opérateurs publics (LOLF) Jacques MARZIN Ingénieur agronome de formation Ingénieur de recherches de l’Institut national de recherche agronomique Directeur informatique de l’INRA de 1991 à 1995 Directeur des systèmes d’information du CNASEA de 1995 à 2001 Directeur du programme Hélios de 2001 à 2006 Directeur de l’Agence pour l’informatique financière de l’Etat depuis décembre 2006 Le progiciel de gestion intégrée : mise en œuvre d’un choix stratégique DÉVELOPPEMENT SPÉCIFIQUE OU PRODUIT SUR ÉTAGÈRE AVANTAGES ET INCONVÉNIENTS DU PROGICIEL DE GESTION INTÉGRÉE La richesse du marché des logiciels est telle aujourd’hui, et notamment dans le domaine de la gestion des entreprises, que toute organisation confrontée à une modernisation de son système d’information doit d’abord prendre une option fondamentale : développer son propre outil, ou faire l’acquisition d’un produit du marché. Rappelons d’abord ce qu’est un progiciel de gestion intégrée ou PGI (on utilise aussi fréquemment l’acronyme anglais ERP pour « Enterprise Resource Planning ») : c’est un logiciel commercial qui propose en standard la gestion de l’ensemble des domaines applicatifs d’une entreprise ou d’une administration. Le choix à opérer est loin d’être évident, même si la voie du logiciel commercial s’impose de plus en plus, en particulier pour les fonctions de base de la gestion des entreprises, normées et sécurisées, comme la gestion des ressources humaines ou la comptabilité. En outre, il n’y a pas de voie médiane, et il n’est pas envisageable d’adapter les fonctionnalités offertes par les produits commerciaux à ses besoins propres : sinon on cumule les inconvénients des deux options, et le résultat est rarement probant. L’Etat a choisi la voie du produit sur étagère pour la modernisation de son système d’information budgétaire et comptable depuis le lancement du projet Accord, fondé sur le progiciel Peoplesoft. Ce choix a été reconduit pour le projet Chorus et la mise en œuvre pleine et entière de la LOLF. Il se justifie en particulier par l’obligation d’aligner les principes de la comptabilité de l’Etat sur ceux de la comptabilité des entreprises. C’est le progiciel SAP qui a été choisi cette fois, à l’issue d’un dialogue compétitif très disputé. La conduite des projets de mise en œuvre de progiciels est très différente de celle des projets de développement spécifique et s’appuie sur l’optimisation de leurs avantages et la réduction de leurs inconvénients. La rigueur de la démarche est particulièrement importante pour les projets SAP, progiciel qui a la réputation d’être parmi les plus structurants, les plus contraignants diront certains. Après un rappel des inconvénients et des avantages des progiciels de gestion intégrée, seront décrites les différentes étapes de cette démarche, telle qu’elle a été déclinée pour le projet Chorus, qui vient d’être déployé à titre expérimental auprès de plus de 400 utilisateurs le 5 janvier 2009. 254 Une solution de type PGI peut être caractérisée par trois éléments essentiels : – un ensemble de modules applicatifs prédéfinis par domaine et parfois par secteur d’activité (ex. : le secteur public) et paramétrables pour pouvoir s’adapter à la diversité d’organisation des clients de l’éditeur du logiciel ; – un modèle unique de données partagées par tous les modules (sauf exceptions) ; – une approche basée sur les processus. Les inconvénients du progiciel sont souvent mis en avant car il est coûteux lors de l’acquisition initiale comme pour les indispensables services de support ultérieurs. Lourd à paramétrer, il est complexe à mettre en œuvre, et nécessite de recourir à des sociétés de services spécialisées dans la production d’une solution adaptée à chaque client. Ces prestataires sont souvent appelés « intégrateurs » de PGI et leurs services augmentent le coût de la solution, qui tend à se rapprocher du coût de développement d’une solution spécifique. En outre, le client du PGI reste dépendant de son éditeur, la pérennité du produit étant essentielle pour garantir celle du système d’information, et peut rester dépendant de son intégrateur s’il ne peut se doter des compétences professionnelles pointues et très recherchées, essentielles pour acquérir une réelle autonomie. Les fonctionnalités du produit ne doivent pas être modifiées, même si l’éditeur a rendu possibles certaines modifications, sauf à perdre l’essentiel des avantages que les PGI procurent. Ainsi, il convient de s’en tenir à l’une ou l’autre des façons dont