La performance d’un hôpital gériatrique de 320 lits et places : l’organiser, la mesurer, l’améliorer Evelyne Gaussens Directrice générale de l’HPGM (91) 24/05/2013 Présentation de l’Hôpital gériatrique les Magnolias (HPGM) • Etablissement de santé privé non lucratif spécialisé en gériatrie et créé par les caisses de retraite AGIRC-ARRCO en 1974 • Porteur de la filière gériatrique de l’Essonne nord, labellisée par l’ARS en avril 2010 • Il dispose à ce jour, de : — — — de 320 lits et places de 520 salariés d‘un budget d’exploitation de 32 218 573.64 € • Organisation en 3 pôles : 1 pôle ambulatoire, 1 pôle médical et 1 pôle médicosocial • Trois missions, trois valeurs fortes ancrées et partagées : – Retour et maintien à domicile ou en EHPAD des personnes âgées – Maintien de leur autonomie ou au minimum des capacités restantes – Respect de leur dignité, de leur individualité, de leur libre arbitre (bientraitance – bienveillance) Comment a-t-on fait évoluer l’HPGM pour répondre à ces exigences ? 2 L’HPGM est considéré comme performant • A travers la satisfaction des usagers – En apportant la réponse attendue des patients et familles qui souhaitent bien vieillir jusqu’au bout à domicile, sans abandon de soins et avec des soins de qualité, et dans le respect de leur dignité et de leur individualité • A travers la satisfaction du personnel – En redonnant du sens aux professionnels et en améliorant leur qualité de vie au travail – A travers la satisfaction des partenaires (confiance, simplification des relations…) • A travers une santé financière saine – En assurant une gestion maîtrisée des coûts (compte d’exploitation excédentaire et bonne trésorerie, sans aucune aide financière supplémentaire) 3 COMMENT MESURER LA PERFORMANCE ? 4 Quelques indicateurs (1/3) • Issus des certifications HAS – En 2007 : la démarche humaniste de l’HPGM est citée comme « exemplaire » ainsi que le management holistique – En 2011 : après une étude HAS sur la qualité de vie au travail, l’HPGM est considéré comme « établissement exemplaire pouvant servir de référence sur le sujet » • Points forts relevés : « pratique d’un management participatif basé sur l’écoute, le lien social, des convictions et des orientations fortes d’avantgarde sur la prise en charge des personnes âgées avec la formation des équipes à l’Humanitude depuis de longues années, des réalisations QVT effectives et reconnues par les personnels et les représentants » • Issus des évaluations de pratiques – Cotation maximale pour les EPP (21 au total) concernant la iatrogénie médicamenteuse du sujet âgé, la polymédication, les chutes, les escarres, la dénutrition, la situation d’errance, la pertinence des hospitalisations… – Précurseur dans tous les suivis des indicateurs nationaux (IPAQSS, ICALIN…) avec des scores maximum 5 Quelques indicateurs (2/3) • En lien avec la prise en charge des patients et leurs attentes – Diminution des réhospitalisations (6% sur 6 mois en 2012 vs 1 sur 2 en 2005 et 0% sur une durée de 3 jours en 2012 vs 10% en 2009) – Taux de retour à domicile ou dans leur structure antérieure (44.5% à l’issue de la médecine et 80% à l’issue du SSR en 2012, vs 30% et 40% en 2006) – Diminution de la DMS en médecine (8 jrs en 2012 vs 15 jrs en 2004), malgré un PMCT en augmentation • En lien avec les ressources humaines – Baisse de l’absentéisme pour maladie et accident : 4.8 % en 2012 vs 8.8 % en 2004 – Baisse du turn-over : 5% en 2012 vs 13 % en 2004 – Enquête annuelle de qualité de vie au travail L’adhésion des professionnels à tous ces changements d’organisation et la satisfaction évidente des soignants, des soignés et des familles n’auraient pas été possible sans l’utilisation depuis 2005, de la méthodologie de soins Gineste-Marescotti® dite Humanitude 6 Quelques indicateurs (3/3) • Au plan économique – Au niveau des recettes • Augmentation de l’activité en médecine depuis la mise en place de la T2A (objectifs : 0 lit vacant et 10 jrs de DMS) : augmentation de plus de 20 % des recettes + création de plusieurs MIGAC • Qualité du PMSI : niveau d’erreurs très bas (entre 0.1 et 0.5 %) – Au niveau des dépenses • Maîtrise de la masse salariale grâce à : – La diminution des crédits d’intérim – La baisse de l’absentéisme et une politique de fidélisation (nombreux accords d’entreprise) • Mise en place d’une nouvelle organisation du temps de travail (passage de la moitié des soignants de 7h45 en 12h) Gains obtenus qui ont permis à l’Etablissement d’avoir un compte d’exploitation excédentaire et une bonne trésorerie, tout en innovant et en créant de nouvelles structures 7 QUELLE ORGANISATION ? QUELLE DÉMARCHE ? 