Le phénomène de l`intégration régionale

publicité
Chapitre 3 : Le phénomène de l’intégration régionale
I. L’intégration économique régionale : définition et formes
Intégration régionale = en général, des pays qui sont géographiquement proches décident de
former d’un espace économique où les échanges se font sans entrave.
Balassa (The theory of economic integration, 1962) distingue 5 formes d’intégration régionale :
 La zone de libre-échange : les pays éliminent les droits de douane et les entraves à la libre
circulation des marchandises. Par rapport aux pays tiers, ils conservent leur propre arsenal
de restrictions.
 L’union douanière : forme d’intégration plus poussée que la zone de libre-échange. Les pays
éliminent les droits de douane et les restrictions quantitatives entre eux mais instaurent un
tarif douanier commun (donc adoptent la même politique commerciale vis-à-vis des pays
tiers).
 Le marché commun : par rapport à l’union douanière, le marché commun organise la libre
circulation des facteurs de production (main-d’œuvre, capitaux)
OMC = Accords Commerciaux Régionaux (ACR)
 L’union économique : en plus du marché commun, elle comprend une harmonisation des
politiques économiques des pays membres.
 L’union économique et monétaire : création d’une monnaie commune et unique
 Degré croissant d’intégration : la zone de libre échange est la moins intégrée et l’union
économique et monétaire est la + intégrée.
Dans les faits, il existe des accords moins intégrés que la zone de libre-échange :
- Groupement préférentiel : concerne les pays qui n’appartiennent pas à la même aire
géographique et ont des niveaux de vie différents. Ex : entre UE et pays ACP
- Accords d’association : visent à l’instauration d’une zone de libre-échange ou union
douanière. Comporte des dérogations pour certains secteurs.
II. Le phénomène d’intégration régionale : principales caractéristiques
A) Un phénomène en expansion
ACR doivent être notifiées au GATT et à l’OMC -> augmentent beaucoup depuis les années
1990. 2 vagues :
- Dans les années 60 : création de la CEE (1957), AELE (= zone de libre-échange de produits
industriels, 1960), ASEAN (1967), Pacte Andin (1969)
- Dans les années 90 : MERCOSUR (1991), ALENA (1991), Espace Economique Européen (CEE +
AELE, 1992).
Dans les années 2000, nouvelle vague, un peu différente : groupements concernant un grand
nombre de pays, élargissement des dispositions, contenu des accords s’élargit ; barrières non
tarifaires ont remplacé les tarifaires -> un certain nombre d’accords en prend compte.
-
B) Contexte de libéralisation des échanges
GATT -> OMC
Principes directeurs de la libéralisation des échanges au niveau international. Articles
importants du GATT :
Clause de la nation la plus favorisée (bilatéralisme -> multilatéralisme)
Clause de réciprocité
Clause du traitement national
Clause des instruments de protection : droits de douane seul instrument de protection
 ACR a priori contraires aux principes du GATT car dérogent à la classe de la nation la plus
favorisée. Toutes les négociations se font au sein des pays de l’ACR et pas au niveau
multilatéral. Mais formation d’accords commerciaux régionaux (ACR) prévue par le GATT
dans l’article 24.
Autres exceptions : accords entre PED et pays développés, mesures protectionnistes si crise
ou pratiques déloyales.
Cycle de Tokyo (1970) = anti dumping
Uruguay Round (1986 – 1994)
Accords signés sur les services (GATS), droit de propriété intellectuelle (ADPIC), SPS (sanitaire
et phytosanitaire), accord sur les obstacles relatifs au commerce. OMC dispose de l’ORD +
comité des ACR -> reconnaissance du régionalisme comme étape vers le multilatéralisme.
C) L’UE est-elle compatible avec l’OMC
La politique budgétaire relève de l’Etat. L’UE est + intégrée que les accords régionaux. La
CEE a, d’emblée, bénéficié d’une présomption de validité. A priori, l’UE bénéficierait aussi
d’une présomption de validité. Le but du multilatéralisme est de réduire à néant toute forme
de protectionnisme.
III. L’analyse économique du protectionnisme
A l’époque, c’est le protectionnisme tarifaire qui prévaut.
A) Notions d’avantage absolu (spécialisation, Smith, 1776) et d’avantage comparatif
(Ricardo, 1817)
Smith et Ricardo sont à l’origine de la théorie traditionnelle du commerce international.
