FAUST de Gounod, mis en scène par Mc Vicar et interpété par Bryn Terfel en 2004 Méphistophélès II Je ferai de mon mieux pour n'ennuyer Le veau d'or est vainqueur des dieux; personne. Dans sa gloire (Les étudiants se groupent autour de Dérisoire Méphistophélès; Valentin le regarde avec Son front abject brave les cieux! défiance et se tient à l'écart avec Siebel.) Il contemple, ô rage étrange! I À ses pieds le genre humain Le veau d'or est toujours debout; Se ruant, le fer en main, On encense Dans le sang et dans la fange Sa puissance Où brille l'ardent métal!... D'un bout du monde à l'autre bout! Et Satan conduit le bal, conduit le bal! Pour fêter l'infâme idole, Peuples et rois confondus, Tous Au tintement des écus, Et Satan conduit le bal! Forment une ronde folle Autour de son piédestal!... Et Satan conduit le bal! Le Cartel Étude « La représentation du diable dans une version moderne du Faust de Gounod » - opéra, de Gounod, représenté en 2004 au Metropolitan Opera. Brève biographie Synopsis de Faust de Gounod : Lassé d'une vie stérile, le docteur Faust s'apprête à s'empoisonner lorsque le diable, alias Méphisto, lui propose de retrouver la jeunesse et ses plaisirs en échange de son âme. Pour le convaincre, il lui offre la vision de Marguerite, pure jeune fille qui sera bientôt sienne. Faust signe et se retrouve entraîné dans une spirale de vils plaisirs, de bassesses, de blasphèmes et de crimes où la séduction de Marguerite occupe la place centrale. Finalement abandonnée, elle tue l'enfant né de cette union funeste mais échappe à la damnation grâce à ses ardentes prières. Faust de Gounod, en 2004 au Metropolitan opera, à New-York : - Goethe : (1749-1832), un des plus célèbres auteurs allemands. Chef de file du mouvement Romantique, créa de nombreux chefs-d’œuvre, dont Faust en 1808,n l'histoire d'un vieux savant qui vend son âme au diable, Méphistophélès, en échange d'une nouvelle jeunesse. - Gounod : (1818-1893), compositeur français. Composa Faust en 1859, qui eut un vif succès malgré les critiques (plus de 200 représentations dès 1869). Cet opéra reprend l'histoire du Faust de Goethe. - Pappano : (1959_), chef d'orchestre et pianiste brittanique. C'est le chef d'orchestre lors de la représentation de Faust en 2004 au Metropolitan Opera à New-York. - Mc Vicar : (1966_), metteur en scène de théâtre et d'opéra écossais. C'est le metteur en scène lors de la représentation de Faust en 2004 au Metropolitan Opera à New-York. - Terfel : (1965-), baryton gallois. C'est lui qui interprète Méphistophélès lors de la représentation de Faust en 2004 au Metropolitan Opera à New-York. Contexte (historique, social, artistique...) Contexte de la scène : Acte 2 : Le rideau se lève sur un chœur joyeux d'étudiants, soldats, bourgeois, jeunes filles et matrones (chœur: "Vin ou bière"). Le frère de Marguerite va partir en guerre et recommande à ses amis de veiller sur elle son absence. Ils s'assoient pour prendre un dernier verre. Méphistophélès apparaît soudain et les divertit avec une chanson sur le veau d'or (ronde: "Le veau d'or"). Contexte de la mise en scène : Pour sa mise en scène, Pappano a choisi le contexte de la guerre franco-prussienne (1870). Il a choisi de représenter Faust en Gounod vieilli (le compositeur de l'opéra). Méphistophélès apparait ici en gentihomme, mais dans un costume qui rappelle celui d'un pirate des Caraïbes. Contexte religieux : le veau d'or est un épisode biblique. Alors que Moïse est allé chercher les tables de la loi, les Hébreux, nouvellement libérés du joug du Pharaon, pressèrent Aaron de leur construire une idole d’or, en fondant les bracelets et colliers qu’ils avaient réussi à prendre avec eux. Il construisit un veau d’or qu’ils adorèrent à l’imitation du taureau Apis qui était adoré en Égypte. Lorsque Moïse descendit du mont Sinaï, et qu’il vit les Hébreux adorer une idole, il fut pris d’une colère si grande qu’il fracassa les Tables de la Loi sur un rocher. Références Cadre scolaire : œuvre étudiée dans le cadre de la séquence "Bel-ami", séance sur l'apothéose de Bel-ami, sur le thème du Veau d'or. - "L'adoration du veau d'or", de Poussin, huile sur toile, 1633 : conservée à la National Gallery à Londres - "son lo spiritu", aria de l'opéra Mefistofele, de Boito, interpété également par Bryn Terfel, qui présente une vision différente du diable. Analyse de l’œuvre Formes : ce scène appartient au genre de l'opéra. La mise en scène, plutôt réaliste, se déroule lors dans le cadre de la guerre Franco-prussienne (1870). L'air