il est utilisé par les organisations qui l’ont déjà mis en œuvre avec succès, quitte à modifier ses propres pratiques. La vocation du PGI est d’intégrer toute la gestion de l’entreprise, et il ne comporte pas de fonctionnalités prédéfinies facilitant la No 3-4 - Mars-Avril 2009 - opérateurs publics (LOLF) communication avec d’autres systèmes. Les interfaces doivent donc être limitées au strict minimum, avec le maximum de caractère générique. Mais le PGI présente également des avantages. Il peut constituer un formidable accélérateur de la modernisation souhaitée pour plusieurs raisons : – c’est généralement un système complètement en temps réel (cas de SAP), qui par la fluidité des procédures accélère et allège les tâches de gestion ; Il est, dès lors, évident que les avantages d’un PGI seront d’autant plus probants qu’il sera déjà utilisé par des organisations aux préoccupations proches de celle qui le choisit. Même si le progiciel SAP joue un rôle de leader mondial avec les produits ORACLE et compte plus de 150 références dans le monde au sein des seules entités gouvernementales (ministères d’Etat ou administrations régionales), le choix est d’autant plus éclairé que les processus à informatiser sont mieux définis. Or, dans le contexte de l’Etat, la préparation de la LOLF a nécessité une redéfinition des processus de gestion budgétaire et comptable dont les résultats ont facilité la démarche de choix. – il induit un avantage en termes de cohérence fonctionnelle d’ensemble car il intègre et mutualise des transactions communes et ses différents modules sont nativement interopérables ; – il est devenu au fil du temps le recueil des meilleures pratiques de gestion de ses utilisateurs dans le monde, dont les demandes sont à l’origine de l’enrichissement de ses fonctionnalités ; – il permet de bénéficier des évolutions (montées de version) et d’une pérennité tant technologique que fonctionnelle ; – il permet de mieux maîtriser et de rationaliser les coûts informatiques en évitant le foisonnement de systèmes hétéroclites. Le PGI est généralement un outil éprouvé qui est opérationnel très rapidement après paramétrage. Il intègre des solutions efficaces face à des questions techniques complexes comme la sécurité des accès, la traçabilité ou l’auditabilité des opérations, particulièrement importantes en matière de comptabilité. Débarrassé des questions techniques et d’intégration les plus complexes, le concepteur peut et doit consacrer toute son énergie à la confrontation de ses besoins de gestion aux potentialités du PGI, révélées à travers la pratique des autres clients du PGI. UNE EXIGENCE FORTE : LA REMISE A PLAT DES PROCESSUS Le ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie et, plus précisément, la Direction générale de la Modernisation de l’Etat (DGME), a mené, en avance de phase sur Chorus, de fin 2004 à mi-2006, de vastes travaux de réingénierie des processus budgétaires et comptables. Ces travaux ont consisté à traduire, dans tous les circuits de gestion concernés, les innovations portées par la LOLF. Il a ainsi fallu revisiter toutes les procédures en repensant le rôle de chaque acteur dans le double objectif d’améliorer la qualité de la gestion et des comptes de l’Etat et d’obtenir des gains de productivité. Cette remise à plat s’est faite dans la perspective de la rénovation du système d’information et donc de l’arrivée de Chorus. Concrètement, le travail a consisté en une coproduction entre le Ministère des Finances et six ministères pilotes. Le projet était structuré autour de huit macro-processus (regroupements cohérents de processus, présenté dans le tableau ci-dessous. Liste des différents macro-processus MINISTÈRE PILOTE MINISTÈRES CO-PILOTES Affaires sociales Equipement Finances Equipement Défense Intérieur MP3 - Exécution des dépenses Intérieur Equipement Défense MP5 - Exécution des recettes étrangères à l'impôt Finances Défense Equipement MP9bc - Gestion des actifs immobilisations Défense Equipement MP4 - TFG* et opérations de fin d'exercice Equipement Défense Finances Intérieur Affaires sociales Education Intérieur Equipement MP1 - Elaboration ministérielle d'un budget MP2 - Allocation et mise à disposition des ressources MP7 - Restitutions, comptes rendus, tableaux de bord MP8 - Pilotage de la masse salariale et du plafond d'emplois La démarche d’optimisation de chaque procédure unitaire a également permis d’identifier de nouvelles fonctions transversales qu’il importe d’inscrire dans les