Arguments de Smith : spécialisation des pays selon leurs avantages : possibilité, pour un pays,
de produire un bien avec moins de facteurs de production que partout ailleurs dans le reste
du monde. Chaque pays doit se spécialiser sur la fonction du bien sur lequel il possède un
avantage absolu -> une partie de la production peut être échangée contre un bien pour lequel
il ne dispose pas d’avantage absolu => Seuls les pays qui disposent d’un avantage absolu
peuvent participer.
Ricardo avance la notion d’avantage comparatif -> les pays échangent parce qu’ils sont
différents. Pour Ricardo, il est toujours avantageux pour deux pays de commercer entre eux à
la condition qu’ils se spécialisent dans le bien pour lequel ils ont le + grand avantage absolu
ou le + petit désavantage absolu. Il n’est pas nécessaire que l’on ait un coût plus faible ou
plus élevé. Ce qui importe, c’est comment les coûts se positionnent les uns les autres.
 Protectionnisme sous la forme d’un droit de douane est néfaste et il constitue un frein à la
spécialisation (parce que le droit de douane va modifier les coûts (relatifs/absolus).
B) Les effets d’un droit de douane sur le fonctionnement du marché
On considère le marché d’un bien.
prix
Offre domestique
P*
Demande domestique
quantités
Q*
Sur le marché domestique, prix du bien = P* -> équilibre sur le marché domestique (P*, Q*).
Situation d’autarcie -> le marché n’est pas ouvert aux entreprises étrangères.
On autorise des entreprises étrangères à satisfaire la demande domestique -> ouverture
(libre-échange) sans droits de douane.
prix
offre domestique
P*
Pw
offre étrangère (= mondiale)
S(Pw)
D(Pw) quantités
Q*
Pw = prix du bien sur le marché mondial. On suppose qu’il est donné. Les éventuelles
modifications dans les quantités produites n’affectent pas ce prix.
Pw > prix domestique => le pays va être exportateur du bien
Pw < prix domestique => le pays va être importateur du bien => conséquence de l’ouverture :
- Le prix mondial va s’imposer au marché domestique (pression à la baisse sur le prix
domestique) -> le nouveau prix d’équilibre va être Pw.
- Ecart entre l’offre domestique et la demande domestique -> ce sont les entreprises
étrangères qui vont combler cet écart (=> importations). Importations = D(Pw) – S(Pw)
 Le libre échange est préféré à l’autarcie.
Conséquence pour les entreprises domestiques : elles vendent moins à un prix moins élevé ;
leur profit diminue.
Conséquence pour les consommateurs domestiques : en situation de libre-échange, ils
consomment plus qu’en situation d’autarcie et achètent à un prix Pw.
 La situation des consommateurs augmente, celle des entreprises se détériore par rapport à
la situation d’autarcie.
Surplus collectif = critère qui permet d’évaluer la satisfaction des agents et l’écart entre ce
que les consommateurs étaient prêts à payer et ce qu’ils payent effectivement :
= surplus des consommateurs + surplus des entreprises (profit économique) (+ recettes
fiscales, satisfaction de l’Etat)
prix
surplus du consommateur
Pw
disposition à payer du consommateur
demande globale
S(Pw)
quantités
prix
Profit
offre globale (peut être assimilée à la courbe de coût des entreprises)
Recettes totales
Pw
S(Pw)
quantités
Profit = recettes totales – coût total de production
= Pw . S(Pw)
- coût total
Libre-échange préféré à l’autarcie ?
 Consommateur : augmentation du surplus des consommateurs ; les profits des entreprises
diminue. Et la diminution des profits est moins importante que l’augmentation du surplus
des consommateurs. => augmentation du surplus collectif => surplus plus élevé en
situation de libre-échange qu’en situation d’autarcie => donc il faut ouvrir les frontières,
ça permet d’augmenter la satisfaction de l’ensemble des acteurs économiques =>
augmentation du bien-être
Le pays en devient importateur -> consommation domestique en profite et les entreprises en
pâtissent. Du point de vue du bien-être du pays, l’échange international augmente le bienêtre.
 Comparaison entre la situation de libre-échange et la situation du protectionnisme
(instauration d’un droit de douane).
On suppose que le pays en question cherche à protéger son marché en instaurant un droit de
douane t (= taxe à l’importation). On qualifie la taxe (droit de douane) de taxe « ad
valorem » = taxe représentant un certain pourcentage de la valeur déclarée.
