PROTESTANTISME – THEOLOGIE LIBERALE L’anarchie des esprits J-P. Trachsel Informations et réflexions libres Les énoncés suivants sont tirés de diverses études sur le sujet, dont les liens Internet seront mis à disposition dans le présent dossier. 01. Définitions La théologie libérale met en doute la divinité, la pertinence et le caractère normatif d'une grande partie de l'enseignement biblique. Elle est donc méthodologiquement incapable d'opérer sous l'autorité de l'Ecriture. Les postulats du libéralisme relativisent la Bible en élevant au rang d'absolus des idées qui vont à l'encontre de l'enseignement biblique (par exemple, la bonté fondamentale de l'homme ou l'unité essentielle de toutes les religions) et en réorganisant les priorités bibliques en fonction de préoccupations et de préjugés modernes et séculiers (par exemple, la redéfinition du rôle des missions afin de donner la priorité aux grandes causes politiques, sociales et économiques aux dépens de l'évangélisation et de l'implantation d'Eglises). La théologie libérale, ou modernisme, prétend que la Bible est partiellement inspirée, ou même totalement dénuée d’inspiration. Cette théologie refuse de croire tout ce que la Bible renferme de miraculeux. « Ainsi, voici la liste, non exhaustive des « mythes » que, selon le théologien libéral allemand Rudolf Bultmann, il convient d’éliminer : 1. La préexistence de Christ. 2. Sa naissance miraculeuse. 3. Sa divinité. 4. Ses miracles 5. Sa mort substitutive à la croix. 6. Sa résurrection et celle des croyants. 7. Son ascension. 8. Son retour en gloire. 9. Le jugement final du monde. 10. L’existence d’esprits bons ou mauvais. 11. La personnalité et la puissance du Saint - Esprit. 12. La doctrine de la trinité. 13. La mort comme conséquence du péché. 14. La doctrine du péché originel. 1 La foi (qui est issue de la raison activée) prime sur toute doctrine (mépris évident de toute recherche applicative de vérités bibliques - jpt). La véritable Eglise est invisible ( faux, selon l’exemple biblique – jpt) car elle comprend tous ceux qui s’efforcent de mettre en pratique la volonté de Dieu dans l’esprit de Jésus le Christ (le poids est mis sur l’effort et non sur les principes du salut par grâce - jpt). Le libéralisme protestant reconnaît Dieu dans le témoignage intérieur de l’Esprit, c’est-à dire l’action de Dieu en l’homme (totalement subjectif et dépendant des impulsions charnelles humanistes – jpt). Il accueille avec joie tous les signes de la présence de l’Esprit qui se révèlent, ici ou là, dans toutes les philosophies et toutes les religions (opposé à l’énoncé de Jésus qui se définit comme la seule vérité – jpt). Beaucoup de libéraux, pensent que Dieu agit et se manifeste partout dans le monde, et qu’on trouve chez les autres d’authentiques valeurs spirituelles. Ils pensent que si les chrétiens ont des choses à apporter aux autres, ils en ont aussi à recevoir d’eux. Quand le Dalaï lama vient en Europe, allons-nous au nom du Christ et de l’évangile nous détourner de lui, refuser d’écouter ce qu’il veut nous dire, et voir en lui un infidèle ou un idolâtre? (c’est un déni total de la déclaration de Jésus dans Jean 14 : 6). Il rejette toute bibliolâtrie ainsi que la notion d’inspiration littérale de la Bible (au profit des élucubrations de l’intelligence dépravée d’une génération de jouisseurs – jpt), prétendant rechercher autant plus l’Esprit qui vivifie en s’attachant moins à la lettre qui tue (quel esprit donc, quand le cadre des Saintes-Ecritures est rompu et rejeté ? – jpt). Il prétend que la Bible n’est pas la révélation de Dieu, mais le témoignage rendu par des hommes à cette révélation. Elle se compose d’un ensemble de livres qui nous disent comment des êtres humains ont reçu et compris ce que Dieu a fait et a dit. Il veut éviter de confondre Dieu et la personne de Jésus. Il faut retrouver Jésus derrière les théories aventureuses faites à son sujet (allusions certaines aux absolues de l’Evangile).Toutefois, Jésus ne doit pas être adoré pour lui-même (christolâtrie) puisqu’il a donné sa vie pour vieux nous révéler Dieu, seul sujet de glorification (faux, il a donné sa vie avant tout pour nous réconcilier avec Dieu – jpt). Le message compte plus que le messager. Le catéchisme socinien de Rakow, en 1605, insiste principalement sur la fonction prophétique de Jésus (c’est à dire sur sa fonction de prédicateur et d’enseignant) à qui il accorde plus d’importance qu’à la mort sur la Croix (alors que la tradition a plus insisté sur la fonction sacrificielle du Christ, autrement dit sur la crucifixion). La pensée théologique libérale soutient la radicale unicité de Dieu : Il ne saurait y avoir une sorte de polythéisme larvé, exprimé, par exemple, par le dogme trinitaire (Dieu serait trois en un ou un en trois : Père, Fils et Saint-Esprit). 