Libération proximale des gastrocnémiens (LPG)

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Reconstruction de l’avant-pied
Libération proximale
des gastrocnémiens (LPG)
Définition, historique
La LPG a une place spéciale dans notre chirurgie de l’avant-pied. Nous avons à distinguer,
d’une part, l’équinisme permanent qui ne disparaît pas genoux fléchis et, d’autre part, la brièveté des gastrocnémiens où l’équinisme apparaît
quand le genou est fléchi (Fig. 20a2).
La brièveté des gastrocnémiens est souvent
observée, dans notre expérience dans presque
10 % des désordres de l’avant-pied. Cependant
certains de ces cas ne nécessitent pas une libéra-
tion proximale des gastrocnémiens, par exemple
lorsque les patients ont plus de 65 ans, ou bien,
et c’est le cas le plus fréquent, quand les gastrocnémiens n’ont pas des conséquences cliniques évidentes.
Les conséquences cliniques de la brièveté des
gastrocnémiens sont celles d’un équinisme avec
certains points particuliers (Fig. 20a4a).
La libération proximale des gastrocnémiens
est une technique très efficace et sans danger
qui représente une amélioration significative
concernant le traitement.
Historiquement nous avons commencé à
pratiquer des LPG chez les enfants spastiques
[19], en 1972 avec J. Cadoux à Bordeaux. C’est
vrai qu’initialement nous avons pratiqué une
libération plus distale type Vulpius.
Fig. 20a1. Brièveté des gastrocnémiens et leur correction par une libération proximale. Anatomie
(dessin original de Bourgery et Jacobs) [31]). Insertion fémorale des gastrocnémiens.
Insertion médiale : l’insertion des fibres musculaires est centrale, c’est-à-dire latérale par rapport au tendon.
Le tendon est volumineux et plus épais en sagittal qu’en frontal. Son bord médial est près du tendon
du demi-membraneux. Il existe de temps en temps une bourse entre ces deux tendons.
Insertion latérale : l’insertion des fibres musculaires est également centrale. L’insertion des fibres
aponévrotiques est latérale mais il y a trois différences avec l’insertion médiale. (1) Il s’agit de fibres
aponévrotiques. (2) Elles sont moins profondes (et heureusement, en raison du nerf fibulaire commun).
(3) Il y a des fibres musculaires plus latéralement.
Les techniques – Libération proximale des gastrocnémiens (LPG)
Cependant, nous n’avons pas été satisfaits
des résultats (problème de cicatrice, douleur,
récidive de la brièveté). Nous n’avons pas
observé ces mêmes inconvénients avec la LPG.
La LPG a été suffisante chez 20 % des enfants
spastiques pour corriger l’équinisme à condition
de le pratiquer tôt. Cela a évité l’allongement
primitif du tendon d’Achille équin modéré et
un seul allongement d’Achille a été alors nécessaire à la fin de la croissance. Dans les cas plus
importants, nous avons aussi pratiqué l’allongement du tendon d’Achille, mais le fait d’avoir
fait des gastrocnémiens a permis de n’avoir de
récidive à l’âge adulte que dans 7 % des cas.
Notre expérience concernant les troubles statiques a commencé en 1983 et nous avons progressivement étendu nos indications. La LPG va
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permettre, d’une part d’assurer le résultat d’une
chirurgie locale au niveau de l’avant-pied,
d’autre part de diminuer les gestes opératoires
au niveau de ce même avant-pied.
Anatomie locale
Anatomiquement et en ce qui concerne la physiopathologie, les gastrocnémiens appartiennent
au système suro-achilléo-plantaire.
Notre but est de faire disparaître la tension
résultant de la brièveté des gastrocnémiens par
la section proximale des fibres aponévrotiques
ou surtout tendineuses près de leur insertion. La
figure 19a1 détaille cette anatomie locale.
Fig. 20a2. Dépistage clinique de la rétraction des gastrocnémiens. 1.
Quand le genou est fléchi, les gastrocnémiens sont détendus. La flexion dorsale du pied est possible.
Quand le genou est étendu, le gastrocnémien est tendu, le pied reste donc en flexion plantaire.