Pw(1+t) = Pw + Pwt
Taxe ad valorem
La taxe vient augmenter la valeur du prix mondial.
En libre-échange, le prix qui s’impose est Pw. Offre domestique = q1 ; demande domestique =
q2 ; importations = q2-q1
En situation de protectionnisme (+ droit de douane), le prix qui s’impose est Pw(1+t) ; offre
domestique = q3 ; demande domestique = q4
Quels sont les effets d’un tarif douanier sur les quantités ?
 Sur la consommation domestique (demande domestique) : elle diminue (q4 < q2)
 Sur l’offre domestique : elle augmente (q3 > q1)
 Sur les importations : elles diminuent (q4 – q3) [c’est le but]
Analyse en termes de bien-être
Surplus collectif = surplus des consommations + surplus entreprises + recettes douanières
Surplus des consommateurs en présence d’un droit de douane = A + B
Surplus des entreprises en présence d’un droit de douane = C + G (entre l’offre domestique et
le prix de vente du bien)
Recettes fiscales (importations taxées) = E
Surplus collectif protectionnisme = A + B + C + G + E
En situation de libre-échange (sans droit de douane) :
Surplus des consommateurs (A + B + C + D + E + F) + Surplus des entreprises (G) =
A+B+C+D+E+F+G
 La mise en place d’un droit de douane => diminution du surplus collectif (D+F)
 Ici, le libre-échange est préféré au protectionnisme
Le droit de douane conduit les entreprises domestiques à produire +. L’introduction du droit
de douane => sous-consommation. L’échange avec droit de douane est moins bon que sans
(libre-échange préféré au protectionnisme). L’ouverture des frontières avec un droit de
douane reste meilleure que l’autarcie.
Cette situation de préférence du libre-échange est nuancée dans le cas d’un grand pays -> On
considère un pays qui a une taille suffisamment importante pour que la variation des
importations + exportations ait une influence sur le prix mondial (avec un petit pays, Pw est
fixé) (Pw va augmenter, ne sera pas horizontal).
Résultat du droit de douane : le droit de douane augmente le prix + le passage du libreéchange au protectionnisme a des effets contradictoires sur le bien-être domestique. L’effet
sur le bien-être domestique dépend de la valeur du droit de douane. Si le droit de douane est
faible, les gains l’emportent sur les pertes ; s’il est élevé, les pertes l’emportent sur les
gains, de sorte qu’il existe un niveau de droit de douane optimal.
Conclusion : dans le cas d’un grand pays : si le pays s’approche de la valeur optimale du droit
de douane, il peut bénéficier d’un gain et préférer le protectionnisme au libre-échange en
choisissant bien son droit de douane ; mais le reste du monde est perdant. Si on incorpore le
bien-être du reste du monde, il y a un gain pour le grand pays et une perte (plus importante
que le gain) du reste du monde.
C) Les effets des autres mesures de protection
A côté des droits de douane, il y a d’autres mesures de protection :
 Les restrictions quantitatives = lorsque le volume effectivement importé est inférieur au
volume qui serait importé en situation de libre-échange (si le volume d’importation est
fixé par le pays importateur de manière unilatérale, on parle de quota d’importation) :
o Quotas (droit de vendre alloué aux gouvernements étrangers qui, à leur tour,
répartissent ces droits entre les entreprises
o Les restrictions volontaires à l’exportation (RVE) = variante du quota, en général
elle résulte d’un accord passé entre les pays exportateurs et le pays importateur.
Dans les années 80, les Etats-Unis avaient obtenu du Japon des RVE en ce qui concerne les
véhicules.
 Les subventions : elles viennent aussi modifier le déroulement normal des échanges :
o Subvention à l’exportation = paiement fait à une entreprise qui va vendre des biens
à l’étranger. Elle permet aux entreprises exportatrices de vendre à un prix
supérieur au prix mondial (= elles vendent au prix mondial augmenté de la
subvention). Les entreprises, si elles bénéficient de subventions, vont baser leur
production sur le prix subventionné (et pas le prix mondial). Ces subventions sont
utilisées pour inciter à conquérir des marchés étrangers.
o Subvention à la production : elle est assimilée, pour les entreprises, à une
réduction de leur coût de production (offrent + au même prix) => produisent + donc
importent moins.
