Comptabilité et comptes annuels des asbl Transparence et équivalence F. Khrouz Professeur ordinaire Solvay Business School, ULB Associé Ernst & Young 14/06/07 Loi de réforme du 2 mai 2002, modifiant la loi d’origine du 27 juin 1921 (coordination officielle inexistante) Arrêté royal du 2 avril 2003 (entrée en vigueur initiale) Arrêté royal du 26 juin 2003 (petites ASBL et fondations) Arrêté royal du 19 décembre 2003 (grandes et très grandes ASBL et fondations) Loi-programme du 19 juillet 2004 (compétence du tribunal de commerce) Arrêté royal du 8 décembre 2004 (prorogation d'un an du délai d'entrée en vigueur pour les ASBL et fondations qui existaient avant le 1/1/2004) 1 Loi de réforme du 2 mai 2002 modifiant la loi d’origine du 27 juin 1921 (Moniteur belge du 11 décembre 2002) AR du 26 juin 2003 relatif à la comptabilité simplifiée de certaines asbl AR du 19 décembre 2003 relatif aux obligations comptables et à la publicité Plan • 1. Introduction • 2. Comptabilité & comptes annuels: Etat de la question • 3. Conditions et limites de l’équivalence • 4. Recommandations relatives à l’équivalence pour les 3 catégories d’asbl 2 1 INTRODUCTION Lignes de force de la réforme • 1. Plus grande transparence et un meilleur contrôle… en vue – d’éviter certains abus; – d’une meilleure protection des droits des membres et des tiers. • 2. Modernisation et rationalisation du texte, puisqu’un seul texte règle le statut – des associations sans but lucratif; – des fondations (publiques et privées); – des associations internationales. 3 Ces lignes de force se concrétisent par… • Toutes les ASBL sont visées par les aspects comptables de la réforme : les petites, les grandes et les très grandes, • Centralisation de toutes les données dans un dossier tenu à jour au greffe du Tribunal de commerce ; les tiers ont un droit de regard et peuvent obtenir une copie des pièces, • Publicité légale des actes de l’ASBL, ainsi que l’opposabilité de ces actes aux tiers, • Sanctions nouvelles pour le nonnon-respect des formalités & procédure de dissolution judiciaire des ASBL négligentes, • Amélioration des règles en matière de gestion et de représentation de l’association. 2 COMPTABILITÉ ET COMPTES ANNUELS : ETAT DE LA QUESTION LA LOI DU 27 JUIN 1921 TELLE QUE Modifiée par la Loi du 2 mai 2002 et ses 2 AR d’exécution 4 2.1. Règles générales 2.1.1. Tenue d’une comptabilité régulière, conforme à la loi et à ses arrêtés d’exécution • La loi prévoit que les asbl tiennent une comptabilité simplifiée selon un modèle établi (AR du 26 juin 2003). • Lorsque ces entités atteignent certains critères (G ou TG asbl), la loi prévoit un régime dérogatoire relatif : - à la tenue d’une comptabilité et à - l’établissement des comptes annuels conformément aux dispositions applicables aux entreprises commerciales et industrielles (Loi du 17 juillet 1975), adaptées à leur nature particulière et à leur statut (A.R. 19 décembre 2003). • Il est permis, moyennant certaines conditions, aux petites asbl, de tenir leur comptabilité et d’établir leurs comptes annuels conformément aux dispositions applicables aux grandes et aux très grandes associations. Dans ce cas : - ce sont les comptes annuels établis conformément à l’AR du 19 décembre 2003 (grandes asbl) qui sont publiés, - la publication est effectuée par le dépôt au greffe du tribunal de commerce et non à la Centrale des bilans de la BNB. 5 2.1.2. Inventaire de fin d’exercice Inventaire complet des avoirs & droits de toute nature, des dettes, obligations & engagements de toute nature; 2.1.3. Etablissement du budget de l’exercice qui suit celui des comptes annuels (La loi ne dit rien sur le contenu du budget) 2.1.4. Règles d’évaluation comptables • Adoption par le conseil d’administration, • Principe de permanence de ces règles, sauf modifications importantes des activités, • Ces règles sont résumées dans l’annexe aux comptes annuels. 2.1.5. Comptes annuels & budgets (art. 17, § 1er, nouveau) Chaque année et au plus tard 6 mois après la date de clôture de l’exercice social, le CA soumet à l’AG, pour approbation : • les comptes annuels de l’exercice social écoulé, • ainsi que le budget de l’exercice suivant Ces règles sont applicables à toutes les ASBL ! 