On examine d’abord avec le genou en extension corrigeant le valgus et en imprimant une pression douce
puis on fléchit le genou et là il ne faut pas que le patient contracte son jambier antérieur.
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Reconstruction de l’avant-pied
Examen des patients présentant
une brièveté des gastrocnémiens
C. Kowalski a résumé cette phrase en « gastrocourts » ; divers auteurs, dont Rodineau, Di
Giovanni [57], ont de même étudié les conséquences et aussi le traitement médical des « gastro-courts » [79-80].
– La mobilisation active ne donne pas assez
d’indications sur les gastro-courts, il faut donc
recourir à la mobilisation passive.
– Il faut éviter toute contraction active du
patient, pendant l’examen, notamment sur le
tibialis antérieur.
– Le valgus du pied doit être corrigé passivement de même que le varus.
– La main de l’examinateur est appliquée sur la
plante du pied mais sans force importante, ceci est
un point important à respecter. (On arrivera pratiquement toujours à réduire un équinisme aux
dépens des jumeaux si la pression est trop forte.)
– Tout d’abord le genou est étendu et la
pression appliquée sur la plante du pied révèle
qu’il y a un équinisme.
– Ensuite le genou est fléchi et il faut faire
très attention à la contraction spontanée du
tibialis antérieur pour l’éliminer et alors on voit
que l’équinisme est réduit.
– Plus de 15° de différence montre que
l’équinisme est aux dépens des jumeaux avec en
moyenne – 15° en flexion dorsale dans la cheville genou étendu.
Fig. 20a3. L’évaluation clinique de la rétraction des gastrocnémiens. 2.
1, 2. La mobilité active, genou fléchi ou non, n’est pas suffisante pour l’évaluation
de la rétraction des gastrocnémiens.
4. La flexion dorsale passive de la cheville genou fléchi et non fléchi est le seul test
qui permet d’évaluer la rétraction des gastrocnémiens : mais attention à ce que le patient
ne contracte pas le muscle tibial antérieur surtout quand le genou est fléchi.
5, 6. Parfois l’examen est plus facile en décubitus ventral.
Les techniques – Libération proximale des gastrocnémiens (LPG)
Conséquences de la brièveté
des gastrocnémiens
La première conséquence directe est une hyperpression sur l’avant-pied au niveau des deux
derniers temps de la marche mais aussi une
mise en tension de tout le pied qui se traduit
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par des désordres au niveau du médio-pied de
l’arrière-pied, enfin une tension directe au
niveau du système suro-achilléen-plantaire donc
certainement la création ou l’augmentation des
épines calcanéennes. Ces conséquences sont
aussi décrites par Di Giovanni [57], C. Kowalski
[35, 79, 80] par J. Rodineau. Ces conséquences
sont décrites figures 20a4a et 20a4b.
Fig. 20a4a. Libération proximale des gastrocnémiens (LPG). Les effets de la rétraction des gastrocnémiens.
1. Dans ce cas, il n’y a pas assez de signes cliniques pathologiques dans l’avant-pied pour expliquer
les métatarsalgies. L’explication vient d’un équinisme relié à une rétraction des gastrocnémiens (2).
3, 4. L’équin accentue les griffes d’orteils et l’hallux valgus.
5. Augmentation du varus de l’arrière-pied.
6. Augmentation du valgus de l’arrière-pied.
7. Arrière-pied en valgus mais la chaussure présente une déformation en varus. Ceci est également dû
à un équinisme (cheville instable).
8. Augmentation des épines calcanéennes par traction sur le système suro-achilléo-plantaire.
9. La pente calcanéenne est inférieure à 15°, ce qui signe un équinisme. Il faut déterminer cliniquement
si cet équinisme dépend d’une rétraction des gastrocnémiens.
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Reconstruction de l’avant-pied
Fig 20a4b. Rôle des gastrocnemiens dans les pressions plantaires de l’avant-pied.
Dessins de Ducroquet [58].
– Dans les deux premiers temps de la marche, le genou est fléchi, les gastrocnémiens
n’interfèrent pas sur les pressions plantaires de l’avant-pied.
– Dans les deux temps suivants, le genou est en extension, les gastrocnémiens sont tendus.
