Penser en propriétaire d`entreprise

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INVESTIR / Michael Sabia
SOURCE : article tiré du magazine
en ligne www.fclt.org
Penser
en propriétaire
d’entreprise
Il est temps d’investir sur la base de valeurs fondamentales
à long terme plutôt qu’en fonction de la volatilité à court terme.
Michael Sabia est président et chef de la direction de la Caisse de dépôt
et placement du Québec, un investisseur institutionnel de long terme
qui gère des fonds provenant principalement de régimes de retraite
et d’assurances publics et parapublics. Auparavant, il a été chef de
la direction de BCE, une des plus importantes entreprises du domaine
des télécommunications au Canada. M. Sabia est diplômé de l’Université
de Toronto et de l’Université Yale.
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PERSPECTIVES À LONG TERME
Par définition, les investisseurs de long terme
se préoccupent de la santé durable de l’économie.
Mesurée sur des années et des décennies, leur
performance est liée à l’innovation, à la productivité
et à la croissance des entreprises dans lesquelles
ils investissent et, plus globalement, à l’accroissement de la prospérité économique au fil du temps.
Ces investisseurs n’ont pas le choix de se concentrer sur la valeur fondamentale des entreprises et
des projets dans lesquels ils investissent, sur les
choix de politiques importants et, plus largement,
sur les tendances de fond de l’économie. En un
mot, les investisseurs de long terme doivent être
des bâtisseurs.
Les investisseurs à court terme pensent différemment. Ce sont essentiellement des opérateurs
de marché. Ils transigent en fonction des variations
horaires, hebdomadaires ou trimestrielles du prix
d’une action, qui peuvent être déconnectées de la
situation réelle des entreprises ou de la santé de
l’économie. Ces investisseurs peuvent réaliser des
profits peu importe que la conjoncture soit bonne ou
mauvaise, en se fiant uniquement aux mouvements
à court terme d’actions interchangeables.
Dans le système financier actuel, le problème est
que trop — beaucoup trop — d’investisseurs sont
devenus des opérateurs de marché, qui traitent
les entreprises comme des marchandises. Mais les
compagnies ne sont pas des marchandises. Elles
jouent un rôle essentiel dans la répartition des
ressources, la détermination des niveaux d’investissement, la promotion de l’innovation et la création
d’emplois. Elles contribuent à la productivité et à
la prospérité. En traitant les compagnies comme
des marchandises — c’est-à-dire en se contentant
d’échanger leurs actions à court terme plutôt que
d’investir en elles — nous risquons de compromettre
les perspectives de croissance à long terme de notre
économie.
Pourquoi ? Parce que dans la mesure où les
opérateurs de marché insistent sur les résultats à
court terme, les dirigeants d’entreprises sont forcés
de concentrer leurs stratégies sur les performances
trimestrielles, au détriment de plans d’investissement à long terme qui peuvent être plus coûteux
dans l’immédiat, mais qui améliorent souvent le
potentiel de croissance. Répliquée à l’échelle de
notre économie, cette dynamique contribue à la
croissance anémique qu’on observe sur les marchés
internationaux.
Cette préoccupation est partagée par beaucoup
de gens. En fait, l’importance d’investir selon une
philosophie de long terme fait l’objet de nombreuses
discussions aujourd’hui, comme en témoigne l’initiative Focusing Capital on the Long Term1. Il semble
que la nécessité d’un changement de direction
commence à faire consensus.
Cela étant dit, l’investissement à long terme
demeure difficile. Surtout aujourd’hui, alors que
l’information fait le tour du globe en quelques
minutes, que la pression sur les résultats à court
terme n’a jamais été aussi intense, et que les intermédiaires financiers sont devenus omniprésents,
augmentant la complexité, les risques et les coûts.
Ce sont des obstacles importants. Pour évoluer
avec succès dans un tel environnement, les investisseurs à long terme doivent pouvoir compter sur
des mécanismes de gouvernance indépendants,
une culture et des processus renforcés, une solide
gestion du risque, et bien sûr, les bonnes personnes.
Par-dessus tout, ils doivent revenir à l’essence de
1 Focusing Capital on the Long Term est une initiative internationale
regroupant plusieurs investisseurs institutionnels, grandes multinationales et gestionnaires de portefeuille qui cherchent à favoriser
l’investissement à long terme de manière concrète. Cet article a d’abord
été publié dans le cadre d’un sommet tenu à New York le 10 mars 2015.