organisations : – une fonction d’audit interne pour garantir la qualité et la fiabilité de l’exécution des processus, ainsi que la mise en place de contrôles internes ; – une fonction de pilotage afin d’assurer l’efficience des processus (en termes de qualité de gestion, délais, productivité) ; – une fonction de garant des référentiels qui seront dorénavant normés et partagés entre les acteurs (référentiel tiers, référentiel budgétaire, référentiel comptable...). - No 3-4 - Mars-Avril 2009 255 opérateurs publics (LOLF) Les principes structurants des macro-processus ont été décrits « à large maille » dans le cadre d’ateliers interministériels et ont fait l’objet d’une validation par les directeurs des Affaires financières de tous les ministères dès les mois de juin et juillet 2005. Au final, une grande partie de ces macro-processus a constitué le socle de départ de la conception de Chorus. Prenons l’exemple du macro-processus « Exécution des dépenses ». Le suivi des engagements juridiques et des charges constatées (service fait) suppose, pour gagner en qualité et en productivité, la définition de nouveaux rôles : – le gestionnaire d’engagement juridique est responsable de l’ensemble des engagements juridiques, du pilotage des AE et de la mise à jour des échéanciers de CP ; – le réceptionnaire (enregistrement du service fait) est garant de la mise en place de la qualité des informations relatives au service fait (aux plans technique et financier). La création de services partagés de deux natures est proposée : expertise (par exemple : service achats) et traitement de masse (par exemple : traitement industrialisé des factures et rapprochement des trois éléments : engagement juridique, service fait et facture au sein d’un service facturier). LE PASSAGE DE LA CONCEPTION MÉTIER A LA CONCEPTION TECHNIQUE La remise à plat des processus étant réalisée, et le progiciel SAP choisi, les étapes suivantes ont permis de passer progressivement de la conception métier à la conception technique du système d’information. Durant l’année 2006, en parallèle de la préparation du marché d’intégration, l’AIFE a choisi de mener une phase originale mais essentielle, nouvelle pour l’Administration, de collaboration directe avec l’éditeur du PGI, afin de confronter les résultats des travaux de la réingénierie des processus à la réalité des possibilités du PGI choisi. Cette phase dite de « préconception » a rassemblé tous les partenaires du projet (réglementaires, gestionnaires et informaticiens) autour d’une dizaine de prototypes. Cette phase a permis de prendre le temps de la réflexion afin de concevoir une solution moderne qui réponde aux besoins de l’Administration. Les buts étaient : – s’approprier la logique et le fonctionnement du PGI SAP ; – enrichir la réingénierie des processus en tirant parti des bonnes pratiques du PGI ; – identifier très en amont les éventuelles évolutions réglementaires à mettre en œuvre pour réduire le volume des développements spécifiques inévitables ; – disposer d’un droit à l’erreur : les rectifications nécessaires ont ainsi pu être apportées au cours de la phase suivante de conception ; – ne retenir que les éléments structurants pour l’élaboration du CCTP fonctionnel de Chorus ; – proposer les arbitrages sur le périmètre fonctionnel couvert par Chorus. Cette phase de préconception a permis de préparer très en amont les ministères et les maîtrises d’ouvrage métier de la Direction du Budget, de la Direction générale de la Modernisation de l’Etat et de la Direction générale des Finances publiques, ainsi que l’agence pour l’informatique financière de l’Etat 256 aux travaux de conception de Chorus qui ont débuté au printemps 2006 pour s’achever pour l’essentiel au printemps de l’année 2007. Sans surprise aucune, la conception a été beaucoup plus délicate sur les processus qui n’avaient pas fait l’objet d’une réingénierie préalable, et en particulier en matière de gestion des actifs et de comptabilité. Il a fallu, sur ceux-là bien plus que sur les autres, « naviguer » dans les délais les plus brefs entre : – la conformité aux autres processus redéfinis ; – l’idée que chacun pouvait se faire de l’évolution des métiers concernés, jusqu’ici moins abordée, et, – les écarts entre les outils actuels et les possibilités offertes par le PGI. DE LA CONCEPTION AU DÉPLOIEMENT La mise en œuvre d’un PGI s’accompagne toujours d’une évolution des pratiques de gestion, amplifiée dans le cas de Chorus par les innovations de la