2 Le libéralisme protestant rejette l’utilisation doctrinale du péché originel qui aboutit à ne rien expliquer, à compromettre toute espérance et à diluer la responsabilité personnelle. Au contraire, les hommes sont invités à répondre courageusement à l’appel de Dieu, en pleine connaissance de ce qu’ils sont : « Un mélange de misère et de grandeur - Pascale » (dérive totale par rapport à la responsabilisation du péché – jpt). Selon les définitions généralement acceptées, on peut considérer que Est fondamentaliste celui accepte la Parole de Dieu, la considérant comme toute entière inspirée (même si certains aspects représentent des énigmes), qui reconnaît qu’il n’y a pas de salut en dehors de la foi en Jésus-Christ et qui reconnaît que la Bible doit non seulement donner un sens mais conduire sa vie, en fonction de ce qu’elle lui révèle. Est libéral celui qui pense que la révélation peut-être différente, que la Parole de Dieu n’est qu’une sorte de guide supérieur à tout autre, mais parmi d’autres, et qu’il est nécessaire de se rapprocher des autres expressions spirituelles pour atteindre une sorte de perfection. Ceci étant sans doute une forme « extrême » du libéralisme. Une forme plus nuancée avouera cependant que la Parole doit être édulcorée, repensée et critiquée. Je cite encore Eric Denimal : « C’est le rôle du théologien d’ouvrir des pistes pour que l’intelligence scrute l’expérience religieuse et la forge en convictions, lesquelles deviennent raisons de vivre et d’agir. » Voilà clairement expliqué que le théologien libéral est invité à chercher des arguments pour étayer ce que « le chrétien » de ce siècle a envie d’entendre. Il serait trop schématique de dire que le protestantisme historique est par tradition « libéral », et que les évangéliques pendant longtemps ont cultivé une théologie fondamentaliste. Mais globalement c’est ainsi que nous pouvons percevoir les choses. Il est intéressant de noter l’incidence très nette de ces courants sur le terrain de l’évangélisation. Les libéraux n’ont pas manifesté une très forte motivation pour évangéliser, puisqu’ils reconnaissent implicitement que d’autres chemins peuvent être, alors que les fondamentalistes ont souvent souhaité apporter au monde perdu, et conformément à leurs convictions, la seule solution pour obtenir le salut. Le 3 prosélytisme a souvent été reproché aux évangéliques, mais explique aussi la croissance de ces derniers. 02. Positions La théologie libérale fait la différence entre le Jésus de la foi, le Jésus de la Bible et le Jésus de l’histoire. Pratiquement, ces théologiens, tout en se proclamant chrétiens, n’hésiteront pas à remettre en question l’existence historique de Jésus-Christ au 1er siècle. Ou encore s’attaqueront à des faits qui semblaient pourtant largement confirmés : « De nouvelles découvertes archéologiques remettraient en cause l’existence d’un royaume unifié aux XIe et Xe siècles avant J.-C. » Conclusion de l’archéologue : le grand Israël des rois David et Salomon n’a jamais existé3. Il est donc très important que nous examinions brièvement quelles sont les critiques que les théologiens libéraux adressent aux « fondamentalistes évangéliques ». Ils nous reprochent… 1. De croire à l’inerrance et à l’inspiration plénière des saintes Ecritures. 2. De vouloir convaincre les autres par des méthodes d’évangélisation qui visent la conversion individuelle (accusation de prosélytisme). 3. De mettre l’accent sur le rôle primordial de la conversion, c’est-à-dire sur l’expérience personnelle de la conversion et d’une vie de piété en harmonie avec la foi. 4. D’insister sur la réalité du péché (dont les libéraux ont depuis longtemps relativisé la gravité) ; James Barr, dans son ouvrage sur les fondamentalistes, écrit que les évangéliques sont obsédés par le péché et par la culpabilité. Le fondamentalisme existe, dit-il, parce qu’il a besoin du péché pour exister4. Quoi qu’en pense cet auteur, les conséquences tragiques d’un christianisme sans contenu (et « sans péché » !) sont malheureusement démontrées par les dernières recensions qui font apparaître un recul constant du christianisme en Europe. En Suisse par exemple, les protestants ont diminué de 4 % en 10 ans, et les catholiques de 2 %5, et ce malgré l’augmentation de la population. En revanche, le nombre de musulmans a doublé en dix ans6. Du côté catholique romain, le cardinal Schwery écrit : « La société devient de plus en plus païenne »7. 