’est une des caractéristiques qu’on leur confère le plus souvent.
b.
Les avantages pécuniaires non liés à la répartition du bénéfice
L'action de préférence peut également conférer des droits financiers non liés à une
distribution de bénéfice. II peut s'agir, par exemple :
 d'un droit de rachat prioritaire des actions de préférence ;
 d'un amortissement prioritaire des actions de préférence en cas d'amortissement du
capital ;
 d'un droit privilégié au boni de liquidation ;
 d'un remboursement prioritaire du nominal des actions, sous réserve que cette
priorité ne confère pas un droit de préférence à l’actionnaire par rapport aux
créanciers sociaux ;
 d’un droit à la conversion en actions ordinaires…
c.
Les avantages extrapatrimoniaux
L'action de préférence peut enfin conférer des droits politiques, comme par exemple :




un droit de vote ou de contrôle spécifique ;
une liberté de cession sans clause d'agrément ;
un droit d’information renforcée ;
le droit de proposer la nomination des membres de la direction ;
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DROIT DES SOCIÉTÉS – CORRIGÉ DU DEVOIR D0014-2013
 le droit à un certain nombre de sièges au conseil d'administration, au directoire ou au
conseil de surveillance ;
 le droit à des actions sans droit de vote compensé par des avantages financiers ;
 un droit de préemption attaché à certaines actions, permettant alors d'éviter les
changements de majorité par une priorité d'achat des actions.
3.2.
L’émission d’actions de préférence répondrait-elle aux objectifs du
directoire ? Justifiez votre réponse. (2 points)
Le directoire souhaite conférer aux nouveaux actionnaires, qui souscriront à l’augmentation
de capital, des actions de préférence afin qu’ils s’investissent sur le long terme.
Il faut ici déterminer, à partir des diverses caractéristiques possibles des actions de
préférence évoquées plus haut, quels seraient les privilèges à associer aux actions de
préférence créées par la SA Essentials, pour garantir le maintien dans le capital des
actionnaires qui ont souscrit à l’augmentation.
Il faut donc simplement déterminer en l’espèce quels avantages associés aux actions de
préférence pourraient correspondre aux objectifs de durabilité de l’actionnariat souhaité par
le directoire.
À cette fin et au regard des motivations des différents actionnaires, certains pourront être
intéressés par davantage de droits politiques (droit de vote plural, plus d’informations sur la
situation de la société...) ; d’autres préféreront davantage de droits pécuniaires (attribution
d’un dividende prioritaire, droit plus important dans le boni de liquidation…).
On peut donc penser que, pour favoriser la fidélité des futurs actionnaires, l’attribution
d’avantages, notamment patrimoniaux (droit à dividende amélioré par rapport aux actions
ordinaires), par la création d’actions de préférence, est une bonne solution.
3.3.
Quel est l’organe compétent pour décider d’une augmentation de
capital ? (2 points)
C’est l’AGE (assemblée générale extraordinaire) est, de principe, l’organe compétent pour
décider d’une augmentation de capital, puisque cela va entraîner une modification statutaire.
L’AGE qui va statuer doit être précédée, pour complète information des actionnaires, de la
présentation :
 du rapport du conseil d’administration ou du directoire qui précise les motifs de
l’augmentation ;
 de celui du commissaire aux apports en cas d’émission d’actions assorties
d’avantages particuliers ;
 et du rapport spécial du CAC sur l’opération d’augmentation.
Pour simplifier la procédure, l’AGE peut cependant donner aux organes de direction (CA ou
directoire) une délégation de pouvoir pour décider de l’augmentation de capital, en préciser
les modalités et la réaliser.
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DROIT DES SOCIÉTÉS – CORRIGÉ DU DEVOIR D0014-2013
Une fois réalisée, l’augmentation de capital devra faire l’objet des formalités de publicité
classiques exigées pour toute modification statutaire.
3.4.
Quel droit peut exercer Monsieur Dubois et selon quelles modalités ?
(2 points)
Cette question fait appel aux règles juridiques concernant le contrôle interne de la SA,
notamment par la procédure d’expertise de gestion.
Un ou plusieurs actionnaires représentant au moins 5 % du capital social de la SA, peuvent,
soit individuellement, soit en se groupant, poser deux fois par exercice, par écrit, au
président du conseil d'administration ou au directoire, des questions sur une ou plusieurs
opérations de gestion de la société et, notamment, sur tout fait de nature à compromettre la
continuité de l'exploitation.
La question et la réponse sont communiquées alors au commissaire aux comptes.