La répartition des charges est déplacée vers l’avant-pied. La brièveté des gastrocnémiens
augmente la charge sur l’avant-pied dans ces deux derniers temps.
Technique de la libération
proximale
Elle est décrite figure 19b1-2. Le patient est en
décubitus ventral sous anesthésie générale. Cela
représente peut-être le seul problème compte
tenu de la vogue actuelle concernant les anesthésies locales. Mais peut-être peut-on faire cela
aussi avec une anesthésie locorégionale.
L’incision cutanée doit être précise : elle est
de 5 cm de long, située exactement dans le pli
de flexion postérieure du genou et débutant
dans sa partie médiale à 1,5 cm du centre de la
fovéa médiale.
Tout d’abord, dans la partie médiale de l’incision et directement d’arrière en avant, on va
trouver le muscle, puis en le suivant du côté
médial, on va trouver facilement le très gros
Les techniques – Libération proximale des gastrocnémiens (LPG)
tendon du gastrocnémien médial qui sera sectionné en entier : attention à bien sectionner les
fibres antérieures pour que toutes les fibres
blanches soient sectionnées. Les fibres rouges
seront soigneusement respectées et, s’il y a
quelques fibres aponévrotiques postérieures,
elles le seront aussi.
Le ciseau va alors se diriger d’arrière en
avant mais un peu aussi latéralement pour
aborder le gastrocnémien latéral. La question
porte sur le nerf sural : il va, soit être repéré,
soit ne même pas être repéré puisqu’il suffira de
suivre étroitement le corps musculaire du gastrocnémien latéral pour sans danger trouver le
tendon, ou plutôt les fibres aponévrotiques qui
sont plus latérales par rapport au muscle et qui
seront sectionnées. On remarquera qu’elles sont
beaucoup moins importantes que les fibres
médiales et qu’elles sont plus aplaties et uniquement postérieures.
Ce qui est remarquable c’est qu’il y a encore
des fibres musculaires plus latéralement que ces
fibres aponévrotiques et ceci est constant.
Le nerf sural sera soigneusement écarté vers le
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haut et en latéral et tiré vers le haut et il n’y aura
aucun problème avec lui. Les fibres musculaires
seront respectées, en médial comme en latéral.
Aspect postopératoire : nous mettons un
plâtre ou une attelle maintenant la cheville à
angle droit pour simplement deux nuits. Mais,
s’il s’agit d’une simple libération du gastrocnémien médial, il n’y a pas besoin de cette attelle.
En tout cas, cela est suivi du port de la chaussure à appui talonnier pendant trois semaines,
ce qui finira de bien placer le tendon plus vers
le bas.
Généralement, nous pratiquons la libération
des gastrocnémiens dans un temps séparé par
rapport à la chirurgie de l’avant-pied car nous
pratiquons la libération bilatérale, ce qui est
préférable.
Il est remarquable de constater qu’aucune
douleur ne survient et qu’aucune rééducation
ne sera nécessaire dans cette période postopératoire : la cicatrice devient quasi invisible sauf
chez les patients ayant tendance à faire des cicatrices chéloïdiennes et il faudra alors être beaucoup plus prudent dans les indications.
Fig. 20b1. Libération proximale des jumeaux. Technique 1.
Incision transverse dans le pli de flexion poplité : l’incision est d’abord dessinée genou fléchi.
Sa longueur est de 5 cm. Son extrémité médiale est située à 1,5 cm de la fossette médiale.
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Reconstruction de l’avant-pied
Fig. 20b2. Libération proximale des jumeaux. Technique 2.
1. Position en décubitus ventral permettant de faire les flexions dorsale et plantaire de la cheville
et de réaliser la libération.
2, 4. Seules les fibres aponévrotiques ou tendineuses des gastrocnémiens sont sectionnées, d’abord en médial
puis en latéral.
3. Le nerf fibulaire latéral doit être repéré, mais il n’est pas nécessaire d’effectuer une neurolyse.
Il est plus latéral que le gastrocnémien latéral, il n’y a aucun risque si l’on suit de près le corps musculaire
du gastrocnémien latéral.
5, 6. Avant la LPG : différence genou fléchi et étendu.