LOLF. Au-delà des pratiques ellesmêmes, ce sont les organisations qui finissent par être, souvent très tardivement, remises en question. C’est la raison pour laquelle il est fréquent d’entendre qu’un projet de PGI est avant tout un projet d’organisation avant d’être un projet d’informatisation. Chorus n’échappe pas à cette règle, et cette dimension est prise en compte depuis le rapport de l’Inspection générale des Finances sur le retour sur investissement de Chorus qui a montré que la mise en place d’équipes de gestion plus concentrées et la généralisation de centres de services partagés comme les services facturiers étaient incontournables pour valoriser l’investissement consenti. Ces travaux, évidemment beaucoup plus sensibles que la simple remise à plat des procédures, ont été conduits de façon autonome au premier semestre 2007, puis dans le cadre de la révision générale des politiques publiques depuis son lancement à l’été 2007. Ainsi, les utilisateurs sur le terrain, qu’ils soient dans les services des ordonnateurs ou dans ceux des comptables, vont être confrontés à un triple changement de procédure, d’outil et d’organisation. Cette « révolution » mérite quelques précautions. Même si les travaux de conception de Chorus ont été conduits avec le souci d’associer le plus étroitement possible les futurs utilisateurs, un déploiement progressif est nécessaire pour permettre un effort d’accompagnement adapté à l’ampleur des changements à réussir, c’est-à-dire quasiment équivalent à l’effort d’investissement purement informatique. Cet équilibre entre coût du système d’information et coût de l’accompagnement de son déploiement, désormais classique dans les entreprises privées pour des projets de PGI, reste peu pratiqué dans l’Administration. Il est cependant fondamental pour garantir l’acceptation des gestionnaires et indispensable à l’obtention des gains escomptés, qui repose en grande partie sur la qualité de la première description d’un objet (un engagement, une facture...) dans le système d’information. Ce déploiement progressif n’a cependant pas que des avantages, notamment pour les comptables dont le plus grand nombre utilisera, pendant tout le déploiement, deux systèmes en même temps, à savoir Chorus, et les applications existantes. En effet, pour des raisons de coûts informatiques, le choix a été fait de conserver la comptabilité de référence de l’Etat dans les applications actuelles jusqu’à la fin du déploiement. Durant cette période, Chorus doit, à la fois alimenter la chaîne d’outils comptables actuelle conformément aux règles du palier LOLF et tenir les comptes conformément aux nouvelles règles qui n’entreront No 3-4 - Mars-Avril 2009 - opérateurs publics (LOLF) en vigueur qu’à la fin du déploiement. Les impacts sur le contrôle interne comptable sont loin d’être négligeables et la durée du déploiement devra rester la plus brève possible. Dans ce domaine également, des processus de gestion spécifiques à la transition doivent être conçus et mis en œuvre. la conduite du projet et rend les arbitrages stratégiques nécessaires sur les aspects informatiques et fonctionnels. Il prépare les décisions portant sur les organisations. Il est composé des secrétaires généraux des ministères, des DAF ministériels, avec les MOA réglementaires et l’AIFE. UNE GOUVERNANCE SOUPLE ET FORTE ADAPTER SES PROCESSUS AU PGI ET NON PAS ADAPTER LE PGI A SES PROCESSUS L’importance des changements à concevoir et à décider nécessite une gouvernance complexe. Elle doit laisser le temps aux acteurs de comprendre leur futur environnement de travail, de rapprocher leurs points de vue sur un outil complexe, difficile à appréhender sans l’avoir utilisé, d’approfondir leur vision des différentes options offertes, et donc de garantir la qualité de la solution définitive et son acceptabilité par les gestionnaires. Elle doit en même temps savoir trancher pour rester le garant de la réussite du projet en maîtrisant les deux autres dimensions de délais et de coûts de la solution et de son déploiement. Pour ce faire, l’implication réelle au sein du projet PGI des acteurs de plus haut niveau (de type direction générale) est essentielle à la réussite du projet. Un projet PGI ne peut, en aucun cas, être piloté uniquement par la Direction des systèmes d’information. Dans le cas du projet Chorus, l’Etat a pris conscience de ce point essentiel en créant une instance de pilotage de niveau stratégique, le Comité d’orientation stratégique (COS). Ce comité assure la