Lorsque la réponse à la question est jugée satisfaisante par l'actionnaire demandeur, la
procédure reste secrète, seul le commissaire aux comptes aura eu connaissance des
éléments de réponse.
Mais, si dans le délai d’un mois, aucune réponse n’est donnée ou si le demandeur estime
que la réponse est insuffisante, il pourra demander, en référé, au président du tribunal de
commerce la désignation d’un ou plusieurs experts chargés de présenter un rapport sur la
ou les opérations de gestion contestées. C’est le déclenchement de la procédure d'expertise
sur des opérations de gestion.
La demande d'expertise ne peut pas porter sur la gestion globale de la société, ni sur la
régularité des comptes sociaux. Elle doit être faite pour une ou plusieurs opérations
déterminées, sachant que les opérations qui relèvent de la compétence des assemblées ne
sont pas assimilées à des « actes de gestion ».
Le rapport de l’expert devra être adressé au(x) demandeur(s), au ministère public, au comité
d'entreprise, aux commissaires aux comptes et, selon le cas, au conseil d'administration ou
au directoire et au conseil de surveillance.
Ce rapport doit, en outre, être annexé à celui établi par les commissaires aux comptes en
vue de la prochaine assemblée générale et recevoir la même publicité que celui des CAC.
En l'espèce, Monsieur Dubois détenant 7% du capital et l’acquisition du brevet étant une
opération de gestion précise, il a la possibilité de déclencher la procédure d'expertise de
gestion sur l'opération d'acquisition du brevet.
Le but de cette expertise sera de déterminer si l'opération envisagée n'est pas contraire à
l'intérêt social de la SA, compte tenu de la conjoncture économique et, si besoin, cette action
entraînera le déclenchement d’une alerte des dirigeants sur un fait de nature à commettre la
continuité de l’exploitation de la société.
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DROIT DES SOCIÉTÉS – CORRIGÉ DU DEVOIR D0014-2013
II.
QUESTION DE COURS (4 POINTS)
Remarque préalable
Ce corrigé-type est intentionnellement beaucoup plus détaillé que ce qui était attendu de
l’élève dans ce devoir. C’est une correction complète du sujet (sous forme de plan de
dissertation) et, à ce titre, elle doit servir de complément de lecture et d’approfondissement
de votre cours de droit des sociétés.
INTRODUCTION
Depuis la loi du 24 juillet 1867, les sociétés anonymes, forme la plus importante des sociétés
par actions, définie par le législateur comme « société dont le capital est divisé en actions et
qui est constituée entre des associés qui ne supportent les pertes qu'à concurrence de leurs
apports » (art. L. 225-1 C. com.), peuvent être constituées librement. Cela signifie qu'aucune
autorisation administrative préalable n'est nécessaire.
Cependant, la loi du 24 juillet 1966 réglemente strictement la constitution des sociétés
anonymes, qui sont en réalité au nombre de deux :
 celles qui font « offre au public de titres financiers » (ancien « appel public à
l’épargne ») : leur constitution reste exceptionnelle, l'appel à l'épargne ayant en
général lieu une fois la société constituée. Les fondateurs ne disposent alors pas de
capitaux suffisants et font appel au public pour réunir un grand nombre d'associés et
donc de capitaux importants par l'intermédiaire d'établissements spécialisés ou de
procédés de publicité quelconque, voire du démarchage. La constitution suppose
alors plusieurs étapes et, s'étalant dans le temps, elle est dite successive ;
 celles qui ne font pas offre au public de titres financiers : les fondateurs et futurs
actionnaires sont alors connus et la création est généralement instantanée.
Cette distinction est capitale pour la constitution de la SA, car le législateur a imposé, depuis
la loi du 24 juillet 1966, aux sociétés anonymes faisant offre au public de titres financiers,
des formalités plus importantes, alors que la constitution d'une société anonyme sans offre
au public de titres financiers peut s'opérer selon une « procédure » simplifiée.
Avant d'examiner les justifications de cette dualité de régime, il convient de déterminer et de
comparer ces deux modes de constitution.
A.
CONSTITUTION DES SOCIÉTÉS ANONYMES AVEC OFFRE AU PUBLIC
DE TITRES FINANCIERS
Elle suppose plusieurs étapes : au cours de la période de formation, les fondateurs vont
créer la société sans pouvoir toutefois l'exploiter, puis après avoir informé le public, les
personnes intéressées vont souscrire des actions et seront réunies en assemblée générale
constitutive, laquelle constatera la constitution et statuera sur l'évaluation des apports en
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DROIT DES SOCIÉTÉS – CORRIGÉ DU DEVOIR D0014-2013
nature ; la société alors constituée, acquerra la personnalité morale après accomplissement
des formalités de publicité imposées à toutes les sociétés commerciales.
