Cartel sur Télévision
entrecroisé de «!Chan et de pensée chinoise!»
Guy Massat
Paris, jeudi 28!janvier 2010, chez Clovis
An!XXIX après Lacan
Comme dit en substance Laozi!: «!la véritable parole est hors norme!». Ce nʼest donc pas
la parole ordinaire ou savante, mais la parole de lʼinconscient qui est la véritable parole.
Page!25 de Télévision nous observons un graphe lacanien qui condense en quatre lettres
les structures de cette parole hors normes!:
Les quatre discours et le cinquième
Discours du Maître## # !Discours de lʼUniversitaire
S1## S
2! ! ! ! ! S2!# a
!
──# # ──# # # # # ──# # ──
$# # a# # # # # S1## $
Discours de lʼHystérique## # Discours du Capitaliste
$##S
1! ! ! ! $## S
2
──# # ──# # # # ──# # ──
a # # S2! ! ! ! S1! ! a
Discours de lʼAnalyste
a## $
──# # ──
Guy Massat - Télévision - 1
S2! ! S1
Les places désignent#:
#Lʼagent # # lʼautre
#La vérité# # la production
LACAN J. (1969-1970) L'envers de la psychanalyse, Le Séminaire livre!XVII, Paris, Éd. du Seuil, 1991,
p. 31!: «!Le Maître et lʼHystérique!»
#p.!43!: «!Savoir, moyen de jouissance!»
Le maître (S1) ne désigne pas ici le propriétaire, lʼavocat, ou le maître de conférence, tel
lʼuniversitaire, pas plus que le «!sujet supposé savoir!» qui, comme on le sait, peut se
monnayer sous des formes diverses. Le maître, ici, cʼest lʼinconscient, le sujet de lʼincon-
scient. S2 représente les savoirs dans leur diversité. S barré, $, représente lʼhystérique,
lʼinsatisfaction, lʼémotion. Le petit a représente le plus de jouir.
Pour mieux aborder lʼobjet petit a dans lʼimpossibilité de sa saisie on peut sʼaider du on-
zième poème du Daodejing de Laozi!:
Dans une roue trente rayons convergent vers le moyeu, mais cʼest le vide qui
fait avancer le char
Les vases sont faits dʼargile mais cʼest leur vide qui les rend utilisables
Les maisons ne sont habitables que par leur vide et leurs ouvertures, porte ou
fenêtres.
Daodejing 11
Lʼobjet petit a, lʼobjet cause du désir au centre du nœud borroméen, la plus value, le nom-
bre dʼor, le plus de jouir, lʼobjet central de la psychanalyse, ne fonctionne lui aussi quʼen
tant que vide dynamique que ce soit comme «!voix, regard, fèces, seins ou rien!».!
Le rien est rarement mentionné par les psychanalystes dans leurs articles sur lʼobjet a.
Pourtant Lacan le signale bien dans ses Écrits, au chapitre «!Subversion du sujet et dia-
lectique du désir!»!: «...le regard, la voix, le rien!» (p.!817). Le rien, , wu, en chinois dif-
fère du rien de la pensée occidentale. Pour la pensée chinoise le rien signifie lʼorigine du
ciel et de la terre, comme dit Laozi. Pour la pensée occidentale le rien, la négation, le
néant, ne viennent quʼaprès lʼêtre, comme dans LʼÊtre et le Néant de Sartre!: le conscient
dʼabord après lʼinconscient. Cʼest lʼinverse dans la psychanalyse et la pensée chinoise.
Dans ces discours nous repérerons donc la position de lʼobjet petit a, qui peut être «!a-
gent!», «!production!», «!vérité!» ou «!autre!».
Lʼobjet petit a est lʼob-jet, le jaillissement (jet) devant (ob) créateur (créer cʼest séparer). En
bref, petit a est le rien créateur, wu, , en chinois, du système inconscient. Ainsi, dʼune
certaine manière le psychanalyste pourrait-il être appelé «!lʼhomme aux wu!». Mais tout le
monde ne prend pas la psychanalyse par le biais de lʼinconscient.