5. De mettre l’accent sur l’importance de la prière personnelle. Les détracteurs du fondamentalisme proposent à la place une foi communautaire, d’orientation essentiellement liturgique. Ils désapprouvent totalement le désir de promouvoir 4 le rétablissement de la prière dans les écoles publiques, selon les propos du sociologue Ben Barka dans son livre Les nouveaux rédempteurs8. 6. De voler la liberté de conscience de chaque être humain en matière de religion. Mais à l’examen, qui sont ceux qui, en Suisse, en France, ou en Allemagne, sont jaloux de conserver leurs privilèges de « religions d’Etat » ? Sûrement pas les évangéliques. 7. D’avoir une vision biblique de la société. On déteste nos thèses créationnistes, même modérées. Un ouvrage comme celui d’Edward J. Young, qui insiste sur une lecture littérale du récit de la création9, est jeté aux orties. 8. D’accréditer une christologie basée exclusivement sur la révélation biblique. Pour nous, il est clair que si nous mettons en doute l’historicité du Fils de Dieu, et l’inspiration plénière de la Bible, nous ne pouvons plus soutenir la thèse de la divinité de Christ. Et toute la christologie tombe d’un coup (comme l’écrit par exemple Donald MacLeod dans son ouvrage La personne du Christ10). Ce ne sont pas seulement les fondamentalistes qui sont ici pris à parti par la théologie officielle : c’est le cœur du christianisme qui est attaqué ! 9. De croire en un jugement des incrédules à la fin du monde, et de parler de peines éternelles. Le protestantisme libéral rejette la possibilité de se définir par une « confession de foi » mais néanmoins, dans les faits, il véhicule tout autant des définitions et valeurs communément acceptées dans ses rangs telles que : En Grec, « hérésie » désigne un choix, quel qu'il soit. Par conséquent « hérétique » indique « quiconque choisit ce qu'il veut croire ». Je ne croirai jamais que Christ est mort pour moi ; je veux croire qu'il est vivant pour nous tous. Je ne croirai jamais en un dieu qui serait là pour nous juger ; je veux croire en Dieu qui nous accepte tels que nous sommes. Je ne croirai jamais que l'enfant qui vient de naître porte le poids d'un péché qui eut lieu des millénaires avant sa venue au monde. Je veux croire en la positivité de la vie, au geste inaugural de commencement absolu, présent en toute naissance. Je ne croirai jamais qu'il nous faudrait souffrir pour mériter demain un paradis ; je veux croire au bonheur de la vie, à la fragilité de l'existence, à la possibilité toujours donnée d'accéder à la vie éternelle. 5 Je ne croirai jamais aux histoires de double nature, de trinité ou d'immaculée conception ; je veux croire à l'appel de notre Dieu, à la dignité humaine, à la liberté souveraine de la conscience. Je ne croirai jamais que la nature soit mauvaise et que le corps soit méprisable; je veux croire que Dieu nous a donné la chance de la vie, la joie du corps fait pour aimer, le risque de la rencontre, l'espérance de ce qui vient. Je ne croirai jamais en un Dieu qui ne serait présent que pour les seuls chrétiens; je veux croire que Dieu est à l'oeuvre dans toutes les cultures qu'il parle au coeur de l'homme, sans se soucier des frontières artificielles dans lesquelles nous nous emprisonnons. Je ne croirai jamais que la résignation et l'obéissance soient des vertus; je ne peux croire qu'à la tendresse partagée, à l'avenir toujours ouvert, à ce Royaume qu'il nous faut construire, aux côtés de notre Dieu. Je ne croirai jamais que la volonté soit le dernier mot de la foi, que le savoir soit l'objectif de la vie, que les oeuvres soient la mesure de l'homme; j'espère en ta présence et je te nomme Dieu C'est ainsi que tu es là et je te dis ma reconnaissance. Amen. 03. Spécifications Racines Le protestantisme libéral a des racines au seizième siècle, et peut se réclamer, par exemple, de S. Castellion et de F. Socin. Il s’est développé au dixhuitième siècle dans l’atmosphère de la philosophie des Lumières qui lui convenait bien. Il a joué un rôle très important dans le protestantisme du dix-neuvième siècle, et a, en particulier, contribué à l’essor d’une étude historiquement rigoureuse de la Bible. Des hommes comme Charles Wagner lui ont donné de l’éclat et ont fait rayonner sa spiritualité bien au-delà des frontières du protestantisme. Au vingtième siècle, il a reculé, vivement combattu, entre autres, par la théologie de Karl Barth; il a subi de profondes transformations sous l’influence de penseurs comme Albert Schweitzer, Rudolf Bultmann et Paul Tillich. Il est difficile de le définir à cause de sa diversité. Ceux qui s’en réclament ont des positions parfois très différentes, qui vont du rationalisme au mysticisme, en passant par l’agnosticisme. Ils ont, cependant, en commun un “esprit” caractérisé par un certain nombre de préoccupations et d’attitudes. 