Pour plus d’informations, voir : www.fclt.org.
Dans le système financier actuel, le problème est
que trop — beaucoup trop — d’investisseurs sont
devenus des opérateurs de marché, qui traitent
les entreprises comme des marchandises. Mais
les compagnies ne sont pas des marchandises.
ce qu’implique la propriété d’actifs : investir dans
l’économie réelle avec une mentalité de propriétaire
d’entreprise.
INVESTIR COMME UN PROPRIÉTAIRE
Que signifie le fait d’investir comme un
propriétaire ? Quels sont les traits distinctifs
des propriétaires d’entreprise ? Qu’est-ce qui
les distingue des opérateurs de marché ?
Mentionnons d’abord la connaissance —
la connaissance profonde. Les propriétaires
d’entreprise ne se satisfont pas d’analyses indirectes
ou d’examens périodiques d’états financiers. Ils
connaissent et comprennent les caractéristiques
fondamentales de la compagnie ou de l’actif
qu’ils acquièrent. Ils connaissent sa culture, son
personnel, ses opérations, ses forces et ses faiblesses. Ils comprennent l’industrie et connaissent
leurs concurrents. Et ils ont un sens aigu de la valeur
intrinsèque de leur entreprise – sans égard pour
les fluctuations et les extravagances du marché à
court terme.
Cette expertise n’est ni passive, ni détachée :
les propriétaires discutent avec les dirigeants. Ils
exercent leur jugement et prennent des décisions
réfléchies sur la base d’analyses rigoureuses. Ils ont
une idée précise de la direction de leur entreprise.
Enfin, les propriétaires sont loyaux envers leur
compagnie, mais pas à n’importe quel prix. En
retour, ils attendent un certain niveau de performance et, en collaboration avec les dirigeants, ils
travaillent fort pour l’obtenir. Ils ont l’esprit indépendant. Ils sont conscients de l’opinion des autres,
mais ils sont prêts à voir plus loin. Ils sont disposés
à prendre des décisions pénibles et à endurer des
périodes difficiles.
Évidemment, tout ceci n’est qu’une métaphore.
Les investisseurs institutionnels ne sont pas
propriétaires d’entreprise, et ils ne devraient pas
se substituer à la direction des sociétés. Cela dit,
PERSPECTIVES À LONG TERME
99
INVESTIR
nous croyons que la perspective du propriétaire
d’entreprise peut servir d’inspiration fructueuse
dans le cadre d’une stratégie d’investissements à
long terme.
DÉVELOPPER LA PERSPECTIVE
Depuis 50 ans, la Caisse gère des fonds de retraite
et d’assurance publics. Nous détenons 226 G$
d’actifs, dont plus de 90 % sont gérés à l’interne.
Au lendemain de la crise de 2008–2009, la Caisse
a choisi d’adopter une perspective de propriétaire
d’entreprise à travers l’organisation. Voici comment
cette approche se décline dans nos différentes
catégories d’actifs et dans nos activités en appui à
l’investissement.
Immobilier
La Caisse ne se contente pas d’investir en immobilier : nous détenons et exploitons des propriétés et
des actifs immobiliers. Avec plus de 40 G$ d’actifs,
notre filiale Ivanhoé Cambridge est devenue l’un des
principaux exploitants immobiliers dans le monde :
elle emploie 1700 personnes et détient des propriétés en Asie, en Europe, en Amérique latine et en
Amérique du Nord.
Nous croyons également que la compréhension
fondamentale d’un actif est un moyen plus efficace
de gérer le risque que les simples outils
techniques, le suivi des écarts aux indices,
ou la sagesse des foules.
Lorsqu’elle décide d’investir, Ivanhoé Cambridge
ne se concentre pas sur les façons de disposer des
propriétés dans un horizon de 3 à 5 ans, ou sur
l’ingénierie financière sous-jacente à la transaction. Elle analyse plutôt le bassin de locataires, les
perturbations possibles à long terme et les occasions
d’améliorations opérationnelles dans la gestion
des propriétés.
Arriver à une compréhension aussi profonde
des actifs — y compris au niveau opérationnel —
présente un certain nombre d’avantages. Cette
expertise permet de se faire une idée rigoureuse
et indépendante de la valeur et du potentiel d’un
actif, ce qui favorise la résilience face à l’instabilité.