6 2.1.6. Dépôt & publicité légale des comptes annuels Toutes les ASBL sont tenues d'établir les comptes annuels de l'exercice social écoulé et un budget pour l'exercice suivant. Les petites ASBL peuvent tenir une comptabilité simplifiée et sont tenues de déposer leurs comptes annuels auprès du greffe du tribunal de commerce; les comptes annuels sont repris par le greffe dans le dossier de l'ASBL. La consultation par les tiers se fait également auprès du greffe du tribunal de commerce. Les grandes et très grandes ASBL tiennent une comptabilité complète et sont tenues de déposer leurs comptes annuels (dans les 30 j de leur approbation par l’AG) auprès de la Centrale des bilans de la BNB qui se charge de les publier et de les mettre à disposition. 2.1.7. Absence de dispositions légales sur la prise de contrôle & des notions d’associations mères et des filiales • Notion de contrôle ? • Contrôle de droit ou de fait ? • Notion de consortium ? • Associations liées ou avec liens de participation ? 2.1.8. Absence de dispositions sur la consolidation des comptes annuels 7 2.2. Comptes annuels et budgets des trois catégories d’associations 2.2.1. Les petites A.S.B.L. (art. 17, § 2, nouveau) (cash basis ) a) Elles tiennent une comptabilité simplifiée conforme à l’A.R. du 26/6/2003 (M.B. 11/7/03, 2° éd) Cette comptabilité porte au minimum sur les mouvements des disponibilités en espèces et en comptes, selon un modèle établi par cet arrêté d’exécution qui règle : • les principes généraux de tenue des comptes • les comptes annuels eux-mêmes. b) Principes généraux de tenue de la compta simplifiée • 1. Appropriation de la comptabilité à la nature et à l’étendue des activités de l’association (art. 1er), • 2. Opérations inscrites sans retard, fidèlement, complètement et par ordre de date, sans blanc, ni lacunes, dans un livre comptable unique (art. 2), • 3. Ce livre est conforme au modèle arrêté. Il est coté et signé avant sa première utilisation et ensuite chaque année (art. 3, §§ 1° & 2), • 4. Il garantit l’irréversibilité des écritures (art. 3, § 3) et il est à conserver en original pendant 10 ans (art. 3, § 4), 8 • 6. Toute écriture s’appuie sur une pièce justificative, datée et référencée; les pièces justificatives sont, elles aussi, conservées pendant 10 ans (art. 4), • 7. Une fois l’an, au moins, l’inventaire est dressé; il doit être complet et contenir tous les avoirs, droits, dettes et engagements de toute nature (art. 5), • 8.Le conseil d’administration arrête les règles d’évaluation comptables; elles sont résumées, avec une précision suffisante, dans l’annexe aux comptes (art. 6), • 9. Ces règles sont identiques d’un exercice à l’autre; leurs adaptations sont mentionnées et justifiées (art. 7), • 10.Les évaluations répondent aux critères de prudence, sincérité et bonne foi (art. 8). c) Comptes annuels de la petite asbl • 1. Les comptes annuels, conformes au modèle arrêté, comprennent : • L’état des recettes et des dépenses et • L’annexe (résumé & adaptation des règles d’évaluation et l’état du patrimoine) Ils forment un tout et sont établis en € et sans décimales (art. 9) • 2. L’état des recettes et des dépenses résulte directement du livre comptable (art. 12., al.1er) • 3. Toute compensation y est interdite (art. 12, al. 3) 9 • 4. L’annexe aux comptes annuels comporte les éléments suivants (art. 13 & 14) : – les règles d’évaluation comptable; leurs adaptations, avec leurs justifications; – l’état du patrimoine résultant directement de l’inventaire, avec l’indication systématique de la nature et du montant de l’ensemble significatif des avoirs et dettes; même s’ils n’appartiennent pas en pleine propriété à l’association; – l’état du patrimoine mentionne aussi les droits et engagements susceptibles d’avoir une influence importante sur la situation financière de l’association. 2.2.2. Les grandes A.S.B.L. (art. 17, § 3, nouveau) (accrual basis / comptabilité patrimoniale) a) Tenue de la comptabilité Les associations & fondations tiennent leur comptabilité & établissent leurs comptes annuels conformément aux dispositions de la loi du 17 juillet 1975, lorsqu’elles atteignent, à la date de clôture de l’exercice social, les chiffres ci-dessous fixés pour au moins 2 des 3 critères suivants : 10 - 5 travailleurs, en moyenne annuelle, exprimés en E.T.P. inscrits au registre du personnel (AR n° 5 du 23 octobre 1978); - 250.000 € pour le total des recettes, autres qu’exceptionnelles, hors TVA; - 1.000.000 € pour le total du bilan. b) Principes légaux d’application à la comptabilité et aux comptes annuels • 1. 2. 