6 Les principaux théologiens modernes. Ils se divisent chronologiquement en trois groupes : 1. Le libéralisme : Schleiermacher Wellhausen 1. La théologie dialectique : Karl Barth E. Brunner R. Nieubuhr 1. La théologie de R. Bultmann P. Tillich B. Robinson Le concept républicain de laïcité Le concept républicain de laïcité est un héritage de la Révolution française de 1789, des Encyclopédistes, des auteurs et philosophes du Siècle des Lumières, de JeanJacques Rousseau, entre autres, mais aussi d'un 19e siècle dominé par cette foi dans le Progrès, le triomphe des Sciences dites exactes, le Positivisme, les théories évolutionnistes darwiniennes et, en finale, une déchristianisation qui apparaït comme une résultante de tout cela ; comme si le domaine du religieux allait sans cesse se rétrécir pour laisser place à davantage de science et de rationalisme exempts de tout subjectivisme. Lamarck, le savant, Nietzsche, le philosophe, annoncent la future société capitaliste, dans laquelle seul subsiste l'homme indépendant d'esprit et fort, qui bâtit exclusivement sur du neuf et qui ne compte que sur lui-même. Parcours Le protestantisme libéral naît de la lignée théologique qui va de Friedrich Schleiermacher (1768-1834) et Adolph von Harnack (1851-1930) et en particulier de la révolution exégétique du XIXe siècle, dans laquelle s'illustrèrent Albert Ritschl (1822-1889) et Ernst Troeltsch (1865-1923) qui renouvellent la lecture de la Bible. La Réforme historique est la base de la laïcisation de la société et de l’émergence de la pensée moderne. Le protestant veut être libre de penser ce qui lui semble juste, croire ce qui lui paraït raisonnable, sans avoir recours à d'autre autorité que son propre raisonnement, éclairé par celui de tiers compétents (choisis et sélectionnés par ses soins et ses intérêts personnels – jpt) (tant pis pour l’autorité de la Bible) . Il refuse de suivre 7 benoïtement une caste qui érige sa compréhension comme infaillible (c’est qui cette caste – les pasteurs ?) et propose certaines convictions positives, telle le salut par la grâce, le pardon divin absolu, le témoignage intérieur de l'esprit (donc ils refusent ces vérités – jpt), autant d'idées qui, différentes parfois de l'héritage doctrinal du Christianisme sont néanmoins considérées comme une expression plus fidèle et surtout mieux adaptée aux temps actuels de l'esprit originel de l'Evangile. Ce mouvement a une envergure européenne dont la liberté d'expression naît à la suite de la publication de divers ouvrages spécifiques et dont les sources intègrent des courants de pensée autochtones issus de la philosophie des Lumières et de l'Encyclopédie, et parfois, remontant à la Réforme. En quelque sorte, dans le protestantisme, la tension est constante entre libéralisme et fondamentalisme : en remettant toute autorité en matière de foi et de morale à la Bible, c'est un fondamentalisme, en critiquant toute institution ecclésiale et tout magistère (et en acceptant pas l’autorité de la Bible – jpt), c'est un libéralisme. Aux lendemains de la guerre, Barth mettra en cause la théologie libérale, à ses yeux compromise et, de ce fait, disqualifiée. Auréolé de sa Résistance, le barthisme prendra le pouvoir dans les instances ecclésiastiques et étouffera le courant libéral. Mais petit à petit, les questions proprement libérales reprennent de l'influence et si l'on entend moins parler, c'est qu'elles ont imprégné tous les courants théologiques parmi lesquels les post-barthiens, dont certains compagnons de route du théologien, qui luimême choisit de finir sa carrière éditoriale par des textes à proprement parler libéraux : Parole de Dieu, parole humaine, et une oeuvre inachevée : la création artistique, réponse de l'homme à la création du monde par Dieu. En France Ce courant a existé tout au long du XIXe siècle. Parmi ses héraults furent Thimothée et Antoine Colani (orateur remarqué au Synode de 1872), et plus connu Félix Pécaut, l'un des proches de Ferdinand Buisson, fondateur du Parti Radical. Tous deux furent particulièrement actifs dans la fondation de l'école laïque et les prémices du mouvement féministe. De façon significative, Félix Pécaut, après un bref passage dans le ministère pastoral (il refusait de lire le Symbole des apôtre...) oscillera entre deux "étiquettes" : celle de protestant libéral, mais aussi celle de "théiste chrétien" En théologie, le courant libéral fut également développé dès 1872 en France par Charles Wagner (un luthérien), fondateur du Foyer de l'Âme en 1907, insiste sur la liberté de la foi