Guy Massat - Télévision - 2
Ainsi, dans Philosophie magazine"de février!2010, le philosophe Michel Onfray sʼattaque
violemment à la psychanalyse. Ces arguments sont les suivants!:
La théorie freudienne nʼest pas une technique scientifique, mais un procédé ma-
gique.
Lʼéros freudien ne contribue pas à la libération sexuelle, mais au conformisme
bourgeois.
La constellation freudienne ne suppose pas de contrat intellectuel mais lʼaffiliation
religieuse.
Cette attaque fait lʼobjet de son prochain livre qui paraîtra en mars Le Crépuscule dʼune
idole!: lʼaffabulation freudienne. Dans le débat du magazine Jacques-Alain Miller sʼoppose
au philosophe. Lʼun et lʼautre se vantent dʼabord dʼavoir lu Freud dès leur plus jeune âge,
14!ans!ou 15 ans. Cʼest beau de savoir lire mais cʼest toujours mieux de comprendre ce
que lʼon lit. Même si cʼest à un âge plus tardif, cʼest infiniment mieux. Le débat ne com-
mence pas spécialement bien pour J.-M. Miller. Il sʼemporte et se justifie en avouant!:
«!Excusez-moi, ma psychanalyse nʼa pas été complètement réussie, jʼai encore des accès
de colère!» (p.!10). Puis il relate sa filiation à Sartre!:
Jʼétais beaucoup plus intéressé par la «"psychanalyse existentielle"» proposée
par Sartre dans lʼÊtre et le Néant une psychanalyse sans inconscient qui
maintient lʼautonomie du sujet [du sujet conscient. Cʼest nous qui souli-
gnons] que par les écrits métapsychologiques de Freud.
Heureusement, à lʼÉcole Normale Supérieure, grâce à Althusser, J.-M. Miller découvre La-
can!: «!Cʼest le choc, confesse-t-il, le bouleversement intellectuel majeur de mon existen-
ce!» (p.!12). Mais J.-M.!Miller ajoute!: «!Il y a une empreinte très forte de la pensée sar-
trienne sur celle de Lacan!». Ça, cʼest une contre vérité. Car pour Sartre, et toute la philo-
sophie, la conscience est dʼabord, ensuite lʼinconscient. Lʼêtre est et le non-être nʼest pas.
Pour la psychanalyse cʼest lʼinverse!: lʼêtre nʼest pas. Il nʼy a que du «!parlêtre!». Gorgias
disait la même chose dans son Traité du «"non-être"». Et cʼest bien ce en quoi réside lʼin-
vention freudienne par laquelle Freud sʼinscrit dans la lignée de Copernic et de Darwin!:
lʼinconscient est dʼabord ensuite le conscient, lequel sʼefface tel un fantasme, un fantôme,
un nuage. Voilà ce qui différencie la psychanalyse, la vraie, de la philosophie. La névrose
sʼexprime par la confusion de ces deux points de vue. La philosophie, basée sur le con-
scient, a lʼhallucination de lʼobjectivité, lʼobsession du fait. Que ce soit atome ou idée, la
philosophie ne court, la tête dans le guidon, quʼavec le principe dʼidentité. Pour lʼincon-
scient il nʼy a pas de fait, il nʼy a pas de chose, il nʼy a que du langage mais, soulignons-le,
encore une fois, pas un langage ordinaire ou un langage savant, mais un langage hors
norme qui se moque du principe dʼidentité et de la linéarité du temps, qui utilise, en artiste,
le principe de non-identité, le contradictoire et la transgression du tiers exclu. Cʼest le lan-
gage de lʼinconscient. De ce point de vue, lʼévidence de notre réalité la plus immédiate se
réduit à un fantasme (Télévision, p.!17).
Mais M.!Onfray reproche à Freud de dire tout et son contraire. J.-M. Miller lui réplique
alors pertinemment!:
Ce nʼest pas Freud qui dit tout et son contraire mais lʼinconscient lui-même"!