3. Principales obligations applicables à la comptabilité des ASBL identiques à celles visant les entreprises (A.R. 19/12/2003) Appropriation de la comptabilité à la nature et à l’étendue des activités de l’association; Couverture de l’ensemble de leurs opérations, de leurs avoirs et droits de toute nature, de leurs dettes, obligations et engagements de toute nature; Système de comptes distincts pour des activités distinctes; 11 • 4. Comptabilité en partie double ; • 5. Inscription des opérations sans retard, de manière fidèle et complète, par ordre de date; • 6. Ecriture récapitulative de centralisation, mensuelle au moins, dans un livre central; • 7. Adoption d’un plan comptable minimum normalisé (PCMN), spécifique aux besoins des associations & fondations (art. 3); • 9. Toute écriture s’appuie sur une pièce justificative ; • 10. Les livres & journaux sont tenus de manière à garantir l’irréversibilité des écritures, sans blancs, ni lacunes ; • 11. Ces livres & journaux sont conservés pendant 10 ans ; • 12. Etablissement annuel de l’inventaire et mise en concordance de celui-ci avec les comptes annuels ; • 13. Formalités identiques au livre central et au livre des inventaires (art. 5). • 14. Bilan d’ouverture (relevé complet du patrimoine)(art. 11) 12 2.2.3. Les très grandes A.S.B.L. (art. 17, § 5, nouveau) (accrual basis / comptabilité patrimoniale) Elles sont tenues de confier à un ou plusieurs commissaires (auquel cas, les dispositions du Code des sociétés sont d’application) le contrôle : 1. de la situation financière, 2. des comptes annuels et de leur régularité au regard de la loi et des statuts, 3. des opérations à constater dans les comptes annuels • lorsque le nombre moyen annuel de travailleurs occupés, inscrits au registre du personnel exprimés en E.T.P., dépasse 100 ou • lorsque l’association dépasse à la clôture de l’exercice social les chiffres ci-dessous pour au moins 2 des critères suivants : - 50 travailleurs, en moyenne annuelle, exprimés en E.T.P. inscrits au registre du personnel, - 6.250.000 € pour le total des recettes autres qu’exceptionnelles, hors taxe sur la valeur ajoutée (normalement 7.300.000 €), - 3.125.000 € pour le total du bilan (A.R. 25 mai 2005) (normalement 3.650.000 €). 13 3 PROBLEMATIQUE DE L’EQUIVALENCE : CONDITIONS ET LIMITES AUX REGLES SECTORIELLES 3.1. Règles particulières de certains secteurs • Dans certains secteurs réglementés (à différents niveaux), des asbl sont soumises à des règles comptables particulières. • La loi a prévu (articles 17, §4, 37, §4 et 53, §4) que les dispositions applicables aux P, G et TG asbl ne leur soient pas applicables en raison de la nature de leurs activités, pour autant que ces règles particulières soient au moins équivalentes à celles prévues en vertu de la loi. • Cette problématique de l’équivalence concerne tant les P asbl (soumises à la comptabilité simplifiée) que les G et les TG (soumises à une comptabilité en partie double). 14 • Nous avons identifié près de 70 secteurs pour lesquels des règles particulières en matière de tenue de la comptabilité et/ou d’établissement des comptes annuels sont applicables. • Une telle prolifération de règlementations n’est pas toujours réellement due à la spécificité intrinsèque de ces secteurs, mais plutôt au fait que la loi du 27 juin 1921 n’imposait pratiquement pas d’obligations aux associations, au-delà des exceptions générales d’ores et déjà d’application : Possibilité d’évaluation globale de lots acquis pour un prix global (art. 7, 1°) : Lorsqu’à défaut de critère objectif, les différents éléments d’actif (ne présentant pas individuellement un caractère significatif) d’un lot acquis pour un prix global, ne peuvent pas être évalués de manière distincte, le lot peut alors être évalué à sa valeur globale Possibilité de ne pas amortir une immobilisation corporelle (art. 7, 6°) : Lorsque la fonctionnalité d’une immobilisation corporelle est constante, il peut être décidé, moyennant mention et justification à l’annexe, de ne pas amortir cette immobilisation et de prendre en charge les coûts d’entretien et de remplacement qui y sont liés 15 • Les secteurs dont il est question sont variés et divers : soins de santé (hôpitaux, MR/MRS), la culture, l’enseignement, l’environnement, le sport, les partis politiques, etc. Parmi les principales exceptions, on peut citer par exemple les ASBL exploitant : 1. des maisons de repos et de soins (A.R. 2. 