8 Constats en 2005 • Deux facteurs humains – Souhait des PA de rester à domicile (+90% de la population) – Prise de conscience collective d’une certaine forme de « maltraitance » des PA à l’Hôpital et en institution (l’Hôpital est-il l’anti-chambre de la dépendance….?) • Un facteur économique : la T2A Nécessité d’adapter l’activité des lits de médecine (diminution de la DMS) et de fluidifier le parcours de la personne âgée • Des atouts – Une culture gériatrique bien ancrée – Une culture d’entreprise – Un binôme « Directeur général-médecin chef » partageant les mêmes valeurs et la même vision stratégique • Des freins – Une organisation centrée sur l’hospitalisation et mal adaptée (mélange de lits de médecine, SSR, SLD) – Des certitudes : le retour à domicile n’est jamais possible… – Culturels (cloisonnement ville-hôpital, absence de culture du « prendre soin ») 9 Méthode appliquée pour mener le changement (1/2) • Partir des constats qui justifient la demande d’amélioration des pratiques de soins par rapport aux valeurs affichées (les 3 idées forces) • Identifier les leviers, les aides possibles et les idées novatrices qui vont conduire au changement • Comprendre pourquoi les professionnels concernés, agissent comme ils agissent (important de ne pas juger!) • Comprendre en quoi le changement n’est pas acceptable pour eux en termes de valeurs et d’intérêt personnel • Ne jamais parler de résistance au changement, c’est contre-productif ! 10 Méthode appliquée pour mener le changement (2/2) • S’assurer de l’implication forte et indispensable de la Direction et des cadres (coaching) • Communiquer en permanence sur les enjeux de manière claire (AG, journal…) • Garder toujours comme fil conducteur d’un projet émanant du terrain, les valeurs affichées • Accompagner progressivement les personnels afin de leur permettre de faire le deuil de l’ancienne organisation • Co-construire le changement en partageant toujours les mêmes valeurs 11 Exemples d’actions menées dans le cadre du retour et maintien à domicile ou en EHPAD des personnes âgées, après une hospitalisation (1/2) • Au niveau des pratiques – En 2004, création d’un numéro unique pour un accueil 24h/24 pour les médecins traitants et les médecins coordonnateurs des EHPAD – Convention de continuité de soins avec 40 EHPAD – Coordination étroite avec le médecin traitant et les CLIC pour les sorties d’hospitalisation – Convention signée avec un hébergeur de données pour garantir un retour à domicile sécurisée (télé-assistance) en 2008 – Mise en place en 2006 d’un bilan médico-social à 48h pour préparer la sortie du patient – Augmentation importante du nombre d’assistantes sociales (0,5 à 4 ETP) et d’ergothérapeutes (visites à domicile) – Et récemment, création du poste de coordonnateur du parcours patient de la filière gériatrique (en 2011) – En cours : création d’un système d’information partagé entre tous les intervenants de la MAIA 12 Exemples d’actions menées dans le cadre du retour et maintien à domicile ou en EHPAD des personnes âgées, après une hospitalisation (2/2) • Au niveau des structures – Sanitaires o Création d’un réseau de médecins traitants Résage 91 en 2005, permettant de renforcer la relation ville-hôpital o Création d’un pôle ambulatoire important en 2006, pour mieux assurer l’amont et l’aval de l’hospitalisation et développer les alternatives de jour (mémoire, psychiatrie, buccodentaire…) o Création de 3 équipes mobiles : une de liaison avec les 40 EHPAD de proximité (en 2008), une pour les soins palliatifs (en 2008), une pour la