Dossier
ner que les caractéristiques
du produit comme le degré,
l’origine, la composition, les
moyens de production ou
encore les modes de
consommation.
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Un message sanitaire doit
être inclus sur chaque publi-
cité, précisant que « l’abus
d’alcool est dangereux pour
la santé ».
Il ne s’agit pas là d’un code
de bonne conduite, mais de
la mise en œuvre d’obliga-
tions légales comportant des
peines d’un niveau élevé. Le
texte semble assez difficile à
contourner : il impose des
limites précises en définis-
sant d’une part les espaces
où la publicité est autorisée,
et d’autre part le contenu
acceptable des messages et
des images. Il laisse toutefois
la liberté de donner des infor-
mations sur le produit. En
dépit de sa rigueur, le texte
reste de nature à stimuler la
créativité des publicitaires en
les obligeant à délaisser les
images traditionnelles et les
ressorts faciles de la
séduction. Cer-
taines campagnes
des années 90 sont
effectivement très
réussies. Certes,
quand elle livre des
informations
techniques « objectives » sur
les produits, la publicité en
faveur de l’alcool est encore
souvent tendancieuse.
Cependant, on peut considé-
rer que la loi a réussi à modi-
fier le discours publicitaire,
qui a perdu son
caractère volontiers
racoleur. On observe une
restriction de la narration,
une déshumanisation de
l’image –les buveurs ont dis-
paru - et…une apparition de
la figure du producteur, seul
personnage dont la présence
peut être facilement justifiée.
L’efficacité de la loi, elle, peut
se mesurer aux succès enre-
gistrés par l’A.N.P.A.A., qui a
toujours obtenu gain de
cause dans ses actions en jus-
tice à l’encontre des publici-
tés litigieuses.
Les effets de la loi
Evin
L’effet quantitatif
Il est difficile d’évaluer le
poids de chaque facteur :
prix, lieux de vente, publici-
té…influant sur la consom-
mation d’alcool, surtout
lorsque le rôle de ces fac-
teurs évolue dans le temps.
Les quelques études scienti-
fiques concernant les effets
de la publicité ont établi que
cet effet était faible. Aussi
producteurs d’alcool et
publicitaires peuvent-ils
soutenir hardiment
que la publicité ne
retentit pas sur la
consommation glo-
bale, et que la plu-
part des publicités
sont compétitives par
nature puisqu’elles ne
servent qu’à départager les
marques. Toutefois, il faut
reconnaître que la plupart
des études ont porté sur
des interdictions totales.
Peu de cas d’interdiction
partielle ont été pris en
considération. Par ailleurs,
l’effet n’a pas été étudié
selon les groupes d’âge et les
classes socio-économiques.
Dans un pays comme la
France où la diminution de
la consommation avoisine
1% par an tous les ans
depuis trente ans, la régula-
tion de la publicité ne repré-
sente qu’un élément d’une
stratégie générale de pré-
vention dont l’effet global
sur les jeunes générations ne
pourra pas se mesurer avant
plusieurs décennies.
L’effet symbolique
Ces considérations quantita-
tives ont en fait peu d’im-
portance par rapport à l’effet
qualitatif et symbolique. La
publicité est utilisée pour
renforcer les idées précon-
çues, nombreuses dans l’ar-
rière-plan culturel, sur la
consommation d’alcool. Les
Il ne s’agit pas
là d’un code de
bonne conduite,
mais de la mise
en œuvre
d’obligations
légales
comportant des
peines d’un
niveau élevé.
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13 - Septembre 2003 - N°3
Addictions
12 - Septembre 2003 - N°3
Addictions
Ce sont une vingtaine
d’actions judiciaires qu’a
engagées l’A.N.P.A.A. depuis
1991, date de promulgation
de la loi Evin. Toutes gagnées,
sauf une, et encore en raison
de l’annulation d’un décret
sur lequel son argumentation
était fondée ! De nombreuses
marques ont ainsi été
épinglées : Marie Brizard,
Chivas Regal, J&B, Cambras,
Pétillant de Listel, Adelscott,
et… bien d’autres. Toutes les
publicités de ces boissons
allaient au-delà des
indications autorisées.
Ainsi en fut-il d’une
campagne publicitaire de
Kronenbourg. Deux visuels
étaient en cause. Le premier
représentait trois jeunes
femmes tout sourire, tenant
un plateau et trois verres de
bière, avec sur le côté le texte
« Distribution de
Kronenbourg fraîche aux
copines qui ont de la
conversation », suivi d’une
astérisque renvoyant en
petits caractères à l’adresse
d’un café à Tarbes.
Le deuxième visuel se voulait
la version masculine du
premier, une photo de trois
jeunes gens, aussi souriants
que les jeunes filles, coiffés
de chapeaux de paille,
et au regard le texte
« Distribution de
Kronenbourg fraîche aux
copains frisant l’insolation»
avec, toujours en petits
caractères l’adresse d’un bar
à Morcenx.
Pour l’annonceur et les
publicitaires, cette publicité
était tout ce qu’il y a de plus
légal, les photos et les textes
explicitant les modalités de
vente ou de consommation du
produit, indications
autorisées par la loi. Non ! a
répondu la Cour de Cassation
pour qui la Cour d’Appel de
Paris a parfaitement justifié
sa décision de condamnation
en relevant que « les
photographies ne
représentent pas des
serveurs et que les
accessoires n’ont pour but
que de renforcer le caractère
attractif de la publicité »,
ajoutant que « les messages
accompagnant les
photographies sont en réalité
des slogans publicitaires,
tandis que les adresses de
débits de boissons ne sont
destinées qu’à créer une
apparence de légalité, sans
véritable souci d’informer le
public ».
La dernière décision en date
remonte au 10 juillet 2003:
le TGI de Paris ( 31ème
chambre) a condamné à
10 000 euros d‘amende et à
1000 euros de dommages et
intérêts envers l’A.N.P.A.A. le
directeur de la revue Action
Auto Moto pour avoir publié,
sans message sanitaire, la
photo du podium du grand
prix de Formule 1 d’Australie
gagné par Michael
Schumacher où apparaissent
des publicités en faveur de la
bière « Foster’s » et du
Champagne Mumm.
D’autres affaires sont
actuellement en cours et
concernent les marques telles
que Martini, William Grant’s,
Absolut Vodka, Hennessy, …
ou encore Ricard et
Kronenbourg pour le
parrainage et l’animation
d’une soirée étudiante ( Voir
Addictions n°1, p.7). Les
prochaines décisions sont
attendues pour le début de
2004.
Les actions judiciaires de l’A.N.P.A.A.
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Publicité et législation en Europe
« créatifs » ne font qu’ex-
ploiter ces images préexis-
tantes, conscientes et
inconscientes. Si les effets de
l’alcool sur la santé ou la viri-
lité sont interdits par la plu-
part des codes de bonne
conduite dans le monde
occidental, la consomma-
tion d’alcool est encore très
souvent reliée à des valeurs
telles que le succès person-
nel ou la réussite sociale. La
sévérité de la loi Evin était le
seul moyen d’obtenir le
changement de ce discours
Il est difficile d’évaluer le poids des facteurs influant
sur la consommation. Jameson : une mise en scène qui va au-delà des informations
autorisées.
Futur
consommateur
ou objet de
consommation ?