individuelle, et la supériorité de celle-ci sur les doctrines des Églises. Il refuse le principe des confessions de foi et autres textes symboliques à portée institutionnelle ou universelle. Il se méfie de la ritualité et accorde une 8 importance secondaire aux sacrements. En France, le protestantisme libéral se caractérise assez bien par cette réflexion du pasteur Charles Wagner, de 'l'École de Strasbourg avec sa célèbre revue, qui a une incidence sur ses choix théologiques : "Je me méfie de la foi de ceux qui ne respectent pas la foi des autres" Grosso modo, on peut les résumer de la façon suivante, en suivant Pierre-Jean Ruff qui fut pasteur au Foyer de l'Âme : • • • • • la vocation de la foi chrétienne à mener à la liberté porte ombrage au pouvoir des Églises et à l'efficacité de leurs sacrements ; Dieu est Dieu et il est le seul Dieu, ce qui remet en cause la trinité et la divinité de Jésus. C'est l'affirmation des églises unitariennes ; Jésus sauve mais par un sacrifice qui n'est que moral et symbolique (pas de religion sacrificielle au sens sacramentel) ; les Églises sont nécessaires au niveau des moyens et non de la finalité ; le spirituel doit primer sur le rite. « L'Église a pour mission essentielle d'offrir un milieu ouvert où l'on puisse trouver une énergie spirituelle. Quand l'Église donne dans la superstition de la lettre, elle se disqualifie » Henry Babel (Théologie de l'énergie, la Baconnière, 1967). Albert Schweitzer (1875-1965) conteste l'omnipotence et l'omniscience de Jésus . « Beaucoup de gens sont scandalisés à l'idée que le Jésus historique puisse être considéré comme capable d'erreur parce que le Royaume surnaturel de Dieu dont il annonçait la venue ne s'est pas manifesté… Lui-même n'a jamais prétendu à cette omniscience. » La controverse a été nettement plus virulente en France qu'en Suisse romande, et c'est au-delà du Jura que, tout au long du siècle, il faut aller chercher les principaux représentants francophones du protestantisme libéral. Pour la Suisse romande, on cite volontiers le nom d'Alexandre VINET (17971847). Il est effectivement le théologien protestant romand le plus justement célèbre de tout le XIXe siècle. Il est également vrai que tout un aspect de sa réflexion a porté sur la conjugaison du christianisme et de la liberté, lui qui écrivait par exemple que "là où l'erreur n'est pas libre, la foi ne l'est pas non plus". Mais Vinet était trop proche de la sensibilité du Réveil, bien qu'il n'en ait pas partagé toutes les options, pour être libéral jusqu'à remettre en question des doctrines tenues pour traditionnelles en contexte protestant. Quand il en est venu à ne plus souscrire à certaines d'entre elles, par exemple celle de l'expiation, il ne les a pas combattues publiquement, mais s'est contenté de n'y plus faire allusion. Vinet ne serait probablement pas compté aussi souvent au nombre des libéraux si Jean-Frédéric ASTIE, par la manière dont il a 9 conçu le très épais florilège intitulé Esprit d'Alexandre Vinet (2 vol., Lausanne 1860), n'avait contribué à le situer dans cette perspective-là. Le protestantisme libéral n'est pas surgi inopinément du protestantisme au XIXe siècle ; il représente la version contemporaine d'une contestation qui, sous des formes historiques ou culturelles différentes a marqué chaque âge de la foi chrétienne. Depuis la Seconde Guerre mondiale, il est principalement présent au sein des Églises réformées ; on note toutefois une association luthérienne libérale basée à Strasbourg et actuellement présidée par le pasteur Ernest Winstein. Caractéristiques • Il est généralement très attaché au dialogue de la religion avec la culture, et, d'après ses adversaires, il relativiserait la place première de la Bible. • Il présente quelques orientations particulières : en son sein, certains se reconnaissent proches de l'unitarisme, parfois du catharisme. • Il confesse volontiers l'universalité du salut du fait d'une perception plutôt optimiste de l'homme et de la civilisation. • Il recherche un idéal de vie qui, chez Ritschl, rend le christianisme opératoire dans le monde. • Il critique les régulations orthodoxes des croyances et des pratiques, les appareils ecclésiastiques et leur pouvoir normatif. • Il est chaud partisan du Dialogue inter-religieux et du pluralisme, • et de la laïcité : l'une des premières théories de la séparation de l'église et de l'état fut formulée dans le livre de Sébastien Castellion "Contre le Libelle de Monsieur Calvin" puis reformulée par Alexandre Vinet quand il était en Belgique. Il a été en France un des artisans de la loi de 1905, avec Wilfred Monod, Athanase Coquerel, tandis que Félix Pécaut, Charles