"L'annonciation" de Fra Angelico : lumière et silence font vibrer la Parole *
Fra Angelico (1387-1455), maître parmi les maîtres de la peinture de la Renaissance italienne, maître de la lumière,
est aussi "Frère Ange ", maître de "LAnnonciation " ! Il nous a laissé quinze variations de cette scène, exprimant
toutes, avec bonheur, lesthétique et la spiritualité du moine dominicain. Celle-ci, de lArmoire aux ex-voto dargent,
témoigne dun art particulièrement abouti, tant par la simplicité de sa composition que par la technique de la
perspective et la richesse de la symbolique quelle développe
Une double enfilade de colonnes élégantes marquent un espace bien défini, fermé par les murs de lhabitation. Voilà
lendroit où Fra Angelico fait vivre la scène de " LAnnonciation ". Nous sommes dans un cloître, entre "intérieur" et "
extérieur", ni dedans, ni dehors, un lieu intermédiaire, un lieu charnière, à lorée dune nouvelle ère, un lieu à ciel
ouvert, et surtout, un lieu de prière. Sur toile de fond en camaïeu de blanc et docre, lange Gabriel arrive dun coup
daile, sans bruit. Face à Marie en dévotion, à genoux, lange se fait miroir. Il nous semble alors que, déployant ses
ailes, il fait apparaître larc en ciel de Noé au lendemain du déluge. Mais lange est vêtu dune aube de célébrant
rose, laube de la liturgie de " Gaudete " qui nous fait chanter : " Soyez dans la joie, le Seigneur est proche !".** Le
messager céleste vient annoncer à Marie une future naissance qui inondera le monde de sa lumière. Ouverte
comme pour lenvol, les ailes de Gabriel font vibrer la palette de couleurs que le peintre déclinera pour les
personnages des évangiles quil va faire vivre sur les panneaux suivants, de La vision dEzékiel à LAnnonciation, La
Nativité, La Crucifixion, La Résurrection de Jésus, jusquà La loi dAmour . Le rouge intense du bord des ailes habille
Marie dune robe de force et de vie, et couvrira Jésus dune tunique de sang royal. La tache bleue, sur laile droite,
forme comme une médaille-effigie, cest la couleur travaillée et choisie pour le manteau de la Vierge, ce sera aussi
celle du manteau du Christ ; profondeur, spiritualité sont les liants du pinceau du moine qui prie en peignant.
En un geste large, dun doigt, tout est dit par lenvoyé de Dieu. Face à lui, Marie lève les yeux, tend loreille avec
avidité. LAnnonce est immédiate "Je te salue comblée-de-grâce&" (Lc, 1, 38), prophétique : "Voici que tu vas
concevoir et enfanter un fils, tu lui donneras le nom de Jésus", (Lc 1, 30) eschatologique : " Il sera appelé Fils du
Très-Haut et son règne naura pas de fin. " (Lc 1, 33) Le discours du messager se diffuse alors dans le moindre détail
de lhabitation de la Vierge, révélant une lumière, un espace, une perspective nouvelle et lannonce se lit au présent
par une description à deux niveaux.
Au sol, une symétrie parfaite se construit à partir du point focal que le doigt de lange désigne à linstant comme un
temps à venir immédiat : Le Seigneur est proche ! Une porte souvre. Guidé par léloquence du geste du messager,
notre regard franchit la porte et suit un long couloir. Au bout du couloir, il traverse lombre noire de la mort ; au delà,
la fontaine de vie jaillit. Limagerie du Moyen Âge représentait la virginité de la mère de Jésus en sinspirant du
verset du Cantique des Cantiques : " Tu es un jardin clos, ma fiancée, une fontaine close, une source scellée" (Ct 4,
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