Ainsi, dans Philosophie magazine"de février!2010, le philosophe Michel Onfray sʼattaque
violemment à la psychanalyse. Ces arguments sont les suivants!:
La théorie freudienne nʼest pas une technique scientifique, mais un procédé ma-
gique.
Lʼéros freudien ne contribue pas à la libération sexuelle, mais au conformisme
bourgeois.
La constellation freudienne ne suppose pas de contrat intellectuel mais lʼaffiliation
religieuse.
Cette attaque fait lʼobjet de son prochain livre qui paraîtra en mars Le Crépuscule dʼune
idole!: lʼaffabulation freudienne. Dans le débat du magazine Jacques-Alain Miller sʼoppose
au philosophe. Lʼun et lʼautre se vantent dʼabord dʼavoir lu Freud dès leur plus jeune âge,
14!ans!ou 15 ans. Cʼest beau de savoir lire mais cʼest toujours mieux de comprendre ce
que lʼon lit. Même si cʼest à un âge plus tardif, cʼest infiniment mieux. Le débat ne com-
mence pas spécialement bien pour J.-M. Miller. Il sʼemporte et se justifie en avouant!:
«!Excusez-moi, ma psychanalyse nʼa pas été complètement réussie, jʼai encore des accès
de colère!» (p.!10). Puis il relate sa filiation à Sartre!:
Jʼétais beaucoup plus intéressé par la «"psychanalyse existentielle"» proposée
par Sartre dans lʼÊtre et le Néant — une psychanalyse sans inconscient qui
maintient lʼautonomie du sujet — [du sujet conscient. Cʼest nous qui souli-
gnons] que par les écrits métapsychologiques de Freud.
Heureusement, à lʼÉcole Normale Supérieure, grâce à Althusser, J.-M. Miller découvre La-
can!: «!Cʼest le choc, confesse-t-il, le bouleversement intellectuel majeur de mon existen-
ce!» (p.!12). Mais J.-M.!Miller ajoute!: «!Il y a une empreinte très forte de la pensée sar-
trienne sur celle de Lacan!». Ça, cʼest une contre vérité. Car pour Sartre, et toute la philo-
sophie, la conscience est dʼabord, ensuite lʼinconscient. Lʼêtre est et le non-être nʼest pas.
Pour la psychanalyse cʼest lʼinverse!: lʼêtre nʼest pas. Il nʼy a que du «!parlêtre!». Gorgias
disait la même chose dans son Traité du «"non-être"». Et cʼest bien ce en quoi réside lʼin-
vention freudienne par laquelle Freud sʼinscrit dans la lignée de Copernic et de Darwin!:
lʼinconscient est dʼabord ensuite le conscient, lequel sʼefface tel un fantasme, un fantôme,
un nuage. Voilà ce qui différencie la psychanalyse, la vraie, de la philosophie. La névrose
sʼexprime par la confusion de ces deux points de vue. La philosophie, basée sur le con-
scient, a lʼhallucination de lʼobjectivité, lʼobsession du fait. Que ce soit atome ou idée, la
philosophie ne court, la tête dans le guidon, quʼavec le principe dʼidentité. Pour lʼincon-
scient il nʼy a pas de fait, il nʼy a pas de chose, il nʼy a que du langage mais, soulignons-le,
encore une fois, pas un langage ordinaire ou un langage savant, mais un langage hors
norme qui se moque du principe dʼidentité et de la linéarité du temps, qui utilise, en artiste,
le principe de non-identité, le contradictoire et la transgression du tiers exclu. Cʼest le lan-
gage de lʼinconscient. De ce point de vue, lʼévidence de notre réalité la plus immédiate se
réduit à un fantasme (Télévision, p.!17).
Mais M.!Onfray reproche à Freud de dire tout et son contraire. J.-M. Miller lui réplique
alors pertinemment!:
Ce nʼest pas Freud qui dit tout et son contraire mais lʼinconscient lui-même"!
Que Freud ait été cocaïnomane, pendant douze ans, tranche à nouveau
M."Onfray, quʼil est rédigé son Esquisse dʼune psychologie scientifique sous
Guy Massat - Télévision - 3