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b. Mouvements préventifs contre l’alcool et réglementation
Si l’alcool est apprécié par les français pour son histoire et pour ce qu’il représente
dans notre gastronomie, c’est aussi un produit dont la consommation excessive est
dangereuse. Aussi, depuis le début du XXème siècle se succèdent les mouvements de
prévention. La priorité se porte sur les cibles les plus fragiles : les jeunes. Jusqu’en 1950,
l’Etat passe par le terrain de l’école et il a recours à une éducation intensive et un
vocabulaire dur : « l’alcool détruit le corps et l’âme ». Les pouvoirs publics jouent sur la
peur et la honte (violences, problèmes de santé, éclatement de la cellule familiale). A cette
époque, on diabolise plus que l’on informe. Après la Seconde Guerre Mondiale et jusque
dans les années 70, la stratégie adoptée est différente. Les autorités privilégient la
sensibilisation et la responsabilisation. On préfère glorifier la sobriété et les boissons sans
alcool. Dans les années 80 et jusqu’à aujourd’hui, l’Etat va prendre conscience que
l’alcoolisme n’est pas la cause mais plutôt la conséquence d’un malaise chez des personnes
qui sont dans une situation à problèmes. Ainsi, on bannit les messages trop sévères des
campagnes de prévention et on parle davantage des risques immédiats de l’alcool. Les
premiers spots télévisés ayant pour objet la prévention contre les produits alcoolisés
apparaissent en 19845 (bien que certains organismes comme l’ANPAA6 existent depuis près
d’un siècle déjà). Même si ces spots n’ont que peu d’effets sur les personnes déjà
dépendantes, ils permettent de les aider à en prendre conscience et surtout d’éviter à
d’autres de le devenir. Ainsi, les autorités préfèrent aujourd’hui prévenir et guérir. Toutes
ces actions et ces mouvements préventifs contre l’alcool se traduisent par une baisse de la
consommation d'alcool en France, depuis le début des années 1960. En effet, en quarante
ans, elle a été divisée par deux7. Cette forte diminution est à mettre en parallèle avec une
réelle prise de conscience des français des problèmes sanitaires et sociétaux liés à l’alcool.
La consommation d’alcool comme le vin reste régulière et fortement ancrée dans la culture
française, mais les quantités consommées ont baissé et les moments de consommation sont
davantage occasionnels (fêtes ou apéritifs et non plus consommation de table quotidienne).
Ainsi, les mouvements préventifs ont portés leurs fruits et le fameux « Consommer avec
modération » a bien été assimilé.
De cette prise de conscience de l’Etat et du grand public, les mouvements de
prévention sont à présent soutenus par une réglementation de plus en plus ferme. Il faut
savoir que la France est un pays qui possède l’une des législations les plus sévères au
monde concernant les boissons alcoolisées. L’Europe prend d’ailleurs en modèle la
législation française. Pourtant, malgré des campagnes de prévention incisives, on compte
encore soixante-trois morts par jour à cause de l’alcool. L’alcool demeure, avec le tabac, la
première cause de mortalité évitable en France. Ainsi, même s’il est clairement ancré dans
la culture de notre pays, il est aussi un véritable problème de société. Au-delà des actions
de prévention, le Ministère de la Santé se doit donc d’appliquer des mesures afin de limiter
les risques liés aux boissons alcoolisées. C’est là l’objectif majeur qui a motivé la création de
la loi Evin le 10 janvier 1991. Les fondements de la réglementation de ce secteur repose sur
le fait que toute incitation à la consommation de boissons alcoolisées apparaît, à priori, de
nature à augmenter la demande, et par conséquent, à détériorer la santé d’un nombre
croissant d’individus. Le droit français restreint donc la possibilité de diffuser une publicité
pour vanter les produits alcoolisés. La législation s’appuie sur un consensus large qui établit
une relation entre expression publicitaire et augmentation du niveau de consommation.
Toutefois, il est important de noter que selon l’OMS rien jusqu’aujourd’hui ne permet de
prouver formellement cette relation.
Au terme des dix premières années d’application de la loi Evin (qui a connu beaucoup
d’aménagements concernant l’alcool), le Ministère de la santé a dressé le bilan8. Il estime
que la loi Evin a marqué une « véritable rupture » dans les politiques publiques menées
jusque là. Cette législation plus ferme a permis à des millions de français de prendre
conscience des graves conséquences que représentait la consommation abusive d’alcool sur
la santé. D’autre part, cette loi représente une rupture dans le sens où elle ne cherche pas à
5 L’alcool : l’histoire d’une prévention – www.france5.fr
6 L’ANPAA est l’Association Nationale de Prévention en Alcoologie et Addictologie.
7 Consommation d’alcool – www.insee.fr
8 Bilan des 10 ans de la loi Evin – www.sante.gouv.fr