100 PERSPECTIVES À LONG TERME
Nous croyons également que la compréhension
fondamentale d’un actif est un moyen plus efficace
de gérer le risque que les simples outils techniques, le suivi des écarts aux indices, ou la sagesse
des foules. La connaissance approfondie est un
prérequis pour les investisseurs qui souhaitent
prendre des positions plus concentrées, plutôt que
de couvrir leurs mises et de diversifier leurs placements, comme le veut la pratique courante.
Cet accent mis sur la connaissance profonde est
devenu une pierre angulaire de notre approche en
matière d’investissements.
Infrastructures
Les infrastructures sont une catégorie d’actifs
naturelle pour les investisseurs à long terme.
Généralement non liquides, par nature de longue
durée, et résistants aux comparaisons faciles avec
des indices, les décisions d’investissement en
infrastructures doivent reposer sur une compréhension rigoureuse de la valeur et du risque propres à
ces actifs.
Comme pour notre portefeuille immobilier, la
perspective de propriétaire d’entreprise nous oblige
à répondre à certaines questions au moment d’investir en infrastructures: le projet est-il important
au plan économique et, par conséquent, est-il
viable à long terme ? En avons-nous une bonne
compréhension ? Avons-nous l’expertise requise
pour le gérer au fil des ans ? Quelles améliorations
opérationnelles pouvons-nous effectuer ? La Caisse
tente d’apporter des réponses claires et durables à
ces questions, puisque nous envisageons habituellement l’acquisition d’infrastructures sans égard à
une date de revente hypothétique.
Marchés publics
Nous avons également décidé d’étendre la perspective de propriétaire d’entreprise à nos équipes de
marchés publics. Il s’agit un changement radical par
rapport au statu quo.
En 2013, nous avons lancé le portefeuille Actions
Qualité Mondiale (AQM), géré en fonction des
principes exposés plus haut. Ce portefeuille a une
valeur de 25 G$, concentrés dans approximativement 70 titres, avec un taux de roulement annuel
d’environ 10 %. Les actions sont choisies sur
la base de notre recherche fondamentale, qui sert
également d’outil de gestion du risque essentiel.
Ce portefeuille a une caractéristique essentielle :
il ignore les indices de référence. Bien que sa performance soit, au fil du temps, évaluée en fonction
d’un indice, il n’est pas construit autour de celui-ci,
et n’est pas censé s’y conformer. Il s’agit d’un
renversement presque complet par rapport à notre
stratégie antérieure. Adopter une perspective de
propriétaire a signifié l’abandon des indices.
Nous étendons maintenant cette approche à
d’autres portefeuilles d’actions. D’ici la fin de
2015, 50 G$ seront ainsi passés de notre stratégie
précédente, axée sur les indices, à une approche qui,
nous en sommes convaincus, générera des résultats
beaucoup plus durables.
Bien que les portefeuilles d’actions ne permettent
pas toujours le même type de gestion engagée que
l’immobilier ou les infrastructures, nous avons tenté
d’appliquer les mêmes principes: recherche approfondie, accent sur la valeur intrinsèque plutôt que
sur les indices, évaluation du risque fondamental et
résilience dans la poursuite d’objectifs à long terme.
Placements privés
La perspective de propriétaire est aussi parfaitement
adaptée aux placements privés. L’étape suivante
de notre plan sera donc d’appliquer les principes
exposés ci-dessus aux activités actuelles et futures
de la Caisse dans ce secteur.
Là encore, il n’est pas question de diriger les
compagnies directement. Avec nos partenaires,
nous comptons plutôt agir à titre d’investisseur
actif (mais non activiste), détaché de tout indice de
référence précis, et cherchant uniquement à investir
dans des entreprises dans lesquelles nous croyons.
Il pourra s’agir d’entreprises performantes, mais
sous-évaluées, ou encore d’entreprises qui présentent des possibilités d’améliorations durables.
La Caisse développe ce niveau d’engagement et
cette perspective de propriétaire une transaction
à la fois — en siégeant occasionnellement à des
conseils d’administration, en faisant des recommandations et en usant de son influence — alors
même que nous apprenons de nos succès et de nos
échecs passés.
LES ÉLÉMENTS D’UNE CULTURE
DU LONG TERME
Toutes les institutions qui souhaitent se concentrer
sur le long terme sont confrontées à des défis. Les
marchés publics sont particulièrement fertiles en
distractions. Bien que personne ne soit complètement à l’abri de l’anxiété des marchés volatiles,
maintenir le cap sur quelques principes et pratiques
peut aider à naviguer des mers turbulentes.
