Recherche clinique Une fonction infirmière à découvrir La recherche clinique réunit les essais cliniques et thérapeutiques menés sur des hommes sains mais aussi sur des patients. Quels rôles jouent les infirmières de recherche clinique (IRC) ? L orsqu’un procédé thérapeutique a fait ses preuves en laboratoire et a été l’objet d’études convaincantes, la recherche devient clinique. Cette phase est nécessaire afin d’appliquer en toute sécurité la nouvelle thérapeutique chez les patients. Les objectifs sont l’amélioration du diagnostic, la prévention de certaines maladies, l’amélioration du pronostic, voire la guérison du patient. La recherche clinique réunit donc les essais cliniques et thérapeutiques menés tant sur l’homme sain, pour une meilleure connaissance de ses fonctions physiologiques, que sur les patients, pour une meilleure compréhension des pathologies. La recherche est soumise à des lois strictes. La loi Huriet-Sérusclat du 20 décembre 1988 définit et régle- mente les conditions de réalisation de la recherche biomédicale, et protège les personnes qui s’y prêtent. Le législateur distingue deux catégories de recherche biomédicale sur les personnes selon qu’on en attend, ou non, un bénéfice individuel. Dans tous les cas, les recherches sont conduites sur des personnes saines ou malades, mais librement consentantes. Certaines investigations sont menées dans l’attente d’un bénéfice individuel direct, qui peut être d’ordre préventif, diagnostique ou thérapeutique. D’autres sont généralement entreprises sur des volontaires sains ou malades acceptant de participer à une évaluation dont chacun sait qu’il ne retirera pas de bénéfice personnel. Les quatre phases de développement d’une nouvelle molécule Phase I : • vise à définir la toxicité de la molécule chez l’homme et ses propriétés pharmacologiques ; • définit la dose minimale efficace et la dose maximale tolérée ; • permet d’apprécier la tolérance chez l’homme sain. Phase II : • confirme les propriétés pharmacologiques thérapeutiques observées chez l’animal ; • étudie les propriétés pharmacodynamiques. Les essais de phase II s’attachent à montrer l’efficacité thérapeutique du nouveau médicament chez l’homme sain. Phase III : • précise l’efficacité thérapeutique dans les différentes indications préconisées ; • apprécie la tolérance chez la personne malade. Cette phase recourt au principe de randomisation. A l’issue de la phase III, une demande d’Autorisation de mise sur le marché sera effectuée auprès de l’AFSSAPS. Phase IV : • évalue l’efficacité du médicament dans des conditions réelles d’utilisation après l’AMM (beaucoup moins stricte que dans des protocoles) ; • poursuit l’évaluation de la tolérance, même après la commercialisation. Les études précliniques Elles permettent d’évaluer la sécurité d’emploi in vivo des produits testés chez l’animal. Avant de commencer les essais cliniques chez l’être humain, il faut impérativement pouvoir disposer des résultats des études : – de toxicité aiguë ; – de toxicité chronique ; – sur la reproduction ; – de cancérogenèse ; – de mutagenèse ; – de pharmacodynamie ; – de pharmacocinétique. Il s’agit de réunir pour le produit testé un effet thérapeutique, une sécurité d’emploi et un développement commercial intéressant. Les essais cliniques Ce terme désigne tous les essais systématiques d’un médicament chez l’homme, qu’il s’agisse de volontaires malades ou sains, afin d’identifier tout effet indésirable et d’étudier les caractéristiques de l’absorption, la distribution, le métabolisme et l’élimination du médicament, afin, aussi, d’évaluer l’efficacité et la sécurité d’emploi. Toutes ces études publiques ou privées sont développées par un promoteur qui finance, initie et fait réaliser l’essai par un ou plusieurs investigateurs. En prenant l’initiative de la recherche biomédicale, le promoteur (personne physique ou, plus souvent, morale) en assume la responsabilité légale. L’investigateur, lui, est toujours une personne physique, un docteur en médecine qui dirige et surveille la réalisation de la recherche. La professionnalisation de la recherche clinique est née de la complexité des protocoles, d’où la nécessité de s’appuyer sur des équipes et, notamment, sur des infirmières formées à la recherche clinique (IRC). Professions Santé Infirmier Infirmière - No 39 - août-septembre 2002 ●●● 7 Recherche clinique ●●● Les missions de l’IRC L’infirmière de recherche clinique coordonne, organise et réalise les soins spécifiques aux essais suivant un guide de bonnes pratiques cliniques (BPC) (1). • L’IRC et le promoteur L’objectif principal du promoteur est la qualité de l’essai clinique. L’infirmière, garante de cette qualité, analyse et étudie la faisabilité de l’étude sur le terrain. Elle élabore en partie, voire en totalité, le cahier d’observation