Wagner et Ferdinand Buisson intervenaient dans la construction de l'école laïque. • De nos jours, La "théologie du process" de Alfred North Whitehead et John B. Cobb l'intéresse. La paroisse libérale se reconnaît dans : Son refus de tout système autoritaire et qui affirme :: • • • • • La primauté de la foi sur les doctrines La vocation de l’homme à la liberté La constante nécessité d’une critique réformatrice La valeur relative des institutions ecclésiastiques Notre désir de réaliser une active fraternité entre les hommes qui sont tous sans distinction enfants de Dieu » Un christianisme social qui se manifeste 10 • • par des associations : l'Entraide de l'Oratoire, la Clairière, le Scoutisme... ainsi que par les gestes et les engagements personnels des paroissiens. En cohérence avec le message de l’Évangile, le christianisme doit être social. 04. Opposition Les protestants libéraux sont opposés aux principes appliqués dans les premiers temps de la réforme « Les protestants qui défendirent le droit pour chacun de lire la bible et de l'interpréter selon sa propre compréhension croyaient que la Réforme était la liberté : liberté de pensée, de conscience, de conduite. Ces Libertins, comme on les appelle, vont payer leur erreur par la confiscation de leurs biens, des mesures d'exil, et même des condamnations à mort, y compris en terre protestante » comme le rappelle avec pertinence Robert Stahler : "La Réforme du 16e siècle n'a pas eu comme règle de conduite individuelle, en théologie comme en science, le principe du libre examen. A l'autorité de l'Eglise, les Réformateurs substituent l'autorité de la Bible, mais d'une Bible commentée, expliquée et interprétée par eux. Sébastien Castellion dut quitter Genève parce que son opinion sur le Cantique des cantiques différait de celle de Calvin (...). Le médecin Boisée fut banni pour avoir contesté la prédestination absolue et Michel Servet fut brûlé vif pour avoir médit de la Trinité" Paradoxalement, Martin Luther, Jean Calvin et Philipp Melanchthon font figure de nouveaux docteurs de l'Eglise. "Aux yeux de leurs épigones, ils avaient définitivement fixé l'organisation de ce monde et la démarche autorisée de la pensée. Qui s'écartait de leur doctrine était digne de condamnation, ni plus ni moins que Galilée devant l'Inquisition de Florence". Heureusement, quelques précurseurs ont compris et affirmé que seule la tolérance, le respect profond de la conception d'autrui, peut aider chacun dans sa quête personnelle de la Vérité. Cette idée, que le christianisme bien compris doit rendre l'homme tolérant, trouvera son champion en la personne de l'écrivain français Pierre Bayle, qui par la publication de son Dictionnaire historique et critique (1696-1697) ouvrira la voie à la critique systématique, brisant, la linéarité des exposés traditionnels. Il annonce Descartes qui réclame pour chacun "le droit de douter avant de conclure et de se déterminer sans acception d'autorité d'aucune sorte". 11 Sébastien Castellion, déjà cité, fut jugé par Jean Calvin trop humaniste. Avec sa famille, il va se réfugier à Bâle où on lui offre une chaire de grec à l'université. C'est là qu'il rédigera son libelle: "Au sujet des hérétiques qui ne doivent pas être punis", en réponse à la volonté de Jean Calvin qui avait rédigé un texte titré: "Au sujet des hérétiques qui doivent être punis par la magistrature civile". Calvin tentera de réduire Sébastien Castellion au silence grâce aux nombreuses connaissances qu'il avait à Bâle, et - comme l'écrit Robert Stahler avec une ironie cinglante: "Les choses allaient se gâter pour Castellion qui était menacé d'un procès en hérésie, quand il eut la bonne fortune de mourir dans son lit, ce qui lui évita le bûcher de Servet..." Jusqu'à sa fin il avait combattu en faveur de la tolérance et défendu Michel Servet par cet admirable précepte: "Tuer un homme, ce n'est pas défendre une doctrine, c'est commettre un crime" Mais à part ces quelques personnalités d'exception, la Réforme du 16e siècle, en parlant de libre examen semble en avoir limité la portée au texte biblique. Comme l'écrit le professeur J. Stengers : "A cette époque, le libre examen, c'est ce qui doit permettre à tous ceux qui ont reçu la vérité, c'est-à-dire la parole de Dieu, de faire un tri dans l'héritage du passé, afin de ne retenir de cet héritage que ce qui est conforme à l'Ecriture et d'en rejeter tout le reste". Même si, à juste titre, le protestantisme réformé reconnaït dans la liberté d'examen, conçue comme une liberté totalement individuelle et une affirmation de l'indépendance de la raison humaine, le principe de base du protestantisme, il nous faut honnêtement admettre que ce principe n'a constitué, dans les faits, qu'un produit tardif de la Réforme. Les professeurs J. Stengers et P. Geisendorf, de l'Université Libre de Bruxelles, l'ont, me semble-t-il, bien démontré. 