validation, le suivi et le contrôle des options prises dans Ces réflexions illustrent parfaitement le point essentiel qu’un projet PGI est avant tout un projet d’organisation et un levier de changement permettant la mise en œuvre de processus plus performants. Une fois le PGI choisi avec soin, sur la base de processus clairement définis, une contrainte majeure doit être transformée en atout : « il faut absolument adapter ses processus au PGI et non pas tenter d’adapter son PGI à ses processus existants ». La clé du succès d’un projet PGI est sans aucun doute au prix de cet effort. Lors de l’assemblée générale des trésoriers-payeurs généraux et des receveurs des finances de mars 2007, s’est tenue une table ronde consacrée à Chorus et à son impact sur l’évolution des métiers et des organisations concernant l’exécution budgétaire de l’Etat et la tenue de sa comptabilité. Lors des échanges, une formule traduisant bien l’esprit de la démarche est particulièrement à retenir : « ce n’est pas Chorus qui suscite des questions auxquelles il faut répondre. Chorus est une réponse à la problématique de modernisation et d’efficience de l’Etat ». Extrait de la conférence du Premier président de la Cour des comptes prononcée à l’université de Nantes (22 octobre 2008) tiré du rapport annuel 2009 de la CDBF « […] Je veux enfin souligner que si la Cour prétend être une magistrature d’influence, elle n’oublie pas qu’elle est une magistrature tout court… Et je veux insister pour finir sur notre rôle de sanction. Si la crise aujourd’hui est une crise économique, c’est également une crise de légitimité et de confiance, qui se développe faute, me semble-t-il, de mécanismes de responsabilité adaptés. C’est le cas dans les banques, dans les grandes entreprises – on en aura assez parlé ces derniers jours – mais le secteur public est également concerné. Depuis plusieurs années maintenant, la tendance est en effet à l’allégement des contrôles a priori, à l’élargissement des marges de manœuvre des gestionnaires au profit – nous dit-on – d’une responsabilisation sur les résultats atteints a posteriori. Pourtant, force est de constater que les mécanismes de cette responsabilité restent totalement à inventer. Dans une tribune que j’ai eue plaisir à lire, M. le Professeur Crucis, vous nous invitez à « veiller au droit… ». La recherche de la performance ne doit pas en effet dispenser le gestionnaire du respect de la loi. La régularité et la probité d’une gestion sont les premiers gages de son efficacité et surtout de sa légitimité. Alors, certes, l’Administration a ses propres mécanismes de sanctions administratives notamment disciplinaires. Mais sont-ils adaptés aux nouvelles responsabilités des gestionnaires ? Quant aux responsables de programme, quels risques encourent-ils s’ils commettent des fautes de gestion ou des irrégularités ? On parle de sanctions « managériales », de perte de prime ou de promotion mais force est de constater qu’il demeure en cette matière une lacune. La responsabilité politique ne saurait non plus suffire. Elle se joue largement sur d’autres critères. On imagine mal une majorité parlementaire renverser le Gouvernement issu des mêmes rangs parce que les résultats de tel ou tel programme n’ont pas été atteints, ou parce que tel ou tel gestionnaire a manifestement mal géré son budget, commis des irrégularités ou des fautes de gestion. D'autre part, si l'on se transporte au niveau individuel, une élection n'est pas à titre principal une sanction de l'action passée. Elle est un choix pour l'orientation des actions futures. Après les élections présidentielles de 2002, on a entendu ce constat répété à l'envi. Or, il ne semble pas qu'on en ait tiré la moindre conséquence. Les irrégularités et les fautes de gestion doivent donc pouvoir être sanctionnées par d’autres moyens, par un juge impartial et spécialisé. Et, à cet égard, les juridictions financières ont un rôle clé à jouer. Il y a bien la Cour de discipline budgétaire et financière, qui a développé une jurisprudence intéressante, mais le champ d’action de cette juridiction associée à la Cour est singulièrement limité. Les principaux gestionnaires échappent à sa juridiction et la définition des infractions apparaît, à certains égards, datée. Nous avons déjà formulé plusieurs propositions pour moderniser en profondeur la discipline budgétaire et financière. La réforme est aujourd’hui urgente. C’est une question d’efficacité comme d’équité […]. » - No 3-4 - Mars-Avril 2009 257