Par rapport à la situation de libre-échange :
Subvention à la Droit de douane Subvention
à Quota ou RVE
production
l’exportation
Surplus
des Augmentation
Augmentation
Augmentation
Augmentation
entreprises
(entreprises
domestiques
produisent +)
Surplus
des Pas
de Diminution
Diminution
Diminution
consommateurs
modification
Revenu
du Diminution
Augmentation
Diminution
Pas
de
gouvernement
(dépenses
de
(dépenses
de modification (les
subvention)
subvention
rentes vont aux
[financement])
détenteurs
de
licence ou à
l’étranger dans
le cas des RVE)
Surplus collectif
Diminution (mais Diminution (dans Diminution
Diminution (dans
moindre dans le le cas d’un petit
le cas d’un petit
cas d’un droit de pays). Il peut y
pays) qui peut
douane
parce avoir
être
plus
qu’il n’y a pas augmentation
importante que
d’effet sur la dans le cas d’un
dans le cas du
consommation)
grand pays.
droit de douane
1) Meilleure situation = subvention à la production (= moins néfaste) [2) = droit de douane ->
effet négatif pour la consommation et l’Etat, plus seulement pour les entreprises / 3) =
quota ou RVE / 4) subvention à l’exportation]
2) Toutes les formes de protectionnisme sont moins bonnes que la situation de libre-échange
(dans tous les cas il y a diminution du surplus collectif)
D) Les autres obstacles non tarifaires
 les normes = au sens large, aussi bien en matière de pollution qu’en matière sanitaire ou
technique. Un pays qui adopte une norme impose que les produits fabriqués sur son
territoire respectent cette norme, donc oblige les potentielles entreprises étrangères à
s’adapter à ces mesures. Elles peuvent être imposées pour la sécurité des citoyens ou pour
dissuader la concurrence étrangère. Pour savoir s’il s’agit d’une norme de sécurité ou de
dissuasion, on regarde le coût d’adaptation aux normes : s’il est très élevé, ces normes
peuvent être protectionnistes => dissuader, empêcher des importations.
 Les marchés publics : ils sont proposés par l’Etat et les collectivités locales. En général, ils
sont réservés aux entreprises nationales.
Au niveau international, à mesure que le GATT diminue les barrières tarifaires, les nontarifaires se sont développées.
E) Quel regard porter sur le protectionnisme ?
Cette analyse du surplus collectif ne fait apparaitre que des inconvénients par rapport au
protectionnisme. Cette analyse a des limites : le surplus collectif ne capte pas tous les effets
potentiels d’une mesure de protection. En particulier, tous les bénéfices sociaux ne sont pas
pris en compte.
Bien que le libre-échange apparaisse comme le système idéal et souhaitable, le
protectionnisme est largement utilisé, en particulier dans les périodes de crise et mutation
(ex : crise de 1929).
D’autres arguments peuvent être développés en faveur du protectionnisme (en + du fait qu’il
y a un avantage à la protection dans le cas d’un grand pays) :
Arguments adoptant un point de vue d’équilibre partiel :
 Argument de l’industrie naissante : idée = protéger une industrie qui se développe jusqu’à
ce qu’elle devienne compétitive vis-à-vis de l’étranger. Ex : une industrie caractérisée par
des économies d’échelle en phase de développement -> quand elle augmente sa
production de biens, le prix unitaire diminue. Il peut être intéressant de la protéger.
 Le protectionnisme peut être une réponse à des pratiques de concurrence déloyale (ex :
dumping = des entreprises pratiquent des prix différents sur les marchés domestiques et
sur les marchés étrangers). En règle générale, les prix sont plus faibles sur le marché
étranger. Si un pays étranger pratique du dumping, les pays victimes de ce dumping
peuvent mettre un place un protectionnisme (mesures anti-dumping, qui viennent
réduire/annihiler l’écart de prix entre le marché domestique et le marché étranger). Si un
pays pratique des subventions, un pays victime de ces subventions peut mettre en place
des dispositions anti-subvention.
Arguments adoptant un point de vue d’équilibre général :
Une mesure de protection peut remédier au mauvais fonctionnement du marché du travail.
Exemple : si le marché n’est pas fluide (ex : problème de chômage), soit on intervient sur le
marché du travail (en instaurant un salaire minimum, des subventions etc.), soit sur le
marché du bien par le biais d’instruments (favoriser la production nationale sur les marchés
des biens qui nécessitent beaucoup de main-d’œuvre et de facteurs travail.
 Le protectionnisme va améliorer le fonctionnement du marché du travail.
Téléchargement