Que Freud ait été cocaïnomane, pendant douze ans, tranche à nouveau
M."Onfray, quʼil est rédigé son Esquisse dʼune psychologie scientifique sous
Guy Massat - Télévision - 3
lʼemprise de cette drogue ou quʼil se soit trompé en conférant à la cocaïne des
effets thérapeutiques, ce sont des faits brut"» (p."12).
Or, il nʼy a pas de fait objectif pour la psychanalyse. Par exemple être cocaïnomane à
lʼépoque de Freud lʼon ne savait pas de quoi il sʼagissait nʼest pas la même chose que
dʼêtre cocaïnomane aujourdʼhui. A nʼégale pas A. À lʼépoque de Feud, il y a plus de cent
ans, la cocaïne se vendait librement chez les apothicaires, le coca-cola en contenait ainsi
que le célèbre vin fortifiant Mariani, etc. Si A est A pourquoi vient-il après et non pas en
même temps que le premier A et au même endroit!? Cela sʼappelle refouler le temps. Reti-
rer le temps pour décider que les faits sont les mêmes définit!la «!mauvaise foi!». Dès lors
J.-M.!Miller reprend lʼavantage jusquʼau K.O. final en faveur de la psychanalyse. Il expli-
que!:
Les faits bruts nʼexistent pas, tout est légende depuis le début. (p."12)
Le mot légende vient du grec legein qui signifie «!dire!».
Mon objet, se défend alors M."Onfray, est Freud. Pour lʼinstant je ne touche pas à
Lacan.
Cʼest comme sʼil ignorait quʼen parlant de quelquʼun on parle nécessairement dʼun autre,
cʼest-à-dire de soi. Dʼune manière ou dʼune autre, chaque peintre ne fait jamais que son
propre portrait.
Freud, sʼentête M."Onfray (p."14), accumule les postulats infondés, il bâtit une
vision du monde qui suppose lʼexistence dʼobjets «"théoriques"» et dʼarrières
mondes, lʼinconscient, le complexe dʼŒdipe, les topiques.
Or, justement, lʼinconscient, le ça freudien, signifie, précisément ce que dit Nietzsche!: il
nʼy a pas dʼarrières-monde. Il nʼy a que des mots. Les maux sont des mots dans lʼincon-
scient. Sʼil y a des fantômes et des arrières mondes ils ne se situent que dans le précon-
scient et le conscient, pas dans lʼinconscient. Le complexe dʼŒdipe nʼest pas ce quʼen dit
la doxa, mais, comme le rêve, il nʼest quʼune métaphore du fonctionnement du langage.
Les topiques de Freud et le RSI de Lacan ne se succèdent ni ne sʼannulent lʼun lʼautre, ce
sont des métaphores illustrant la plasticité topologique de la parole de lʼinconscient. À par-
tir de là, J.-M.!Miller ne va pas cesser de marquer des points dans le débat. Ainsi, corrige-
t-il le concept psychanalytique de «!lʼattention flottante!» dans lequel M.!Onfray se four-
voie!:
Ce concept signifie, lui rappelle J.-M. Miller, que lʼanalyste porte la même atten-
tion à tout ce que dit le patient qui a tendance à accorder une plus grande valeur
à certains mots ou à certains actes de langage. Donc, le psychanalyste écoute
tout et sʼintéresse aux éléments apparemment mineurs du discours, lapsus,
interruption."Apprenez, lance-t-il à M."Onfray, à maîtriser votre vocabulaire
freudien"!"(p."14)
La psychanalyse, riposte M."Onfray est une branche de la pensée magique.
(p."14)
Reste à savoir comment cela opère la magie, relève J.-M. Miller, marquant un nouveau
point, pour moi, elle procède par suggestion, par la médiation des mots, du langage. Rien
de plus puissant que le signifiant sur le psychisme et le somatique. Lʼanalyse !la cure
par la parole — utilise précisément cette magie, mais, pour la retourner contre elle-même.