05. Evolution Le siècle des Lumières et l'époque "Moderne" En histoire des idées et des comportements, l'ère dite moderne commence vraiment au 18e siècle, s'affirme au 19e et prouve son efficacité au 20e siècle. Ainsi, les libéraux ont considéré que la modernité était une chance pour la foi chrétienne qu'il fallait éviter de lier à des croyances douteuses, chancelantes ou périmées. "La foi en Dieu n'est pas une croyance en quelque dimension surnaturelle, mais une relation à Dieu vécue pleinement au 12 sein et avec les moyens du croyable disponible". La théologie moderniste s'est alors donnée pour tâche de mettre en évidence une "essence du Christianisme", dégagée de ses "accidents" & de ses croyances "incroyables"... Parallèlement à cela, au 19e siècle, la théologie va subir l'influence de la philosophie. Karl Barth remarque : "Parmi les théologiens du siècle (19e s.), il ne s'en est guère trouvé qui n'aient été des philosophes de la religion, c'est-à-dire des gens s'appliquant à élaborer une théorie de la connaissance, une métaphysique et une éthique, en fonction de l'évidence qu'ils croyaient avoir découverte dans leur vision du monde et de l'homme, et à partir de laquelle la religion en général et la foi chrétienne en particulier semblaient tout au moins devenir des réalités possibles". Successivement diplômé en philologie, philosophie et théologie, F. D. E. Schleiermacher prendra la tête d'une réflexion qui conduira à la naissance véritable de la théologie libérale. Marqué, dans ses jeunes années par le réveil piétiste, il s'ouvre à la philosophie des Lumières, et tente de relier celle-ci à toute l'histoire de la pensée. Son plus profond désir étant de réconcilier la religion et la culture, alors qu'un des fondements de la Théologie des Lumières était la séparation de Dieu et de l'homme. Schleiermacher établira que la religion n'est pas essentiellement pensée ou action, mais un sentiment de dépendance absolue, une conscience immédiate de la présence en soi de l'inconditionnel. Toutes ces expressions visant la même réalité : l'expérience religieuse. Poursuivant une démarche analytique, Schleiermacher opère une véritable révolution copernicienne en théologie : "La religion est intuition de l'univers"; par elle, l'homme est mis en relation avec 1'infiniment bon qui l'attire et l'enthousiasme, le dépouillant de ses étroitesses particularistes et égoïstes, lui permettant d'accéder à la pleine dimension de son humanité. Le fait chrétien décisif, celui à partir de quoi on peut fonder une discipline réflexive, la théologie, c'est la piété, caractérisée par un sentiment d'absolue dépendance. Là où cela est reconnu, mieux : éprouvé, plus encore : vécu, là est posée la base d'une communion véritable tout entière animée d'un souffle d'immortalité. Avec Hegel, Schleiermacher domina la recherche intellectuelle du 19e siècle et servit de précurseur aussi bien aux critiques radicales d'un homme tel que Feuerbach, qu'aux intuitions exégétiques d'un Bultmann. Pour "sortir" du rationalisme orthodoxe "sclérosant" des 17e et 18e siècles, il est le premier à insister sur la primauté de la théologie pratique : but et couronnement de toute théologie, puisqu'elle donne, à toutes les autres disciplines théologiques, le sens et la responsabilité concrète de l'homme, dans l'Eglise et la société. 13 Dans un autre domaine, Schleiermacher insiste sur l'importance de la sociologie religieuse, c'est-à-dire de la relation positive ou négative entre un environnement social et 1es structures ou paroles de l'Eglise. "Avant Marx, avant Troeltsch, Schleiermacher montre l'interdépendance de tous les domaines du réel et commence à mettre en lumière les conditionnements ou conditions d'existence et de production de la communauté ecclésiale". Dans la lignée de Schleiermacher, beaucoup de protestants ont mis l'accent sur le besoin de réinterpréter socialement le christianisme, en insistant sur la mise en conformité du message évangélique et du vécu chrétien, notamment en participant au développement de nombreuses oeuvres caritatives. Dans la pensée réformée, le point de vue moral est un des fondements de la certitude religieuse. L'homme est sûr de lui en tant que sujet éthique et la religion est ce qui lui permet de s'actualiser en tant que personne morale. Enfin, Schleiermacher pose les fondements d'une science nouvelle : 1'herméneutique, ou discipline de l'interprétation, dans des contextes nouveaux, des messages