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En collaboration avec les musées de Florence, Nicolas Sainte Fare Garnot
propose, au musée Jacquemart-André à Paris, la première exposition
française consacrée à Fra Angelico (vers 1395-1455).
Le couronnement de la Vierge
Pourquoi n’y avait-il encore jamais eu d’exposition Fran Angelico en France ?
Nicolas Sainte Fare Garnot. Cette lacune s’explique par des difficultés matérielles de deux
ordres. Une partie de l’œuvre de Fra Angelico est peinte à fresque et les tableaux qui
existent sont souvent de grand format, sur des supports fragiles, des panneaux ou des
planchers de bois, parfois impossibles à transporter. Il y a eu deux expositions récentes
consacrées à l’artiste, l’une organisée au Metropolitan Museum of Art de New York en 2005,
la seconde à Rome en 2009.
Quelles sont la genèse et l’ambition de celle-ci ?
De nous-mêmes, nous n’aurions jamais pu monter une telle exposition. Par l’intermédiaire
de Giovanna Damiani (actuelle surintendante des musées de Venise), la surintendante des
musées de Florence est venue frapper à notre porte, en nous proposant un certain nombre
de prêts importants, avec en contrepartie l’organisation d’une exposition Jacquemart-André
à Florence, ce qui est logique, puisque la moitié des œuvres conservées au musée ont été
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acquises dans cette ville. Il n’était pas question d’envisager une rétrospective. A partir d’un
vaste corpus privilégiant les petits formats, nous avons souhaité présenter un profil revu et
corrigé de l’artiste, avec pour fil conducteur le passage, dans la Florence de 1450, d’une
expression picturale religieuse gothique à une expression plus laïque.
Quelles sont les grandes découvertes de l’accrochage ?
Nous avons le privilège de présenter des œuvres très rarement montrées. Parmi celles-ci
figurent le petit panneau de prédelle attribué à Fra Angelico appartenant aux collections du
musée des Beaux-Arts de Nice, qui est l’une des surprises de l’exposition, et La
Stigmatisation de saint François et saint Pierre le Martyr, provenant de la galerie
Strossmayer de Zagreb.
J’ai également réussi à obtenir plusieurs Vierges d’humilité, issues de collections italiennes.
L’une d’entre elles est particulièrement intéressante car elle a été réalisée à la période où
Fra Angelico sort de son scriptorium et découvre le cycle que Masaccio (1401-1428) a
produit entre 1425 et 1427 dans la chapelle Brancacci de l’église du Carmine à Florence. Fra
Angelico a été formé à l’ancienne, dans un atelier d’enluminure gothique auprès de Lorenzo
Monaco (1370-1424). Lorsqu’il découvre la peinture très moderne de Masaccio, son œuvre
bascule.
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Figure majeure du Quattrocento, Fra Angelico marque la transition entre la fin du Moyen
Age et la Renaissance. Que conserve-t-il des principes de la peinture médiévale et
comment s’inscrit-il dans cette volonté des artistes de la Première Renaissance de proposer
une vision nouvelle de l’homme et de la nature ?
La peinture gothique est sur fond d’or, sans profondeur. Les artistes privilégient la ligne et la
couleur, avec un sens du rythme exceptionnel. C’est ce que l’on voit notamment dans l’art
de Lorenzo Monaco à ses débuts. Il ne représente pas ce que l’œil voit. Dans la vision
« moderne », il s’agira d’une certaine manière, de quitter les cieux pour revenir sur terre. En
ce qui concerne les figures humaines, Fra Angelico n’a pas à proprement parler peint des
expressions : nous n’en sommes pas encore au stade de l’individualisation. Mais il sort
néanmoins les personnages de l’iconographie religieuse gothique traditionnelle. Il use de
principes de composition très complexes.
Le Martyre de saint Côme et saint Damien, peint vers 1440 et conservé au musée du Louvre,
est un bon exemple. Il y a le plan oblique de la muraille et le jeu d’ombre et de soleil qui
donne une profondeur nouvelle, puis le regard se porte vers les cinq arbres au centre de
l’image. Viennent ensuite les collines et, enfin, le chemin qui ramène l’œil du spectateur ver
le premier plan. Le double martyr, sujet de l’œuvre, apporte le mouvement à l’ensemble. Fra
Angelico développe un style original, sans suivre des règles objectives de perspective, mais
en réintroduisant une poésie dans ses œuvres. Après lui, autour de 1470, Sandro Botticelli
(vers 1444-1510) renouvellera à ton tour le genre.
Fra Angelico est-il un peintre reclus, solitaire, ou s’intéresse-t-il aux autres artistes de son
temps et à ce qui se passe en dehors du couvent San Domenico de Fiesole ?
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Fra Angelico est très sollicité et exerce son talent en dehors du couvent. Dominicain réformé,
il travaille pour des communautés religieuses, mais aussi pour les familles influentes de son
époque. Il est l’un des premiers artistes appointés par les Médicis. C’est une époque où les
artistes s’espionnent en permanence. Il ya a une concurrence, mais surtout une émulation.
Fran Angelico a une école, des assistants, comme Benozzo Gozzoli (vers 1420-1497) ou
Zanobi Strozzi (1412-1468). Il aura des suiveurs. Entre 1430 et 1460, il est très imité. Son
premier disciple est Fra Filippo Lippi (1406-1469), qui a fait partie du même couvent. Après
le mort de Fra Angelico, il poursuivra ses recherches au travers d’une peinture simple, claire
et lumineuse.
Justement, de quelle nature est cette « lumière » annoncée dans le titre de l’exposition ?
La formule « Fra Angelico et les maîtres de la lumière » renvoie à la lumière naturelle qui
baigne les œuvres. Le relief et la découpe des formes sont donnés par les effets de celle-ci.
Avec Fra Angelico et les artistes de son temps, on assiste au passage de la représentation
d’une lumière divine, « artificielle », à celle de la lumière réelle qui éclaire les paysages de
Toscane. C’est ce que nous souhaitons montrer en confrontant une trentaine de peintures
du maître avec une vingtaine d’œuvres de ses contemporains et suiveurs.
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De quelle manière avez-vous conçu le parcours de visite ?
En ouverture, nous avons recréé un scriptorium, pour évoquer ce lieu particulier où les
moines copiaient et enluminaient les textes sacrés. Fra Angelico a commencé à exercer sa
pratique artistique de cette façon-là. Cette section présente des manuscrits enluminés de
Lorenzo Monaco qui montrent le passage de l’esprit gothique à celui de la Renaissance et
elle évoque le contexte religieux de l’époque. Celui d’un retour à la rigueur, basé sur un
profond respect des règles monacales, l’obéissance, la chasteté et, surtout, la pauvreté. Puis
Fra Angelico est étudié à la lumière d’autres artistes. Sa Vierge au raisin, l’un de ses premiers
panneaux, aux lignes sinueuses sur fond d’or, est mise en regard avec des œuvres de
Lorenzo Monaco, de Gentile da Fabriano (vers 1370-1427), de Masolino da Panicale (13831440) ou de Paolo Uccello (1397-1475). Après une série de prédelles et une salle dédiées aux
Vierges d’humilité qui met en lumière l’évolution stylistique de Fran Angelico, sont réunis
des chefs-d’œuvre comme le Couronnement de la Vierge du musées des Offices de Florence,
le retable de Cortone commandé par les Médicis, le Triptyque du Jugement dernier créé à la
demande d’un proche du pape, qui provient de la galerie Corsini, à Rome. Autant de prêts
exceptionnels qui font de cette exposition un événement.
Paollo UCELLO
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