1.
La phase de la fondation
Elle est accomplie par les fondateurs, – personnes qui ne peuvent être déchues du droit
d'administrer ou de gérer une société –, qui entreprennent de rechercher des souscripteurs ;
ce rôle est souvent tenu par une banque.
Les fondateurs doivent tout d'abord établir et signer un projet de statuts qui est le premier
acte légal de la constitution, ce projet devant être déposé au greffe du tribunal de commerce
du siège social choisi et tenu à la disposition de tout intéressé.
Puis, une notice, déclaration publique des fondateurs indiquant qu'ils se proposent de créer
une société anonyme et décrivant les caractéristiques de la société qui doit être créée, doit
être publiée au Bulletin des annonces légales obligatoires (BALO).
Les fondateurs doivent également rédiger une note d'information sur l'organisation, la
situation financière et l'évolution de l'activité de la société, destinée à informer le public et
soumise au visa préalable de l’Autorité des marchés financiers.
À titre non obligatoire, des prospectus et circulaires à destination du public peuvent
également être établis.
2.
La phase de la souscription
La souscription est l'engagement d'une personne à faire partie d'une société par actions en
apportant une somme égale au montant nominal de son titre.
Elle est constatée par un bulletin de souscription, la remise du bulletin signé, valant
déclaration définitive de souscription et donc la rétractation est impossible.
Le bulletin de souscription doit mentionner les caractéristiques essentielles de la société à
constituer (forme, capital, siège, dénomination...) et le montant en toutes lettres de titres
souscrits.
La société ne peut valablement être formée que si le capital social mentionné dans le projet
de statuts est intégralement souscrit (le capital minimum des sociétés anonymes faisant
offre au public de titres financiers étant de 37 000 euros, et non plus de 225 000 euros
comme exigé avant 2009).
Les apports en numéraire doivent être libérés de la moitié au moins au moment de la
souscription, le solde devant être versé dans un délai de cinq ans maximum, sur décision
des organes d'administration.
Les fonds doivent être déposés dans les huit jours de leur réception pour le compte de la
société en formation, soit à la caisse des dépôts et consignations, soit chez un notaire ou
dans une banque, conformément aux conditions prévues par la notice, avec la liste des
souscripteurs ; le dépositaire établit un certificat de réception des fonds.
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DROIT DES SOCIÉTÉS – CORRIGÉ DU DEVOIR D0014-2013
Ce n'est qu'après l'immatriculation au registre du commerce que les premiers dirigeants
peuvent retirer les fonds.
S'il y a des apports en nature qui doivent être libérés intégralement, leur évaluation doit être
faite, afin d'éviter leur surévaluation dangereuse pour les tiers dont le capital est la garantie
(de même pour les avantages particuliers).
Cette évaluation doit être faite par un ou plusieurs commissaires aux apports désignés par le
président du tribunal de commerce à la demande des fondateurs ; un rapport d'évaluation
établi sous la responsabilité des commissaires aux apports est déposé au greffe du tribunal
de commerce pour pouvoir être consulté par les souscripteurs.
3.
L'assemblée générale constitutive
Elle est convoquée à la diligence des fondateurs par un avis inséré huit jours au moins avant
sa tenue au BALO et dans un journal d'annonces légales du département, indiquant
notamment l'ordre du jour.
Elle délibère aux conditions de quorum et de majorité prévues pour les assemblées
générales extraordinaires.
Elle a pour rôle de :
 se prononcer sur l'adoption des statuts, le projet ne pouvant être modifié qu'à
l'unanimité de tous les souscripteurs, après avoir constaté la souscription de
l'intégralité du capital ;
 nommer les premiers organes de la société, de direction et de contrôle ;
 d'approuver l'évaluation des apports en nature et avantages particuliers (l'évaluation
peut être réduite à l'unanimité de tous les souscripteurs et avec consentement de
rapporteur) ;
 d'approuver les actes accomplis pour le compte de la société en formation.
La société anonyme est alors constituée.
Mais pour acquérir la personnalité morale certaines formalités de publicité doivent encore
être accomplies, comme pour toute société commerciale :
 les statuts doivent être déposés en double exemplaire au greffe du tribunal de
commerce, publiés dans un journal d'annonces légales et enregistrés aux services
fiscaux ;
 la société doit être immatriculée au registre du commerce et des sociétés, le greffier
effectuant une publication au BODACC dans les huit jours suivant l'immatriculation.