24 juin 1999, modifiant l’A.R. 2 décembre 1982, fixant les normes d’agrément spécial des maisons de repos et de soins, soumises à la loi 17 juillet 1975) ; des hôpitaux (L. 7 août 1987 sur les hôpitaux & A.R. 14 août 1987 relatif au PCMN des hôpitaux) • En réalité, aucune liste n’a été arrêtée par le Gouvernement pour les secteurs pour lesquels la question de l’équivalence peut se poser par rapport aux obligations comptables prévues par la Loi. Le rapport au Roi précédant l’AR du 19 décembre 2003 explique qu’il appartiendra aux organes d’administration de ces associations d’apprécier, à l’aide des recommandations qui seraient formulées par la CNC, si les obligations comptables auxquelles elles sont soumises sont au moins équivalentes à celles qui s’appliqueraient à elles en vertu de la Loi. 16 • De manière générale, la CNC souhaite inciter les pouvoirs publics à harmoniser, dans la mesure du possible, les obligations des asbl dont ils ont la charge en prenant pour modèle le droit commun comptable des asbl mis en place par la Loi. Dans de nombreux cas, en effet, le maintien de telles mesures particulières ne se justifie pas. • Une telle politique d’harmonisation, par ailleurs déjà mise en place, ici et là, pourrait mettre fin à la prolifération de secteurs et de statuts particuliers. • Une telle harmonisation permettrait par ailleurs d’améliorer considérablement la fiabilité et la comparabilité de l’information en en réduisant le coût et en faisant bénéficier ces secteurs des évolutions aux plans national et international 3.2. Limites de l’équivalence • La question de l’équivalence ne peut se poser que pour la tenue de la comptabilité et l’établissement des comptes annuels. Il n’est pas requis des règles sectorielles qu’elles prescrivent en outre la publication des comptes annuels ou leur contrôle pour qu’elles puissent être considérées équivalentes. 17 • Lorsque l’équivalence ne peut être reconnue, l’asbl se trouvera confrontée à un conflit de dispositions : sectorielles et issues du droit commun comptable. Conséquence juridique : l’association devra appliquer tant le droit commun que la réglementation sectorielle. Il convient cependant dans ce cas de lever le conflit entre les 2 catégories de dispositions. • Enfin, si plusieurs réglementations sectorielles trouvent à s’appliquer à une asbl, en raison de différentes activités exercées, a priori le concept d’équivalence ne peut trouver à s’appliquer. • Pour la publicité et le cas échéant le contrôle, c’est la Loi qui s’applique. Ainsi, lorsque, pour une petite asbl, les règles comptables sectorielles qu’elle met en œuvre sont considérées comme équivalentes à celles de l’AR du 26 janvier 2003, ce sont cependant les comptes annuels établis conformément aux règles jugées équivalentes qui seront déposés au greffe du tribunal de commerce quand bien même les règles comptables sectorielles ne prévoiraient pas une telle publicité. • Lorsque le CA d’une très grande asbl estime, au regard de l’art. 17 de la Loi, que les règles comptables sectorielles appliquées sont considérées comme équivalentes à celles de l’AR du 19 décembre 2003, ce sont les comptes annuels établis conformément aux règles jugées équivalentes qui seront déposés à la BNB et qui feront l’objet du contrôle révisoral quand bien même les règles comptables sectorielles ne prévoiraient pas une telle publicité. 18 4 RECOMMANDATIONS RELATIVES À L’EQUIVALENCE POUR LES 3 CATÉGORIES D’ASBL Lorsque une petite asbl est soumise , en vertu de prescrits sectoriels, à l’obligation de tenir une comptabilité de caisse, cette comptabilité ne devrait être considérée comme équivalente à la comptabilité simplifiée organisée par l’AR du 26 juin 2003 que lorsque : • soit la réglementation sectorielle contient une référence explicite et sans réserve à la Loi d 27/6/21 et à son arrêté d’exécution du 26/6/03; 19 • soit la réglementation sectorielle exige au moins : 1. la comptabilisation des seules opérations donnant lieu à des mouvements en espèces ou en comptes par ordre de dates, sans blanc, ni lacunes basée sur des PJ conservées et classées l’établissement d’un état de dépenses et de recettes; 2. l’établissement d’un inventaire état du patrimoine de l’entité; 3. la mention précise des règles d’évaluation. Faculté offerte aux petites ASBL de se soumettre volontairement aux obligations de droit commun L’exercice de cette faculté emporte les conséquences suivantes (art. 15) : 1. Application intégrale des dispositions applicables aux G et TG associations ; 2. Établissement des comptes annuels selon le schéma légal, abrégé ou complet pendant 3 exercices comptables successifs; mais pas de publicité légale à la Centrale des bilans, seulement dépôt dans le dossier tenu au greffe du tribunal de commerce ; 3. Cette décision est mentionnée et justifiée dans l’annexe ; 4. Le retour à la comptabilité simplifiée reste possible 20 En ce qui concerne les grandes et très grandes entités, il ressort de l’examen des réglementations sectorielles, réalisé par le groupe Not-for-profit & public sector, que dans plus de 95% des cas, une comptabilité en partie double (Accrual accounting) est requise. 21