Elle purge le patient des sortilèges du langage qui se trament dès quʼon lui parle ou quʼon
Guy Massat - Télévision - 4
parle de lui. Elle lʼimmunise contre lʼintimidation intellectuelle exercée par les gourous et
les orateurs à la mode (p.!15). Pour terminer, cʼest avec la question sexuelle que
J.-M.!Miller envoie véritablement M.!Onfray au tapis. Selon M.!Onfray
Lʼéros freudien ne contribue pas à la libération sexuelle mais au confort bour-
geois et au refoulement de la chair."(p."15)
Réponse de J.-M.!Miller":
Avec sa formule il nʼy a pas de rapport sexuel"Lacan ne veut pas dire, bien sûr,
que les relations sexuelles nʼarrivent jamais"; mais que le langage humain fait
que chez lʼêtre humain, à la différence des animaux, il nʼexiste pas dʼappropria-
tion nécessaire, de destination dʼun sexe pour lʼautre. Le garçon nʼest pas voué à
la fille. (p."15)
Inversement… et à tout ce quʼon voudra…
Ainsi par un retournement inattendu M.!Onfray se retrouve dans la position du petit-bour-
geois refoulé sexuel. Cʼest un comble!! Comment est-ce possible!? Cʼest que le conscient
incarne toujours ce quʼil dénonce. Cʼest sa malédiction. Dans son Traité dʼathéologie
M.!Onfray se dévoilait déjà plus obstiné que lʼobstination des religions quʼil dénonçait,
cʼest-à-dire encore plus mono-théiste!! Pourtant tout ce que dit M.!Onfray est exact. Cʼest
exact, mais ce nʼest pas vrai. Car lʼexactitude diffère de la vérité. M.!Onfray est un savant
certes mais cʼest un ignare de lʼinconscient. Un membre à part entière de la Samcda. De
la psychanalyse il ne voit que la peau. La chair et tous ses organes, cʼest J.-M.!Miller, en
bon charcutier du langage, qui sʼy connaît. Reste encore les os et la moelle de la psycha-
nalyse. Mais ça, cʼest une autre histoire… La critique de Freud par M.!Onfray équivaut à
tenter de déboulonner Christophe Colomb sous prétexte quʼil prenait Cuba pour le Japon
et les Indiens pour des Hindous. Ça ne permet en aucune façon de contester au Génois la
découverte de lʼAmérique, même si Chr.!Colomb disait, contre toute exactitude, quʼil
sʼagissait des Indes. Le débat se termine par une déclaration de J.-M.!Miller":
Je viens de créer lʼuniversité populaire de psychanalyse Jacques Lacan… Que
vous ayez remis au goût du jour cette expression dʼuniversité populaire est un
des éléments qui mʼont amené à lancer ce projet. Je vous en suis donc recon-
naissant.
M. Onfray répond!:
Jʼaccueille cette réponse comme un genre dʼhommage.
Hommage!? Rappelons-nous ce que dit Laozi (35)!:
Qui veut abaisser quelquʼun doit dʼabord le grandir. Qui veut affaiblir quelquʼun
doit dʼabord le renforcer. Qui veut éliminer quelquʼun doit dʼabord lʼexalter.
Quant au terme dʼuniversité, populaire ou pas, revenons à ce que nous avons vu plus haut
«!le discours universitaire!produit du sujet insatisfait, $!» quand, sous lʼeffet dʼun effroyable
destin, à la Œdipe, on confond lʼinconscient et le conscient. Mais qui est le plus rusé des
deux J.-M.!Miller ou M.!Onfray!?
Dans ce débat il est seulement regrettable que la question du primat de lʼinconscient nʼest
pas été véritablement abordée. Cʼest pourtant ce qui constitue le «!nouveau continent!»
toujours soigneusement contourné par les philosophes et les psychanalystes de la
SAMCDA. Ce qui ne les empêche pas, par ailleurs, à la manière des rois très catholiques
Guy Massat - Télévision - 5
1 / 10 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !