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La revendication 3 met en avant la discrimination dont sont victimes les personnes
vulnérables du fait de la réticence à les prendre comme sujets de recherche. Son sens est
quelque peu différent. L’un des objectifs de la bioéthique a été de limiter le recours à des
personnes incapables de donner leur consentement. Ces restrictions ont été adoptées à la
lumière des leçons du passé : les pires abus dans l’histoire de la recherche médicale ont
toujours été commis à l’encontre des groupes vulnérables. N’avons-nous pas cependant poussé
trop loin l’interdiction de faire appel à eux pour des essais cliniques à visée thérapeutique ?
Si l’on peut considérer la possibilité de participer à des recherches médicales, avant
que les résultats en soient connus, comme un avantage - proposition qui ne fait pas l’unanimité
et que certains membres du CIB rejetteraient - il semble cruel de refuser catégoriquement cet
avantage à des personnes vulnérables telles que les enfants ou les malades mentaux. C’est ce
à quoi l’on aboutit en les jugeant inaptes à se prêter à quelque expérience que ce soit, même
quand les bénéfices semblent largement compenser les risques.
L’accès à un traitement expérimental d’une personne capable de consentir dépend
dans la plupart des cas d’un certain nombre de variables : les médecins qui la soignent, le lieu
où elle vit, son initiative et le simple hasard. Aux Etats-Unis d’Amérique, des efforts sont
faits pour divulguer les essais cliniques de traitements du Sida et d’un nombre croissant
d’autres maladies, de façon que les malades puissent se renseigner sur les études cliniques
existantes, par exemple en consultant Internet. Un projet de loi proposant la création d’un
registre a été présenté au Congrès. Si cette tendance se confirme, elle pourrait donner corps à
l’idée que chacun a le droit de bénéficier des traitements expérimentaux, ou du moins de se
faire inscrire sur une liste d’attente. A l’heure actuelle, les bénéficiaires de tels traitements
sont sélectionnés de manière plus ou moins aléatoire au sein des groupes que les chercheurs
considèrent comme représentants des sujets potentiels. Si les chercheurs décidaient
expressément d’exclure des groupes tels que les enfants ou les malades mentaux (ou encore
les femmes en âge de procréer), on pourrait véritablement parler de discrimination. Il n’y a pas
exclusion quand c’est le hasard qui décide.
Pour l’heure, les personnes incapables de consentir sont exclues des recherches
cliniques en vertu de règles qui interdisent à leurs tuteurs de les y faire participer lorsque ces
recherches peuvent être faites sur des personnes capables de donner leur consentement. De
plus, dès qu’il s’agit de personnes frappées d’incapacité de consentir, il faut prendre en
compte des notions complexes telles que celle de « risque minimal », etc.
Lorsque de telles personnes, ou leurs représentants, se plaignent d’une discrimination,
c’est par référence au double principe de la justice et de la bienfaisance. Pourquoi une personne
atteinte d’un trouble mental lié au Sida serait-elle empêchée d’essayer tel médicament qui
pourrait sauver sa vue ? Dès lors que d’autres volontaires « normaux » jugent que tel
traitement, tout bien pesé, mérite d’être tenté, pourquoi des parents ne pourraient-ils pas
postuler au nom de leur enfant ? L’importance que l’on accorde à ce problème varie nettement
selon que l’on estime réalistes les espoirs placés dans la recherche. Or les règles actuelles
partent semble-t-il du principe que les risques que fait courir un essai clinique sont dans la
plupart des cas plus grands que les possibles bénéfices thérapeutiques.
Les IEG prônent une position minimale, à savoir que si l’on permet un large recours à
des thérapies expérimentales mais prometteuses, dans le cadre de l’autorisation sous certaines
conditions de médicaments encore en cours d’expérimentation (programme « treatment IND »
de la Food and Drug Administration, FDA) ou de la distribution de tels médicaments en
« circuit parallèle », alors les malades mentaux doivent y avoir eux aussi accès. Mais le
commentaire est défavorable à la participation d’individus vulnérables à des « essais cliniques
formels ». Il ne défend ni cette participation ni la proposition voisine qui voudrait que les
individus vulnérables ne participent qu’à des recherches liées aux causes de leur incapacité.
On pourrait penser, toutefois, que la participation aux mêmes essais de personnes capables de
consentir offre quelque assurance que les personnes vulnérables ne sont pas exploitées.
Le débat sur la « bienfaisance » [beneficence] consiste à se demander si les mesures
visant à protéger les personnes incapables de donner leur consentement ne rendent pas
impossible toute recherche sur leurs troubles. A l’évidence, la réponse varie selon les
catégories de malades se trouvant dans cette incapacité. Du fait du vieillissement croissant de
la population, nous allons voir augmenter le nombre d’individus atteints de diverses formes de