originels du christianisme. Il réagit contre ceux & celles, tenants de la théologie restauratrice (mouvement du réveil du 19e siècle), qui prétendent que les textes bibliques fondateurs jouissent d'une autorité extérieure et formelle, et leur oppose son souci d'établir la vraie valeur historique, morale et religieuse du texte biblique. En tirant les conséquences de leurs recherches historico critiques, les théologiens libéraux vont être amenés à relativiser ce qui avait paru jusqu'alors doté de valeur absolue et obligatoire : "Le dogme, la profession de foi de l'Eglise se muèrent en phénomènes conditionnés par une époque, sujets au devenir, auxquels seule la médiation de l'histoire donne accès et qui partagent la relativité commune à l'ensemble des phénomènes historiques". Pour le 20. siècle, le protestantisme ne peut prétendre garder son caractère réformateur qui le caractérise si il ne contribue pas aussi à nous libérer des étroitesses de la modernité et ne prépare une réflexion où la religion réponde simultanément, aux deux exigences complémentaires de la vérité et de la liberté". Ceci revient à dépasser le stade "nécessaire" du libéralisme rationaliste de la seconde moitié du 19e siècle, pour retrouver "la sève d'une pensée comme celle de Schleiermacher, largement ouverte à tous les registres de notre sensibilité humaine, science, musique, poésie...". 14 Par le biais de ses penseurs, de ses oeuvres marquantes et du vécu de ses adhérents, la théologie protestante veut être largement ouverte au monde. Selon une formule chère aux réformés conséquents : la théologie est entrée résolument en "compétition avec le siècle", entendant participer à la conscience culturelle de son époque et ne pas rester étrangère aux développements de la science. " Ainsi, pour la théologie protestante libérale, les idées ambiantes sont normatives. C'est en fonction de celles-ci qu'elle réagit aux impulsions venant de l'extérieur, entraïnant les hommes dans le mouvement de la culture. L'homme, qu'il le veuille ou non, est, au moins pour le moment, et sur cette terre, l'autorité dernière en matière de morale et de croyance. Le protestant ne devrait nullement redouter ce subjectivisme avoué, car peu importe à l'âme religieuse ce qu'est Dieu en soi, Jésus en soi et même l'amour ou la liberté en soi... L'essentiel c'est ce que sont Dieu, Jésus, l'amour, la liberté pour sa vie (quels énoncés tordues qui décrivent clairement le statut de l’homme qui s’élève audessus de tout ce qui s’appelle Dieu, selon Thess. – jpt). 06. Liens Internet pour accéder aux documents sources Libéralisme Protestant Union Protestante Libérale Genève Protestantisme et laïcité Protestantisme libéral Etc., -- demander au secrétariat pour plus de liens ! 07. Conclusions Force est de constater que le protestantisme libéral a joué un rôle très important dans la défense de la dignité et de la promotion de la liberté de chaque être humain, à la fois contre un dirigisme despotique et contre une permissivité anarchique. L’autoritarisme et le laxisme mettent l’un et l’autre la personne en danger ; elle souffre tout autant de l’excès que de l’absence de règles. Ainsi, la plupart des protestants libéraux s’inscrivent dans une perspective qui déclare que la foi est une affaire personnelle et qu’il appartient à chacun de la penser et de l’exprimer à sa manière. Ceci est un concept très humaniste et séduisant même en période postmoderne. Néanmoins, il n’a pas le mérite de correspondre aux principes et lois du « Royaume de Dieu », véhiculés par l’Evangile de Jésus-Christ. C’est une violation évidente de la vraie liberté voulue par Dieu pour son peuple, selon les passages des Saintes-Ecritures suivantes : 2 Pie 2 : 17 – 19 / 1 Pie 2 : 16 / Jacques 1 : 22 – 25 / Philémon 1 : 8 / Gal. 2 : 4 / Gal. 5 : 13 / 1 Cor. 8 : 9 / etc. 15 La théologie libérale a aidé au débarras d’anciens systèmes d’oppression, pour devenir l’instrument de l’installation d’une nouvelle dictature, celle des esprits débridés et de la déraison. Elle est tout sauve d’obédience véritablement chrétienne. C’est une des déviances des plus subtiles et pervertissant depuis l’avènement de la Réforme et elle est à rejeter et à combattre sans hésitations. Pour une majorité des membres du protestantisme actuel, la référence à la Bible n’est plus qu’un alibi pour couvrir une vie dégagée de l’autorité de Dieu. Faut-il une nouvelle réforme pour libérer l’Eglise de Jésus-Christ d’une fausse liberté, voulue par l’ennemi de nos âmes, le diable ? Compilation, remarques, observations et mise en page par : Alliance Pierres Vivantes – APV M. J-P. Trachsel CH-1678 Siviriez – Suisse Website : www.apv.org 16