gérontopsychiatrie à domicile (en 2009) o Création d’une Unité cognitivo-comportementale en 2009 et d’une unité d’hébergement renforcée en 2012 (SLD) o Labellisation de la filière gériatrique pour l’Essonne nord en 2010 o Meilleure organisation et augmentation (+40) des lits de SSR pour répondre aux spécificités de la gériatrie (troubles de la marche, troubles du comportement, polypathologies…) en 2012 o Mise en place d’une équipe mobile IDE de nuit dans les EHPAD et d’une équipe opérationnelle d’hygiène dans 10 EHPAD (en 2013) o Mise en place de la télémédecine (en 2013) o Programme d’éducation thérapeutique pour l’insuffisance cardiaque à domicile (en 2013) – Médico-sociales o Création d’une plateforme de répit pour l’accompagnement des aidants à domicile (en 2009), de 60 lits d’EHPAD dont 10 lits d’hébergement temporaire (en 2010), de 2 CLIC (en 2004), d’une MAIA (en 2012) 13 Exemples d’actions menées dans le cadre du maintien de l’autonomie de la personne âgée (pour être décisionnaire dans leur choix de vie) • Eviter le passage inapproprié aux urgences – Grâce à la permanence téléphonique médicale pour accueillir 24h/24, dans les 71 lits de médecine, organisés en 3 sous-filières (somatique, Alzheimer, gérontopsychiatrie), via les médecins traitants et les EHPAD (60% des admissions en 2012 vs 10% en 2005) • Mise en place avec les professionnels d’une fiche « autonomie » dès l’entrée du patient et suivi régulier facilité par la simplicité de la fiche (couleurs verte, orange, rouge) • Éviter la grabatisation – Patients habillés et levés tous les jours – Généralisation des bains Snoezelen – Mise en place des 150 techniques de la méthodologie de soins Gineste-Marescotti® • Eviter la désocialisation – Participation aux activités d’animation du pôle médico-social – Repas en salle à manger : priorisé sur les repas pris en chambre aménagement des locaux… – Accueil des familles 24h/24 14 Exemples d’actions menées dans le cadre du respect de la personne • Mise en place des formations Humanitude (méthodologie de soins Gineste-Marescotti) – Zéro soin de force (par exemple), devenu une réalité aujourd’hui – Auto-contrôle par les pairs, grâce à des référents Humanitude dans chaque service • Mise en place du projet d’accompagnement individualisé • Une gestion des risques évitable renforcée : dysmédications, absence de contention physique, dénutrition… • Prise en compte des usagers par revue systématique de morbidité des plaintes (RMM) • Mise en place d’enquêtes de la qualité de vie au travail des personnels (car un soignant heureux est un soignant bientraitant) Important : le rôle de la Direction est de créer les outils indispensables aux professionnels afin que les objectifs fixés ne soient pas utopiques 15 PEUT-ON S’AMÉLIORER ? 16 Pour améliorer notre performance – voire la maintenir-, il faut : • Impliquer, motiver et former encore plus les professionnels et les usagers et surtout l’encadrement de proximité, • Développer le bénévolat à l’instar des pays anglo-saxons • Favoriser l’émergence de la personne de confiance, pour s’appuyer davantage sur le trinôme soignant-soigné-famille • Continuer à réorganiser le temps de travail pour pallier la baisse des budgets • Utiliser la télémédecine et faire émerger des systèmes d’information performants et partagés sur un territoire donné pour moderniser l’offre de soins • Et : que la démarche qualité devienne une démarche quotidienne et moins chronophage pour l’encadrement 17 Conclusion En effet, si la T2A et la certification ont été à l’évidence des outils « facilitateurs » du changement, puisqu’outils de dialogue et de partage pour progresser, s’adapter et mieux faire, aujourd’hui, on constate que les effets « pervers » de ces deux leviers, avec la baisse des tarifs pour la T2A et l’éloignement des cadres du terrain pour la certification, risquent d’agir à l’avenir en sens inverse… Il faut y veiller très sérieusement pour ne pas décourager les professionnels et ne pas décevoir les usagers/clients, dont les attentes légitimes des uns et des autres sont grandissants… 18 MERCI DE VOTRE ATTENTION 19