ou CRF (2), rédige Qu’est-ce que le CCPPRB ? Le CCPPRB (Comité consultatif de protection des personnes dans la recherche biomédicale) joue un rôle clé dans la protection des personnes qui se prêtent aux recherches biomédicales. Il est composé de manière à garantir son indépendance et la diversité des compétences, aussi bien dans le domaine biomédical qu’en regard des questions éthiques, sociales, psychologiques et juridiques. Ses membres sont nommés par le préfet de région. Le CCPPRB donne son avis sur les conditions de validité de la recherche en considération de la protection des personnes, et notamment sur : • la pertinence générale du projet ; • l’adéquation entre les objectifs poursuivis et les moyens humains et techniques mis en œuvre ; • la qualification du ou des investigateurs ; • la protection et la sécurité des participants ; • les modalités de l’information des personnes se prêtant à la recherche, avant et pendant celle-ci ; • les modalités de recueil du consentement ; • les indemnités éventuellement versées par le promoteur en cas de recherche sans bénéfice individuel direct pour la personne. Source : Guide pratique, loi du 20 décembre 1988 modifiée, Guide de l’AP-HP. 8 les procédures opératoires standard (POS) (3) correspondantes. Lors des visites des assistants de recherche clinique, elle veille à mettre à disposition les dossiers sources (4) des patients ou volontaires sains. • L’IRC et l’investigateur L’infirmière a un rôle d’aide et de contrôle auprès de ce médecin. Elle vérifie le respect des critères d’inclusion et de non-inclusion du protocole, le recueil du consentement éclairé du patient ou du volontaire selon les BPC. Avec le médecin investigateur, elle met à jour les cahiers d’observation de l’essai, remplit et déclare les “événements indésirables graves” ou “non graves” des médicaments dans les délais imposés par la loi au promoteur. C’est encore elle qui organise l’archivage des documents de l’étude au terme de celle-ci. • L’IRC et le pharmacien L’infirmière établit avec le pharmacien hospitalier chargé des essais cliniques la traçabilité des médicaments de l’essai de façon à ne jamais manquer de produits et à attribuer les bons médicaments aux bons patients (selon la randomisation). • L’IRC et le volontaire Elle s’assure qu’il a bien été informé et qu’il a bien compris les enjeux de l’essai. Si ce n’est pas le cas ou si elle ressent la moindre appréhension de sa part, elle doit de nouveau lui expliquer – en langage simple – le déroulement de l’étude, les contraintes et les bénéfices qu’on peut en attendre. L’instauration d’un climat de confiance permet une meilleure observance des traitements. L’infirmière exécute les soins relatifs à l’essai – tels les cinétiques (prélèvements rapprochés) du médicament, les ECG et tous les soins relevant de sa compétence selon les procédures établies au début du protocole avec le promoteur lors de la mise en place de l’étude. Professions Santé Infirmier Infirmière - No 39 - août-septembre 2002 Comment devenir IRC ? Les IRC sont d’abord infirmières diplômées d’État. Ensuite, elles se spécialisent par l’obtention du diplôme interuniversitaire de formation d’assistants de recherche clinique (DIU-FARC). Cette formation peut s’effectuer dans le cadre de la formation continue. Le DIU-FARC regroupe : • un enseignement théorique sur la recherche biomédicale, c’est-àdire sur les bases méthodologiques des essais cliniques, les aspects éthiques et réglementaires (loi Huriet-Sérusclat), le développement des médicaments ; • un enseignement pratique du rôle de l’assistant de recherche clinique (BPC, etc.). L’association du diplôme d’État d’infirmière et du DIU-FARC permet d’assurer la fonction d’IRC au sein des hôpitaux. Pour obtenir ce diplôme, il faut se renseigner auprès des universités de Bordeaux, Lyon-I, Nantes, AixMarseille-II, Paris-VI, Paris-VII ou Strasbourg afin de connaître la date de pré-inscription. Il faut savoir que cette spécialisation n’est toujours pas reconnue à ce jour. Il n’existe donc aucun statut au sein des hôpitaux publics qui permette de différencier une IRC d’une infirmière de soins... Espérons que cette compétence spécifique sera bientôt reconnue comme elle le mérite. Patricia Détré IRC, Centre d’investigation clinique, hôpital Saint-Antoine. 1. Bonnes pratiques cliniques : listing de recommandations internationales visant à garantir la qualité des données recueillies lors d’un essai clinique. 2. CRF (Case Report Form) : document anonyme recueillant toutes les données de l’étude. 3. POS : documents permettant de suivre une ligne directive unique pour tous les actes ou soins de l’essai. 4. Dossier source : documents originaux relatifs aux patients, tels que le dossier médical, les examens complémentaires, les comptes rendus d’hospitalisation.