Gouvernance indépendante
Les investisseurs qui veulent demeurer fidèles à
leurs principes doivent être capables de résister à
la pression venant des gouvernements, des autres
institutions, ou de l’opinion publique.
En pratique, trois choses sont nécessaires pour
y parvenir: une structure de gouvernance indépendante, protégée de l’ingérence politique et
des intérêts extérieurs; la capacité de résister
aux critiques publiques et aux appels à changer
de direction; et la liberté d’établir des politiques
de rémunération adaptées au marché. Un certain
nombre de lignes directrices permettent d’atteindre
ces objectifs, et elles devraient être appliquées,
en principe et en pratique, par tous les investisseurs qui tiennent à prendre et maintenir leurs
propres décisions.
Talent
La première priorité de toute institution consiste
à recruter des individus qui comprennent sa philosophie et ses valeurs, et qui sont aptes et disposés
à les promouvoir. La structure et les modes de
rémunération peuvent aider à aligner les incitatifs
individuels avec les objectifs institutionnels, mais
ils ne peuvent pas faire office de remède miracle en
cas de différences fondamentales de perspectives.
Pour la Caisse, la perspective de propriétaire et
l’accent mis sur les risques à long terme ont mené
à l’embauche de personnes aux horizons vastes,
aux parcours variés, expérimentées au niveau opérationnel, et disposées à travailler avec la direction
des entreprises en portefeuille. Notre recherche
d’individus avec une expérience tangible du terrain
nous a souvent conduits loin du bassin de recrutement habituel de l’industrie financière. Nous
avons engagé des ingénieurs, des géologues et des
cadres ayant de l’expérience opérationnelle dans
PERSPECTIVES À LONG TERME 101
INVESTIR
le secteur minier, les produits de consommation,
ou les TI, entre autres. Nous cherchons des gens qui
comprennent bien comment la valeur se crée dans
un secteur donné —parce que nous croyons que
la valeur durable découle de l’excellence des opérations, et non de l’ingénierie financière.
Culture et processus
Qu’est-ce que la culture d’une organisation ? Pour
nous, c’est essentiellement la manière dont le travail
est accompli. C’est ce qui rassemble les habiletés
individuelles de nos gens. Instaurer une culture
de résistance à la tentation de suivre la foule et de
rechercher les résultats immédiats s’est avéré être
un de nos plus grands défis. Il nous reste encore
beaucoup de chemin à parcourir.
Nous essayons de construire une culture qui
valorise le savoir, l’indépendance et la patience qui
fondent les convictions profondes. Cela veut dire
s’efforcer de comprendre les entreprises et les actifs
aussi profondément qu’un propriétaire, collaborer
véritablement avec les sociétés dans lesquelles nous
investissons et soupeser les risques fondamentaux
à long terme.
Instaurer une culture de résistance à la tentation
de suivre la foule et de rechercher les résultats
immédiats s’est avéré être un de nos plus
grands défis.
Nos décisions d’investissement insistent particulièrement sur la mise en commun des connaissances
à tous les niveaux de l’organisation, afin de rassembler nos meilleures idées. Cela s’est traduit par
l’élimination des silos entre les différentes catégories d’actifs, et par l’implantation de systèmes de
partage d’information favorisant la collaboration.
Cette mise en commun de nos connaissances
est un élément important de notre transition vers
une approche plus collective à nos décisions de
placement. Nos nouveaux processus reposent sur
la valeur du débat comme outil de prédilection
pour aborder les véritables enjeux. Par exemple,
nous n’avons pas de comité d’investissement, mais
un comité d’investissement-risque. La différence
est importante, parce qu’elle suppose que toute
proposition d’investissement donne lieu à un
102 PERSPECTIVES À LONG TERME
débat entre nos équipes de risque et nos équipes
d’investissement. Nous croyons qu’il s’agit d’un
élément essentiel au développement des convictions profondes qui sont nécessaires pour prendre
et maintenir des positions concentrées à plus
long terme.
Toujours dans le même esprit, nous essayons
aussi d’aborder nos placements de manière plus
stratégique. Chaque année, dans le cadre de la
Planification stratégique des investissements (PSI),
chaque équipe doit concevoir et présenter à l’équipe
de direction un plan définissant les priorités d’investissement et le plan d’affaires de leur catégorie
d’actifs pour les quatre ans à venir. Tout au long de
l’année, les investissements individuels sont évalués
par rapport à ces priorités quadriennales.