joué, "Le veau d'or", appartient au genre romantique français (qui explique le thème même choisi). Il est chanté par Méphistophélès, qui accompagne Faust pour l'aider à conquérir le cœur de Marguerite, mais ne cherche en réalité qu'à corrompre les hommes. Techniques : Il s'agit ici d'une aria, un chant en solo, accompagné par le chœur. Ce type de chant sert en général à révéler la personnalité d'un personnage. Ici, un certain "réalisme" est à l’œuvre puisqu'on demande à Méphistophélès de chanter pour amuser la foule. Le chant qu'il choisit est emblématique de sa personnalité. Significations : Dès l'entrée, le chant de Méphistophélès est un blasphème, par son sujet d'abord, le veau d'or, mais surtout son affirmation : qu'il soit toujours debout, renforcé par l'adverbe "toujours", niant qu'il ait jamais été détruit (s'inscrivant en faux avec la Bible). Mais ici, le veau d'or est avant tout une métaphore, et désigne le pouvoir de l'argent ("au tintement des écus") et son aspect universel ("peuples et rois confondus"). Le veau d'or est agent de corruption ("il contemple [...] à ses pieds le genre humain, se ruant le fer en main, dans le sang et dans la fange"), il est l'adversaire de Dieu (il est l'envoyé de Satan, dont le nom signifie "l'adversaire", Dieu est désigné sous sa forme plurielle, "les dieux", ce qui est une nouvelle fois un blasphème dans le cadre chrétien de l'opéra). En tant que musique, l'air du veau d'or est une musique entraînante et gaie. emmenée par les cordes et les percussions, qui mènent d'un rythme rapide la musique. La voix de Méphistophélès est de type baryton, ce qui correspond au personnage (les barytons, à la voix grave, incarnent souvent les rôles de méchant). L'interprétation de Bryn Terfel donne une rage au chant, une violence qui est d'ailleurs conforme au texte. On perçoit une forme d'enivrement de la foule, qui reprend le refrain : "et Satan mène le bal", emportée par l'air. Cet air devient ainsi mise en abyme, Méphistophélès est réellement en train de mener le bal, celui qu'il mène pour amuser la galerie, à la demande de Siebel. Enfin, on note, à l'écoute, une homophonie entre bal et "Baal", autre nom du diable, qui marque ainsi l'omniprésence du personnage. Le personnage de Méphistophélès est, dans la production, habillé en homme riche. Son costume est de couleur rouge, symbole du mal, et entre ainsi en opposition symbolique avec la tenue des soldats (de couleur bleue), surtout le frère de Marguerite, qui embrassait la croix quelques secondes auparavant. Le maquillage de Méphistophélès est traditionnel de sa représentation (sourcils, moustache et barbichette). Son costume est richement travaillé, ce qui le désigne comme homme riche, et confirme son lien avec le veau d'or. La mise en scène renforce le côté corrupteur de Méphistophélès. La place où se tiennent les personnages comprend au milieu une statue du Christ, et il se place entre celle-ci et la foule : il est l'être qui rompt le lien entre l'homme et Dieu. Il lance à la foule des billets, qu'ils ramasseront par terre, "dans la fange", et pour lesquels on les voit se battre ("dans le sang"). Le chœur apparaît dans une sorte d'extase à l'écoute de la chanson, dans un état de transe extatique, bougeant le corps au rythme des percussions et souriant de manière béate à la vue de Méphistophélès. Méphistophélès est assisté dans sa corruption du genre humain. Dans cette mise en scène, sept personnages aident son œuvre (les 7 péchés capitaux ?). Trois se tiennent sur le piédestal où se trouve la statue du Christ, afin de mieux la cacher, et se contentent d'observer la scène de manière satisfaite et d'exhorter la foule au délire. Les quatre autres sont deux hommes et deux femmes, qui sont les premiers à danser quand commence l'air et vont ainsi entraîner les autres. Leur rôle de serviteur de Méphistophélès est souligné par leur costume (rouge), et ils l’assistent par leur danse et leurs acrobaties : les femmes le font par des danses provocantes, et l'un des hommes volera une épée à un soldat pour l'offrir à son maître, au moment où il parle des hommes "se ruant, le fer en main", et lui permettant à la fois de mieux souligner son propos et de renforcer son pouvoir. Usages : ici, le texte, le chant, l'art de l'acteur et de la mise en scène sont au service de la représentation du diable, dans son rôle de corrupteur du cœur des hommes. Des symboles (gestuels, visuels, sonores...) concourent à dépeindre ce caractère, et montrent bien l'opéra en tant qu'art total.