PAGE 18. IndIces | | Novembre 2014 | Gestion institutionnelle Le grand retour de la gestion active? seule une gestion libérée de la contrainte des indicateurs pourra résister à la concurrence de la gestion passive. L dIdIer saInt-GeorGes Membre du Comité d’Investissement Carmignac Gestion es fonds passifs et leurs avatars cotés en bourse, les ETF (Exchange Traded Funds), connaissent depuis plusieurs années un succès spectaculaire en Europe, et l’année 2014 demeure sur cette tendance. Ils ne représentent encore en Europe qu’environ 10% du total des fonds gérés, mais leurs actifs ont pratiquement doublé en cinq ans. Leurs mérites sont indéniables: les ETF reflètent en général fidèlement les sous-jacents qu’ils représentent, et leur frais sont faibles. Ils constituent donc un outil utile pour les allocataires d’actifs. La quEsTIon aujourd’hui est de savoir s’ils représentent une menace pour les tenants de la gestion active, menace à prendre d’autant plus sérieusement que plusieurs études académiques indiquent que peu de fonds actifs parviennent, après frais de gestion, à battre les gestions passives dans la durée. L’expérience des quinze dernières années tend à prouver a imposé deux réponses. La première est que la «fausse» gestion active est condamnée. Les fonds qui prétendent à l’appellation «active», mais suivent en réalité de très près leurs indices de référence, ce que les anglosaxons appellent des «closet-indexers», ont perdu leur crédibilité. Depuis une quinzaine d’années, au contraire de la décennie 90, la succession de crises financières a fait que «surperformer son indice de référence», mantra de la majorité des gestions actives, s’est avéré très insuffisant (et encore, beaucoup de gestions actives n’y sont même pas parvenues). L’indice MsCI des marchés actions mondiaux a connu à deux reprises, au début des années 2000, avec l’éclatement de la bulle Internet, et en 2008, des corrections de près de 50%. Dans de telles situations, les gestions qui se sont satisfaites de battre leur indice de référence n’ont en rien répondu au besoin des investisseurs. Pourquoi payer des frais de gestion à un gérant, si c’est pour que celui-ci ne sauve au mieux que quelques pourcents d’un effondrement de la valeur de son patrimoine financier à chaque crise? Chacun comprend bien que le monde économique global est devenu instable et va le demeurer longtemps. Le niveau de l’endettement public de la plupart des grands pays, l’extension inouïe du recours à l’intervention non-conventionnelle des banques centrales, les niveaux extraordinairement bas des taux d’intérêt sont sources de grande fragilité. Par conséquent, si les investisseurs ne peuvent faire confiance aux indices de marchés pour faire prospérer leur épargne, ils seront d’autant moins enclins à payer des frais de gestion pour une performance similaire. seule la «véritable» gestion active, en se libérant entièrement de la contrainte des indicateurs de référence, non seulement pourra résister à la concurrence de la gestion passive, mais verra probablement se multiplier les occasions de démontrer toute sa valeur ajoutée. La seconde leçon des quinze dernières années, c’est que si seule la «véritable» gestion active a des chances de répondre aux besoins réels des épargnants dans la durée, la barre pour y parvenir est très haute. Car elle doit impérativement être Il s’AGIt d’INvEstIr sur dEs uNIvErs très lArGEs AfIN dE déNIchEr dEs ActIfs décorrélés dANs toutEs lEs coNfIGurAtIoNs dE mArché. dotée d’au moins quatre attributs très exigeants. Le premier est d’assumer une véritable liberté de gestion. Cela demande d’être indépendant, car l’obéissance à la hiérarchie d’un actionnaire institutionnel fait rarement bon ménage avec la liberté de gestion, et d’être courageux, car s’écarter des indices c’est aller contre l’opinion générale. Le second, c’est de se donner les moyens de gérer activement. Cela requiert d’investir sur des univers très larges, en termes de géographie et de classes d’actifs afin de pouvoir aller dénicher des actifs décorrelés dans toutes les configurations de marché, et cela requiert de maitriser l’utilisation d’outils de gestion du risque, afin de pouvoir faire varier les profils de risque rapidement et efficacement. LE TroIsIèME attribut indispensable à une gestion active est la discipline. Car si l’on est impuissant sans liberté de gestion, on est dangereux sans discipline. Les procédures de contrôles des risques, de gestion des expositions doivent être à la mesure du degré de gestion active. Enfin, quatrième attribut propre à la véritable gestion active: la transparence. Car prendre des positions marquées sur les marchés, investir souvent à contre-courant, nécessite pour que les investisseurs gardent leur confiance qu’ils soient parfaitement informés des choix effectués, et de leur justifications. Les «boîtes noires», fussent-elles performantes pendant un temps, ont trop couté aux épargnants dans le passé pour avoir le moindre avenir aujourd’hui. une gestion active très performante est ainsi en réalité très difficile. Mais c’est cela la bonne nouvelle. Car qui prétendrait à la facilité cacherait probablement encore un attachement à la gestion «benchmarkée» et paresseuse, qui fit flores dans les années 90, mais qui ne résistera plus longtemps à la montée de la gestion passive, informatisée et bon marché.