c’est-à-dire que rien n’est jamais identique à soi-même ni à autre chose. A bien y regarder,
« on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve », tout est en perpétuel changement.
Ce qui nous donne l’impression qu’il existe une certaine stabilité dans le monde vient de
l’extrême lenteur, ou au contraire de l’extrême rapidité des métamorphoses. Et puisque la
vérité est un certain rapport de correspondance entre la pensée et la réalité, on en conclura
qu’il n’existe pas de vérité immuable puisqu’il n’existe pas de réalité immuable.
II- critique des arguments relativistes
a- critique de l’argument de la diversité des opinions.
Que prouve le fait (indéniable) de la diversité des opinions ? Rien, à proprement parler
car il s’agit d’un fait qui peut s’interpréter de deux manières diamétralement opposées, l’une
de ces manières étant justement l’interprétation relativiste, dont le tort tient à ceci qu’elle ne
se présente pas comme une interprétation, mais comme une démonstration. En effet, le
relativisme prétend que la simple constatation de la diversité des opinions suffit pour en
conclure que toute vérité est relative. Or le fait de la diversité des opinions peut s’interpréter
de deux manières possibles. En une première hypothèse, on peut supposer qu’elle est
engendrée par la raison en elle-même qui serait essentiellement variable selon les individus et
les cultures. C’est l’hypothèse relativiste. Par contre, on peut également supposer que la
diversité des opinions est engendrée, non par la raison en elle-même, mais par son mauvais
usage naturel en tant qu’elle est spontanément dominée par l’imagination. Dans cette
hypothèse, toute aussi plausible que la première, la raison est universelle, si bien que la vérité
l’est également. Quoiqu’il en soit on ne peut donc pas considérer que la diversité des opinions
est la preuve de la relativité de la vérité. Ce fait ne prouve rien, ce n’est pas parce que les
opinions sont diverses que l’on peut en conclure qu’il n’existe pas de vérité universelle, c’est
au contraire parce qu’elles sont diverses que l’on se demande s’il existe des vérités
universelles et nécessaires ou pas.
b- critique du mobilisme.
Platon nous invite à remarquer que la thèse d’Héraclite repose sur un présupposé. Elle
postule en effet que la totalité du réel se donne à nous dans la sensation et la perception. Et
pourtant ce n’est pas aussi évident qu’il y paraît ; l’existence des mathématiques comme
théorie des rapports numériques et géométriques semble nous indiquer qu’il existe toute une
dimension du réel qui est constituée par des rapports immuables, et dont la représentation
s’exprime donc dans des vérités universelles et nécessaires. Soit par exemple les êtres
géométriques, dont Euclide donne la définition dans ses Eléments. Un point est ce qui n’a ni
longueur, ni largeur, ni épaisseur. Une ligne est une pure longueur sans largeur, une surface a
elle une longueur et une largeur, mais pas d’épaisseur, etc…Si on considère attentivement ces
définitions, on admettra que les êtres géométriques élémentaires ont une essence qui ne se
manifeste que très imparfaitement dans leurs représentations sensibles. Par exemple, le point
que je trace sur le sable ou la ligne que dessine à la craie sur le tableau ont évidement une
longueur, une largeur et une épaisseur, comme toute chose sensible. Même les volumes
parfaits de la géométrie ne se trouvent jamais parfaitement réalisés dans leurs manifestations
sensibles. Il existe donc avec le monde des figures et des nombres toute une dimension du réel
qui n’apparaît pas très adéquatement dans la sensation et la perception. Bien plus, ce
« monde » est constitué par des rapports immuables, si bien que les mathématiques sont
capables d’énoncer des vérités universelles et nécessaires : quelque soit le triangle auquel
nous avons affaire, la somme de ses angles fera nécessairement 180°. Bien plus encore, les
rapports numériques et géométriques peuvent servir de modèle ou paradigme pour expliquer