philosophicus de Ludwig Wittgenstein (1921) déclarait privées de sens scientifique
les propositions de la métaphysique, de l’éthique et de l’esthétique parce qu’elles ne
sont l’image d’aucune réalité de ce monde.
Si cette affirmation se limitait à l’horizon scientifique, elle serait
compréhensible. Mais les néo-positivistes du « Cercle de Vienne » (Schlick, Neurath,
Carnap et autres) sont allés au-delà et ont radicalement dévalué l’affirmation de
Wittgenstein au sujet des propositions non strictement « scientifiques ». En réalité,
pour le philosophe viennois –qui n’était pas un agnostique- il s’agissait seulement
dans de telles propositions d’une « ineffabilité », signifiant : « sur ce dont on ne peut
pas parler, il faut se taire », et certainement pas de leur absurdité. Même s’il y a
encore des épigones vigoureux des thèses du « Cercle », tels que les défenseurs d’un
scientisme outrancier (Dawkins, Hitchens, Onfray, Odifreddi), de semblables
positions sont désormais regardées comme simplificatrices, même par de nombreuses
personnalités « laïques » ou « humanistes séculières ».
Les rapports entre les deux camps se déroulent en effet de plus en plus dans un
respect mutuel et cohérent : la science se consacre aux faits, aux données, à la
« scène », au « comment » ; la métaphysique et la religion aux valeurs, aux
significations ultimes, au « fondement », au « pourquoi », chacune selon des
protocoles spécifiques de recherche. C’est ce que le savant américain Stephen J.
Gould, mort en 2002, a systématisé dans sa formule des NOMA (Non Overlapping
Magisteria), c’est-à-dire des parcours non superposables : celui de la connaissance
philosophico-théologique et celui de la connaissance empirico-scientifique. Ils
correspondent à deux niveaux méthodologiques, épistémologiques et linguistiques
qui, se situant à des plans différents, ne peuvent se croiser, sont incommensurables
entre eux, mutuellement intraduisibles, et n’entrent donc pas en conflit. Comme
Nietzsche l’écrivait déjà en 1878 dans Humain, trop humain, « Entre religion et
science n’existe ni parenté ni amitié, ni non plus inimitié : elles vivent dans des
sphères différentes ».