Ces formalités, relativement lourdes, sont simplifiées pour la constitution des sociétés
anonyme ne faisant pas offre au public de titres financiers.
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DROIT DES SOCIÉTÉS – CORRIGÉ DU DEVOIR D0014-2013
B.
CONSTITUTION DES SOCIÉTÉS ANONYMES SANS
OFFRE
PUBLIC DE TITRES FINANCIERS : PROCÉDURE SIMPLIFIÉE
AU
Certaines phases de la constitution sont communes à celles des sociétés anonymes faisant
offre au public de titres financiers, mais les règles sont plus simples et sont assimilables à
celles applicables aux sociétés à responsabilité limitée.
1.
Phases de constitution supprimées par rapport aux SA faisant offre au
public de titres financiers
Les qualités de fondateurs et de souscripteurs sont confondues et les formalités destinées à
informer les souscripteurs sont donc supprimées.
Il n'est pas nécessaire de déposer un projet de statuts au greffe du tribunal de commerce et
la publication d'une notice et d'un bulletin de souscription, ainsi que l'assemblée générale
constitutive, ne sont pas nécessaires.
2.
Phases quasi similaires par rapport aux SA faisant offre au public de
titres financiers
Souscription et versement du capital social : les règles sont les mêmes que celles
applicables aux sociétés anonymes faisant offre au public de titres financiers, bien que la
souscription se fasse sans bulletin de souscription.
La souscription du capital doit être intégrale ; il y a lieu de tenir compte d'un capital minimum
de 37 000 euros.
Les apports en numéraire doivent être libérés d'au moins un quart et le versement des fonds
doit être constaté par un certificat du dépositaire.
Les apports en nature doivent être intégralement libérés et évalués à leur juste valeur.
Évaluation des apports en nature et avantages particuliers : elle est faite selon la même
procédure que celle applicable aux sociétés anonymes faisant offre au public de titres
financiers.
Approbation des statuts : elle résulte de la signature des statuts par les actionnaires ou leurs
mandataires munis d'un pouvoir spécial, les premiers dirigeants et organes de contrôle étant
désignés par les statuts auxquels est annexé le rapport des commissaires aux apports
concernant l'évaluation des apports en nature.
Ensuite doivent être effectuées les formalités de publicité applicables à toutes les sociétés
commerciales.
 publication d’un avis dans un JAL, dépôt des statuts au greffe du tribunal de
commerce, formalités d’enregistrement ;
 immatriculation au registre du commerce et des sociétés et publication dans les huit
jours au BODACC.
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DROIT DES SOCIÉTÉS – CORRIGÉ DU DEVOIR D0014-2013
C.
JUSTIFICATIONS DE LA DUALITÉ DE RÉGIME
Pour les sociétés anonymes faisant offre au public de titres financiers, les fondateurs et les
souscripteurs étant des personnes différentes, le législateur a organisé une procédure de
constitution relativement longue et lourde, souhaitant ainsi développer la protection des
actionnaires et leur information.
De telles mesures ne se justifient pas lorsque les qualités de fondateurs et actionnaires sont
réunies dans les mêmes personnes : les souscripteurs sont supposés bien connaître les
caractéristiques de la société anonyme dont ils sont à l'origine et il est donc apparu inutile de
prévoir une information particulière sur des points qu'ils sont supposés bien connaître, ce qui
explique que la notice, le bulletin de souscription... ne soient pas nécessaires.
En simplifiant le régime applicable aux sociétés anonymes sans offre au public de titres
financiers, le législateur a eu en outre pour souci de faciliter leur constitution, cette forme
juridique représentant une grande part de l'économie nationale.
Les formalités restreintes des sociétés anonymes sans offre au public de titres financiers
permettent donc essentiellement une constitution plus facile, analogue à celle des sociétés à
responsabilité limitée.
Il faut néanmoins souligner que dans la pratique, même si le projet de statuts n'est pas
obligatoire dans le cadre des sociétés anonymes offre au public de titres financiers, il est
souvent nécessaire, les souscripteurs – même fondateurs – ne s'engageant, de manière
générale, qu'au vu de ce projet.
On notera in fine qu’à cause de la lourdeur de constitution des SA faisant offre au public de
titres financiers, les actionnaires fondateurs contournent souvent la législation, en créant
d’abord une SA ordinaire, puis en la transformant en SA avec offre au public de titres
financiers, ce qui ne nécessite pas de respecter la procédure de constitution mais
uniquement la procédure de transformation de la société.
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