Rémunération
Notre capacité à rémunérer nos professionnels de
l’investissement sur une base concurrentielle est un
élément indispensable de notre stratégie. Sans elle,
nous n’aurions pas accès au talent dont nous avons
besoin. Cela dit, la manière dont nous payons nos
employés est aussi importante que le montant. Il y
a quatre ans, nous avons instauré un programme de
rémunération reposant sur quelques principes qui
visent à favoriser une perspective de propriétaire
d’entreprise à long terme:
Nous offrons une rémunération incitative sur
une période mobile de quatre ans.
La performance individuelle, des équipes et de la
Caisse en général comptent pour tout le monde.
La gestion du risque est de la responsabilité
de tous.
Nous tentons de prendre des décisions de
placement comme si nous investissions notre
propre argent — à cette fin, par exemple, nos
cadres supérieurs sont tenus d’investir plus de
la moitié de leur prime annuelle dans le portefeuille de la Caisse.
Risque
L’évaluation robuste du risque est tout aussi importante. Faut-il s’inquiéter des fluctuations de la
valeur de l’actif, des écarts par rapport aux indices
de référence, ou des pertes permanentes de capital ?
Faut-il se concentrer sur les facteurs financiers,
les risques plus larges, ou les deux?
La Caisse a adopté une approche pragmatique :
les risques sont évalués à partir de plusieurs points
de vue, chacun offrant des perspectives particulières. Cela dit, nos priorités ont changé.
Nous nous concentrons à présent sur les risques
fondamentaux et la perte permanente de capital, et
nous examinons attentivement les risques financiers et non financiers. Comme pour le jugement
d’affaires, la gestion du risque est à la fois un art
et une science. À cette fin, nous encourageons la
mise en commun des expertises et le débat libre
(et parfois vigoureux).
Nous continuons de surveiller la volatilité au
moyen des outils existants, mais la Caisse ne
considère plus cette mesure comme le nec plus
ultra de la gestion du risque. Nous nous concentrons résolument vers la recherche approfondie
et les tests de tension, pour chacun de nos actifs
individuels ainsi que pour notre portefeuille global.
Nous abandonnons graduellement certains outils,
comme la VaR, qui dissimulent souvent plus qu’ils
ne révèlent.
En deux mots : les critères d’évaluation du risque
sur 30 jours ont peu de pertinence pour un horizon
d’investissement de 30 ans. Quand on réfléchit à
la valeur d’investissements sur des années ou des
décennies, les fluctuations à court terme perdent
en importance par rapport aux forces et faiblesses
fondamentales, aux évolutions profondes de la
démographie et de la technologie, et à la stabilité
des systèmes économiques et politiques.
Quand on réfléchit à la valeur d’investissements sur
des années ou des décennies, les fluctuations à court
terme perdent en importance par rapport aux forces
et faiblesses fondamentales.
En quoi tout ceci est-il important ? Au-delà des
slogans et des bonnes intentions, y a-t-il une vertu
réelle à investir à long terme selon une perspective
de propriétaire d’entreprise ?
Nous en sommes profondément convaincus.
L’investissement à long terme crée un cercle
vertueux qui augmente progressivement les rendements ajustés en fonction des risques. Il encourage
les entreprises à adopter des objectifs à plus long
terme, à investir dans l’innovation et à se concentrer sur la performance durable. À grande échelle,
l’investissement à long terme peut stabiliser et
optimiser les marchés de capitaux. Enfin, il peut
contribuer à réduire les interférences et les distractions qui engendrent souvent de la turbulence
irrationnelle sur les marchés. Dans un monde qui
roule à toute vitesse, il est souhaitable de prendre
un peu de recul.
En tant qu’investisseur de classe mondiale, notre
capacité à satisfaire les attentes à long terme de nos
clients dépend de marchés financiers qui récompensent les décisions créatives et responsables.
Nous croyons que toutes les institutions qui sont
en mesure d’échapper à la tyrannie du court terme
devraient évaluer les avantages de l’investissement axé sur le long terme. Si nous suivons tous
le marché en nous fiant à nos mouvements, nous ne
faisons que courir après notre queue. Nous pouvons
certainement faire mieux. 
PERSPECTIVES À LONG TERME 103
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