7. Pas de différence après la libération.
Les techniques – Libération proximale des gastrocnémiens (LPG)
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Fig. 20c. Libération proximale des gastrocnémiens. Soins postopératoires.
1. Immobilisation plâtrée, cheville à 90°, pour les deux jours postopératoires.
2. On peut aussi utiliser une attelle de marche amovible qui garde la position la nuit.
3. Marche avec la chaussure à appui talonnier à une semaine de l’intervention et pendant trois semaines.
Cela maintient le gastrocnémien en position distale.
Résultats
Avant-pied et LPG
Du côté du gastrocnémien médial, nous n’observons jamais de problèmes.
Du côté du gastrocnémien latéral, nous
observons très rarement quelques dysesthésies
ou quelques douleurs, dans la grande majorité
des cas elles sont passagères. Mais lorsqu’il y a
un petit problème, c’est là qu’il se trouve, d’où
la tendance actuelle, si les gastrocnémiens ne
sont pas trop courts, de ne pratiquer que la libération du gastrocnémien médial.
La marche normale est effectuée au bout d’un
mois après le port des chaussures à appui talonnier et à 2 mois et demi la récupération est
presque totale. La marche en digitigrade et sur les
talons est possible. Le sujet se sent soulagé des
troubles ressentis précédemment et on peut distinguer qu’il y avait des troubles directs (tension
du mollet, crampes) et des troubles indirects donc
la tension au niveau de l’avant-pied mais aussi la
tension de toute la chaîne postérieure allant jusqu’aux rachialgies. Enfin, le port de chaussures
plates est possible alors qu’avant il était difficile.
À ce bien-être et à cette sensation de relâchement des jumeaux que les patients ressentent
bien se joint l’action sur l’avant-pied que nous
allons décrire maintenant.
En ce qui concerne cet avant-pied, l’excès de
pression décroît de façon significative. C’est ainsi
que les métatarsalgies modérées peuvent être
corrigées simplement par la LPG. Mais, de toute
façon, dans tous les cas, la chirurgie locale de
l’avant-pied est améliorée et sécurisée et ceci
pour tous désordres et chirurgies correctrices au
niveau de l’avant-pied.
– Il est évident que l’hyperappui sur l’avantpied va diminuer si la patiente porte des talons
hauts.
– Cependant, c’est lorsqu’elle ne va pas porter des talons hauts tout le temps, et lorsqu’elle
sera sans talons que le bénéfice de l’opération va
se faire sentir. Maintenant, de plus en plus souvent, les chaussures « confort » comportent un
talon très modéré, voire un talon inexistant.
C’est alors que la LPG donne un confort tout à
fait appréciable.
En conclusion, la LPG permet, soit de se passer
d’un acte chirurgical au niveau de l’avant-pied
surtout en ce qui concerne les métatarsalgies, soit
d’assurer de façon très significative le résultat
d’une chirurgie locale et même de diminuer les
gestes opératoires au niveau de l’avant-pied.
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Reconstruction de l’avant-pied
Fig. 20d1. Libération proximale des jumeaux. Résultats 1.
1. La force tricipitale n’est pas diminuée : appui digitigrade deux mois après l’opération.
2. Incision transversale dix semaines après l’opération : nous utilisons cette incision
depuis octobre 2000, elle donne de meilleurs résultats cosmétiques que l’incision longitudinale
réalisée antérieurement.
3. Marche en digitigrade et sur les talons, trois mois après la libération des jumeaux.
4. Parfois cette chirurgie est réalisée chez des patients ayant des triceps volumineux.
Les techniques – Libération proximale des gastrocnémiens (LPG)
Fig. 20d2. Libération proximale des jumeaux. Résultats 2.
1, 2. Examen clinique postopératoire après LPG. La flexion dorsale de cheville est correcte et identique
quand le genou est fléchi ou étendu.
3, 4. Après chirurgie de l’avant-pied et LPG. Les désordres de l’avant-pied et l’équin sont corrigés.
5. Augmentation de la pente calcanéenne après LPG.
6. Amélioration de la position de l’arrière-pied après LPG et BRT du 1er métatarsien dans un pied creux
interne.
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