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chassé. Parmi ces psychanalystes « dissidents », certains feront école et peuvent aujourd’hui être
considérés comme précurseurs pour les thérapeutes humanistes. Ainsi, Jung et son concept
d’inconscient collectif prépare à la psychothérapie de groupe et son élaboration de l’animus et de
l’anima se retrouvera dans les recherches sur le masculin et le féminin. Reich est considéré comme le
précurseur des thérapies psychocorporelles et l’approche de Ferenczi prépare à la construction d’un
« dispositif chaud » à l’inverse du « dispositif froid » de la psychanalyse freudienne, dispositif chaud
que l’on retrouvera dans toutes les thérapies humanistes. Sur l’autre bord, à une science de la psyché
purement explicative au sens des sciences de la nature va venir s’opposer une psychologie
COMPREHENSIVE. Ce sera Wilhem Dilthey (1833-1911) qui initiera le mouvement. Pour les
promoteurs de cette nouvelle attitude de pensée, les sciences humaines ne sont pas réductibles aux
sciences naturelles. Elles obéissent à d’autres critères épistémologiques. « Leur tâche est de
comprendre les phénomènes dans leur intimité et leur spécificité, non de les expliquer selon des
modèles importés de la physique et de la chimie » (2) Ceci ne veut pas dire, comme le souligne Robert
FRANCK (3) qu’elles doivent être privées d’explication, mais que si les sciences de la nature peuvent
se passer de compréhension, les sciences humaines ne peuvent s’en passer sinon à réduire l’homme
à une machine. Pour cela, il est nécessaire de s’extraire d’une perspective mécaniciste, causaliste et
élémentariste et appréhender l’homme dans sa SINGULARITE, sa TOTALITE (l’homme forme un tout)
et sa COMPLEXITE.
L’histoire de la psychologie clinique se poursuit donc sur deux versants : la pensée explicative qui
donne naissance à la psychanalyse et sur l’autre versant, la dasein-analyse (ou analyse
phénoménologique) crée par Ludwig Binswanger et Eugène Minkowski s’appuyant sur les
philosophies de Husserl, Dilthey et Heidegger. Pour la dasein-analyse, l’homme n’est pas réductible à
une mécanique pulsionnelle. S’il est déterminé par ses pulsions, il ne se réduit pas à cette seule
détermination. Il est d’abord un être-en-devenir, mu par un besoin d’autoréalisation. Pour
comprendre sa réalité singulière, il faut se mettre à l’écoute de sa parole en tant qu’elle exprime son
univers subjectif. Ainsi, pour Minkowski : « La première qualité essentielle que doit avoir une
philosophie fondée sur la phénoménologie, c’est l’échange vécu le plus vivant, le plus intensif, le plus
direct avec le monde même et en particulier avec les choses qui se donnent elles-mêmes dans l’acte-
du-vivre. Il faut que la lumière de la réflexion n’éclaircisse que ce qui est « là » dans ce contact le plus
dense et le plus vivant ». L’homme est la seule créature qui parle à la première personne du
singulier, le seul à savoir dire « je » et à vouloir se dépasser lui-même, à vouloir exister et réaliser ses
potentialités. Sa vie est orientée par un projet, un mouvement de propulsion vers l’avant. Pour la
philosophie existentielle, cette capacité donne à l’être humain une liberté qui le différencie des
autres espèces du vivant. Mais cette liberté donne une énorme responsabilité à l’homme envers sa
vie et son destin. « L’angoisse existentielle en est le revers indissociable ». (Patrick Traube in « Les
Psychothérapies humanistes »). « Lorsque le patient s’exprime en thérapie, il parle de son univers
personnel, des significations qu’il donne aux situations qu’il vit. Si le thérapeute veut appréhender cet
univers singulier, il doit faire le deuil de ses propres significations, de ses propres catégories, de son
cadre de référence personnel » (Patrick Traube).
En résumé, la psychologie humaniste hérite à partir de penseurs tels que : Dilthey, Husserl, Bergson
et Heidegger, de l’approche phénoménologique. En effet, on retrouve dans cette psychologie, les
mêmes concepts que dans la phénoménologie et dans l’existentialisme; à savoir : l’actualisation des
potentialités individuelles, la réalisation de soi, la possibilité d’une croissance personnelle donc d’un
projet existentiel. L’individu humain est considéré comme libre et responsable de son destin. Ces